Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 4 - Chambre 1
ARRET DU 15 NOVEMBRE 2012
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/23344
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Novembre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 08/06641
APPELANTS
Monsieur [R] [F]
Madame [M] [T] épouse [F]
demeurant tous deux [Adresse 3]
représentés par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY en la personne de Maître Alain FISSELIER, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044
assistés de la AARPI BREDIN PRAT en la personne de Maître Eric DEZEUZE, avocat au barreau de PARIS, toque : T12
INTIMES
Monsieur [C] [P]
Madame [V] [G] épouse [P]
demeurant tous deux [Adresse 1]
représentés par Maître Véronique KIEFFER JOLY, avocat au barreau de PARIS, toque : L0028
assistés de Maître Vincent SENEJEAN, avocat au barreau de PARIS, toque : B0604
SCP [U] devenue DURANT DES AULNOIS PISANI GROENINCK
prise en la personne de ses représentants légaux
ayant son siège [Adresse 2]
représentée par la SCP Jeanne BAECHLIN en la personne de Maître Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034
COMPOSITION DE LA COUR :
Après rapport oral et en application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 03 octobre2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Christine BARBEROT, conseillère.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Lysiane LIAUZUN, présidente
Madame Christine BARBEROT, conseillère
Madame Anne-Marie LEMARINIER, conseillère
Greffier : Madame Fatima BA
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Lysiane LIAUZUN, présidente, et par Mademoiselle Fatima BA, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*
* *
Par acte authentique du 19 décembre 2007, M. [C] [P] et Mme [V] [G], son épouse (les époux [P]) ont promis de vendre à M. [R] [F] et à son épouse [M] [T] (les époux [F]), qui ont accepté cette promesse sans toutefois prendre l'engagement d'acquérir, les lots 4 et 22 d'un ensemble immobilier sis à [Adresse 8] moyennant le prix de 1 155 000 €, sous la condition suspensive de l'obtention d'un prêt, ladite promesse étant consentie pour une durée expirant le 30 avril 2008 à 16 heures et l'indemnité d'immobilisation fixée à la somme de 115 .000€, les époux [F] ayant versé entre les mains de Maître [U], notaire institué séquestre, la somme de 57 750 €.
La condition suspensive relative à l'obtention d'un prêt a été réalisée, mais la vente n'a pas été conclue, les époux [F] faisant valoir qu'ils ont découvert après signature de la promesse unilatérale de vente, d'une part, que l'immeuble faisait l'objet de deux procédures administratives non mentionnées dans l'acte ayant pour objet de contraindre les copropriétaires à réaliser des travaux urgents sur les façades et les vérandas sur cour et, d'autre part, que les copropriétaires se sont vus notifier le 31 mai 2006, un arrêté d'injonction pris par la mairie de [Localité 7] leur enjoignant de réaliser des travaux exigés depuis 2004 dans un délai de 6 mois sous peine de poursuites pénales et d'exécution d'office aux frais des copropriétaires.
Par acte du 24 avril 2008, les époux [F] ont fait assigner les époux [P] devant le Tribunal de Grande Instance de Paris sollicitant, à titre principal, l'annulation de la promesse unilatérale de vente et la restitution de la somme séquestrée sur le fondement du dol, et, à titre subsidiaire, la caducité de la promesse au motif que les deux procédures administratives constituaient une mesure exceptionnelle grevant l'immeuble, révélée après la signature de l'acte et leur permettait de renoncer à sa réalisation conformément aux termes du contrat.
Par acte du 29 avril 2008, cette assignation a été dénoncée à la SCP [U], notaires associés à Paris.
Par jugement du 16 novembre 2010, le tribunal de grande instance de Paris a :
- débouté les époux [F] de leurs demandes,
- condamné les mêmes à payer aux époux [P] la somme de 115 500 € au titre de l'indemnité d'immobilisation, avec intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2008,
- ordonné la capitalisation de ces intérêts, conformément à l'article 1154 du code civil,
- dit que la somme de 57 750 €, séquestrée entre les mains du caissier de la SCP [U] pourra être libérée entre les mains des époux [P], au vu d'une copie de la présente décision, devenue définitive et qu'elle viendra en déduction des condamnations mises à la charge aux époux [F],
Condamné les époux [F] à payer au titre de l'article 700 du Code de procédure civile une indemnité de :
- 4 000 € aux époux [P],
-1 000 € à la SCP [U],
- rejeté le surplus des demandes reconventionnelles,
- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
- condamné les époux [F] aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du Code de procédure civile.
Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 20 septembre 2012 auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé de leurs moyens, les époux [F], appelants, demandent à la cour, au visa des articles 1109, 1116, 1382 et 1383 du code civil de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et, en statuant à nouveau, de :
A titre principal,
- dire que leur consentement à la promesse de vente du 19 décembre 2007 a été surpris par dol du fait de l'absence d'information fournie par les époux [P] sur l'existence de procédures administratives à l'encontre de la copropriété et sur l'état très dégradé des façades sur cour,
En conséquence,
- dire la promesse de vente nulle et n'y avoir lieu au paiement d'une indemnité d'immobilisation prévue dans ce même contrat,
- condamner les époux [P] à leur restituer la somme de 57 750 € déposée à titre d'indemnité d'immobilisation entre les mains de M. [U], notaire séquestre, somme assortie des intérêts de retard depuis le 19 mars 2008, date de la mise en demeure,
A titre subsidiaire,
- dire la promesse de vente caduque en application de la clause 'urbanisme'
En conséquence,
- dire n'y avoir lieu au paiement d'une indemnité d'immobilisation en application de cette clause,
- condamner les époux [P] à leur restituer la somme de 57 750 € déposée à titre d'indemnité d'immobilisation entre les mains de M. [U], notaire séquestre, somme assortie des intérêts de retard depuis le 19 mars 2008, date de la mise en demeure,
A titre infiniment subsidiaire,
-dire que les époux [P] ont manqué à leur obligation précontractuelle d'information et, engagent de ce fait leur responsabilité civile délictuelle à leur égard,
En conséquence,
- dire que le préjudice qu'ils ont subi est égal à l'indemnité d'immobilisation prévue par la promesse et, partant, n'y avoir lieu au paiement de cette indemnité,
- condamner les époux [P] à leur restituer la somme de 57 750 € déposée à titre d'indemnité d'immobilisation entre les mains de M. [U], notaire séquestre, somme assortie des intérêts de retard depuis le 19 mars 2008, date de la mise en demeure,
En tout état de cause,
- dire que leur réticence d'information, qu'elle soit dolosive, fautive ou prohibée par la clause 'Urbanisme', engage leur responsabilité civile délictuelle au titre des préjudices qui leur ont été accessoirement causés,
En conséquence,
- condamner les époux [P] à leur payer une somme de 35 000 € en raison de leur préjudice correspondant aux frais divers exposés pour l'étude et la rénovation de l'appartement du [Adresse 8] et la sécurisation de l'appartement de la [Adresse 9],
- déclarer commun l'arrêt à intervenir à la SCP [U], notaires, société titulaire d'un office notarial, ayant son siège à [Localité 7], afin qu'elle puisse libérer la somme de 57 750 € actuellement séquestrée entre ses mains à leur profit,
- condamner les époux [P] à s'acquitter d'une somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par dernières concluions signifiées le 27 juillet 2012 auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé de leurs moyens, les époux [P] demandent à la cour, au visa des articles 1116 et 1382 du code civil, de :
- débouter les époux [F] de leurs demandes,
- confirmer le jugement entrepris dans toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la date de départ des intérêts au taux légal sur l'indemnité d'immobilisation, fixée au 8 mai 2008 au lieu du 25 septembre 2008,
Y ajoutant,
- condamner les époux [F] à leur verser la somme de 15 000 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Par dernières conclusions signifiées le 1er mars 2012 aux quelles il convient de se reporter pour l'exposé de ses moyens, la SCP Durant des Aulnois- Pisani-Groeninck, anciennement dénommée la SCP [U], demande à la cour de :
- lui donner acte de ce qu'elle déclare s'en rapporter à justice sur le mérite des demandes dont la cour est saisie et sur le sort des fonds séquestrés entre ses mains,
- lui donner acte de ce qu'elle ne manquera pas d'exécuter les dispositions de l'arrêt à intervenir, indépendamment de toute déclaration d'arrêt commun, dès lors qu'il lui aura été régulièrement signifié,
- condamner tout succombant à lui payer la somme de 1 000 € par application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner tout succombant aux entiers dépens de première instance et d'appel.
SUR CE, LA COUR,
Considérant que selon l'article 1116 du code civil « le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les man'uvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que sans ces man'uvres, l'autre partie n'aurait pas contracté. Il ne se présume pas, il doit être prouvé », étant observé que pour que le dol soit constitué, il doit être rapporté la preuve par celui qui l'invoque de l'existence de man'uvres, mais également la preuve de l'intention de leur auteur de provoquer par ces manoeuvres une erreur de nature à vicier le consentement du contractant et la preuve de l'erreur provoquée par ces manoeuvres;
Considérant que les moyens développés par les époux [F] au soutien de leur demande aux fins de nullité pour dol de la promesse unilatérale de vente du 19 décembre 2007 ne font que réitérer sous une forme nouvelle mais sans justification complémentaire utile ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs exacts et que la Cour adopte sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation ;
Qu'en effet, pour les époux [T], serait constitutif de dol le défaut de révélation par les époux [P] de l'existence de procédures administratives contre la copropriété et le défaut de révélation de l'état très dégradé des façades intérieures ;
Que toutefois, les lettres adressées les 29 juillet 2004 et 17 août 2006 par la préfecture de police au syndic de l'immeuble (cabinet Credassur) pour signaler l'existence de désordres sur la façade cour sont purement informatives et, ne contenant aucune mise en demeure d'exécuter des travaux mais seulement une invitation, ne constituent pas des actes de procédure, d'autant qu'il est précisé que la situation constatée ne constitue pas en l'état actuel un péril au sens des articles L 511.1 à L 511.6 du code de la construction et de l'habitation ;
Qu'en outre, les époux [F] ne rapportent pas la preuve, qui leur incombe, que ces lettres, adressées au syndic de l'immeuble, aient été portées à la connaissance des époux [P] avant la date de signature de la promesse unilatérale de vente et que ces derniers aient par suite été en mesure de les porter à leur connaissance ;
Que par ailleurs, la mairie de [Localité 7] a pris le 31 mai 2006 un arrêté faisant injonction aux propriétaires de l'immeuble d'effectuer le ravalement des façades cour des bâtiments rue et cour dans un délai de six mois, lequel a été suspendu suite au litige concernant les vérandas opposant un copropriétaire à la copropriété, lequel a été tranché par l'arrêt de la Cour de Cassation du 13 septembre 2006 étant observé qu'à supposer que les époux [F] n'aient pas eu connaissance de l'existence de cet arrêté municipal, il ne peut qu'être constaté qu'ayant reçu communication avant la signature de la promesse de vente des procès-verbaux des assemblées générales des copropriétaires des 1er avril 2004, 11 mai 2005, 14 mars 2006 et 13 mars 2007 ainsi qu'ils l'ont reconnu dans la promesse de vente, ils étaient informés de la décision de l'assemblée générale (septième résolution de l'assemblée générale du 13 mars 2007) de procéder au ravalement de la façade sur cour constituant une partie commune et des vérandas privatives, l'assemblée générale, qui a voté la mission d'études confiée à M. [S], architecte, ayant également décidé du mode de répartition des frais occasionnés par les vérandas ;
Qu'ils sont donc particulièrement mal fondés à reprocher aux époux [P] de ne pas les avoir informés de la décision de l'assemblée générale des copropriétaires de procéder au ravalement, peu important qu'ils n'aient pas eu connaissance de l'arrêté municipal dès lors qu'il avait été satisfait à l'injonction avant la signature de la promesse de vente par la septième résolution de l'assemblée générale du 13 mars 2007, qu'étant en possession du procès-verbal, ils avaient connaissance de cette résolution ou étaient en mesure de l'être et qu'il leur appartenait de se renseigner sur le coût du ravalement avant de signer la promesse de vente ou d'y inclure une condition suspensive relative à ce coût ;
Que le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a débouté les époux [F] sur le fondement du dol ;
Considérant que l'arrêté d'injonction de la mairie de [Localité 7] du 31 mai 2006 ne constitue pas une « mesure exceptionnelle de nature à déprécier la valeur vénale de l'immeuble » révélée postérieurement à la signature de la promesse de vente, de nature à rendre caduque ladite promesse, puisque le ravalement de la façade cour et la réfection des oriels, objets de l'injonction, avait été votés antérieurement à la promesse de vente, ce dont les époux [F] avaient été informés par la communication des procès-verbal des assemblées générales, dont celles des 1er avril 2004 et du 13 mars 2007 ;
Que c'est donc à juste titre que le premier juge a rejeté la demande des époux [F] tendant à voir constater la caducité de la promesse de vente ;
Considérant que les époux [F], qui ont été parfaitement informés par les procès-verbaux des assemblées générales communiqués avant la signature de la promesse de vente et par les termes de la promesse de vente des résolutions des assemblées générales ayant adopté le principe de l'exécution du ravalement et de la réfection des oriels, de l'existence d'une mission confiée à un architecte en vue de chiffrer les travaux, ainsi que du litige ayant opposé jusqu'à la Cour de cassation un copropriétaire à la copropriété sur la nature des oriels, seront également déboutés de leurs demandes sur le fondement des articles 1382 et 1383 du code civil pour défaut d'information ;
Qu'ils seront également déboutés de leur demande en paiement de dommages et intérêts correspondant aux frais divers exposés pour l'étude de la rénovation de l'appartement ;
Considérant que c'est par des motifs que la cour adopte que le premier juge a condamné les époux [F] à payer aux époux [P] la somme de 115.500€ au titre de l'indemnité d'immobilisation avec intérêts au taux légal à compter du 25 septembre 2008, date de leur première demande devant le tribunal, les époux [P] ne justifiant pas à l'appui de leur demande tendant à voir courir les intérêts à compter du 8 mai 2008 à titre de dommages et intérêts supplémentaires d'un préjudice qui ne serait pas déjà indemnisé par la somme allouée ;
Considérant que le jugement entrepris sera donc confirmé en toutes ses dispositions ;
Considérant que les époux [F], qui succombent en leur appel, seront condamnés aux entiers dépens de l'appel et devront indemniser les époux [P] et la scp Durand des Aulnois-Pisani-Groeninck des frais non répétibles qu'ils les ont contraints à exposer en appel ainsi qu'il est dit au dispositif ;
PAR CES MOTIFS,
Par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [F] et son épouse Mme [T] à payer par application de l'article 700 du code de procédure civile la somme de 4.000€ aux époux [P] et celle de 1.000€ à la scp Durand des Aulnois-Pisani-Groeninck,
Déboute les parties de toute autre demande,
Condamne les époux [F] aux entiers dépens de l'appel lesquels pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile
La GreffièreLa Présidente