COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
ARRET DU 21 NOVEMBRE 2012
(no 282, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/ 11290
Décision déférée à la Cour : jugement du 2 mai 2011- Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY-RG no 1002457
APPELANTS
Monsieur Stéphane X...... 93230 ROMAINVILLE
Monsieur David Y...... 93110 ROSNY-SOUS-BOIS
représentés et assistés de Me Patrick BETTAN de la AARPI AARPI DES DEUX PALAIS (avocat au barreau de PARIS, toque : L0078) et de Me Nathalie SOUFFIR (avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC 318) substituant Me Alain CROS (avocat au barreau du VAL-DE-MARNE, toque : PC 182)
INTIMES
Maître Philippe C...... BP 26 93136 NOISY LE SEC
Société civile Z... C... D... prise en la personne de ses représentants légaux... BP 26 93136 NOISY LE SEC CEDEX
représentés et assistés de la SCP Jeanne BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034) et de Me Charlotte SPIELREIN-MAUDUIT (avocat au barreau de PARIS, toque : P238) SCP LEFEVRE PELLETIER et Associés
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 2 octobre 2012, en audience publique, le rapport entendu conformément à l'article 785 du code de procédure civile, devant la Cour composée de :
Monsieur Jacques BICHARD, Président Madame Marguerite-Marie MARION, Conseiller Madame Dominique GUEGUEN, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN
ARRET :
- contradictoire-rendu publiquement par Monsieur Jacques BICHARD, président-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur Jacques BICHARD, président et par Madame Noëlle KLEIN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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Considérant qu'il avait engagé sa responsabilité civile professionnelle dans une transaction immobilière qu'ils lui avaient confiée, Monsieur Stéphane X... et Monsieur David Y... ont fait assigner Maître Philippe C... et la S. C. P. Z... D... devant le Tribunal de grande instance de Bobigny par exploit d'huissier de Justice du 23 février 2010 ;
Par jugement du 2 mai 2011, le Tribunal de grande instance de Bobigny a :- débouté Monsieur Stéphane X... et Monsieur David Y... de leurs demandes,- condamné Messieurs Stéphane X... et David Y... à payer à Maître Philippe C... et à la S. C. P. Z... D..., 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,- condamné Messieurs Stéphane X... et David Y... aux dépens ;
Par déclaration du 16 juin 2011, Monsieur Stéphane X... et Monsieur David Y... ont interjeté appel de ce jugement ; Dans leurs dernières conclusions déposées le 31 août 2012, ils demandent à la Cour de :- infirmer le jugement déféré,- déclarer Monsieur Stéphane X... et Monsieur David Y... recevables et bien fondés en leurs demandes, En conséquence,- débouter Maître Philippe C... et la S. C. P. Z... C... D... de toutes leurs demandes,- Condamner solidairement Maître Philippe C... et la S. C. P. Z... D... à payer la somme de 4 900 €,- Condamner solidairement Maître Philippe C... et la S. C. P. Z... D... à payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,- Condamner solidairement Maître Philippe C... et la S. C. P. Z... D... aux entiers dépens de première instance et d'appel ;
Dans leurs seules conclusions déposées le 27 octobre 2011, Maître Philippe C... et la S. C. P. Z... D... demandent à la Cour, sous divers " dire et juger ", de :- confirmer le jugement déféré,- débouter Messieurs Stéphane X... et David Y... de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,- condamner Messieurs Stéphane X... et David Y... à verser à Maître Philippe C... et à la S. C. P. Z... D... la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,- condamner Messieurs Stéphane X... et David Y... au paiement des dépens de l'instance ;
L'ordonnance de clôture a été rendue le 18 septembre 2012 ;
CELA ETANT EXPOSE, LA COUR,
Considérant qu'il résulte des écritures des parties que, par acte authentique du 27 juin 2006 dressé par Maître Philippe C... (Maître C...), notaire associé de la S. C. P. Z... D..., Monsieur et Madame Emile G... ont vendu à Monsieur Stéphane X... et Monsieur David Y... (Messieurs X... et Y...) une maison d'habitation sise... à Rosny-sous-Bois moyennant le prix de 276 000 € ;
Que la note de renseignement d'urbanisme délivrée le 30 mars 2006 en vue de cet acte de vente indiquait l'existence d'un plan d'occupation des sols (POS), précisait que le terrain était soumis au droit de préemption urbain au profit de la ville et était également compris dans un emplacement réservé pour un équipement public, en l'espèce " opération E2 (prolongement de l'A " (autoroute) " 103)- réserve d'Etat " ;
Que le 2 avril 2008, Messieurs X... et Y... ont signé une promesse de vente de ce bien immobilier en l'Etude de Maître C... au profit de Madame Dominique H... épouse I... (Madame I...) ; qu'une indemnité d'immobilisation d'un montant de 49 000 € versée par cette dernière a été séquestrée à l'Etude du notaire ; qu'en page 7, cet acte comporte, à la rubrique " conditions suspensives auxquelles seul le bénéficiaire pourra renoncer : (...) Urbanisme : que la note de renseignement d'urbanisme et les pièces produites par la commune ne révèlent aucun projet, vice ou servitudes de nature à déprécier de manière significative la valeur du bien ou à nuire à l'affectation sus-indiquée à laquelle le bénéficiaire le destine " (usage d'habitation) ;
Que la note de renseignement d'urbanisme sollicitée par Maître C... délivrée le 7 avril 2008 et transmis à Madame I..., indiquait l'existence d'un plan d'occupation des sols (POS), précisait que le terrain était soumis au droit de préemption urbain simple au profit de la ville et était " compris dans un emplacement réservé pour un équipement public " en l'espèce "... dans la réserve E2 (aménagement de l'échangeur autoroutier A 86 " ;
Que, par lettre recommandée avec accusé de réception datée du 2 mai 2008, Madame I..., se prévalant de cette condition suspensive, a avisé Maître C... de sa volonté de renoncer à l'acquisition de l'immeuble objet de la promesse de vente en sollicitant la restitution de l'indemnité d'immobilisation à laquelle le notaire a procédé le 12 juin 2008 ;
Que c'est dans ce contexte que Messieurs X... et Y... ont saisi le Tribunal de grande instance de Bobigny qui a rendu le jugement soumis à la Cour ;
SUR QUOI,
Considérant que, dans leurs dernières conclusions auxquelles il convient de se référer pour le détail de leur argumentation, Messieurs X... et Y... reprochent à Maître C... de ne pas avoir assuré l'efficacité juridique de la promesse établie le 2 avril 2008 et d'avoir manqué à son obligation de conseil ; qu'ils font valoir que rédacteur des actes de 2006 et de 2008, demandeur des certificats d'urbanisme de 2006 et de 2008, Maître C... était donc parfaitement au courant de la situation du bien litigieux et qu'il aurait dû insérer dans l'acte de 2008 les renseignements d'urbanisme obtenus en 2006 dès lors qu'il savait qu'une servitude d'urbanisme ou une réserve d'Etat ne peuvent être supprimées, qu'il aurait également dû aviser Madame I... de l'existence de cette réserve ce qui aurait permis la réalisation de la vente ou, au moins, pour les vendeurs, de récupérer l'indemnité d'immobilisation ; qu'ils font observer que Maître C... a, en outre, inséré en 2008 une condition suspensive qui était déjà réalisée en 2006 dans la mesure où il n'y a aucune différence entre les deux certificats d'urbanisme, enfin que le fait que le client ait pu avoir une connaissance personnelle de la situation ne le dispense pas de son devoir de conseil ;
Considérant que, dans ses seules conclusions auxquelles il convient de se référer pour le détail de leur argumentation, Maître C... et la S. C. P. Z... C... D... font valoir que, la pratique exigeant du notaire qu'il insère dans un acte un certificat d'urbanisme récent, Maître C... a pris la précaution d'insérer une condition suspensive en même temps qu'il faisait une demande de certificat d'urbanisme pour l'acte de 2008, les servitudes mentionnées en 2006 ayant pu disparaître ; qu'ils font remarquer que les deux certificats d'urbanisme ne sont pas identiques, celui de 2006 faisant état du prolongement de l'A 103 et celui de 2008 d'un échangeur pour la A 86 ; qu'ils ajoutent que les appelants ne peuvent reprocher à Maître C... un défaut de conseil dès lors qu'ils étaient parfaitement au courant de la situation comme indiqué dans l'acte de 2006 et qu'ils n'ont pas cru utile d'en informer eux-mêmes Madame I... ;
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Considérant à titre préliminaire, qu'il sera rappelé que les compétences ou connaissances personnelles du client ne sauraient dispenser le notaire de son devoir de conseil qui n'a pas de caractère relatif ;
Considérant, que Maître C... a pris la précaution d'insérer dans l'acte de vente du 27 juin 2006 la mention " observation E2 (prolongement de l'A 103) réserve d'état " contenue dans le certificat d'urbanisme du 30 mars 2006 sous la rubrique " urbanisme " en précisant " l'Acquéreur déclare avoir parfaite connaissance de la situation pour s'être renseigné auprès de la mairie à ce sujet (...) s'oblige à faire son affaire personnelle de l'exécution des charges et prescriptions, du respect des servitudes publiques et autres limitations administratives au droit de propriété mentionnées sur les documents précisés, sans recours contre les vendeurs ", (pièce no 5 des appelants, p. 12) ; que s'il devait effectivement insérer un certificat d'urbanisme récent dans l'acte de promesse de vente du 2 avril 2008, il aurait été opportun qu'il avise Madame I... de la réserve d'Etat dès lors qu'il en avait connaissance dès le 30 mars 2006, peu important que celle-ci vise le prolongement de l'A 103 ou l'échangeur de l'A 86, ces deux aménagements, se complétant ;
Que cependant, cette réserve d'Etat étant incontournable, c'est avec raison que le premier juge a relevé que les demandeurs n'établissent pas que celle-ci aurait néanmoins consenti à apposer sa signature au bas de l'acte de la promesse de vente du 2 avril 2008 dans la version qu'ils préconisent aujourd'hui, dès lors qu'elle aurait été avertie par la lecture de ladite promesse de l'existence de " l'opération E2 ", mention qui aurait eu pour effet de susciter la même rétractation que celle provoquée par la mention de la " réserve E2 " présente dans la note de renseignement d'urbanisme délivrée le 7 avril 2008 ;
Que dès lors, la perte de chance, de voir se réaliser la vente ou, à tout le moins, de pouvoir prétendre au paiement de l'indemnité d'immobilisation du fait de la faute de Maître C..., invoquée par les appelants est purement hypothétique et ne peut, de ce fait, donner lieu à indemnisation ;
Considérant, pour ces motifs et sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation, qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
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Considérant que l'équité commande de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile dans les termes du dispositif du présent arrêt ;
Considérant que Messieurs X... et Y... succombant en leur appel, devront en supporter les dépens ;
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y AJOUTANT,
CONDAMNE Monsieur Stéphane X... et Monsieur David Y... à verser à Maître Philippe C... et à la S. C. P. Z... C... D... la somme de 3 000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
REJETTE toutes autres demandes des parties,
CONDAMNE Monsieur Stéphane X... et Monsieur David Y... au paiement des dépens avec admission de l'Avocat concerné au bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.