RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 14 Novembre 2012
(n° 5 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/00680-CR
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 31 Août 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section industrie RG n° 09/02986
APPELANTE
Madame [G] [N]
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 5]
comparant en personne, assistée de Me Bruno AUBRY, avocat au barreau de PARIS, toque B0428
INTIMÉS
Me [C] [J] - Mandataire liquidateur de la SARL ALASSIMONE
[Adresse 2]
[Localité 3]
non comparant
L'UNEDIC Délégation AGS CGEA IDF EST
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par la SCP BENICHOU ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, toque P0009 Me Violaine CHAUSSINAND NOGARET, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Octobre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Claudine ROYER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère faisant fonction de Présidente
Madame Claudine ROYER, Conseillère
Madame Laurence GUIBERT, Vice-Présidente placée par ordonnance de Monsieur le Premier Président en date du 3 septembre 2012
Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats
ARRET :
- réputé contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement du 31 août 2010 auquel la Cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes de PARIS a :
- prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail au 31 août 2010,
- condamné la SARL ALASSIMONE à verser à Madame [N] les sommes suivantes :
* 3534,99 € au titre des rappels de salaire,
* 1482,57 € au titre de l'indemnité de préavis,
* 148,25 € au titre de l'indemnité de congés payés,
* 296,40 € au titre de l'indemnité de licenciement,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau du 19 janvier 2010,
- rappelé qu'en vertu de l'article R.1454-28 du code du Travail, ces condamnations sont exécutoires de droit à titre provisoire, dans la limite maximum de neuf mois de salaire calculés sur la moyenne des trois derniers mois de salaire et fixé cette moyenne à la somme de 1600 euros
- condamné en outre la SARL ALASSIMONE à verser à Madame [N] la somme de 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné la remise du certificat de travail, de l'attestation pôle emploi, de l'attestation de présence depuis le 24 avril 2009 avec un montant brut mensuel à destination de pro-BTP avec une astreinte de 10 € par jour de retard et par documents,l'astreinte débutant quinze jours à partir de la notification du jugement,
- débouté Madame [N] du surplus de ses demandes,
- condamné la SARL ALASSIMONE aux dépens.
Madame [G] [N] a relevé appel de ce jugement par déclaration parvenue au greffe de la cour le 20 janvier 2011.
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions de Madame [N] et de l'UNEDIC DELEGATION régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 09 octobre 2012, conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments ;
Vu la lettre de Maître [J], mandataire liquidateur de la société ALASSIMONE du 25 mai 2012, reçue au greffe social le 29 mai 2012, indiquant qu'il ne serait ni présent, ni représenté à l'audience du 09 octobre 2012 ;
* * *
Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants :
Suivant contrat de travail à durée indéterminée du 21 mai 2005, la SARL ALASSIMONE a engagé Madame [G] [N] en qualité de secrétaire, moyennant un salaire mensuel brut moyen de 1482,57 €, la relation de travail étant soumise à la convention collective du bâtiment et des travaux publics.
Madame [N] a été en arrêt maladie depuis le 26 avril 2006. Un litige l'oppose à son employeur au sujet du reversement des indemnités journalières de la complémentaire de prévoyance (PRO BTP PREVOYANCE) et de la délivrance des bulletins de salaire relatives à ces périodes d'arrêt maladie.
Le 7 mars 2009, la salariée a saisi le conseil de prud'hommes d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail et de paiement de l'ensemble des indemnités journalières versées par PRO BTP PREVOYANCE à l'employeur mais non reversées par lui à sa salariée.
Le conseil de prud'hommes a fait droit à l'ensemble des demandes de Madame [N] à l'exception de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive.
La SARL ALASSIMONE ayant fait l'objet d'une procédure de liquidation judiciaire, la SCP [J] a été mise en cause en sa qualité de mandataire liquidateur, ainsi que le CGEA IDF EST, à la demande de l'appelante.
* * *
MOTIFS
Sur la résiliation judiciaire
Madame [N] demande la confirmation de la résiliation judiciaire prononcée aux torts de l'employeur et des sommes qui lui ont été allouées en première instance, mais sollicite l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle a rejeté sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive.
Le salarié peut demander la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur en cas de manquement par de ce dernier de ses obligations.
En l'espèce, la salariée établit par les pièces versées aux débats que son employeur a omis de lui reverser depuis février 2008 les indemnités journalières de la complémentaire de prévoyance (PRO BTP PREVOYANCE) qui lui revenaient et ne lui a pas non plus délivré les bulletins de salaire correspondant à plusieurs périodes d'arrêt de travail.
Ces manquements ont été reconnus lors de l'instance devant le bureau de jugement, l'employeur expliquant que les compléments de prévoyance n'avaient pas été reversés en raison des difficultés financières de l'entreprise et en raison d'une dette que la salariée avait prétendument contractée.
La SARL ALASSIMONE ne pouvait retenir les indemnités journalières de la complémentaire de santé destinées à Madame [N], ni s'abstenir de lui délivrer ses bulletins de salaires, obligations impératives de l'employeur auxquelles l'entreprise ne pouvait se soustraire. Ses manquements fautifs graves et caractérisés ne pouvaient qu'entraîner la résiliation judiciaire du contrat aux torts de l'employeur ainsi que l'ont jugé les premiers juges. La résiliation judiciaire aux torts de l'employeur prononcée par le jugement déféré sera donc confirmée. Elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Contrairement aux prétentions de la salariée qui revendique une prise d'effet de la résiliation judiciaire à la date de la liquidation judiciaire, cette résiliation judiciaire du contrat de travail ne pouvait prendre effet qu'au jour où le juge la prononçait, dès lors qu'à cette date la salariée était toujours au service de son employeur. Tel était bien le cas de Madame [G] [N] qui était toujours salariée de l'entreprise lorsque le conseil de prud'hommes de Paris a statué le 31 août 2010, celle-ci n'ayant en effet ni démissionné, ni pris acte de la rupture de son contrat de travail, ni été licenciée. Il y a donc lieu de confirmer la date de résiliation judiciaire au 31 août 2010 et de rejeter la demande de la salariée tendant à voir fixer cette résiliation à une autre date.
Sur les conséquences de la résiliation judiciaire
Au vu des éléments produits il y a lieu de confirmer la décision de première instance sur les sommes allouées à Madame [N] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés afférents à ce préavis, et de l'indemnité de licenciement.
Compte tenu de la liquidation judiciaire de la SARL ALASSIMONE, les sommes ainsi allouées ne pourront faire l'objet que d'une fixation de créance au passif de la société, étant précisé que les intérêts accordés ont été suspendus depuis l'ouverture de la procédure collective.
L'injonction de remise de documents sous astreinte sera effectuée par le mandataire liquidateur, sans qu'il soit besoin d'assortir cette remise d'une astreinte. La décision déférée sera donc infirmée en ce sens.
S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Madame [N] fait valoir à juste titre qu'elle a nécessairement subi un préjudice résultant de la perte de son emploi. Les pièces versées aux débats révèlent en effet qu'elle a subi les aléas financiers résultant de la carence de son employeur et n'a pu retravailler en raison de ses problèmes de santé. Compte tenu de son ancienneté dans l'entreprise (plus de 5 ans au moment de la rupture), de son âge au moment du prononcé de la résiliation judiciaire (50 ans), de sa situation familiale ( deux enfants à charge et un époux au chômage) de son état de santé (dossier d'invalidité en cours d'instruction), il y a lieu d'évaluer le préjudice subi par la salariée du fait de la rupture du contrat de travail à la somme de 15000 euros.
Il y a donc lieu d'infirmer la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la demande d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse formée par Madame [N] et d'allouer à cette dernière une somme de 15000 euros qui fera l'objet d'une fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la SARL ALASSIMONE.
Sur la demande de rappel de salaire de mars 2009 à août 2010 et de congés payés afférents
Madame [N] ne justifie pas qu'elle avait repris le travail et s'était tenue à la disposition de son employeur de mars 2009 jusqu'à la date de résiliation judiciaire au 31 août 2010. La salariée ne peut donc prétendre au versement de ses salaires et des congés payés afférents durant cette période . Elle sera donc déboutée de sa demande de rappel de salaires et de congés payés afférents.
Sur la garantie de l'AGS
Madame [N] a demandé à la cour de déclarer son arrêt opposable à l'AGS.
L'UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST fait observer à juste titre que si elle s'en rapporte pour la demande de rappel de salaire pour la période du 20 février 2008 au 2 mars 2009, elle ne peut en revanche au vu des dispositions de l'article L.3253-8 du code du travail être tenue à garantie pour les créances résultant de la rupture du contrat de travail, compte tenu de la date de la liquidation judiciaire et de la date de rupture du contrat de travail, survenue plus de 15 jours après le jugement de liquidation judiciaire.
Il ressort en effet des dispositions de l'article L.3253-8 du code du travail que seules sont couvertes par la garantie de l'AGS les créances résultant de la rupture du contrat de travail intervenant dans les quinze jours suivant le jugement de liquidation. Or en l'espèce, la liquidation judiciaire de la société ALASSIMONE ayant été prononcée par jugement du Tribunal de commerce de Paris du 22 juillet 2010, la garantie de l'AGS ne pouvait être due pour les créances résultant d'une rupture intervenue le 31 août 2010, soit plus de 15 jours après le jugement de liquidation.
Il y a donc lieu de déclarer inopposables à l'AGS les fixations au titre des indemnités relatives à la rupture du contrat de travail.
Seront également déclarées inopposables à l'AGS les sommes allouées à la salariée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
En revanche, il y a lieu de déclarer opposable à l'AGS la fixation de créance relative à la demande de rappel de salaire pour la période du 20 février 2008 au 2 mars 2009, à hauteur de la somme de 3534,99€.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,
Infirmant partiellement le jugement déféré,
Fixe la créance de Madame [G] [N] au passif de la liquidation judiciaire de la SARL ALASSIMONE aux sommes suivantes :
* 3534,99 € au titre des rappels de salaire,
* 1482,57 € au titre de l'indemnité de préavis,
* 148,25 € au titre de l'indemnité de congés payés,
* 296,40 € au titre de l'indemnité de licenciement,
* 15000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Dit que la SCP [J], prise en la personne de Maître [C] [J], devra remettre à Madame [G] [N] en sa qualité de liquidateur de la SARL ALASSIMONE, les documents de fin de contrat conformes au présent arrêt (certificat de travail et attestation pôle emploi) ainsi qu'une attestation de présence, remplie par ses soins, telle que réclamée par PRO BTP PREVOYANCE pour instruire la demande de rente BTP-PREVOYANCE formée par la salariée,
Dit que l'UNEDIC AGS CGEA IDF OUEST sera tenue à garantie à hauteur de la somme de 3534,99 € allouée à la salariée au titre des rappels de salaire,
Déclare inopposable à l'AGS les fixations de créances relatives aux indemnités allouées au titre de la rupture du contrat de travail, et au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Confirme pour le surplus le jugement déféré en ses dispositions non contraires,
Déboute les parties de leurs demandes plus amples et contraires,
Dit que les dépens seront employés en frais privilégiés de liquidation.
LE GREFFIER, P/ LE PRÉSIDENT,