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28/11/2012 | FRANCE | N°11/17490

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 28 novembre 2012, 11/17490


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 28 NOVEMBRE 2012

(no 297, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/17490

Décision déférée à la Cour :

jugement du 21 septembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 11/08386

APPELANT

Monsieur Maxime X...

...

80000 AMIENS

représenté et assisté de Me Chantal-Rodene BODIN CASALIS avocat au barreau de PARIS (toque : L0066) et de

Me Fiodor RILOV avocat au barreau de PARIS (toque : P 157) SCP NOUVEL RILOV SANTULLI

INTIMEE

ASSEMBLEE NATIONALE représentée par son pr...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 1

ARRET DU 28 NOVEMBRE 2012

(no 297, 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/17490

Décision déférée à la Cour :

jugement du 21 septembre 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG no 11/08386

APPELANT

Monsieur Maxime X...

...

80000 AMIENS

représenté et assisté de Me Chantal-Rodene BODIN CASALIS avocat au barreau de PARIS (toque : L0066) et de Me Fiodor RILOV avocat au barreau de PARIS (toque : P 157) SCP NOUVEL RILOV SANTULLI

INTIMEE

ASSEMBLEE NATIONALE représentée par son président en exercice

128 rue de l'Université

75355 PARIS 07 SP

représentée et assistée de la SCP GALLAND - VIGNES (Me Philippe GALLAND) avocats au barreau de PARIS (toque : L0010) et de Me Jérôme RIVIERE substituant Me Cyril FERGON de la SELAS ARCOLE avocat au barreau de PARIS (toque : J135)

PARTIE JOINTE

Le MINISTERE PUBLIC

pris en la personne de

Monsieur LE PROCUREUR GÉNÉRAL

près la Cour d'Appel de PARIS

élisant domicile en son parquet

au Palais de Justice

34 Quai des Orfèvres

75001 PARIS

Madame ARRIGHI de CASANOVA, avocat général, a fait connaître ses conclusions écrites.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 novembre 2012, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :

Monsieur Jacques BICHARD, Président

Madame Maguerite-Marie MARION, Conseiller

Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Madame Noëlle KLEIN

MINISTERE PUBLIC

Madame ARRIGHI de CASANOVA , substitut général a fait connaître ses conclusions écrites.

ARRET :

- contradictoire

- rendu publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, Président

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jacques BICHARD, Président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

******************

A la suite d'incidents survenus le 16 mars 2011 à l'Assemblée Nationale, M. Maxime X..., député de la Somme qui a été convoqué le 23 mars suivant par le président de l'Assemblée Nationale, a fait l'objet, le même jour, d'une sanction prise par le bureau de l'Assemblée Nationale en application de l'article 74 du Règlement, à savoir la censure avec exclusion temporaire .

Cette sanction, conformément aux article 73-6 et 76-2 dudit règlement, a entraîné l'interdiction pour ce député de paraître et de participer aux travaux jusqu'à l'expiration du 15ème jour de séance qui suit celui au cours duquel la mesure a été prononcée et la privation de la moitié de l'indemnité parlementaire pendant deux mois .

Afin qu'il soit mis fin à l'application de cette sanction, M. Maxime X..., par requête du 28 mars 2011, a saisi le juge des référés du Conseil d'Etat qui, par ordonnance du 28 mars 2011, a estimé qu'il ne lui appartenait pas de se prononcer sur des sanctions relevant des pouvoirs de la représentation nationale et se rattachant à l'exercice de celle-ci .

C'est dans ces conditions que par acte du 13 avril 2011, il a assigné l'Assemblée Nationale en nullité de la sanction prise à son encontre devant le tribunal de grande instance de Paris dont le jugement rendu le 21 septembre 2011est déféré à cette cour .

***

Vu le jugement entrepris qui a déclaré M. Maxime X... recevable en sa demande mais l'en a débouté et l'a condamné aux dépens .

Vu la déclaration d'appel déposée le 28 septembre 2011 par M. Maxime X... .

Vu l'ordonnance rendue le 27 mars 2012 par le magistrat chargé de la mise en état qui a débouté l'Assemblée Nationale de sa demande tendant à ce que soit déclaré caduc l'appel interjeté par M. Maxime X... .

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 4 septembre 2012 .

Vu l'arrêt rendu le 7 novembre 2012 par cette cour qui a demandé à l'Assemblée Nationale de régulariser ses écritures afin que celle-ci soit régulièrement représentée à la procédure par son président en exercice ;

Vu les dernières conclusions déposées le :

26 juin 2012 par M. Maxime X... qui, au visa de l'article 66 de la Constitution de 1958, des articles 13, 19 et 23 de la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, des décisions des 19 et 20 janvier 1981 rendues par le Conseil Constitutionnel, de l'article 5 du Préambule de la Constitution de 1946, de l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, des articles 6, 10 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales de 1950 :

¤ demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en ce qu'il a retenu la compétence du juge judiciaire,

- infirmer pour le surplus ledit jugement et statuant à nouveau :

* prononcer la nullité de la sanction prise à son encontre,

* condamner l'Etat à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens .

¤ et fait essentiellement valoir :

- à titre préliminaire, son intérêt à agir bien que n'étant plus député,

- la limitation de ce qui apparaissait autrefois comme une souveraineté absolue des assemblées parlementaires, tant du point de vue de l'adoption de la loi, que de celui du fonctionnement interne desdites assemblées,

- le caractère fondamental du droit au recours juridictionnel pour tout citoyen afin de contester l'action des pouvoirs publics,

- la convergence des jurisprudences judiciaire, administrative, constitutionnelle et européenne quant à la possibilité pour tout justiciable de porter devant un juge une décision dont il estime qu'elle lui fait grief, toute solution le privant de ce droit constituant un déni de justice, ainsi qu'une méconnaissance des principes constitutionnels et supranationaux,

- la nécessaire compétence du juge judiciaire après que le juge administratif s'est déclaré incompétent sous peine de violation du droit à l'accès au juge, garanti par le code Civil et la Convention européenne des droits de l'homme,

- la possibilité pour un élu du peuple, représentant de la Nation, de contester devant le juge judiciaire, gardien des libertés individuelles, la sanction prise à son encontre portant atteinte au dites libertés individuelles, qui doit donner lieu à une définition large résultant d'une lecture combinée de l'article 66 de la Constitution de 1958 et d'autres textes de valeur constitutionnelle et ceci alors qu'il a été porté atteinte à sa liberté d'aller et venir, sa liberté de travail, ce qui a eu des conséquence financières, sa liberté d'opinion et d'expression et que la sanction de censure avec suspension temporaire heurte de manière frontale les principes les plus élémentaires qui gouvernent le droit répressif .

21 novembre 2012 par l'Assemblée Nationale qui, au visa de l'article 3 de la Constitution relatif à la souveraineté nationale, des articles 24 et suivants de la Constitution de la République Française relatifs au Parlement, des principes à valeur constitutionnelle de séparation des pouvoirs et de séparation des deux ordres juridictionnels, de la loi des 16 et 24 août 1790, des articles 6 et 13 de la Convention Européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés, des article 908 et 954 du code de procédure civile :

¤ demande à la cour de :

- à titre principal, déclarer nul l'appel interjeté par M. Maxime X...,

- à titre subsidiaire, infirmer le jugement déféré et statuant à nouveau :

* constater son incompétence,

* subsidiairement constater le défaut d'intérêt à agir de M. Maxime X... aux termes de l'article 31 du code de procédure civile,

- condamner M. Maxime X... à lui verser une indemnité de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux dépens .

¤ et fait essentiellement valoir :

- la nullité des conclusions d'appel prises par M. Maxime X... au regard de l'article 954 du code de procédure civile et par voie de conséquence, le délai prévu par l'article 908 du même code étant expiré, la caducité de sa déclaration d'appel,

- le principe de la séparation des pouvoirs consacré comme ayant une valeur constitutionnelle par le Conseil Constitutionnel,

- la compétence de l'organe d'une assemblée parlementaire qui a pris la décision contestée dans l'exercice d'une prérogative de puissance publique, prévue et organisée au chapitre 14 du règlement de l'Assemblée Nationale, qui est l'expression de la souveraineté nationale et n'est pas assimilable à une atteinte portée à un droit, à caractère civil ou pénal,

- l'impossibilité de tirer argument de l'article 66 de la Constitution consacrant l'autorité judiciaire comme gardienne de la liberté individuelle, alors que cette autorité n'a pas vocation à connaître de la totalité des mesures portant atteinte à la liberté individuelle, telles les mesures de police administrative et alors que M. Maxime X... n'a pas subi de privation d'aller et venir,

- la possibilité pour la loi nationale d'organiser et de limiter le droit de libre circulation pourtant énoncé par l'article 13 de la déclaration universelle des droits de l'homme,

- la jurisprudence de Conseil constitutionnel, gardien naturel de la hiérarchie des normes édictées par l'article 55 de la Constitution et donc de la suprématie des traités sur les lois qui a eu à apprécier la conformité du règlement de l'assemblée Nationale depuis sa première édition jusqu'à ses dernières modifications et qui n'a jamais critiqué aucune des dispositions du chapitre 14 dudit règlement, notamment le principe d'absence de recours contre les décisions du bureau de l'Assemblée Nationale,

- l'absence de déni de justice dès lors que le véritable débat porte sur une décision prise par un corps constitué de l'Etat exerçant une prérogative ressortissant de l'exercice de la souveraineté nationale,

- l'absence de compétence du juge judiciaire par défaut de la compétence administrative,

- le caractère inopérant des développements de M. Maxime X... sur les articles 6, 10 et 13 de la Convention européenne,

- le caractère non assimilable de la sanction disciplinaire infligée à M. Maxime X... à une peine pénale,

- l'absence d'intérêt à agir de M. Maxime X... en raison de sa volonté exprimée dans son courrier du 16 mai 2011de ne plus exercer son mandat de député .

Vu l'avis émis par le Ministère Public qui conclut à l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré M. Maxime X... recevable après avoir rappelé :

- le principe de la séparation des pouvoirs qui a pour corollaire celui de l'autonomie des assemblées parlementaires qui sont ainsi maîtresses de leurs règlements qui tirent leur légitimité de leur élaboration par des élus de la Nation sous le contrôle prévu par l'article 61 de la Constitution de 1958 du Conseil Constitutionnel,

- l'absence de tout déni de justice ou d'atteinte à un procès équitable dans la mesure où la sanction en cause constitue une mesure d'ordre individuel, revêtant à ce titre un caractère exclusivement disciplinaire, d'une nature particulière puisque décidée souverainement par une Assemblée parlementaire en application de son règlement examiné par le Conseil Constitutionnel et accepté par le parlementaire lorsqu'il est élu.

SUR QUOI LA COUR

Considérant en premier lieu que la question de la nullité de l'appel soulevée par l'Assemblée Nationale, en réalité la caducité de celui-ci, au regard des dispositions des articles 908 et 954 du code de procédure civile, a été tranchée par le magistrat de cette chambre chargé de la mise en état des affaires qu'elle connaît, dans sa décision du 27 mars 2012 ;

que cette décision n'ayant pas été déférée à la cour dans les conditions prévues par l'article 945 du code de procédure civile, la présente demande est dès lors irrecevable ;

Considérant que le règlement de l'Assemblée Nationale détermine les peines disciplinaires applicables à ses membres ;

que le régime de sanction ainsi prévu fait partie du statut du parlementaire dont les règles particulières découlent de la nature même de ses fonctions ;

que ce régime se rattache à l'exercice de la souveraineté nationale par les membres du Parlement;

que si l'autorité judiciaire peut, dans certains cas, connaître de la validité des actes administratifs lorsqu'ils portent atteinte aux libertés fondamentales, le principe de la séparation des pouvoirs qui a valeur constitutionnelle ne lui permet pas en revanche de connaître d'une sanction individuelle de nature strictement disciplinaire, limitée dans le temps et dans l'espace, émanant d'un organe de la souveraineté nationale ;

que les assemblées sont ainsi maîtresses de leurs règlements qui tirent leur pleine et entière légitimité de leur élaboration par les élus de la Nation sous le contrôle prévu par l'article 61 de la Constitution de 1958, du Conseil Constitutionnel qui a eu ainsi à apprécier le règlement de l'Assemblée Nationale depuis sa première édition sans qu'il ait eu à exercer sa censure ;

que la demande présentée par M. Maxime X... échappe en conséquence à l'appréciation de la cour ;

Considérant dès lors qu'il n'apparaît plus nécessaire d'examiner la fin de non recevoir soulevée par l'Assemblée Nationale, tirée du défaut d'intérêt à agir de M. Maxime X... au motif que celui-ci a démissionné de son mandat de député et que cette démission sera effective à la date où cette juridiction doit statuer ;

Considérant que l'équité commande d'accorder à l'Assemblée Nationale une indemnité en application de l'article 700 du code de procédure civile d'un montant de 4 000 euros ;

PAR CES MOTIFS

Déclare l'Assemblée Nationale irrecevable en son moyen visant à la caducité de l'appel interjeté par M. Maxime X... .

Infirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a condamné M. Maxime X... aux dépens .

Statuant à nouveau dans cette limite,

Dit que la demande présentée par M. Maxime X... échappe à son pouvoir d'appréciation .

Condamne M. Maxime X... à verser à l'Assemblée Nationale une indemnité de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile .

Condamne M. Maxime X... aux dépens dont distraction au profit de Maître Galland, avocat au barreau de Paris, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/17490
Date de la décision : 28/11/2012
Sens de l'arrêt : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2012-11-28;11.17490 ?
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