Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRET DU 27 NOVEMBRE 2012
(n° , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/13544
Enlèvement d'enfants
(Convention de la Haye du 25 octobre 1980)
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 05 Juillet 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/37166
APPELANT
Monsieur [S] [C] [V] né le [Date naissance 4] 1977 à [Localité 13] (Algérie)
Chez Me OUSSET
[Adresse 3]
[Localité 7]
représenté par Me Sylvie CHARDIN, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L0079
assisté de Me Dominique OUSSET, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque : D 1391
INTIMES
Madame [T] [K] né le [Date naissance 2] 1974 à [Localité 10] (Belgique)
COMPARANTE
[Adresse 9]
[Adresse 1]
(BELGIQUE)
représentée par Me Alexandre BOICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : B759 et Me Carmela-Milena LICCARDO du barreau de [Localité 10]
Le MINISTÈRE PUBLIC agissant en la personne de Monsieur le PROCUREUR GÉNÉRAL près la Cour d'Appel de PARIS
élisant domicile en son parquet au [Adresse 15]
représenté par Monsieur MADRANGES, avocat général
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 novembre 2012, en Chambre du Conseil, le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Monsieur ACQUAVIVA, président
Madame CHADEVILLE, présidente, magistrat déléguée à la protection de l'enfance, désignée pour compléter la cour, par ordonnance de roulement portant organisation des services rendue le 27 juillet 2012 par Monsieur le Premier Président de la Cour d'appel de Paris
Madame DALLERY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame PATE
MINISTÈRE PUBLIC : représenté lors des débats par Monsieur MADRANGES, avocat général, qui a formulé des observations
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur ACQUAVIVA, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.
Monsieur [V] et Madame [T] [K] se sont mariés le [Date mariage 5] 2008 à [Localité 14] (Angleterre).
De leur union est issu un enfant :
- [M] né le [Date naissance 6] 2010 à [Localité 17] (Belgique).
Par requête du 18 avril 2011, Madame [K] a saisi la juridiction belge d'une demande en divorce.
Monsieur [V] a saisi de son côté le juge anglais d'une demande en divorce le 5 mai 2011.
Par décision du 5 mai 2011, le juge de la High Court de Londres, division des affaires familiales, statuant sur le fondement de l'article 20 du Règlement CE du Conseil n°2201/2003 du 27 novembre 2003 a :
- sursis à statuer sur toute procédure en cours en Angleterre relative à la législation sur le divorce et les enfants, dans l'attente de la décision des tribunaux belges quant à la juridiction compétente quant au divorce, à l'aide financière et à l'autorité parentale dans le cadre de la procédure engagée devant le tribunal de première instance de [Localité 10] le 18 avril 2011,
- dit que jusqu'à nouvel ordre, l'enfant résidera avec la mère en Belgique,
- accordé aux frais partagés des parents un droit de visite au père sous condition de remise établie de son passeport algérien, une fin de semaine sur deux du vendredi 17h au dimanche 17 h en Angleterre à charge pour la mère de conduire l'enfant au terminal de l'Eurostar de Londres et pour le père de communiquer l'adresse du lieu de résidence de [M] durant son séjour,
- modifié la procédure d'alerte dans les ports instaurée par une précédente ordonnance pour permettre à l'enfant de voyager entre la Belgique et la France uniquement.
Par décision du 11 janvier 2012, le juge du tribunal de première instance de [Localité 10], siégeant en référé, a considéré que [M] avait sa résidence habituelle en Belgique et s'est retenu compétent pour statuer sur les mesures provisoires sur le fondement du droit belge et a renvoyé les parties à une audience ultérieure aux fins d'établissement d'un calendrier de procédure.
Monsieur [V] a relevé appel de cette décision.
Celui-ci n'ayant pas ramené l'enfant à l'issue du droit de visite et d'hébergement exercé le 2 mars 2011, l'Etat belge a, ensuite de la localisation de l'enfant sur le territoire français courant avril 2012 et de l'opposition manifestée par le père lors de son audition par les services de police le 26 avril 2012 à la remise de [M] à sa mère motif pris de l'appartenance de cette dernière à une secte et de sa volonté de scolariser celui-ci en Inde, saisi l'autorité centrale française d'une demande de retour, par application de la convention de la Haye du 25 octobre 1980.
C'est dans ces conditions que par acte d'huissier du 13 juin 2012, le Procureur de la République près le tribunal de grande instance de Paris a fait assigner Monsieur [V] devant le juge aux affaires familiales de cette juridiction à l'effet de voir, sur le fondement de la convention de la Haye du 25 octobre 1980 et des dispositions du Règlement CE du Conseil n°2201/2003 du 27 novembre 2003 :
- déclarer illicite le déplacement sur le territoire français de l'enfant mineur,
- ordonner, avec exécution provisoire, son retour immédiat en Belgique.
Par ordonnance du 5 juillet 2012 assortie de l'exécution provisoire, le juge aux affaires familiales a :
- constaté que la rétention de l'enfant [M] est illicite,
- dit qu'il existe un risque grave que le retour de l'enfant ne l'expose à un danger physique ou psychique ou de toute manière ne le place dans une situation intolérable,
- constaté que l'autorité centrale belge s'est engagée à prendre toutes mesures utiles pour assurer la protection de l'enfant,
- ordonné, en conséquence, son retour immédiat en Belgique, lieu provisoire de sa résidence habituelle,
- condamné Monsieur [V] à payer à Madame [K] une somme de 3.500 euros au titre de l'article 26 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980 ainsi qu'aux dépens, hors frais de localisation.
Par déclaration du 18 juillet 2012, Monsieur [V] a relevé appel de cette décision.
Vu les conclusions signifiées par Monsieur [V] le 14 septembre 2012 tendant à l'infirmation de la décision déférée et au rejet de la mesure sollicitée au motif que l'enfant est susceptible d'encourir un danger physique et psychique en cas de retour immédiat en Belgique et qu'en raison de la particularité du danger aucune garantie n'est apportée que des mesures adéquates seront prises pour protéger efficacement et durablement l'enfant en cas de retour.
Vu les conclusions emportant appel incident signifiées le 31 octobre 2012 par Madame [K] qui demande à la Cour de :
- dire, à titre principal, nulle et de nul effet la déclaration d'appel, faute pour Monsieur [V] d'indiquer son domicile,
- de déclarer, à titre subsidiaire, irrecevables pour le même motif les écritures de Monsieur [V],
- de confirmer, très subsidiairement la décision déférée en ce qu'elle a constaté le caractère illicite du déplacement de l'enfant et ordonné son retour en Belgique,
- d'ordonner, en conséquence, que Monsieur [V] ramène l'enfant en Belgique dans les 48 heures suivant la signification de la décision à intervenir, étant précisé que Monsieur [V] devra fournir au plus tard, au jour de l'audience de plaidoiries, l'adresse où il se trouve avec l'enfant en France,
- dire qu'à défaut pour Monsieur [V] d'avoir exécuté les termes de la décision à intervenir dans les 48 heures suivant sa signification, Madame [K] sera autorisée à venir chercher l'enfant à l'adresse que le père aura indiquée,
- dire qu'à défaut pour Monsieur [V] d'avoir exécuté les termes de la décision à intervenir dans les 48 h suivant sa signification, il soit condamné à une astreinte de 500 euros par jour de retard ;
- confirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné Monsieur [V] à verser la somme de 3.500 euros au titre de l'article 26 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980, et, y ajoutant, condamner Monsieur [V] au paiement sur ce même fondement d'une somme complémentaire de 15.000 euros.
SUR QUOI ,
Considérant, sur le moyen tiré de la nullité de la déclaration d'appel, qu'aux termes de l'article 901 du code de procédure civile, la déclaration d'appel doit contenir les mentions qui sont prescrites à peine de nullité par l'article 58 du même code, et notamment pour les personnes physiques, celle de leur domicile ;
Considérant que cette indication doit s'entendre du domicile réel et actuel ;
Considérant que l'élection de domicile de Monsieur [V] chez son avocat qui n'a d'effet que pour l'accomplissement des actes de procédure, ne peut répondre à cette exigence ;
Considérant qu'interpellé à l'audience, le conseil de Monsieur [V] a fait connaître qu'il n'avait pas reçu mandat de son client de révéler le lieu de son adresse effective en France;
Considérant que l'irrégularité qui affecte la déclaration d'appel est constitutive d'un vice de forme en sorte que la nullité de l'acte ne peut être prononcée qu'à charge pour la partie qui l'invoque de prouver le grief que lui cause cette irrégularité ;
Considérant qu'en l'espèce, la dissimulation, par l'appelant, de son domicile réel actuel en ce qu'elle vise à faire obstacle à l'exécution de la décision déférée, assortie de l'exécution provisoire, fait grief à. Madame [K] qui est, par suite, fondée à exciper de la nullité de la déclaration d'appel ;
Considérant que l'appel principal formé par Monsieur [V] doit, dès lors, être déclaré irrecevable.
Considérant que la Cour demeure néanmoins saisie de l'appel incident formé par Madame [K] en ce que celle-ci sollicite que soient prescrites des mesures complémentaires destinées à vaincre la résistance que pourrait opposer Monsieur [V] à l'exécution de la décision ordonnant le retour de l'enfant dans son pays de résidence habituelle.
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 960 et 961 du Code de procédure civile que les conclusions des parties ne sont pas recevables tant que n'ont pas été fournies, s'il s'agit d'une personne physique, les indications relatives à ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance ;
Considérant que Madame [K] fait justement valoir que les conclusions notifiées par Monsieur [V] le 14 septembre 2012 comportent mention d'un domicile élu chez son conseil en sorte qu'elles ne satisfont pas aux prescriptions du texte sus-visé qui imposent la mention du domicile réel ;
Considérant que les conclusions déposées par Monsieur [V] doivent être, en conséquence, déclarées irrecevables.
Considérant que pour des motifs pertinents que la cour fait siens le premier juge a considéré à bon droit que le déplacement et la rétention de l'enfant [M] par son père sur le territoire français devaient être regardés comme illicites au sens de l'article 3 de la Convention de la Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants et tout en retenant l'existence d'un risque grave que le retour de l'enfant ne l'expose à un danger physique ou psychique grave ou ne le place de toute manière dans une situation intolérable, a estimé, au regard des indications fournies par le procureur du Roi de Bruxelles, que des dispositions adéquates ayant été prises par les autorités belges compétentes pour assurer la protection de l'enfant après son retour, le retour immédiat de celui-ci en Belgique devait être ordonné ;
Considérant que la décision déférée doit être confirmée sauf à y ajouter que Monsieur [V] devra ramener l'enfant en Belgique dans les 48 heures suivant la signification de la décision à intervenir, à peine passé ce délai d'une astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard laquelle sera prononcée pour une période d'un mois à l'issue de laquelle la cour se réserve expressément le pouvoir de la liquider et d'ordonner, le cas échéant, une astreinte définitive, et à porter à la somme de 15.000 euros le montant de l'indemnité représentative de frais allouée à Madame [K] par application de l'article 26 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980.
PAR CES MOTIFS :
Vu les articles 58 et 901 du Code de procédure civile,
Prononce la nullité de la déclaration d'appel régularisée le 20 juillet 2012 par Monsieur [V].
Vu les articles 960 et 961 du Code de procédure civile,
Déclare irrecevables les conclusions notifiées par Monsieur [V] le 14 septembre 2012,
Confirme la décision déférée sauf à y ajouter que Monsieur [V] devra ramener l'enfant en Belgique dans les 48 heures suivant la signification de la décision à intervenir, à peine passé ce délai d'une astreinte provisoire de 300 euros par jour de retard et à porter, l'amendant de ce chef, à la somme de 15.000 euros le montant de l'indemnité représentative de frais allouée à Madame [K] par application de l'article 26 de la Convention de La Haye du 25 octobre 1980.
Dit que l'astreinte provisoire est prononcée pour une période d'un mois à l'issue de laquelle la cour se réserve expressément le pouvoir de la liquider et d'ordonner, le cas échéant, une astreinte définitive.
Condamne Monsieur [V] aux dépens qui seront recouvrés selon les modalités prescrites par l'article 699 du Code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT