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28/11/2012 | FRANCE | N°11/07558

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 6, 28 novembre 2012, 11/07558


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6



ARRÊT DU 28 Novembre 2012

(n° 10 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07558 - BVR



Décision déférée à la Cour : Arrêt de la Cour de Cassation en date du 31 mai 2011, venant sur un arrêt de la Cour d'Appel de Paris (Pôle 6 chambre 11) en date du 24 Septembre 2009, venant sur un jugement rendu le 21 Mars 2007 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n°

06/01487







APPELANT

Monsieur [S] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Jean LEMOINE, avocat au barreau de ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 6

ARRÊT DU 28 Novembre 2012

(n° 10 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/07558 - BVR

Décision déférée à la Cour : Arrêt de la Cour de Cassation en date du 31 mai 2011, venant sur un arrêt de la Cour d'Appel de Paris (Pôle 6 chambre 11) en date du 24 Septembre 2009, venant sur un jugement rendu le 21 Mars 2007 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n° 06/01487

APPELANT

Monsieur [S] [C]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Jean LEMOINE, avocat au barreau de GRASSE

INTIMÉE

FEDERATION NATIONALE DU CREDIT AGRICOLE

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Gilles BRIENS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 23 Octobre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère, faisant fonction de Président

Madame Claudine ROYER, Conseillère

Mme Laurence GUIBERT, Vice-présidente placée par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 3 septembre 2012

qui en ont délibéré

Greffier : Véronique LAYEMAR, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE Conseillère faisant fonction de Président, et par Madame Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES

Par arrêt du 31 mai 2011, la Chambre Sociale de la Cour de Cassation a cassé et annulé, mais seulement en ce qu'il a débouté monsieur [C] de ses demandes de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de bénéficier d'une "retraite chapeau" et de la clause de non-concurrence, l'arrêt rendu le 24 septembre 2009, entre les parties, par la cour d'appel de Paris; remis, en conséquence, sur ces points, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris, autrement composée, enfin condamné la Fédération Nationale du Crédit Agricole aux dépens et à une indemnité 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile .

Vu la déclaration de saisine de la cour de renvoi du 21 juin 2011.

Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 23 octobre 2012, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments;

* * *

Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants :

Suivant lettre du 28 janvier 2004 valant contrat de travail à durée indéterminée, la Fédération Nationale du Crédit Agricole a embauché monsieur [S] [C] à compter du 16 février 2004, en qualité de directeur général, moyennant une rémunération brute mensuelle de 14'745,90 €, outre la mise à disposition d'un véhicule de fonction, avantage en nature chiffré à 375 € bruts par mois. La titularisation du salarié dans ses fonctions devait intervenir à l'issue d'une période d'essai d'une année, soit le 16 février 2005.

La Fédération Nationale du Crédit Agricole applique la convention collective des cadres de direction des Caisses Régionales du Crédit Agricole Mutuel.

Aux termes d'un accord signé le 16 février 2004, monsieur [S] [C] a été détaché auprès de la SAS [Adresse 7] pour une durée de deux ans.

Le 21 décembre 2005, le salarié a été convoqué à un entretien préalable pour le 4 janvier 2006 .

Par courrier du même jour, la Fédération Nationale du Crédit Agricole a saisi la commission nationale de conciliation instituée par l'article 16 de la convention collective des cadres de direction de caisses régionales pour donner un avis sur tous les différends entre un conseil d'administration et un cadre de direction susceptible d'entraîner notamment son licenciement.

Le 19 janvier 2006, la commission nationale de conciliation a considéré à l'unanimité, qu'une conciliation entre les deux parties en présence était possible et souhaitable' et à l'unanimité, si à regret cette tentative de conciliation ne pouvait aboutir, compte tenu des éléments constatés, que le projet de licenciement pour motif réel et sérieux de monsieur [S] [C] était justifié.'

Le 25 janvier 2006, monsieur [S] [C] a été licencié pour insuffisance professionnelle caractérisée par un manque d'écoute, un manque de souplesse, des difficultés managériales et dispensé de l'exécution de son préavis de 6 mois ; parallèlement il a perçu une une indemnité conventionnelle de licenciement de 177.4233 euros .

Contestant ce licenciement, monsieur [C] a saisi le conseil de prud'hommes de PARIS qui, par jugement en date du 21 mars 2007, a condamné l'employeur à lui payer la somme de 40'000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, le surplus de ses demandes étant rejeté.

Sur appel interjeté par monsieur [C], la cour d'appel de Paris, dans un arrêt du 24 septembre 2009 a:

' confirmé le jugement déféré en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes en paiement d'un rappel de gratification , de dommages-intérêts pour perte d'une chance sur le bénéfice d'une retraite chapeau, d'une indemnisation au titre de la clause de non concurrence et de sa demande en publication de jugement.

' l'infirmant sur le surplus.

' condamné la Fédération Nationale du Crédit Agricole à payer au salarié les sommes de:

- 80'000 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement abusif,

- 20'000 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice consécutif à la divulgation de son licenciement,

- 3 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur pourvois de la Fédération Nationale du Crédit Agricole et de monsieur [C], la chambre sociale de la Cour de Cassation, a cassé et annulé la décision attaquée, mais seulement en ce qu'elle a débouté le salarié de ses demandes de dommages-intérêts au titre de la perte de chance de bénéficier d'une rémunération différée et de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence.

C'est dans ces conditions que l'affaire a été renvoyée devant la cour autrement composée, pour qu'il soit statué sur le fond de ces demandes.

SUR CE

Sur la perte de la chance pour le salarié de bénéficier d'une rémunération différée

Considérant que l'accord du 17 avril 2003, conclu entre la Fédération Nationale du Crédit Agricole et le Syndicat National des Cadres de Direction des Caisses Régionales de Credit Agricole Mutuel a mis en place un régime de retraite à prestations définies, en ce qu'il a pour objet de procurer à une catégorie de salariés, en contrepartie d'un travail accompli au service de l'employeur pendant 15 ans, un avantage consistant en la garantie, sous condition de leur présence dans l'entreprise jusqu'à l'âge de la retraite, du versement d'un complément de pension de retraite qui ne peut être individualisé qu'au moment de son règlement ;

Que si ce régime ne confère, au salarié, aucun droit acquis à bénéficier d'une quote-part de la pension en cas de rupture de son contrat de travail avant l'âge de la retraite, la perte d'une chance de pouvoir, du fait d'une rupture intervenue sans cause réelle et sérieuse, bénéficier un jour de l'avantage de retraite applicable dans l'entreprise, constitue, en revanche un préjudice qui doit être réparé, peu important l'ancienneté du salarié;

Considérant que monsieur [C] demande de ce chef une somme de 825.000 euros en faisant valoir d'une part, que l'avantage dont il a été privé, prévoyait, notamment dès 50 ans, une protection contre le risque d'invalidité et incluait une protection spécifique au bénéfice de sa famille, d'autre part qu'il justifiait d'un profil de carrière induisant une progression salariale importante, qu'en outre, un départ à la retraite à l'âge de 62 ans, aurait généré en une retraite complémentaire d'un montant de 3.331.530 euros, qu'enfin la probabilité pour lui de bénéficier d'une retraite conventionnelle, au regard des risques de décès, disparition du régime, défaut de l'entreprise, mutation, démission de sa part ou licenciement pour motif réel et sérieux, était forte;

Et considérant que monsieur [C], était âgé de 46 ans au moment du licenciement, que sa retraite était encore lointaine et les aléas nombreux, qu'il justifiait d'une ancienneté inférieure à deux années, que dès le 9 mars 2006 soit pendant le cours de son préavis, il a réintégré le Conseil d'Etat dont il a bénéficié des dispositifs notamment en matière de retraite et de prévoyance;

Considérant dès lors, compte tenu de l'ensemble des éléments soumis aux débats, que son préjudice né de cette perte de chance, sera évalué à la somme de 5.000 euros;

- sur la demande de dommages-intérêts pour le respect d'une clause de non-concurrence illicite

Considérant qu'aux termes de l'article 14, alinéa 1er de la convention collective des cadres de direction de la caisse de crédit agricole mutuel, au cas où un cadre de direction viendrait à quitter la caisse régionale par suite de démission, mise à la retraite, licenciement ou pour toute autre cause, il s'engage pour une durée de deux années à compter du jour de son départ, à n'exercer au service de sociétés particulières, établissements, organismes ou entreprises quelconques effectuant des opérations de banque, crédit, épargne, prêt, escompte, placement, aucune activité professionnelle dans la circonscription de la caisse régionale et les départements limitrophes;

Considérant, tout d'abord, que contrairement à ce que soutient la Fédération Nationale du Crédit Agricole, cette clause s'applique aux cadres de sa direction dans la mesure où la convention collective nationale des cadres de direction des caisses régionales a été étendue aux cadres de la Fédération;

Considérant, ensuite, que cette clause conventionnelle est opposable au salarié même en l'absence de mention à son contrat de travail;

Et considérant qu'une clause de non-concurrence n'est licite que si elle comporte l'obligation pour l'employeur de verser au salarié une contrepartie financière ;

Que force est de constater qu'en l'espèce , la clause de non concurrence ne comportait aucune contrepartie financière de sorte qu'elle doit être déclarée nulle;

Et considérant que la stipulation dans le contrat de travail d'une clause de non-concurrence nulle cause nécessairement un préjudice au salarié;

Considérant que monsieur [C] sollicite une réparation à hauteur de 453.056 euros soit l'équivalent de ses salaires pendant la période d'interdiction, aux motifs qu'il a été privé de la possibilité de valoriser son expérience bancaire;

Considérant toutefois, que monsieur [C], à l'origine conseiller d'état, a intégré le milieu bancaire en 2002; qu'il n'a donc exercé dans ce secteur que pendant une durée de 4 ans avant son licenciement; qu'il n'a pu retrouver, selon ses dires, d'emploi correspondant à son niveau de responsabilité dans ce secteur, ce qui implique qu'il a effectivement recherché un travail dans ce domaine à l'issue de son licenciement, comme le confirment ses démarches auprès du groupe Dexia; que dans ces conditions, il a réintégré dès mars 2006, le Conseil d'Etat qui lui a permis, toujours selon ses déclarations, de retrouver un emploi valorisant et motivant à la section du contentieux et des finances;

Que le 13 février 2008, il a été autorisé à cumuler ses fonctions de conseiller d'état à temps plein avec le mandat social de président de la SAS Canton Consulting qu'il a créée; que le 13 octobre 2011, il a été placé en disponibilité du Conseil pour se consacrer au développement de cette société laquelle emploie aujourd'hui 4 salariés; qu'ainsi au titre des deux années 2006 et 2007, il a perçu une somme totale brute de salaires de 425.034 euros soit l'équivalent de sa rémunération au sein de la Fédération Nationale du Crédit Agricole;

Qu'au regard de l'ensemble des éléments ainsi examinés, il lui sera accordé, en réparation de son préjudice de ce chef, une somme de 5.000 euros ;

Que l'équité commande enfin de laisser à chaque partie la charge de ses frais non répétibles, la Fédération Nationale du Crédit Agricole étant condamnée au dépens;

PAR CES MOTIFS

Vu l'arrêt de la cour de cassation du 31 mai 2011,

Infirme le jugement en ce qu'il a débouté le salarié de ses demandes au titre de la perte de la chance de bénéficier d'une rémunération différée et de l'indemnisation de la clause de non concurrence,

Statuant à nouveau de ces chefs ,

Condamne la Fédération Nationale du Crédit Agricole à verser à monsieur [C]:

- 5.000 euros : au titre de la perte de la chance de bénéficier d'une rémunération différée

- 5.000 euros : au titre de l'indemnisation de la clause de non concurrence

Laisse à chaque partie la charge de ses frais non répétibles,

Condamne la Fédération Nationale du Crédit Agricole aux dépens.

LE GREFFIER P/LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 6
Numéro d'arrêt : 11/07558
Date de la décision : 28/11/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K6, arrêt n°11/07558 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-28;11.07558 ?
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