Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 5
ARRET DU 22 NOVEMBRE 2012
(n° , 11 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/06832
Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 Février 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2010047364
APPELANTS
SAS MACRIS représentée par son Président
Ayant son siège
[Adresse 10]
Centre Commercial du Viaduc
[Localité 6]
Monsieur [G] [J]
Demeurant [Adresse 2]
[Localité 9]
Représentés par la SCP LAGOURGUE - OLIVIER en la personne de Me Charles-Hubert OLIVIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0029
Assistés de Me Florent DESARNAUTS, avocat au barreau de PARIS, toque : J46
INTIMÉES
Société ITM ALIMENTAIRE FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux
Ayant son siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]
Société ITM ENTREPRISES prise en la personne de ses représentants légaux
Ayant son siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentées par Me Bruno NUT, avocat au barreau de PARIS, toque : C0351
Assistées de Me Jean-Alain JONVEL, avocat au barreau de PARIS, toque : K2
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 octobre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Patricia POMONTI, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Colette PERRIN, Présidente
Madame Patricia POMONTI, Conseillère
Madame Valérie MICHEL- AMSELLEM, Conseillère
Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY
ARRÊT :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
La société ITM Alimentaire France (la société ITM Alimentaire) est une centrale d'approvisionnement qui, au sein du groupement de sociétés dénommé Les Mousquetaires, est chargée de coordonner et d'animer la politique commerciale. Elle a notamment pour mission de définir et d'animer la politique marketing des points de vente indépendants exploitant sous l'enseigne Intermarché.
M. [J] a fondé la société Macris aux fins d'exploiter un point de vente sous enseigne Intermarché à [Localité 6] dans la région de [Localité 9]. À ce titre, il a d'abord signé avec la société ITM Entreprises, autre filiale du groupe Les Mousquetaires, un contrat d'adhésion le 24 avril 1985, auquel a succédé, suivant avenant du 18 octobre 2005, un document de même nature intitulé « Charte d'adhésion ».
La société Macris, représentée par M. [J], son actionnaire majoritaire et dirigeant, a conclu plusieurs contrats d'enseigne successifs, le dernier en date du 30 avril 2009, dont le terme était fixé au 7 juillet 2009, devait se renouveler ensuite par tacite reconduction d'année en année.
La société ITM Alimentaire a développé un nouveau concept de points de vente sous enseigne Intermarché dénommé « Mag3 ». La société Macris, représentée par M. [J], a signé le 25 août 2008 une convention Mag3 avec la société ITM Alimentaire qui lui a octroyé un budget d'accompagnement destiné à l'aider à financer la mise en place du nouveau concept.
Dans le cadre de cette convention Mag3, la société Macris s'est, notamment, engagée « pendant une durée de cinq ans au moins à compter de la date de signature [de la convention], à maintenir l'exploitation de son fonds de commerce sous enseigne Intermarché ».
Par lettre du 22 décembre 2009, confirmée par une autre du 17 juin 2010, M. [J] a informé la société ITM Entreprises de ce qu'en sa qualité d'actionnaire majoritaire de la société Macris, il procèderait, en application de l'article 19.1.2 des statuts de celle-ci, à la conversion de la règle de l'unanimité des décisions collectives extraordinaires en une règle de majorité simple, à effet au 28 juin 2010, ce qui devait entraîner, concomitamment, la résiliation de plein droit du contrat d'enseigne le 28 juin 2010.
Par acte du 21 juin 2010, les sociétés ITM Alimentaire et ITM Entreprises, invoquant les obligations conclues dans le cadre de la convention Mag3, ont assigné en référé d'heure à heure la société Macris et M. [J] devant le président du tribunal de commerce de Paris aux fins d'ordonner aux défendeurs de « ne rien faire qui puisse (...) affecter l'usage de l'enseigne » Intermarché et de faire interdire la conversion de la règle de majorité.
Le président du tribunal de commerce de Paris, estimant qu'il existait « des problèmes nés de l'interprétation et des conditions d'exécution » du contrat en cause à renvoyé l'affaire à l'audience collégiale pour qu'il soit statué au fond.
Par un jugement en date du 21 février 2011, le Tribunal de commerce de Paris a :
- dit que la société Macris n'a pas commis de faute en procédant à la modification de ses statuts,
- dit que la société [Macris] est fondée à constater l'extinction du contrat d'enseigne à effet du 28 juin 2010,
- dit que la société Macris a violé son engagement contractuel envers la société ITM Alimentaire de ne « rien faire qui puisse dans un délai de cinq ans à compter de la date de la signature des présentes affecter l'usage de l'enseigne »,
- débouté la société ITM Entreprises et la société ITM Alimentaire de leur demande d'exécution forcée,
- condamné la société Macris à rembourser à titre de dommages et intérêts à la société ITM alimentaire la totalité des sommes perçues au titre de la convention Mag3,
- débouté la société ITM Entreprises et la société ITM Alimentaire de toutes leurs demandes à l'encontre de M. [J],
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
- condamné in solidum la société ITM Entreprises et la société ITM Alimentaire à payer à M. [J] la somme de 3.000 euros au titre de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Macris à payer à la société ITM Alimentaire la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Vu l'appel interjeté le 8 avril 2011 par la société Macris contre cette décision.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 26 mars 2012, par lesquelles la société Macris et M. [J] demandent à la Cour de :
- confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce de Paris le 21 février 2011, en ce qu'il a :
- dit que la société Macris est fondée à constater l'extinction du contrat d'enseigne à effet du 28 juin 2010,
- rejeté la demande d'exécution forcée de la convention Mag3.
- réformer pour le surplus,
Et statuant de nouveau,
A titre principal,
- déclarer irrecevable la société ITM Entreprises en l'absence d'intérêt à agir.
- constater que du fait de l'indivisibilité des contrats, la résiliation du contrat d'enseigne entraîne l'anéantissement de la convention Mag3 concernant uniquement le « design et à la décoration » de l'hypermarché,
En conséquence,
- débouter les intimées en toutes leurs demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
- constater que la société ITM Alimentaire France n'établit pas la réalité du préjudice allégué,
En conséquence,
- débouter de plus fort la société ITM Alimentaire de l'intégralité de ses demandes,
A titre reconventionnel,
- condamner solidairement les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaires à verser à la société Macris la somme de 10.000 euros pour procédure abusive,
En tout état de cause,
- les condamner solidairement au paiement d'une somme de 10.000 euros au profit de la société Macris et de M. [J], par application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société Macris et M. [J] prétendent que la société ITM Entreprises est irrecevable en l'absence de tout intérêt à agir. Ils font valoir sur ce point que cette société ne forme aucune demande à leur encontre.
Ils soutiennent que les demandes formées à l'encontre de M. [J] sont mal fondées et que, quelque soit le fondement juridique invoqué, il sera constaté qu'en tout état de cause, la responsabilité de celui-ci ne saurait être mise en cause.
La société Macris et M. [J] font ensuite valoir que les demandes des sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire sont infondées. Selon eux, le contrat d'enseigne conclu le 30 avril 2009 entre les sociétés ITM Entreprises et Macris ainsi que M. [J] a été résolu de plein droit. Ils soutiennent que cette résolution a entraîné celle de la convention de « design » conclue le 2 août 2008 entre les sociétés ITM Alimentaire et Macris et qu'en aucun cas, le franchisé ne peut être contraint de rester dans le groupement Intermarché jusqu'en 2013. Enfin, ils affirment que la demande de l'exploitation du point de vente de la société Macris sous l'enseigne Intermarché ainsi que celle de dommages-intérêts sont exorbitantes et sont donc injustifiées.
À titre reconventionnel, la société Macris et M. [J] demandent la condamnation des sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire au paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive.
Vu les dernières conclusions, signifiées le 25 mai 2012, par lesquelles la société ITM Alimentaire et ITM Entreprises demandent à la Cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a constaté la violation de la convention Mag3 par la société Macris,
- l'infirmer pour le surplus,
Et statuant à nouveau,
- débouter M. [J] et la société Macris de toutes leurs demandes, fins et conclusions,
- déclarer la société ITM Alimentaire recevable en ses demandes, en tant qu'elles sont dirigées tant contre la société Macris qu'à l'encontre de M. [J],
- déclarer la société ITM Entreprises recevable à intervenir à la présente procédure au soutien des demandes de la société ITM Alimentaire et afin que l'arrêt à intervenir lui soit opposable,
- dire et juger que la société Macris a souscrit l'obligation d'exploiter son point de vente sous l'enseigne Intermarché jusqu'au 25 août 2013 en vertu de la convention Mag3 signée le 25 août 2008 avec la société ITM Alimentaire,
En conséquence,
A titre principal,
- ordonner l'exécution forcée de la convention Mag3,
- enjoindre à la société Macris de reprendre l'exploitation de son point de vente sous l'enseigne Intermarché, dans les quinze jours suivant la signification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 5.000 euros par jour de retard,
- condamner in solidum la société Macris et M. [J] à verser à la société ITM Alimentaire, en réparation du préjudice subi du fait de la suspension des approvisionnements auprès de la société ITM Alimentaire depuis le 28 juin 2010, la somme de 5.593.278,85 euros outre 199.759,96 euros par mois à compter du 29 octobre 2012 et jusqu'à la reprise de l'exploitation sous l'enseigne Intermarché,
A titre subsidiaire,
- dire et juger que la société Macris devra indemniser la société ITM Alimentaire du préjudice subi du fait de la violation de son obligation d'exploiter son point de vente sous l'enseigne Intermarché jusqu'au 25 août 2013 en vertu de la convention Mag3,
- condamner in solidum la société Macris et M. [J] à verser à la société ITM Alimentaire la somme de 7.590.877,96 euros en réparation du préjudice subi du fait de la résolution de la convention Mag3 à compter du 28 juin 2010, outre la restitution des budgets versés au titre de ladite convention,
en tout état de cause,
- condamner in solidum la société Macris et M. [J] à verser à la société ITM Alimentaire la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire soutiennent que l'exception d'irrecevabilité est sans objet dès lors que l'intérêt à agir s'apprécie au regard d'une demande et que la société ITM Entreprises ne forme en effet aucune demande particulière à l'encontre de M. [J] ou de la société Macris, mais intervient au soutien de la société ITM Alimentaire. Elles font valoir que M. [J] ne peut être mis hors de cause car il a été complice de la violation d'une obligation contractuelle souscrite par la société Macris.
Les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire soutiennent que la société Macris avait l'obligation de maintenir l'enseigne Intermarché en vertu de la convention Mag3. Selon elles, la signature des nouveaux statuts de la société Macris n'entraîne pas « l'anéantissement » de la convention Mag3. Elles font valoir à ce sujet l'impossibilité pour M. [J] de modifier valablement la règle de majorité au sein de la société Macris. Selon eux, un actionnaire majoritaire ne saurait valablement et licitement prendre une décision entraînant la violation d'un contrat régulièrement conclu par sa société.
Elles ajoutent que la société ITM Alimentaire est légitime et bien fondée à demander la réparation en nature de la convention Mag3 et donc l'exécution de cette convention et considèrent que le préjudice complémentaire de la société ITM Alimentaire est constitué par sa perte de marge sur les approvisionnements que la société Macris aurait effectués auprès d'elle.
La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'irrecevabilité à agir de la société ITM Entreprises
La société Macris et M. [J] soutiennent que la société ITM Entreprises est irrecevable à agir dans le litige, en application de l'article 31 du code de procédure civile. Ils font valoir que cette société ne formule aucune demande contre eux.
Il convient cependant de relever que la société ITM Entreprises est signataire avec la société Macris du contrat d'enseigne dont la résiliation est en l'espèce querellée. Dans la mesure où la présente décision est susceptible de lui être opposable, elle est qualifiée pour combattre les prétentions de M. [J] et de la société Macris et, à ce titre, a donc qualité pour agir aux côtés de la société ITM Alimentaire.
La demande d'irrecevabilité formée sur ce point doit donc être rejetée.
Sur la recevabilité de l'action à l'encontre de M. [J]
La société Macris et M. [J] opposent que ce dernier n'étant pas partie à la convention Mag3, sa responsabilité de dirigeant de la société Macris ne saurait être engagée.
Il ressort cependant des conclusions des parties que l'élément déclencheur du litige réside dans la décision de M. [J], associé majoritaire de la société Macris, de modifier la majorité requise pour la prise des décisions collectives extraordinaires. Par ailleurs, la responsabilité d'un dirigeant de société anonyme par actions simplifiée peut, à certaines conditions, être constituée à l'égard des tiers. Indépendamment du point de savoir si ces conditions sont remplies, l'action qui tend à faire reconnaître la responsabilité de M. [J] envers la société ITM Alimentaire est recevable.
La demande d'irrecevabilité formée sur ce point doit donc être rejetée.
Sur les effets de la résiliation du contrat d'enseigne envers la convention Mag3
Il résulte des pièces produites que M. [J] a signé un contrat d'adhésion « (') au groupe animé et conduit par ITM Entreprises » le 24 avril 1985, que le 25 août 2008, la société Macris, représentée par M. [J], et la société ITM Alimentaire ont conclu une convention dont l'objet était de « définir les modalités d'obtention et de versement du budget d'accompagnement accordé par la société ITM Alimentaire au [point de vente] » pour « la mise en place du concept Mag 3 TGS » et, qu'à la suite de ce contrat, la société ITM Entreprises, la société Macris et M. [J], intervenant à titre personnel, ont conclu le 20 avril 2009 un nouveau contrat d'enseigne.
La convention du 25 août 2008, dite convention Mag 3, prévoyait à son article 3.3 que « Le point de vente s'engage, pendant une durée de 5 ans au moins à compter de la date de signature des présentes, à maintenir l'exploitation de son fonds de commerce sous l'enseigne Intermarché.
Le point de vente s'engage en conséquence à ne rien faire qui puisse, dans un délai de 5 ans, à compter de la date de signature des présentes, affecter l'usage de l'enseigne, soit en la retirant de sa propre initiative, soit en se plaçant en situation de la perdre, en ne respectant pas les obligations mises à sa charge, notamment au titre du contrat d'enseigne de la charte des Mousquetaires, voir (sic) du contrat d'adhésion ». Le contrat d'enseigne précise à l'article 9, 6ème alinéa, que « Le présent contrat expirera de plein droit à la date d'effet de la modification de la règle de l'unanimité stipulée à l'article 19 des statuts de la société d'exploitation ».
Il n'est pas contesté que M. [J] a, en sa qualité d'actionnaire majoritaire, mis fin par délibération d'une assemblée générale extraordinaire du 30 avril 2009, à la règle de l'unanimité pour la prise de décisions extraordinaires et que, par conséquent, le contrat d'enseigne a « expiré » de plein droit le 28 juin 2010, la société ITM Entreprises en étant avertie par lettre du 22 décembre 2009.
La société Macris et M. [J] soutiennent que la convention Mag3 a été conclue pour la mise en 'uvre de la franchise et qu'elle s'inscrit de manière globale dans la volonté des franchiseurs de donner une identité aux points de vente de leurs franchisés. Ils en tirent la conclusion que la seule cause de la convention Mag3 étant le contrat d'enseigne, ces deux contrats sont indivisibles et que la résiliation du contrat d'enseigne a pour effet la disparition de la cause de la convention Mag3 et donc l'impossibilité pour les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire de se prévaloir de leurs dispositions. Ces sociétés soutiennent, pour leur part, que par la convention Mag3 la société Macris et M. [J] ont pris l'engagement de ne rien faire qui puisse entraîner la perte de l'enseigne pendant cinq ans et qu'en modifiant la clause de majorité des statuts, ce qui a eu pour effet la résiliation du contrat d'enseigne, la société Macris a violé cette obligation. Elles soutiennent que ces deux contrats sont indépendants l'un de l'autre et ne peuvent être considérés comme indivisibles. Elles demandent donc que la société Macris soit condamnée à respecter son obligation et à reprendre l'enseigne Intermarché.
Il convient de relever que les contrats Mag3 et d'enseigne ont été conclus successivement, le premier faisant obligation à la société Macris de garder l'enseigne pendant 5 ans et de ne pas se mettre en situation de renoncer ou perdre ce droit. Le contrat relatif à l'enseigne reprend, dans ses dispositions, le droit pour l'exploitant du magasin de le résilier par le seul effet du changement de la règle de l'unanimité dans ses statuts, déjà existant dans les contrats précédents. Cette stipulation ne mentionne pas l'obligation de garder l'enseigne pendant 5 ans antérieurement souscrite. Cependant, il n'en demeure pas moins que cet engagement pris par la société Macris ne pouvait se trouver anéanti par la seule mise en 'uvre de cette stipulation organisant la possibilité de résilier le contrat d'enseigne.
À cet égard, il y a lieu de retenir que si les contrats s'intègrent enffectivement dans un ensemble de conventions qui règlementent les relations économiques et juridiques des sociétés de distribution adhérentes du groupement Les Mousquetaires, la cause de la convention Mag3 ne réside néanmoins pas dans l'exploitation de l'enseigne mais se trouve exprimée par son objet qui était de « définir les modalités d'obtention et de versement du budget d'accompagnement accordé par la société ITM Alimentaire au [point de vente] » pour « la mise en place du concept Mag 3 TGS ».
Par ailleurs, si l'Autorité de la concurrence a constaté, à ce sujet, dans un avis n° 10-A-26, que le système de conventions successives pouvait avoir pour effet de prolonger artificiellement la durée des conventions et invité les opérateurs à unifier la durée et le mode de résiliation de l'ensemble des contrats constitutifs d'une même relation commerciale, celle-ci n'a pas déclaré que cette façon de faire était prohibée comme constituant par elle-même une entrave à la libre concurrence. Faute d'autres éléments, la cour ne saurait considérer que la pratique a constitué, en l'espèce, une atteinte aux dispositions interdisant les pratiques anticoncurrentielles.
Il résulte des éléments qui précèdent qu'en procédant à la modification des conditions de majorité pour les décisions extraordinaires, laquelle a eu pour effet, non contesté, de résilier le contrat d'enseigne conclu avec la société ITM Entreprises, la société Macris a violé l'engagement pris dans le cadre de la convention Mag3 de maintenir le contrat d'enseigne pendant 5 ans.
Le jugement doit donc être confirmé sur ce point.
Sur la responsabilité personnelle de M. [J]
Les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire soutiennent que la décision de modifier la règle de majorité n'appartient pas à la société Macris mais à son actionnaire majoritaire, M. [J], qui a d'ailleurs indiqué en personne avoir pris cette décision dans sa lettre du 22 décembre 2009. Elles en concluent que celui-ci s'est rendu complice de la violation par la société Macris de ses engagements envers la société ITM Alimentaire et a engagé sa responsabilité personnelle à son endroit.
Les délibérations prises par l'assemblée générale extraordinaire d'une société par actions simplifiée ne sont susceptibles d'engager la responsabilité d'un actionnaire envers un tiers que dans la mesure où cet actionnaire a commis une faute à l'égard du tiers et que cette faute lui a causé un préjudice. Or, ainsi qu'il a été relevé ci dessus, M. [J] était actionnaire majoritaire et dirigeant de la société Macris. En cette qualité de dirigeant, il a lui même signé la convention Mag3 et ne pouvait ignorer l'obligation souscrite par sa société. Dès lors, en décidant de faire modifier la règle d'unanimité au sein de la société Macris, décision qui était de nature à rompre le contrat d'enseigne, alors même qu'il savait que sa société devait maintenir ce contrat jusqu'en août 2013, M. [J] s'est rendu complice de la violation par la société qu'il dirigeait d'une disposition contractuelle.
Sur la résiliation de la convention Mag3 et son exécution
Les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire demandent à la Cour d'enjoindre à la société Macris de reprendre l'enseigne Intermarché et font valoir à cet égard que la convention Mag3 ne peut être résolue par le défaut de respect par la société Macris de ses engagements. Elles précisent que si l'article 6 de la convention précise qu'elle sera résolue de plein droit en cas de non respect par le point de vente de ses engagements, entraînant de ce fait le remboursement intégral du budget d'accompagnement versé, ce ne peut-être contre leur propre volonté qui est que le contrat soit exécuté. Elles ajoutent qu'aucune mise en demeure n'a été adressée par ses soins à la société Macris afin qu'elle exécute son engagement sous peine de résiliation de la convention. La société Macris demande la confirmation du jugement et fait observer que la filiale informatique du Groupe de sociétés Les Mousquetaires ayant repris le matériel informatique, la reprise de l'enseigne n'est pas possible.
Il n'est pas contesté que la modification de la règle de l'unanimité a eu pour effet de résilier de plein droit le contrat d'enseigne. Ainsi que l'a relevé le jugement, cette suppression de l'enseigne rend impossible juridiquement la continuation de la convention Mag3 qui s'inscrit dans le cadre de l'exploitation de cette enseigne. Dès lors, l'exécution forcée ne peut être ordonnée, sans qu'importe le fait que la société ITM Alimentaire n'ait pas adressé à la société Macris de mise en demeure permettant de constater la résiliation du contrat. En conséquence, la violation par la société Macris de ses obligations ne peut que donner lieu à l'octroi de dommages-intérêts. Cependant, ainsi que le font valoir M. [J] et la société Macris, les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire ne formulent aucune demande chiffrée à ce sujet, mettant la Cour dans l'impossibilité de prononcer une condamnation sur ce point.
Sur le préjudice complémentaire
Les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire soutiennent que la société ITM Alimentaire a subi, outre le préjudice causé par sa vaine contribution aux travaux d'aménagement du point de vente de la société Macris, un préjudice complémentaire résultant de ce qu'elle n'a pas pu continuer à approvisionner le point de vente exploité par la société Macris depuis le 28 juin 2010 jusqu'à l'exécution de l'arrêt à intervenir, son préjudice étant équivalent à la perte de marge qu'elle aurait pu réaliser pendant cette durée. Le montant de leur demande est contesté par la société Macris et M. [J] qui font valoir que le préjudice résultant d'une perte de chance ne peut être équivalent à l'intégralité de la somme à laquelle la victime aurait pu prétendre si cette chance s'était réalisée.
Cependant, le préjudice causé par la cessation de l'approvisionnement du point de vente de la société Macris ne constitue pas une perte de chance dans la mesure où, sans la cessation du contrat d'enseigne, il est certain que cet approvisionnement aurait continué jusqu'au 25 août 2013.
Ainsi que le font valoir la société Macris et M. [J], le taux de marge indiqué par les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire est un taux moyen du groupe ITM Entreprises, mais ne concerne pas la société ITM Alimentaire. Cependant, il n'est pas démontré que le taux réalisé par cette société soit inférieur à celui attesté par le directeur financier de la société ITM Entreprises. Il n'est pas démontré non plus que ce taux de marge ait été différent s'agissant du point de vente exploité par la société Macris, ni qu'il aurait diminué par rapport à l'année 2005. De même, les appelants n'apportent aucun élément permettant de constater que le montant des achats réalisés par le point vente de [Localité 6] auprès de la société ITM Alimentaire aurait été inférieur à celui mentionné par le document produit. La société Macris et M. [J] doivent donc être condamnés solidairement à payer à la société ITM Alimentaire la somme, non sérieusement contestée de 7 590 877, 55 euros résultant de la multiplication par le taux de marge de 18,6 % du montant de la moyenne mensuelle d'achats sur la base de 2009 soit 1 073 978,29 euros multiplié par 38, soit le nombre de mois restant à courir entre le 28 juin 2010 et le 25 août 2013 ( (1 073 978,29 X 18,6 %) X 38).
Sur la responsabilité des sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire
La société Macris et M. [J] font valoir que ce n'est qu'en raison de défaillances constantes dans l'approvisionnement du magasin et en dépit des alertes réitérées de M. [J] que la société Macris s'est résolue à résilier le contrat d'enseigne. Il ressort des pièces produites, d'une part, que la région de l'Aveyron, dans laquelle se trouve le point de vente exploité par la société Macris, a connu de nombreux dysfonctionnements de livraisons à partir du premier trimestre 2008 et qui se sont prolongés au moins jusqu'en octobre 2009, d'autre part, que le groupement des Mousquetaires a reconnu ces dysfonctionnements dans une lettre circulaire du mois de mai 2008 et dans un mail du 25 mai 2009. Cependant, il n'est pas établi que les manquements ainsi invoqués aient eu un caractère de telle gravité qu'ils auraient pu justifier une rupture des engagements pris par la société Macris, par ailleurs, celle-ci n'a adressé aucune mise en demeure informant la société ITM Alimentaire qu'elle estimait les dysfonctionnements invoqués comme étant de nature à lui permettre de résilier le contrat d'enseigne. Enfin, ni la société Macris, ni M. [J] ne demandent que soit constaté un partage des responsabilités dans la violation par la société Macris de ses engagements.
Sur la demande de condamnation des sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire au titre de la procédure abusive
Il ressort des développements qui précèdent que les sociétés ITM Entreprises et ITM Alimentaire sont partiellement fondées en leurs demandes. En conséquence la procédure n'est pas abusive et la demande formée à ce titre sera réjetée.
L'équité commande de rejeter les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,
REJETTE les demandes d'irrecevabilité formées tant en ce qui concerne la société ITM Entreprises que M. [J] ;
INFIRME le jugement déféré sauf en ce qu'il a dit que la société Macris a violé son engagement contractuel envers la société ITM Alimentaire France de « ne rien faire qui puisse dans un délai de cinq ans à compter de la date de signature [de la convention dite Mag3] affecter l'usage de l'enseigne » et dit que que la société Macris est fondée à constater l'extinction du contrat d'enseigne à effet du 28 juin 2010.
Statuant à nouveau,
DIT que M. [J] est responsable avec la société Macris de la violation de la convention dite Mag3 ;
REJETTE la demande d'exécution forcée de la convention dite Mag3 ;
CONDAMNE in solidum la société Macris et M. [J] à payer à la société ITM Alimentaire la somme de 7 590 877, 55 euros outre intérets au taux légal à compter du 28 juin 2010 ;
REJETTE les plus amples demandes des parties ;
DIT n'y avoir lieu aux condamnations demandées au titre de l'article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE la société Macris et M. [J] aux dépens de première instance et d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier La Présidente
E. DAMAREY C. PERRIN