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22/11/2012 | FRANCE | N°10/10229

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 22 novembre 2012, 10/10229


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 22 Novembre 2012

(n° 3, 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/10229



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Octobre 2010 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY RG n° 09/00790





APPELANT

Monsieur [P] [F]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Philippe FORTABAT LABATUT, avocat au

barreau de PARIS, toque : E0411





INTIMÉE

Association PRO BTP

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jérôme GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020





CO...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 22 Novembre 2012

(n° 3, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/10229

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Octobre 2010 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY RG n° 09/00790

APPELANT

Monsieur [P] [F]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Philippe FORTABAT LABATUT, avocat au barreau de PARIS, toque : E0411

INTIMÉE

Association PRO BTP

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Jérôme GAILLARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 02 octobre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne MÉNARD, Conseillère , chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Anne-Marie GRIVEL, Conseillère

Madame Anne MÉNARD, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [F] a été engagé par l'association PRO BTP suivant contrat à durée indéterminée en date du 16 juillet 1999, en qualité d'employé administratif. Sa mission consistait notamment à assurer le traitement et le suivi des dossiers contentieux. Il était plus particulièrement affecté au suivi des dossiers 'gros débiteurs'.

Il a été engagé au coefficient 130, il a atteint, en 2004, le coefficient 170. Puis à l'occasion du changement de grille consécutif à l'harmonisation des statuts, il accéde à compter du 1er avril 2008, au coefficient 207.

Il est en arrêt de travail depuis le 1er décembre 2009.

Il a saisi le Conseil de Prud'hommes de Bobigny, le 11 mars 2009, afin d'obtenir paiement de :

- 85.989,60 euros à titre de rappel de salaires par application du statut commun,

- 50.000 euros de dommages et intérêts en raison de l'erreur de coefficient dont il était l'objet, compte tenu des missions dont il était chargé,

- 50.000 euros de dommages et intérêts, en raison d'une sanction disciplinaire qui lui a été infligée,

- 50.000 euros de dommages et intérêts, en raison d'une agression dont il a été victime dans les locaux de son employeur.

Par jugement en date du 7 octobre 2010, le Conseil de Prud'hommes l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, et a débouté l'association PRO BTP de sa demande reconventionnelle.

Monsieur [F] a interjeté appel de cette décision le 13 novembre 2010.

Présent et assisté par son Conseil, Monsieur [F] a, à l'audience du 02 octobre 2012 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles, il demande à la Cour de :

- rejeter les demandes, fins et conclusions de l'association PRO BTP.

- dire et juger qu'il est recevable et bien fondé en son appel.

Statuant à nouveau :

- dire et juger qu'il y a eu rupture d'égalité entre les salariés, principe de valeur constitutionnelle et qui constitue une violation de l'article L1331-2 du Code du travail,

- dire qu'il a fait l'objet de différence de traitement dans l'exécution de son contrat de travail,

- dire qu'il a exercé les fonctions relevant de la catégorie Agent de maîtrise,

- dire qu'il a fait l'objet d'un traitement discriminatoire dans l'évolution de sa carrière et dans celle de sa rémunération,

- dire que l'employeur a manqué à son obligation de sécurité ainsi qu'à ses obligations contractuelles envers lui.

En conséquence :

- réformer le jugement entrepris.

- condamner l'association PRO BTP à lui payer les sommes suivantes, avec intérêts de droit à compter de la citation :

85.089,80 euros à titre de rappel de salaire.

50.000 euros à titre de dommages et intérêts.

50.000 euros à titre de dommages et intérêts pour la sanction disciplinaire du 10 avril 2008 résultant d'un montage grossier.

50.000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral.

50.000 euros de dommages et intérêts pour non respect des obligations de sécurité.

2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

- ordonner la remise de documents qui ont justifié les promotions depuis cinq ans au service contentieux.

- ordonner la remise du rapport annuel 2008.

- condamner la société PRO BTP aux entiers dépens ainsi qu'aux frais d'exécution de l'arrêt à intervenir.

Réprésentée par son Conseil, l'association PRO BTP a, à l'audience du 02 octobre 2012 développé oralement ses écritures, visées le jour même par le Greffier, aux termes desquelles elle demande à la Cour de :

- la recevoir dans ses conclusions et l'y disant bien fondée :

- dire et juger que Monsieur [F] n'a fait l'objet d'aucune différence de traitement dans l'exécution de son contrat de travail.

- dire et juger que Monsieur [F] n'a jamais exercé les fonctions relevant de la catégorie Agent de maîtrise.

- dire et juger que Monsieur [F] n'a jamais fait l'objet d'un quelconque traitement discriminatoire dans l'évolution de sa carrière ni dans celle de sa rémunération.

- dire et juger qu'elle n'a jamais manqué à son obligation de sécurité ni à ses obligations contractuelles envers Monsieur [F].

En conséquence :

- confirmer purement et simplement le jugement entrepris en toutes ses dispositions.

- débouter Monsieur [F] de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

Y ajoutant :

- condamner Monsieur [F] au paiement d'une indemnité de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour

se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

DISCUSSION

- Sur la demande d'attribution du statut d'agent de maîtrise

Au soutien de sa demande tendant à se voir conférer le statut d'agent de Maîtrise, et à obtenir la paiement du rappel de salaires correspondant, Monsieur [F] expose qu'à compter de l'année 2004, il a remplacé Madame [U], qui avait le statut d'agent de maîtrise et qui est partie en congé de fin de carrière ; qu'il assurait toutes les missions de cette dernière et donnait entière satisfaction dans cette fonction.

L'association PRO BTP réplique que la qualification professionnelle d'un salarié et son statut dépendent des fonctions réellement exercées dans l'entreprise ; que le descriptif des postes en vigueur dans l'entreprise assigne au gestionnaire de contrat le statut de salarié, et qu'il définit les missions qui lui sont confiées, lesquelles correspondent à celles exercées par Monsieur [F] ; que la circonstance qu'il exerce ses fonctions dans le service 'gros débiteurs' est inopérante ; que l'agent de maîtrise se voit assigner des missions d'animation et de contrôle d'une équipe qui n'ont jamais été confiées à Monsieur [F] ; que si Madame [U], qu'il a remplacée, bénéficiait du statut d'agent de maîtrise, c'est en raison de fonctions exercées précédemment ; que toutefois, en fin de carrière et compte tenu de raisons de santé, elle avait demandé à être affectée à un poste comportant de moindres responsabilités.

Sur l'adéquation du statut de Monsieur [F] avec ses fonctions

Il appartient au salarié qui se prévaut d'une classification conventionnelle différente de celle dont il bénéficie au titre de son contrat de travail, de démontrer qu'il assure de façon permanente, dans le cadre de ses fonctions, des tâches et responsabilités relevant de la classification qu'il revendique.

En l'espèce, il ressort de la classification dans l'entreprise, versée aux débats, que le gestionnaire, statut employé, a notamment pour fonction :

- d'assurer le traitement et le suivi des dossiers ainsi que les contacts écrits et/ou téléphoniques avec un portefeuille d'adhérents ou de petites et/ou grandes entreprises dans le cadre d'un service de qualité.

- de procéder au recouvrement des créances contentieuses dues par les entreprises ou les particuliers et engager les poursuites nécessaires en cas de non recouvrement.

Il résulte de cette description que l'activité de Monsieur [F], qui était en charge du recouvrement des impayés, relève de ce statut, étant souligné qu'il n'est fait aucune différence entre les 'grands comptes' et les autres, la nomenclature indiquant même expressément un portefeuille d'adhérents ou de petites et/ou grandes entreprises.'

Les missions du responsable de service, gestion de contrats, statut agent de maîtrise, sont définies de la manière suivante :

1. [Y], former, accompagner et suivre les membres de l'équipe.

2. Distribuer l'activité selon les objectifs et les compétences disponibles, animer l'équipe.

3. Contrôler l'activité et rendre compte des quantités produites et du niveau de qualité.

4. Contribuer à l'élaboration des ajustements ou des évolutions d'organisation, de consignes, de méthodes, en concertation, avec l'ensemble des autres entités concernées.

Monsieur [F] ne verse aux débats aucun élément dont il résulterait qu'il aurait exercé des fonctions d'animation du service, ou aurait effectué un contrôle quantitatif et qualitatif de l'activité.

Il n'est donc pas fondé à solliciter la modification de son coefficient de ce chef.

Sur l'application du principe 'à travail égal salaire égal'.

Il résulte du principe 'à travail égal, salaire égal', dont s'inspirent les articles L.1242-14, L.1242-15, L.2261-22.9 , L.2271-1.8° et L.3221-2 du Code du travail, que tout employeur est tenu d'assurer, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre tous ses salariés placés dans une situation identique et effectuant un même travail ou un travail de valeur égale.

En application de l'article 1315 du Code civil, s'il appartient au salarié qui invoque une atteinte au principe 'à travail égal, salaire égal' de soumettre au juge les éléments de fait susceptibles de caractériser une inégalité de rémunération, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve d'éléments objectifs, pertinents et matériellement vérifiables justifiant cette différence.

Il est constant et non contesté que Monsieur [F], qui a le statut d'employé, a remplacé à son poste Madame [U] lorsqu'elle a pris sa retraite ; que cette dernière avait le statut d'agent de Maîtrise.

Il appartient, donc, à l'association PRO BTP de rapporter la preuve d'éléments justifiant de cette différence.

Pour justifier de ce que Monsieur [F] ne se trouvait pas dans une situation comparable à celle de Madame [U], l'employeur verse notamment aux débats une attestation de cette dernière.

Monsieur [F] demande à la Cour d'écarter l'attestation de Madame [U] au motif qu'étant retraitée depuis 2004, elle ne peut valablement témoigner dans une procédure qui ne la concerne pas, et surtout cinq ans après son départ de l'entreprise.

Toutefois, il est souhaitable que des témoignages soient recueillis auprès de personnes qui ne sont pas concernées par l'affaire, et Madame [U] ne pouvait pas être sollicitée pour établir une attestation avant la saisine du Conseil des Prud'Hommes. Le fait qu'elle ait quitté l'entreprise depuis cinq années parait plutôt être une garantie d'indépendance et d'objectivité de son témoignage. Rien ne justifie, donc, d'écarter cette attestation, régulièrement communiquée.

Ce témoignage est rédigé de la manière suivante :

'Je soussignée [G] [U]-[R] certifie avoir à ma demande et à la demande conjointe de mon responsable rejoint les 'gros débiteurs' pour des raisons de santé et afin de ne plus avoir de responsabilités d'encadrement comme cela était le cas dans ma précédente affectation.

Je précise avoir mis en place cette fonction 'gros débiteurs' afin de permettre un suivi spécifique des dossiers correspondants. En revanche, la gestion en elle-même ne diffère aucunement de la gestion exercée par les autres collègues 'impayés' du département. J'ajoute que j'ai effectué les mêmes tâches que les autres 'impayés' composant successivement l'équipe et que je n'exerçais pas de contrôle sur leur activité.

Je précise, à toutes fins utiles, que lorsque j'ai annoncé mon départ en retraite en décembre 2004, Monsieur [F] s'est empressé de m'affirmer 'dans un an, j'aurai obtenu votre poste'. Je lui ai répondu que mon titre d'agent de maîtrise me venait de mes précédentes responsabilités (agent de Maîtrise en comptabilité, agent de maîtrise au groupe PI4) et qu'en aucun cas, maintenant que ce suivi particulier était finalisé, le poste n'avait vocation à être celui d'un agent de maîtrise.

Enfin, je peux affirmer avoir à plusieurs reprises constaté les difficultés relationnelles de Monsieur [F] avec ses interlocuteurs au téléphone'.

Par ailleurs, il convient de relever que Madame [U] avait été engagée par l'association en 1964, de sorte que lors de son départ en retraite, elle avait une ancienneté de 40 ans dans l'entreprise ; qu'engagée en qualité d'employée, elle avait obtenu le statut d'agent de maîtrise 20 ans plus tard, dans le cadre d'autres fonctions. Sa situation est donc objectivement différente de celle de Monsieur [F].

Ainsi la preuve est rapportée de ce que la différence de statut entre Monsieur [F] et Madame [U] trouve son origine dans l'ancienneté dans l'entreprise de cette dernière, et les postes qu'elle y a occupé antérieurement, de sorte que Monsieur [F] n'est pas fondé à invoquer le principe 'à salaire égal travail égal'.

- Sur la demande relative à l'application du statut commun

Monsieur [F] fait valoir que le statut commun qui est entré en vigueur le 18 janvier 2008 a porté le coefficient d'embauche à 170, sans aucune contrepartie pour les salariés dont le coefficient était inférieur ou égal à 170, de sorte qu'ils se retrouvent à un coefficient de début de carrière, alors qu'ils peuvent avoir dix ans d'ancienneté.

Dans le corps de ses conclusions, il demande à la Cour d'accorder à tous les salariés une compensation de 30 points au minimum, de vérifier la conformité du statut commun aux dispositions légales en vigueur, et le cas échéant de l'annuler purement et simplement.

Que ces demandes sont irrecevables comme constituant une demande collective pour laquelle Monsieur [F] n'a pas qualité à agir, encore moins devant le Conseil des prud'hommes qui statue en matière individuelle.

En ce qui concerne la situation personnelle de Monsieur [F] et l'incidence du statut commun sur le coefficient qui lui est applicable, il convient de relever que sa prime d'ancienneté a été intégrée à son coefficient, qui est ainsi passé de 170 à 207 ; que les nouveaux arrivés ne bénéficient pas de cette majoration ; que son coefficient actuel est celui dont bénéficient, selon le statut commun, les salariés ayant entre 14 et 19 années d'ancienneté, ce qui n'est pas son cas ; qu'il n'a, donc, nullement été lésé par l'entrée en vigueur de ces dispositions.

*

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de sa demande de rappel de salaires et de sa demande de dommages et intérêts liée à sa carrière et à sa rémunération.

- Sur la discrimination

Monsieur [F] soutient qu'il a fait l'objet d'un traitement discriminatoire de son employeur en raison de sa couleur de peau et de son âge ; qu'il n'a pas bénéficié de la même carrière que d'autres salariés recrutés en même temps que lui ; que le retard important d'un salarié dans le déroulement de sa carrière que l'employeur n'est pas en mesure d'expliquer par des raisons objectives fait présumer que ce retard est en rapport avec une discrimination.

En réponse, l'association PRO BTP rappelle en premier lieu qu'avant de saisir le Conseil de Prud'hommes, Monsieur [F] avait saisi la HALDE, laquelle n'a retenu aucune discrimination ; qu'il suffit de comparer l'évolution du coefficient de Monsieur [F] avec celle des autres salariés de son service pour constater qu'il se situe en 3ème position sur un panel de 28 salariés ; que seuls deux salariés ont connu une meilleure évolution de carrière et accédé au statut d'agent de maîtrise ; qu'ils le doivent à leurs capacités managériales, relationnelles et d'encadrement, qui font défaut à Monsieur [F] ; que c'est pour cette raison qu'en dépit de qualités techniques incontestables, son 'parcours d'évolution professionnelle' (PEP) n'a pas reçu à ce jour d'accueil favorable.

Aux termes de l'article L.1132-1 du Code du travail, aucune personne ne peut être écartée d'une procédure de recrutement ou de l'accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l'article 1er de la loi n° 2008- 496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l'article L.3221-3, de mesures d'intéressement ou de distribution d'actions, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses moeurs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.

Selon l'article L.1134-1 du Code du travail, en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, au vu desquels il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En l'espèce, Monsieur [F] soutient que trois collègues, entrés après lui au département contentieux et moins diplômés, ont été promus agents de maîtrise.

Il ne cite pas le nom des salariés concernés, et ne verse aux débats aucune pièce pour en justifier.

Toutefois, l'employeur ne conteste pas que deux salariés Madame [H] et Monsieur [C], ont franchi avec succès le 'parcours d'évolution professionnelle' et ont ainsi pu accéder au statut d'agent de maîtrise.

L'employeur fait valoir que cette progression professionnelle suppose non seulement des qualités techniques, dont Monsieur [F] dispose sans aucun doute, mais également des qualités relationnelles et managériales, qui lui font défaut.

Au soutien de cette argumentation, l'employeur verse aux débats les entretiens annuels d'évaluation établis contradictoirement avec Monsieur [F].

En 2006, en synthèse de l'entretien il est mentionné : 'l'investissement de [P] [F] est toujours intense. Je lui renouvelle toute ma confiance, tout en souhaitant cependant une prise de conscience de sa part sur la nécessaire amélioration du relationnel'.

En 2007, si les qualités techniques sont à nouveau relevées, il est mentionné que les mises en garde de 2006 n'ont pas été prises en comptes et qu'il existe de trop nombreux incidents sur le plan relationnel. Le notateur, Monsieur [Z], souligne : 'je limite volontairement les objectifs à un axe personnel car sur le plan technique il n'y a rien à reprocher, bien au contraire', et conclut : 'Début 2006, j'avais approuvé, contre la promesse de prendre en compte la nécessité d'améliorer les aspects relationnels avec l'extérieur, la démarche d'inscription dans le processus PEP. Suite à une succession d'incidents et en accord avec la hiérarchie, j'ai signifié à [P] [F] qu'il ne serait pas donné suite à sa demande lors d'un entretien du 15.5.2006. La balle est dans le camp de [P] [F]'.

En 2008, il est à nouveau fait état des mêmes difficultés dans les termes suivants : 'Force est de constater que le relationnel, loin de s'améliorer, s'est au contraire largement dégradé (...) Les nombreux incidents relèvent généralement d'un refus de plus en plus manifeste des contraintes de quelque natures qu'elles soient (...) . [P] ne se sent pas reconnu à sa juste valeur. Il lui suffirait pourtant de changer d'attitude pour que nous puissions le faire progresser. (...) Les connaissances juridiques et les capacités rédactionnelles restent indéniables.(...) Je redis à [P] que sa hiérarchie reste ouverte au dialogue et qu'il ne doit pas hésiter à demander du soutien et de l'aide en cas de difficulté. Cela suppose cependant que lui-même accepte le dialogue et intègre qu'il fait partie d'une équipe et ne peut tout décider unilatéralement en termes de délais, de priorités et d'organisation'.

La survenance de nombreux incidents d'ordre relationnel est à nouveau relevée en 2009.

Monsieur [F], dont le point de vue a été systématiquement recueilli par écrit, reprend dans ses observations les qualités juridiques et techniques qui sont les siennes, et ne sont pas contestées, ses résultats, les difficultés en lien avec l'effectif insuffisant de son service, mais il ne s'explique pas sur ses difficultés relationnelles.

Il convient de rappeler, comme il a été indiqué plus haut, qu'il ressort de la classification applicable dans l'entreprise que les fonctions d'agent de maîtrise se différencient de celles d'employées notamment par la capacité à animer une équipe.

L'employeur démontre ainsi que le fait que Monsieur [F] n'ait pas obtenu le statut d'agent de maîtrise dont d'autres ont bénéficié est justifié par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination. Les demandes relatives à la discrimination doivent, par conséquent, être rejetées, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'instruction complémentaire.

- Sur la sanction disciplinaire du 10 avril 2008

Monsieur [F] sollicite le paiement de 50.000 euros de dommages et intérêts en raison du préjudice qui lui aurait causé un avertissement qui lui a été adressé le 10 avril 2008, et qui a été retiré par l'employeur ; qu'il a contesté cet avertissement tant sur la forme que sur la fond, ajoutant que nonobstant son retrait, il lui a causé un préjudice moral important, en le déstabilisant et en lui causant un stress important.

L'employeur expose qu'ayant pris en compte le fait qu'il n'avait pas convoqué Monsieur [F] à un entretien préalable à une sanction disciplinaire, comme cela est prévu par la convention collective, et bien que cette irrégularité n'entraîne pas nécessairement la nullité de la sanction, il a préféré la retirer, par souci d'apaisement.

L'avertissement notifié à Monsieur [F] était rédigé dans les termes suivants :

'Vos responsables hiérarchiques viennent de me transmettre un courrier daté du 12 février 2008 de l'entreprise SEGEDI dans lequel le directeur fait état de vos comportements et propos inacceptables.

Ces agissements, non conformes aux pratiques souhaitées par PRO BTP vous ont déjà été reprochés par votre hiérarchie lors de vos derniers entretiens annuels de progrès.

Je vous demande, en conséquence, de considérer cette lettre comme un avertissement et vous enjoins d'améliorer votre comportement à l'avenir tant vis à vis de vos adhérents que de vos collègues'.

Cet avertissement reprenait des reproches qui avaient à maintes reprises adressés au salarié, de sorte qu'il ne parait pas à lui seul avoir eu un impact conséquent sur Monsieur [F] ; il a été retiré en raison de son irrégularité formelle.

Monsieur [F] ne justifie pas du préjudice que cet avertissement, qui n'a pas été maintenu, lui aurait causé, étant relevé que l'arrêt de travail dont il fait état pour justifier de son préjudice est intervenu en décembre 2009, soit 18 mois plus tard.

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages et intérêts de ce chef.

- Sur l'obligation de sécurité de l'employeur

Monsieur [F] sollicite 50.000 euros de dommages et intérêts en raison du préjudice qu'il a subi à la suite d'une agression dont il a été victime sur son lieu de travail. Il expose que le 6 décembre 2007, il s'était absenté provisoirement de son bureau, et qu'un individu s'y est introduit et a endommagé sa serviette afin de le voler ; qu'il a été blessé en voulant empêcher l'individu de s'enfuir ; que ce dernier a été jugé en comparution immédiate, et condamné à quatre mois d'emprisonnement. Monsieur [F] précise qu'il a été placé en arrêt de travail jusqu'au 13 janvier 2008, le médecin ayant, par ailleurs, retenu une ITT de deux jours.

L'association PRO BTP s'oppose à la demande en faisant valoir qu'elle n'a en rien manqué à son obligation de sécurité, dès lors qu'elle n'était pas en mesure de prévoir ou d'empêcher le vol ; qu'ainsi elle n'a pas manqué à son obligation générale de sécurité.

Aux termes de l'article L4121-1 et suivants du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Il résulte de ce texte et des dispositions des articles 1146 et suivants du Code civil qu'il pèse sur l'employeur une obligation de sécurité qui est une obligation de résultat. Ainsi, si un salarié est blessé sur son lieu de travail, il ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en faisant la démonstration d'un cas de force majeur.

En l'espèce, le fait qu'un individu se soit introduit dans les locaux de la société pour y dérober les affaires des salariés ne constitue pas un événement imprévisible ni irrésistible, dès lors que l'employeur ne démontre nullement avoir mis en place un contrôle de l'accès aux bureaux des salariés.

Dès lors, l'association BTP étant défaillante dans la preuve qui lui incombe de l'existence d'une force majeure, elle doit indemniser Monsieur [F] du préjudice qu'il a subi, peu important, à cet égard, que le salarié n'ait pas sollicité d'indemnisation auprès de l'auteur des faits.

Monsieur [F] a été indemnisé de son préjudice matériel à hauteur de 80 euros par la société PRO BTP. Il conteste ce montant mais ne verse aux débats aucun élément permettant de démontrer la valeur de la serviette qui a été endommagée.

Par ailleurs, Monsieur [F] a bénéficié d'un arrêt de travail entre le 6 décembre 2007 et le 13 janvier 2008. Il n'indique pas avoir subi une quelconque perte de salaire.

Reste qu'il a nécessairement subi du fait de cet agression un préjudice personnel, dès lors qu'il a été blessé et qu'il en est résulté pour lui un préjudice moral.

Lorsqu'il a consulté les urgences médico judiciaires, il a été relevé une douleur à la cheville, qu'il a indiqué s'être retournée, et une douleur au pouce (ecchymose mineure et excoriation de 0,5 x 0,5 cm).

Compte tenu de ces éléments, la Cour évalue la juste réparation son préjudice à la somme de 500 euros, montant que l'association BTP PRO sera condamnée à lui verser.

- Sur les demandes de remise de différents documents

Monsieur [F] demande qu'il soit enjoint à son employeur de lui remettre le rapport annuel 2008 établi dans le cadre de la Charte de la diversité, dont il est signataire.

Toutefois, Monsieur [F] ne démontre pas en quoi ce document serait nécessaire à la solution du litige, dès lors que la Cour a disposé de nombreuses pièces qui lui ont permis d'établir qu'il ne faisait l'objet d'aucune discrimination.

Monsieur [F] sollicite également la production des documents qui ont justifié les promotions depuis cinq ans au service contentieux. Il s'agit d'une demande imprécise, à laquelle l'employeur a toutefois répondu, en produisant les bulletins de notification individuelles de tous les salariés du département contentieux, démontrant qu'ils ont le statut d'employé, ainsi que les éléments permettant de justifier des promotions dont ont bénéficié Madame [H], Monsieur [M] et Monsieur [C] (documents PEP).

Ces documents sont apparus suffisants à la Cour pour déterminer que le principe 'à travail égale salaire égal' n'avait pas été méconnu, et que Monsieur [F] n'avait pas fait l'objet d'une quelconque discrimination.

Il ne sera pas fait droit à ces chefs de demande.

*

Monsieur [F] obtenant une infirmation partielle du jugement, mais voyant ses demandes rejetées dans leur grande majorité, il y aura lieu de laisser à la charge de chacune des parties les dépens qu'elle a éventuellement exposés.

Pour les mêmes raisons, l'équité ne commande pas qu'il soit fait application en cause d'appel des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

Confirme le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a débouté Monsieur [F] de sa demande de dommages et intérêts au titre de l'agression qu'il a subie le 6 décembre 2007.

Statuant à nouveau sur ce point,

Condamne l'association PRO BTP à payer à Monsieur [F] la somme de 500 euros en réparation de son préjudice,

Y ajoutant,

Déboute Monsieur [F] du surplus de ses demandes,

Déboute les parties de leurs demandes fondées sur les dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

Dit que chaque partie gardera à sa charge les dépens qu'elle a exposés, en appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/10229
Date de la décision : 22/11/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°10/10229 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-22;10.10229 ?
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