Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 1 - Chambre 1
ARRÊT DU 20 NOVEMBRE 2012
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/12192
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du délégué du président du tribunal de grande instance de Paris en date du 23 mai 2011 qui a revêtue de l'exequatur l'acte dénommé 'sentence arbitrale définitive' rendu à [Localité 10] le 4 août 2008, par le tribunal arbitral ad'hoc composé de Mme [I] et de M. [T], arbitres, et de M. Ruzicka, président
DEMANDERESSE AU RECOURS :
LA RÉPUBLIQUE TCHÈQUE
représentée par son Ministère de la Santé
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 10] 2
représentée par la SCP FISSELIER-CHILOUX-BOULAY, Me Alain FISSELIER, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L 44
assistée de Me Anthony VAN HAGEN, et Me Yann LE DOUARIN, avocats plaidant du barreau de PARIS, toque : C 674 et L 118
DÉFENDERESSE AU RECOURS :
DIAG HUMAN SE
prise en la personne des ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Adresse 1]
PRINCIPAUTE DU [Localité 8]
représentée par la SCP LAGOURGUE-OLIVIER, Me Charles-Hubert OLIVIER, avocat postulant du barreau de PARIS, toque : L 29
assistée de Me Geneviève AUGENDRE, avocat plaidant du barreau de PARIS, toque :
P 60
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 23 octobre 2012, en audience publique, le rapport entendu, devant la Cour composée de :
Monsieur ACQUAVIVA, Président
Madame GUIHAL, Conseillère
Madame DALLERY, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame PATE
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur ACQUAVIVA, président et par Madame PATE, greffier présent lors du prononcé.
Un différend entre la société DIAG HUMAN SE, immatriculée au [Localité 8], et la REPUBLIQUE TCHEQUE a fait l'objet d'une convention d'arbitrage signée entre les parties le 18 septembre 1996.
Par une sentence rendue à [Localité 10] le 4 août 2008, le tribunal arbitral ad hoc composé de Mme [I] et de M. [T], arbitres, ainsi que de M. [X], président, a condamné la REPUBLIQUE TCHEQUE à payer diverses sommes à DIAG HUMAN SE.
Cette sentence a été revêtue de l'exequatur par une ordonnance du délégué du président du tribunal de grande instance de Paris en date du 23 mai 2011.
La REPUBLIQUE TCHEQUE en a interjeté appel le 29 juin 2011.
Par conclusions du 13 septembre 2012 et du 10 octobre 2012, la REPUBLIQUE TCHEQUE demande l'annulation de l'ordonnance d'exequatur et la condamnation de DIAG HUMAN SE à lui payer la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir, d'une part, que la requête d'exequatur n'était pas accompagnée de la convention d'arbitrage, en violation des dispositions des articles 1515 et 1516 du code de procédure civile, d'autre part, que la reconnaissance ou l'exécution de la sentence est contraire à l'ordre public international, dès lors que la convention d'arbitrage prévoyait une procédure de réexamen de la sentence qui a été effectivement mise en oeuvre, de sorte que la sentence litigieuse était privée d'existence et que sa soumission à l'exequatur procédait d'une fraude.
Par conclusions du 4 octobre 2012, DIAG HUMAN SE demande à la cour de déclarer l'appel irrecevable et mal fondé, de confirmer l'ordonnance entreprise et de condamner la REPUBLIQUE TCHEQUE à lui payer la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile. Elle soutient que l'obtention de l'ordonnance d'exequatur fait présumer le dépôt de la convention d'arbitrage, que la procédure d'arbitrage elle-même ne fait l'objet d'aucune allégation de fraude et que la demande d'exequatur n'encourt pas davantage ce reproche, aucune disposition interne ou internationale n'exigeant de porter à la connaissance du juge de l'exequatur l'existence d'une demande de réexamen, que la sentence rendue est définitive, qu'elle existe indépendamment de la demande de réexamen, laquelle, au demeurant est irrégulière au regard de la loi tchèque, qu'en toute hypothèse, à supposer que le réexamen aboutisse à une modification de la sentence, cette modification serait sans incidence sur l'existence de la sentence et sur l'appréciation de sa validité par le juge français de l'exequatur, que la procédure de réexamen d'une sentence, spécialement en matière d'arbitrage ad hoc, est exclue par le droit français, enfin qu'il n'est pas démontré en quoi l'exécution en France de la sentence heurterait l'ordre public international.
DIAG HUMAN SE a déposé le 19 octobre 2012 des conclusions tendant au rejet des écritures signifiées par la REPUBLIQUE TCHEQUE le 11 octobre 2012, jour de la clôture.
Par des conclusions du 23 octobre 2012, la REPUBLIQUE TCHEQUE soutient que ces conclusions de procédure sont irrecevables pour être présentées à la cour et non au conseiller de la mise en état, qu'en toute hypothèse, elles ne sauraient prospérer dès lors que les conclusions signifiées le 11 octobre répondaient à celles du 4 octobre et qu'il n'est nullement démontré qu'elles comportaient des éléments nouveaux appelant une réplique, enfin, qu'à supposer que les conclusions du 11 octobre soient écartées des débats, celles du 4 octobre devraient l'être également.
SUR QUOI :
Sur la demande tendant à voir écarter des débats les conclusions du 11 octobre 2012 :
Considérant que, contrairement à ce que prétend la REPUBLIQUE TCHEQUE, il appartient à la cour de se prononcer sur une telle demande qui ne relève pas de la compétence exclusive du conseiller de la mise en état;
Que les écritures litigieuses ayant été signifiées le jour même de la clôture de sorte que DIAG HUMAN n'a pas été mise en mesure d'y répliquer, il convient de les écarter des débats; qu'il n'y a pas lieu, en revanche d'écarter celles qui ont été signifiées par l'intimée une semaine plus tôt;
Sur la demande d'infirmation de l'ordonnance d'exequatur :
Considérant que la sentence internationale, qui n'est rattachée à aucun ordre juridique étatique, est une décision de justice internationale dont la régularité est examinée au regard des règles applicables dans le pays où sa reconnaissance et son exécution sont demandées;
Considérant que constituent de véritables sentences, les actes des arbitres qui tranchent de manière définitive, en tout ou en partie, le litige qui leur est soumis, que ce soit sur le fond, sur la compétence ou sur un moyen de procédure qui les conduit à mettre fin à l'instance;
Considérant qu'en l'espèce, à la suite de la fourniture par DIAG HUMAN de plasma sanguin au ministère de la Santé de la REPUBLIQUE TCHEQUE, un différend est survenu que les parties sont convenues de soumettre à l'arbitrage; qu'une convention a été conclue à cet effet le 18 septembre 1996 prévoyant un arbitrage ad hoc;
Considérant qu'aux termes de l'article V de cette convention : 'Les parties ont également convenu que la sentence arbitrale serait susceptible d'être réexaminée par d'autres arbitres que les parties choisiront de la même manière, si une demande de réexamen parvient à l'autre partie dans un délai de 30 jours après la date à laquelle la sentence arbitrale est parvenue à la partie demandant le réexamen. (...) Si une demande de réexamen ne parvient pas à l'autre partie dans ledit délai, la sentence arbitrale acquerra force de chose jugée et les parties s'engagent à la respecter de plein gré dans le délai fixé par les arbitres, faute de quoi elle pourra être exécutée par le tribunal compétent';
Considérant que des juridictions arbitrales composées de trois membres, siégeant à [Localité 10], ont rendu notamment une sentence partielle de réexamen en date du 27 mai 1998 reconnaissant le principe de la responsabilité de la REPUBLIQUE TCHEQUE, une autre sentence partielle de réexamen en date du 25 juin 2002 allouant à DIAG HUMAN des dommages-intérêts en réparation de certains chefs de préjudice, et enfin, la sentence du 4 août 2008, dont l'exequatur fait l'objet de la présente contestation, qui se prononce sur tous les points qui restaient en litige entre les parties;
Considérant qu'il est constant que cette dernière décision a été notifiée aux deux parties le 13 août 2008 et que le 22 août 2008, la REPUBLIQUE TCHEQUE a notifié à DIAG HUMAN une demande de réexamen contenant désignation de son arbitre dans la nouvelle instance; que la procédure de constitution du second tribunal arbitral est toujours en cours;
Considérant que si, suivant l'article 1484 alinéa 1er du code de procédure civile, applicable en matière d'arbitrage international en vertu de l'article 1506 4° du même code, la sentence arbitrale a, dès qu'elle est rendue, l'autorité de la chose jugée relativement à la contestation qu'elle tranche, il n'en va ainsi que pour autant que l'acte en cause s'analyse en une véritable sentence; qu'il appartient au juge de l'exequatur de se prononcer sur ce point et, le cas échéant, de requalifier un acte inexactement dénommé;
Que si, en l'espèce, le document soumis à l'exequatur s'intitule 'sentence arbitrale définitive', ce dernier qualificatif faisant du reste seulement référence à la circonstance que s'y trouvent examinés les derniers points en litige après qu'ont été rendues plusieurs sentences partielles, il résulte clairement des stipulations précitées de la convention d'arbitrage, que la commune intention des parties était de refuser à un tel acte la qualité de sentence dès lors qu'une demande de réexamen était formée dans le délai convenu;
Considérant que de tels aménagements conventionnels ne heurtent aucune règle du droit français qui n'attache l'autorité de chose jugée qu'aux seules sentences arbitrales;
Considérant enfin, que si HUMAN DIAG fait valoir que la demande de réexamen formée par la REPUBLIQUE TCHEQUE est irrégulière faute de qualité de son signataire, de sorte que la sentence du 4 août 2008 serait devenue définitive, ce moyen est une fin de non-recevoir de la seconde instance arbitrale, qu'il n'appartient qu'aux arbitres de trancher;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'ordonnance qui a conféré l'exequatur à un acte dépourvu des caractères d'une sentence arbitrale doit être infirmée;
Considérant que DIAG HUMAN, qui succombe, ne saurait bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; qu'elle sera condamnée sur ce fondement à payer la somme de 20.000 euros à la REPUBLIQUE TCHEQUE;
PAR CES MOTIFS :
Ecarte des débats les conclusions signifiées par la REPUBLIQUE TCHEQUE le 11 octobre 2012.
Dit n'y avoir lieu d'écarter des débats les conclusions signifiées par DIAG HUMAN SE le 4 octobre 2012.
Infirme l'ordonnance d'exequatur de l'acte dénommé 'sentence arbitrale définitive' rendu entre les parties le 4 août 2008.
Condamne DIAG HUMAN SE aux dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Condamne DIAG HUMAN SE à payer à la REPUBLIQUE TCHEQUE la somme de 20.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT