RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 9
ARRÊT DU 21 Novembre 2012
(n° , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/10742
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 Mai 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS - section activités diverses - RG n° 07/11498
APPELANTE
ATELIER [D] [F], entreprise individuelle de droit suisse, exerçant sous le nom commercial [D] [F] & Partner, représentée par M.[D] [F], son dirigeant
[Adresse 5]
[Adresse 3]
SUISSE
représentée par Me Marco ITIN, avocat au barreau de PARIS, E0892 substitué par Me Céline TULLE, avocate au barreau de PARIS
INTIMÉE
Madame [W] [R]
[Adresse 7]
[Adresse 7]
[Localité 2]
comparante en personne, assistée de Me Nicolas SIDIER, avocat au barreau de PARIS, R047 substitué par Me Romain AUPOIX, avocat au barreau de PARIS
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Octobre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine ROSTAND, présidente, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Christine ROSTAND, présidente
Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller
Monsieur Jacques BOUDY, conseiller
GREFFIÈRE : Madame Anne-Marie CHEVTZOFF, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Mme [W] [R] a été embauchée par l' Atelier [D] [F], entreprise individuelle inscrite au registre du commerce et des sociétés de Bâle (Suisse) représentée par son dirigeant M. [D] [F], en qualité de collaboratrice chargée des relations et de la coordination des activités sur le territoire français, par contrat à durée indéterminée en date du 24 février 1981 selon la salariée, du 1er août 1981 selon l'employeur.
Le salaire mensuel moyen s'établissait en dernier lieu à 3 500 euros net.
Mme [W] [R] a été licenciée par lettre RAR en date du 31 juillet 2007.
L'entreprise comptait moins de onze salariés et n'a aujourd'hui plus d'activité, M. [F] étant parti à la retraite.
Contestant son licenciement, Mme [R] a saisi le 26 octobre 2007 le conseil de prud'hommes de Paris qui, par décision en date du 20 mai 2010, notifiée à l'appelant le 3 septembre 2010, a accueilli partiellement ses demandes et a condamné l'Atelier [D] [F] à lui payer les sommes de :
- 32 998,81 € à titre d'heures supplémentaires
- 3 299,88 € au titre des congés payés afférents
- 12 950 € à titre d'indemnité de licenciement
avec intérêt au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation
- 63 216 € à titre de dommages et intérêts pour perte d'assurance chômage
- 42 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif
- 3 500 € au titre du non respect de la procédure de licenciement
avec intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement
- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
a ordonné la remise des bulletins de salaires conformes sur toute la période de la relation de travail et la capitalisation des intérêts au taux légal.
L'Atelier [D] [F] a relevé appel de cette décision par LRAR en date du 3 décembre 2010.
À l'audience du 8 octobre 2012, l' Atelier [D] [F] a développé oralement ses conclusions visées par le greffier aux termes desquelles il a sollicité l'infirmation du jugement rendu le 20 mai 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris, en son entier, et demandé à la cour de déclarer le droit suisse applicable à la relation de travail, de débouter Mme [W] [R] de l'ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer les sommes de :
- 3 498,49 € à titre de remboursement de salaire trop perçu en raison d'une erreur de virement
- 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
et subsidiairement de limiter :
- le montant de la demande de dommages et intérêts au titre du licenciement abusif conformément aux dispositions de l'article L 1235-5 du code du travail
- le montant de la demande formulée à titre de rappel sur les heures supplémentaires à la somme de 3 430,77 € et de 343,07 € de congés payés y afférents
et de débouter Mme [W] [R] du surplus de ses demandes.
Mme [W] [R] a repris oralement à l'audience ses conclusions visées par le greffier aux termes desquelles elle a sollicité l'infirmation partielle du jugement rendu le 20 mai 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris, et y ajoutant, a demandé à la cour de condamner l' Atelier [D] [F] à lui payer les sommes de :
- 104 400 € à titre de de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
- 21 000 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé
- 26 346 € à titre d'indemnité légale de licenciement
- 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens
d'ordonner la remise des bulletins de paye sur l'intégralité de la période d'emploi de la salariée, de fixer le point de départ des intérêts légaux à la date de saisine du conseil de prud'hommes et d'ordonner la capitalisation des intérêts légaux en application de l'article 1154 du code civil
Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.
MOTIFS
Sur la loi applicable au contrat de travail
Mme [R] se prévaut d'une promesse d'embauche en qualité de graphiste formulée par l'atelier [D] [F] le 24 février 1981 qui a pris effet le 1er avril 1981 et a été régularisée par contrat du 1er août 1981.
M. [D] [F] réplique que cette proposition d'embauche a été formulée dans le cadre d'un projet d'association avec une autre personne, M. [S] qui n'a pas abouti et que la relation de travail n'a débuté qu'avec la signature du contrat daté du 1er août 1981.
Il résulte des pièces versées au dossier par Mme [R] que :
- par courrier daté du 24 février 1981, l'atelier [D] [F] confirmait à Mme [R] son embauche à partir du 1er avril après un stage d'un mois à [Localité 4] avant d'être intégrée soit en « tant qu'employée de [U] [E] [S] dans notre équipe, soit en tant qu'employée dans une société que je créerai ensemble avec [U][E] [S] »...moyennant un salaire de 6 000 Fr, les autres conditions étant fixées par les conventions collectives et la législation française
- par acte du 22 juin 1981, M. [D] [F] et M. [U] [S], tous deux se disant domiciliés à [Localité 10] et représentant conjointement une association de moyens qu'ils étaient en train de créer, embauchaient Mme [R] à compter du 1er juin 1981 en qualité d'assistante de conception en ingénierie et design d'équipements de signalétique et autres produits destinés à l'environnement, décrivaient ses missions et fixaient sa rémunération annuelle à 72 000 Fr
- le contrat de travail signé le 1er août 1981 entre [D] [F], propriétaire de l'Atelier [D] [F] et Mme [R], prévoit que Mme [R] garde son domicile en France, fixe son salaire à 6 000 Frs français payés mensuellement, prévoit l'affiliation de la salariée aux organismes de protection sociale suisse et qu'enfin, pour « l'ensemble des rapports, les conventions collectives de l'AVS sont applicables ».
Le premier document présente tous les critères d'une promesse d'embauche dans la mesure où il fixe une date d'embauche et le montant de la rémunération, le deuxième constitue à l'évidence le contrat de travail qui devait suivre cette promesse d'embauche et le troisième, le contrat de travail qui a été finalement conclu entre M. [D] [F] et Mme [R] à la suite de l'échec de la formation de l'association annoncée dans les deux premiers documents.
Il convient donc de considérer que le contrat de travail signé le 1er août 1981 faisait suite à l'offre ferme et précise de M. [D] [F] de recruter Mme [R] moyennant une rémunération de 6 000 fr et que le contrat a pris effet le 1er avril 1981.
La loi normalement applicable à un contrat de travail international est la loi choisie par les parties et ce choix peut être exprès ou implicite. A défaut de choix, c'est à celui qui prétend écarter la loi du lieu d'accomplissement habituel de travail de rapporter la preuve que le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays.
Le contrat de travail ne comporte pas de choix explicite quant à la loi suisse ou française applicable à la relation contractuelle et il ne peut être déduit de l'affiliation aux organismes sociaux suisses et de la référence dans le contrat à une convention collective suisse que les parties ont choisi de soumettre le contrat à la loi suisse, compte tenu notamment des clauses figurant dans la promesse d'embauche et le premier contrat qui n'a pas eu de suite, faute d'accord entre les employeurs.
Si la volonté des parties ne peut se déduire d'un élément suffisamment probant, la loi régissant le contrat est celle du lieu habituel d'exécution du contrat.
M. [D] [F] soutient que les parties ont entendu implicitement faire application de la loi suisse au contrat de travail et que le contrat s'est exécuté principalement en Suisse comme en témoigne l'attestation de Monsieur [K] qu'il produit à son dossier. Il assure que l'atelier [D] [F] n'avait pas d'établissement à [Localité 10] mais qu'il y possédait avec son épouse un appartement à titre personnel. Il fait valoir que les pièces adverses, soit une facture téléphonique au nom de Mme [Y] [F] ainsi qu'une facture de frais de photocopie qui établit que le prétendu atelier ne disposait même pas d'une photocopieuse, démontrent l'inexistence de locaux dédiés à l'activité de l'Atelier [D] [F] à [Localité 10]. Il admet qu'à partir des années 2000, Mme [R] a pu accomplir une partie de son travail à son propre domicile à [Localité 10] mais fait valoir que la liste de ses nombreux déplacements montre qu'elle se rendait fréquemment et parfois pour de longues périodes en Suisse. Il souligne enfin que l'affiliation de Mme [R] aux assurances sociales suisses conforte la volonté des parties de soumettre le contrat de travail au droit suisse.
Mme [R] lui oppose que le contrat de travail du 1er août 1981 prévoit à l'article 1 que le lieu habituel de travail de la salariée est en France et soutient que le lieu d'exécution du contrat de travail était à l'atelier [D] [F] situé à [Adresse 1].
Au soutien de cette affirmation, elle verse aux débats les photos de l'atelier, les factures et devis au nom de M. [D] [F] pour l'appartement situé [Adresse 1], ses cartes de visite professionnelles, ses avis d'impôt sur le revenu, les certificats de salaires faisant état de son adresse en France, des exemples d'enveloppe Chronopost par lesquelles elle adressait son travail à M. [D] [F] en Suisse, le livre des frais engagés à [Localité 10] qu'elle tenait, des factures de France Telecom qui font apparaître qu'elle téléphonait presque quotidiennement en Suisse, les talons des chèques émis en France de 1980 à 2007 et des extraits des relevés de ses comptes chèques ainsi que des justificatifs des déplacements qu'elle effectuait de 1981 à 2007 en France, en Suisse, en Allemagne et en Autriche, outre 7 attestations de personnes ayant constaté qu'elle travaillait à [Localité 10].
Il ressort des déclarations concordantes des auteurs de ces attestations que les locaux où travaillait Mme [R] au deuxième étage du [Adresse 1] étaient aménagés avec une table à dessin, du matériel de bureau, de dessins et de graphisme et du témoignage de Mme [O] que lorsqu' au mois de décembre 2000, M. [D] [F] a vendu cet appartement, Mme [R] a été ensuite dans l'obligation de travailler depuis son domicile.
Au vu de l'ensemble de ces éléments, il apparaît que le lieu d'accomplissement habituel du travail était à [Localité 10] et M. [F] ne démontre pas que le contrat présentait des liens plus étroits avec la Suisse alors que l'entreprise avait jusqu'en 2001 un site à [Localité 10] et que le contrat prévoit que la salariée exercera son activité en France, le choix fait en matière d'organismes sociaux d'assurance et de convention collective n'étant en l'espèce que supplétif.
Le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la loi française s'appliquait au contrat de travail.
Sur la demande au titre des heures supplémentaires
La durée légale du travail effectif prévue à l'article L.3121-10 du code du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article 3121-22 du même code.
Le contrat de travail du 1er août 1981 prévoit à l'article 4 que la durée du travail est régie par les conventions collectives de l'AVS et qu'elle est fixée à 44 heures par semaine, répartie en 5 jours ouvrables.
La relation de travail étant soumise au droit français, cette clause qui fait expressément référence au droit suisse ne peut être considérée comme une convention de forfait entre l'employeur et la salariée.
Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.
En l'espèce, Mme [R] expose qu'elle a effectué d'octobre 2002 à septembre 2007, 1 208,45 heures supplémentaires et, pour étayer ses dires, produit notamment un relevé détaillé de ses heures de travail établi sur la base de ses agendas et des feuilles de travail qu'elle remettait à M. [F] en vue de la facturation des clients.
Il s'ensuit que la salariée produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.
L'employeur conteste les décomptes établis par Mme [R] et fait remarquer qu'elle jouissait d'une grande liberté dans l'organisation de son emploi du temps et qu'elle n'a jamais sollicité le paiement d'heures supplémentaires en cours d 'exécution du contrat de travail. Il conteste tout particulièrement les heures supplémentaires justifiées par le décompte d'heures supplémentaires effectué en août 2007 après la rupture du contrat de travail.
Il en résulte qu'au vu des éléments produits de part et d'autre, et sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction au sens du texte précité que Mme [R] a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées ; que cependant, il y a lieu de soustraire du montant auquel elle prétend les 49 heures comptées en août 2007 pour la reconstitution des heures supplémentaires effectuées qui ne sont étayées par aucune pièce justificative. Le jugement est confirmé sur le principe mais la somme due à ce titre sera fixée à 31 586,14 euros, outre 3 158, 61 euros au titre des congés payés afférents.
Sur le licenciement
Aux termes de l'article L.1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques.
Il résulte de l'article L.1233-16 du code du travail que la lettre de licenciement comporte l'énoncé des motifs économiques invoqués par l'employeur. Les motifs énoncés doivent être précis, objectifs et matériellement vérifiables, et la lettre de licenciement doit mentionner également leur incidence sur l'emploi ou le contrat de travail du salarié.
A défaut, le licenciement n'est pas motivé et il est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
La lettre de licenciement est ainsi rédigée :
« Comme je te l'avais annoncé lors de la conversation téléphonique d'hier, le 30 juillet 2007, je suis contraint pour des raisons économiques de résilier notre contrat de travail pour le 31 octobre 2007, en respectant le délai légal de résiliation de trois mois ».
Cette motivation ne satisfait pas aux exigences légales en ce qu'elle ne précise ni les motifs économiques du licenciement ni leur incidence sur l'emploi de Mme [R].
Le licenciement est donc sans cause réelle ni sérieuse.
Aux termes de l'article L.1235-5 du code du travail ne sont pas applicables au licenciement d'un salarié de moins de deux ans d'ancienneté et au licenciement opéré dans une entreprise employant habituellement moins de onze salariés les dispositions relatives à l'absence de cause réelle et sérieuse prévues à l'article L.1235-3 du même code selon lequel il est octroyé au salarié qui n'est pas réintégré une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois, et, en cas de licenciement abusif, le salarié peut prétendre à une indemnité correspondant au préjudice subi.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise qui ne comptait qu'un salarié, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Mme [R], de son âge ' 58 ans - à la date de la rupture, de son ancienneté de 26 années, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-5 du code du travail, une somme de 50 000 euros à titre d'indemnité pour licenciement abusif.
L'employeur n'ayant pas convoqué la salariée à un entretien préalable avant son licenciement, le jugement est confirmé sur le montant de l'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement.
L'article L.8221-1 du code du travail prohibe le travail totalement ou partiellement dissimulé défini par l'article L.8221-3 du même code relatif à la dissimulation d'activité ou exercé dans les conditions de l'article L.8221-5 du même code relatif à la dissimulation d'emploi salarié.
Aux termes de l'article L.8223-1 du code du travail, le salarié auquel l'employeur a recours dans les conditions de l'article L.8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L.8221-5 du même code relatifs au travail dissimulé a droit, en cas de rupture de la relation de travail, à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
L'article L.8221-5, 2°, du code du travail dispose notamment qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour un employeur de mentionner sur les bulletins de paie un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Toutefois, la dissimulation d'emploi salarié prévue par ces textes n'est caractérisée que s'il est établi que l'employeur a agi de manière intentionnelle.
En l'espèce, s'il n'a été remis aucun bulletin de paie à la salariée ni versé de cotisations auprès de l'URSSAF, l'employeur établit avoir satisfait à ses obligations au regard de la loi suisse qu'il croyait applicable et il n'est pas démontré qu'il ait agi de manière intentionnelle.
Mme [R] sera déboutée de la demande faite à ce titre.
Elle est dès lors fondée à prétendre à l'indemnité légale de licenciement dont les modalités de calcul fondées sur les dispositions de l'article R.1234-3 du code du travail applicable à la date de la rupture ne sont pas discutées, et qui s'élève à 26 346 euros.
Sur la demande à titre de dommages et intérêts pour perte de l'assurance chômage
Mme [R] soutient que faute d'avoir été assurée en France, elle n'a pu percevoir aucune indemnité de chômage et que sa prise en charge lui a été refusée en Suisse au motif qu'elle n'était pas en droit de prétendre à ces prestations.
L'appelant fait valoir qu'il a cotisé tout au long de la collaboration aux caisses de chômage suisses et qu'il a informé la salariée de l'ensemble des démarches à accomplir pour être remplie de ses droits, qu'il ne saurait être tenu pour responsable d'une situation qui n'est pas de son fait.
Il justifie avoir adressé le 17 octobre 2007 les documents nécessaires pour que Mme [R] puisse obtenir des indemnités de chômage ( pièce 15) et produit un avis daté du 2 mai 2012 donné par l'assurance chômage de [Localité 4] qui explique que Mme [R] aurait dû pouvoir prétendre aux indemnités de chômage en France, pays de sa résidence.
Les dispositions de la convention d'assurance chômage du 14 décembre 1978 entre la Confédération Suisse et la République française reprises par le règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971 modifié, applicables au litige prévoient la situation des ressortissants des Etats contractants résidant dans leur état d'origine et ayant cotisé dans l'autre Etat.
Cependant, Mme [R] établit par les pièces 30 à 39 qu'elle a versées aux débats :
- qu'elle a accompli toutes les démarches nécessaires à l'obtention de ses indemnités de chômage et que l'Assedic lui a répondu le 25 octobre 2007 que sa demande d'admission à l'allocation d'aide au retour à l'emploi ne pouvait recevoir de suite en application de l'article 67 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971, faute de justifier d'une période d'activité salariée exercée en France
- qu'elle a poursuivi par la suite ses démarches au cours de l'année 2008 et que l'appelant a répondu à ses sollicitations, notamment en fournissant un certificat de salaire du 1er janvier 2007 au 31 octobre 2007
- que le 24 mai 2008, le directeur de l'Assedic de [Localité 10] lui a notifié que sa demande d'admission était rejetée, l'article 67 du règlement CEE 1408/71 du 14 juin 1971 exigeant que le salarié qui a travaillé dans un des pays de l'Union européenne justifie en dernier lieu d'une période d'activité salariée exercée en France pour obtenir l'ouverture de droits aux allocations de chômage (pièce 52).
Il n'appartient pas à la cour d'apprécier l'application faite par l'Assedic de [Localité 10] du texte précité alors que la salariée avait déclaré qu'une partie de son travail s'effectuait en France. Au vu de la présente décision qui énonce que le droit français est applicable à la relation de travail, Mme [R] est désormais en mesure de justifier d'une période d'activité salariée exécutée en France.
Il n'est pas démontré en revanche que M. [D] [F], qui justifie avoir cotisé à l'assurance chômage en Suisse conformément à l'engagement pris dans le contrat de travail, comme d'ailleurs à l'assurance maladie et à la caisse de retraite, ait commis un quelconque manquement à cet égard et Mme [R] sera déboutée de la demande faite de ce chef.
Le jugement est infirmé sur ce point.
Sur la demande reconventionnelle de M. [D] [F]
L'appelant demande la condamnation de Mme [R] à lui rembourser un trop perçu.
Mme [R] qui ne conteste pas devoir cette somme, sera condamnée à verser à l'appelant la somme de 3 498,49 euros virée après la rupture par erreur sur son compte.
L'Atelier [D] [F] représenté par M. [D] [F] sera condamné aux dépens et versera à Mme [R] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
INFIRME partiellement le jugement ;
Statuant à nouveau,
CONDAMNE l'Atelier [D] [F] représenté par M. [D] [F] à payer à Mme [W] [R] les sommes suivantes :
- 31 586,14 € à titre de rappel de salaire pour les heures supplémentaires, outre 3 158, 61 € au titre des congés payés afférents
- 26 346 € à titre d'indemnité de licenciement
les dites sommes avec intérêt au taux légal à compter du 7 mai 2008
- 50 000 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive
DÉBOUTE Mme [W] [R] de sa demande de dommages et intérêts pour perte de l'assurance chômage
CONDAMNE Mme [R] à verser à l'Atelier [D] [F] représenté par M. [D] [F] la somme de 3 498,49 euros ;
CONFIRME le jugement déféré pour le surplus ;
Ajoutant,
CONDAMNE l'Atelier [D] [F] représenté par M. [D] [F] à verser à Mme [R] la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE L'Atelier [D] [F] représenté par M. [D] [F] aux dépens.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE