Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 6
ARRÊT DU 15 NOVEMBRE 2012
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/16516
Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Mai 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/03675
APPELANTE
Madame [N] [M] épouse [Z]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par : Maître Patrice MONIN de la SCP MONIN - D'AURIAC, avocat au barreau de PARIS, toque : J071
Assistée de : Maître Guy LIKILLIMBA, avocat au barreau de PARIS, toque : G0763
INTIMÉS
CAISSE D'EPARGNE ET DE PRÉVOYANCE NORMANDIE, prise en la personne de son représentant légal dûment habilité aux fins des présentes
[Adresse 1]
[Localité 6]
Représentée par : Maître Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148
Assistée de : Maître Antoine DOREL, plaidant pour la SCP DOREL LECOMTE MARGUERIE, avocat au barreau de CAEN
Monsieur [E] [Z]
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représenté par : Maître Patrice MONIN de la SCP MONIN - D'AURIAC, avocat au barreau de PARIS, toque : J071
Assistée de : Maître Guy LIKILLIMBA, avocat au barreau de PARIS, toque : G0763
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 786 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 04 Octobre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Muriel GONAND, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée
de :
Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente
Madame Caroline FÈVRE, Conseillère
Madame Muriel GONAND, Conseillère
Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions de l'article 785 du Code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Edwige COLLIN
ARRÊT :
- contradictoire
- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Marie-Paule MORACCHINI, Présidente et par Monsieur Sébastien PARESY, Greffier présent lors du prononcé.
*************
Monsieur [T] [Z] possédait un compte titres à la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE NORMANDIE, ci-après la CAISSE D'EPARGNE, et après son décès survenu le [Date décès 3] 1998, les titres ont été transférés sur un compte ouvert au nom de l'indivision [Z], existant entre son épouse [W] [U], usufruitière, et les deux enfants issus d'une première union, [E] [Z] et [I] [Z], nus-propriétaires.
Le 6 juillet 2006, Monsieur [E] [Z] a donné un ordre de vente de titres qui a été exécuté pour la somme de 162.781 euros et qui a fait l'objet d'un virement interbancaire à sa demande, au profit du compte ouvert à la BNP PARIBAS au nom de Madame [N] [Z], son épouse.
Par lettre du 13 juillet 2006, Madame [W] [U] veuve [Z] a alerté la CAISSE D'EPARGNE de la vente sans son consentement des valeurs mobilières.
La CAISSE D'EPARGNE a fait des démarches auprès de la BNP PARIBAS pour annuler le virement, ce qui a été accepté par cette dernière, mais la somme de 16.658,15 euros ayant été dépensée par Madame [N] [Z], la CAISSE D'EPARGNE a versé une somme d'un même montant sur le compte de celle-ci.
Par acte d'huissier du 5 février 2009, la CAISSE D'EPARGNE a assigné Monsieur [E] [Z] et Madame [N] [Z] devant le Tribunal de Grande Instance de Paris en répétition de la somme de 16.658,15 euros.
Par jugement rendu le 19 mai 2010, le tribunal de grande instance de Paris a:
- condamné Madame [N] [Z] à payer à la CAISSE D'EPARGNE la somme de 16.658,15 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 5 février 2009,
- rejeté toutes autres demandes,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné solidairement Monsieur [E] [Z] et Madame [N] [Z] à payer à la CAISSE D'EPARGNE la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamné Monsieur [E] [Z] et Madame [N] [Z] aux dépens.
Par déclaration remise au greffe de la Cour le 6 août 2010, Madame [N] [Z] a interjeté appel de ce jugement.
Dans leurs dernières conclusions signifiées le 28 décembre 2011, Madame [N] [Z] et Monsieur [E] [Z] demandent à la Cour:
- pour l'appelante:
- d'infirmer le jugement pour non respect du principe du contradictoire, pour refus de sanctionner les fautes commises par l'intimée, pour refus d'invalider l'annulation du virement du 10 juillet 2006 au détriment de l'appelante et pour refus de confirmer le virement du 2 août 2006 au profit de l'appelante,
- de condamner l'intimée à lui rétrocéder la somme de 146.321,25 euros avec des majorations au taux d'intérêt légal et capitalisation,
- pour Monsieur [E] [Z]:
- de confirmer le jugement en ce qu'il lui est favorable,
- d'étendre les effets positifs de la décision à l'appelante,
- pour les époux [Z]:
- d'annuler le jugement en ce qu'il les a condamnés solidairement à la somme de 1.500 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et aux dépens,
- d'annuler le jugement en ce qu'il a refusé de condamner la CAISSE D'EPARGNE à leur payer la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts, avec des majorations au taux d'intérêt légal et capitalisation,
- de condamner la CAISSE D'EPARGNE payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts, pour appel incident et dilatoire,
- de rejeter la demande de condamnation solidaire au titre de l'article 220 du Code civil,
- d'infirmer le jugement et de condamner la CAISSE D'EPARGNE à verser la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.
Dans ses dernières écritures signifiées le 4 septembre 2012, la CAISSE D'EPARGNE demande à la Cour:
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Madame [N] [Z] et en ce qu'il a écarté les prétentions des époux [Z],
- y ajoutant de les condamner solidairement à payer la somme de 16.658,15 euros avec intérêts au taux légal à compter du 8 juillet 2006, ainsi que la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens.
SUR CE
Considérant que les époux [Z] soutiennent que l'annulation du virement du 10 juillet 2006 n'est pas justifiée, en vertu de l'article L133-8-1 du Code monétaire et financier et que la CAISSE D'EPARGNE était tenue d'exécuter ce virement; qu'ils prétendent que la banque ne peut pas demander la restitution du virement de 16.658,15 euros qu'elle a effectuée sans y être contrainte et qu'elle a agi de manière fautive; qu'ils ajoutent que la CAISSE D'EPARGNE a agi pour le compte d'autrui sans justifier d'un quelconque mandat au nom de la succession;
Considérant qu'en réponse, la CAISSE D'EPARGNE fait valoir que Monsieur [E] [Z] n'avait pas vocation à percevoir le produit de la vente des titres dont il était seulement co-indivisaire de la nue-propriété avec sa soeur, qu'il n'avait pas qualité pour solliciter le virement et que ce versement a été fait indûment;
qu'elle affirme que le compte litigieux n°309398753 a été ouvert le 7 juin 2000 au nom de l'indivision [Z] et que Monsieur [E] [Z] a profité de l'erreur affectant l'appellation de ce compte pour s'approprier une somme appartenant à la succession; qu'elle allègue que l'hypothèse d'une fraude ou d'une utilisation indue permet de faire échec au principe de l'irrévocabilité d'un mouvement opéré sur un compte bancaire; qu'elle mentionne que les sommes dépensées l'ont été, de l'aveu même des époux [Z], pour couvrir des dépenses ménagères et des besoins courants du ménage, ce qui constitue la preuve de l'obligation solidaire de l'article 220 du Code civil; qu'elle estime enfin que la demande en paiement de la somme de 146.321,25 euros, présentée pour la première fois en appel, est irrecevable et qu'elle est également irrecevable puisque la BNP est seule l'auteur de la contre-passation de cette somme;
Considérant qu'il est établi par la lettre de Maître [L] en date du 5 avril 2000 que Monsieur [T] [Z], décédé le [Date décès 3] 1998, a laissé pour lui succéder son épouse [W] [U], donataire de l'usufruit de l'universalité des biens dépendant de la succession, et ses deux enfants issus d'une première union, [E] [Z] et [I] [Z]; que le notaire précise que Madame [W] [Z] peut exercer ses droits d'usufruitière sur le compte titres de [T] [Z];
Considérant que les titres ont été transférés sur un compte n°[XXXXXXXXXX02] ouvert au nom de l'indivision [Z];
Considérant que le 6 juillet 2006, Monsieur [E] [Z] a donné un ordre de vente de titres qui a été exécuté pour la somme de 162.781 euros et qu'il a fait le 8 juillet 2006 un virement interbancaire de cette somme au profit du compte de son épouse, Madame [N] [Z], ouvert à la BNP PARIBAS;
Considérant que Monsieur [E] [Z] n'établit pas qu'il avait vocation à percevoir le prix de cession des titres dont il était seulement nu-propriétaire pour moitié;
Considérant que la CAISSE D'EPARGNE est dès lors fondée à soutenir que Monsieur [E] [Z] n'était pas en droit de disposer seul du prix de cession et de procéder à un virement des fonds;
Considérant qu'en l'espèce il est établi que la CAISSE D'EPARGNE a annulé le virement effectué le 8 juillet 2006 et que la somme de 162.781 euros a été virée à nouveau sur le compte ouvert au nom de l'indivision;
Considérant que la CAISSE D'EPARGNE affirme qu'elle a été dans l'obligation de verser la somme de 16.658,15 euros, sur le compte de Madame [N] [Z], à la demande de la BNP PARIBAS, afin que celle-ci accepte de restituer la somme totale de 162.781 euros, sans provoquer de débit du compte;
Considérant que la CAISSE D'EPARGNE demande la restitution de la somme de 16.658,15 euros, sur le fondement de l'article 1376 du Code civil;
Considérant qu'aux termes de l'article 1376 susvisé, 'celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui est pas dû, s'oblige à le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu';
Considérant qu'il ressort des pièces produites par Madame [N] [Z] que le virement a été annulé par la BNP PARIBAS le 17 juillet 2006;
Considérant qu'il résulte de la lettre adressée le 1er août 2006 par l'avocat de Madame [N] [Z] que celui-ci rappelle à la CAISSE D'EPARGNE que le compte de Madame [N] [Z] fait l'objet d'un découvert de 16.658,15 euros au 31 juillet 2006 et qu'il prend note que la CAISSE D'EPARGNE effectue un virement pour couvrir ce découvert;
Considérant que la CAISSE D'EPARGNE a émis un ordre de virement de 16.658,15 euros le 2 août 2006 au profit du compte de Madame [N] [Z];
Considérant que, contrairement à ses allégations, la CAISSE D'EPARGNE ne démontre donc pas qu'elle a été contrainte d'effectuer ce virement à la demande de la BNP PARIBAS;
Considérant par ailleurs qu'il est établi que le virement effectué par Monsieur [E] [Z] a pour origine l'erreur commise par la CAISSE D'EPARGNE, concernant l'intitulé du compte indivis, qui était au nom de Monsieur [Z];
Considérant dans ces conditions que la banque a ainsi manifestement procédé au virement de la somme de 16.658,15 euros sur le compte de Madame [N] [Z], volontairement et en connaissance de cause;
Considérant que la CAISSE D'EPARGNE ne peut dès lors se prévaloir du caractère indu du paiement qu'elle a fait sur le compte de Madame [N] [Z] et qu'elle doit être déboutée de sa demande à ce titre;
Considérant en conséquence que le jugement doit être infirmé en ce qu'il a condamné Madame [N] [Z] au paiement de la somme de 16.658,15 euros, outre intérêts ainsi qu'au paiement des dépens et de la somme de 1.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile;
Considérant que Madame [N] [Z] sollicite en outre la rétrocession par la CAISSE D'EPARGNE de la somme de 146.321,25 euros, avec intérêts au taux légal et capitalisation de ces intérêts;
Considérant que la CAISSE D'EPARGNE soulève l'irrecevabilité de cette demande en paiement formulée pour la première fois en appel;
Considérant que devant les premiers juges, Madame [N] [Z] avait sollicité le débouté des demandes de la CAISSE D'EPARGNE, ainsi que le paiement de 10.000 euros de dommages et intérêts et de 3.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile;
Considérant que la demande de rétrocession de la somme de 146.321,25 euros ne présente pas de lien avec les prétentions initiales de Madame [N] [Z] et qu'elle ne tend pas aux mêmes fins que celles soumises aux premiers juges;
Considérant que cette demande doit donc être déclarée irrecevable, en application de l'article 564 du Code de procédure civile;
Considérant que Madame [N] [Z] et Monsieur [E] [Z] ne démontrent pas que le droit de la CAISSE D'EPARGNE d'agir ou de se défendre en justice à en l'espèce dégénéré en abus et qu'ils doivent être déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive d'une part, pour appel incident dilatoire d'autre part;
Considérant que la CAISSE D'EPARGNE, qui succombe, supportera ses frais irrépétibles et les dépens de première instance et d'appel;
Considérant qu'il serait inéquitable de laisser à la charge de Madame [N] [Z] les frais non compris dans les dépens, exposés en première instance et en appel et qu'il convient de condamner la CAISSE D'EPARGNE à lui payer la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile; que l'équité n'impose pas en revanche de faire application de cet article au profit de Monsieur [E] [Z];
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, à l'exception de celle rejetant la demande de dommages et intérêts des époux [Z].
Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
Déboute la CAISSE D'EPARGNE de sa demande en paiement de la somme de 16.658,15 euros.
Déclare irrecevable la demande de Madame [N] [Z] de rétrocession de la somme de 146.321,25 euros.
Condamne la CAISSE D'EPARGNE à payer à Madame [N] [Z] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile.
Rejette toutes autres demandes des parties .
Condamne la CAISSE D'EPARGNE aux dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.
Le Greffier Le Président