La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/11/2012 | FRANCE | N°09/15247

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 3, 12 novembre 2012, 09/15247


Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 2 - Chambre 3



ARRET DU 12 NOVEMBRE 2012



(n°12/227, 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 09/15247



Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Avril 2009 - Tribunal de Grande Instance de PARIS, 19ème Chambre Civile - RG n° 03/02094



APPELANTS



L'ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITÉS CHRÉTIENNES prise en la personne de ses rep

résentants légaux

dont le siège social [Adresse 8] (BELGIQUE)



Madame [C] [T] [G] [M]

demeurant [Adresse 7] (BELGIQUE)



Monsieur [O] [U] [F]

demeurant [Adresse 7] (BEL...

Grosses délivrées RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 2 - Chambre 3

ARRET DU 12 NOVEMBRE 2012

(n°12/227, 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 09/15247

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Avril 2009 - Tribunal de Grande Instance de PARIS, 19ème Chambre Civile - RG n° 03/02094

APPELANTS

L'ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITÉS CHRÉTIENNES prise en la personne de ses représentants légaux

dont le siège social [Adresse 8] (BELGIQUE)

Madame [C] [T] [G] [M]

demeurant [Adresse 7] (BELGIQUE)

Monsieur [O] [U] [F]

demeurant [Adresse 7] (BELGIQUE)

Madame [A] [H] [F]

demeurant au [Adresse 7] (BELGIQUE)

Monsieur [S] [J]

demeurant [Adresse 1] (BELGIQUE)

Monsieur [V] [F]

demeurant au [Adresse 1] (BELGIQUE)

Madame [X] [P] épouse [P]

demeurant [Adresse 12] (BELGIQUE)

Madame [Y] [F]

demeurant [Adresse 15] (BELGIQUE)

représentés par la SCP BOLLING-DURAND-LALLEMENT, avocats au barreau de PARIS, toque : P0480

assistés de Me Goulwen PENNEC avocat plaidant pour la SCP SOULIE & COSTE FLORET, avocat au barreau de PARIS, toque P267

INTIMÉES

SA ALLIANZ IARD prise en la personne de ses représentants légaux

dont le siège social est [Adresse 2]

représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL, avocats au barreau de PARIS, toque : K0111

assistée de Me Bertrand CAYOL, avocat au barreau de PARIS, toque C140

SA COLINA MALI prise en la personne de ses représentants légaux

dont le siège social est [Adresse 3] (MALI)

représentée par la SELARL PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocats au barreau de PARIS, toque : L0018

assistée de Me Stéphane GAILLARD plaidant pour la SCP LECLERE & Associés, avocats au barreau de PARIS, toque R75

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 8 octobre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, Présidente Madame Claudette NICOLÉTIS, Conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, présidente

Madame Line TARDIF, conseillère

Madame Claudette NICOLÉTIS, conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Nadine ARRIGONI

ARRÊT : CONTRADICTOIRE

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie NEHER-SCHRAUB, présidente et par Mme Nadine ARRIGONI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

° ° °

Le 20 juillet 1994, à [Localité 4] au MALI, [A] [F] et son frère [O] [F], de nationalité belge, qui étaient passagers dans le véhicule conduit par leur père M. [B] [F], ont été grièvement blessés au cours d'un accident de la circulation.

M. [B] [F], qui conduisait un véhicule appartenant à son employeur, la société de droit américain BHP MINERALS MALI, assuré par la société AGF IARD , aux droits de laquelle vient la société ALLIANZ, a perdu le contrôle de son véhicule, qui a quitté la route et fait des tonneaux. [A] et [O] [F], mineurs au moment des faits, ont été éjectés du véhicule.

Les deux enfants été rapatriés en Belgique auprès de leur mère, Mme [C] [M], qui est divorcée de M. [B] [F]. L'ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITÉS CHRÉTIENNES (ANMC), organisme social belge, a pris en charge les frais médicaux exposés pour les deux victimes.

Par acte des 28 février, 9 septembre et 20 novembre 1997, Mme [M], [A] et [O] [F], ainsi que l' ANMC, ont assigné devant le tribunal de grande instance de PARIS, en indemnisation, les sociétés AGF IARD et COLINA, la société AGF ayant fait valoir qu'elle avait transféré le portefeuille de contrats d'assurances qu'elle détenait au Mali à la société de droit malien COLINA, M. [B] [F] et la société RANGOLD RESSOURCES MALI, cessionnaire de la société BHP MINERALS Inc.

Les sociétés AGF IARD et COLINA ont soulevé l'incompétence territoriale du tribunal de grande instance de Paris au profit des juridictions maliennes.

Par jugement en date du 31 août 1999, le tribunal a :

- rejeté l'exception d'incompétence présentée par les sociétés AGF IARD et COLINA,

- avant dire droit sur le préjudice corporel de [O] [F] et de [A] [F] ordonné une expertise confiée au docteur [D] [L],

- dit la société AGF IARD tenue de verser à Mme [M] la somme de 5 000 F au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- sursis à statuer sur le surplus des demandes,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- réservé les dépens,

- déclaré le jugement opposable à M. [B] [F], à la société BHP MINERALS Inc et à la société COLINA.

Les sociétés AGF IARD et COLINA ont formé un contredit.

Par arrêt du 13 septembre 2000 la 1er chambre de la cour d'appel de Paris a :

- déclaré fondés les contredits formés par la société RANGOLD RESSOURCES MALI et par la société COLINA et les a renvoyées à se mieux pourvoir,

- rejeté le contredit formé par la société AGF et a renvoyé le litige en ce qui concerne la société AGF IARD, M. [B] [F] et la société BHP MINERALS Inc devant le tribunal de grande instance de Paris.

L'expert judiciaire a déposé deux rapports, le 2 mars 2001, retenant notamment - concernant [O] [F] :

- une date de consolidation des blessures au 31 octobre 1995,

- un déficit fonctionnel permanent de 12 %

- une régression scolaire partielle,

- concernant [A] [F] :

- une date de consolidation des blessures au 10 juillet 2000,

- un déficit fonctionnel permanent de 80 %

- un préjudice professionnel,

- la nécessité d'un maintien dans un hébergement adapté plus ou moins institutionnalisé avec aide pour la cuisine, les repas, la toilette d'environ 4 heures par jour,

- la nécessité d'une voiturette pour aide au déplacement et de chaussures adaptées.

Par jugement du 7 avril 2009, le tribunal de grande instance de Paris a :

- reçu l'intervention volontaire de M. [S] [J], M. [V] [F], Mme [X] [P] et Mme [Y] [F],

- dit que la loi malienne est applicable à l'accident survenu le 20 juillet 1994,

- dit que la loi belge est applicable au recours de l'ANMC,

- dit que la société AGF IARD n'est pas tenue à garantie ;

- rejeté l'ensemble des demandes de Mme [C] [M], M. [O] [F], Mlle [A] [F], l'ANMC, M. [S] [J], M. [V] [F], Mme [X] [P] et Mme [Y] [F],

- rejeté les demandes présentées par les parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum Mme [C] [M], M. [O] [F], Mlle [A] [F], l'ANMC, M. [S] [J], M. [V] [F], Mme [X] [P] et Mme [Y] [F] aux dépens à l'exception de ceux de la société COLINA que cette partie conservera à sa charge ;

- dit que les avocats en la cause pourront chacun en ce qui les concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du nouveau code de procédure civile.

Le tribunal a retenu notamment que la loi malienne était applicable au litige, mais la loi belge applicable au recours de l'ANMC ; que le véhicule accidenté était assuré par la société AGF IARD ; qu'en application de l'article 10 du contrat d'assurance, soumis à la loi malienne, [A] et [O] [F] et les membres de la famille du conducteur ne sont pas des tiers mais sont assimilés à la personne du conducteur et sont exclus de la garantie.

L'ANMC a interjeté appel du jugement le 6 juillet 2009, M. [O] [F], Mlle [A] [F], Mme [M], M. [J], M. [V] [F], Mme [X] [P] et Mme [Y] [F] ont interjeté appel le 27 juillet 2009.

Les deux procédures ont été jointes par ordonnance du conseiller de la mise en état en date du 2 septembre 2009.

Dans leurs dernières conclusions, signifiées le 14 mai 2012, les appelants demandent :

- que le jugement soit infirmé en toutes ses dispositions,

- qu'il soit constaté que la société ALLIANZ doit sa garantie à chacun des demandeurs à la présente instance, à raison de l'accident de la circulation survenu le 20 juillet 1994 à [Localité 4],

- que la société ALLIANZ soit condamnée à payer :

- à L'ANMC en règlement des débours exposés consécutivement à cet accident la somme de 232.115.31 €, sauf à parfaire ;

- à M. [O] [F] les sommes suivantes :

Préjudices patrimoniaux temporaires

Dépenses actuelles de santé 1.749,33 €

Préjudices patrimoniaux permanents

Perte de chance professionnelle500.000,00 €

Préjudices extrapatrimoniaux temporaires

Déficit fonctionnel pendant l'ITT3.060,00 €

Déficit fonctionnel pendant l'ITP1 666,17 €

Pretium Doloris16.000,00 €

Préjudices extrapatrimoniaux permanents

Déficit fonctionnel permanent 48.000,00 €

Préjudice esthétique12.000,00 €

- à Mademoiselle [A] [F] les sommes suivantes ;

Préjudices patrimoniaux temporaires

dépenses actuelles de santé13.136.52 € (A parfaire)

Préjudices patrimoniaux permanents

Perte de chance professionnelle 947.748,48 €

Frais d'hébergement et de tierce personne 678,210,36 €

Frais futurs 190.275,93 €

Rémunération de l'administrateur provisoire 3 % des sommes allouées

Préjudices extrapatrimoniaux temporaires

Déficit fonctionnel pendant l'ITT 35.649,00 €

Déficit fonctionnel pendant l'ITP 62.424,00 €

Pretium Doloris 20.000,00 €

Préjudices extrapatrimoniaux permanents

Déficit fonctionnel permanent 366.400,00 €

Préjudice esthétique 20.000,00 €

Préjudice d'agrément 80.000,00 €

Préjudice sexuel et d'établissement 100.000,00 €

Préjudice moral 20.000,00 €

- à M. [S] [J] la somme de 8.000 € en réparation du préjudice moral subi par ricochet,

- à Messieurs [O] et [V] [F] la somme de 10.000 € chacun,

- à Mesdames [X] [P] et [Y] [F] la somme de 8.000 € chacune,

- à Mme [C] [M] les sommes suivantes:

Préjudice matériel 11.237,06 €

Préjudice moral 20.000,00 €

- que la société ALLIANZ (ex-AGF) soit condamnée au versement des intérêts au double du taux légal sur les sommes précitées, en application des dispositions des articles L211-9 et L211-13 du code des assurances,

- qu'il soit dit que les intérêts échus produiront des intérêts en application des dispositions de l'article 1154 du code civil,

- que la société ALLIANZ (ex-AGF) soit condamnée à payer à L'ANMC la somme de 8.000,00 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- que la société ALLIANZ (ex-AGF) soit condamnée aux entiers frais et dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Les appelants soutiennent que les parties ont entendu soumettre la police d'assurance souscrite auprès de la société AGF à la loi française, que la cession de portefeuille intervenue entre les sociétés AGF IARD et COLINA ne leur est pas opposable, comme l'a décidé le jugement devenu irrévocable du 31 août 1999, que les dispositions du code CIMA relatives aux enfants du conducteur contreviennent à l'ordre public international et au principe de la réparation intégrale, que le tribunal a écarté les demandes des victimes par ricochet sans motiver sa décision, que le recours subrogatoire de l'ANMC est soumis aux dispositions de la loi belge.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 3 avril 2012, la société ALLIANZ demande :

A vu des articles 3 et 10 de la Convention de la Haye du 4 mai 1971, de la Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles du 19 juin 1980, des principes régissant le droit international privé, du Code ClMA, de l'article L.324-1 du code des assurances, des articles 1249 et suivants du code civil,

A titre préliminaire :

- qu'il soit jugé que la loi malienne est applicable au litige,

A titre principal :

- qu'il soit jugé que la société ALLIANZ n'est pas tenue à garantir les conséquences du sinistre,

- que les parties appelantes soient déboutées de l'ensemble de leurs demandes,

A titre subsidiaire :

- qu'il soit fait application du Code CIMA pour l'indemnisation des victimes et leurs ayants droit ;

- que les appelants soient déboutés pour le surplus de leurs demandes,

A titre infiniment subsidiaire :

- que le société COLINA soit déclarée tant irrecevable que mal fondée en son exception d'incompétence,

- que la convention de transfert de portefeuille de contrats d'assurances du 6 mars 1996 conclue entre la Société COLINA et la Société AGF soit jugée opposable aux appelants,

En conséquence.

- que la société COLINA soit condamnée à relever et garantir la société ALLIANZ, de toute condamnation prononcée à son encontre,

Dans tous les cas :

- que la société COLINA ou tout succombant soit condamné à lui verser la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- que tous succombants soient condamnés aux entiers dépens lesquels seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile .

L'intimée fait valoir, à titre liminaire, que la loi malienne est applicable à la responsabilité, à l'action directe des victimes ou de leurs subrogés, la loi belge déterminant uniquement l'existence d'une subrogation au bénéfice de l'ANMC mais sa créance restant soumise à la loi malienne, aux limitations de garantie de l'assureur, à la publicité de la cession de portefeuille, la loi française sur la publicité de cession de portefeuille n'étant pas applicable en dehors du territoire français, qu'en conséquence la convention de transfert de portefeuille est opposable aux appelants en application du code CIMA ; à titre principal, qu'elle ne doit pas sa garantie car elle n'assurait pas le véhicule accidenté, que l'article 10 c) des conditions générales du contrat exclut les enfants du conducteur du bénéfice de la garantie, que l'article 7 du contrat prévoit une exclusion de garantie pour les 'passagers clandestins', le véhicule n'étant assuré que pour 5 passagers alors qu'il en transportait 6, que le contrat d'assurance mentionné dans le procès verbal de gendarmerie n'a pas été produit, que l'indemnisation de Mlle [R] [E] constitue une erreur ; A titre subsidiaire, elle demande que la liquidation des préjudices soit faite conformément aux dispositions du code CIMA et formule des offres d'indemnisation sur ce fondement . A titre infiniment subsidiaire, la société ALLIANZ soulève l'irrecevabilité de l'exception d'incompétence invoquée par la société COLINA et soutient que les tribunaux français sont compétents pour trancher le litige l'opposant à la société COLINA, elle expose que la convention de transfert de portefeuille est opposable aux appelants, les conditions de l'opposabilité posées par le code CIMA ayant été respectées.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 7 février 2011, la société COLINA demande :

Au vu des articles 3 et 10 de la Convention de la HAYE du 4 mai 1971, des principes du droit international privé, du code CIMA, des articles 1249 et suivants du code civil,

A titre principal :

- que le jugement soit confirmé,

- que les appelants soient déboutés de l'ensemble de leurs prétentions,

A titre subsidiaire,

- qu'il soit jugé que les dispositions relatives à l'inopposabilité de la convention de cession aux demandeurs sont définitives,

- qu' en conséquence, seule la société AGF est tenue envers les appelants,

- que la demande de la société AGF, subrogée dans les droits des consorts [M], tendant à être relevée et garantie par la société COLINA ne peut être formulée devant les juridictions françaises, incompétentes,

- qu'en conséquence, l'appel en garantie de la société AGF soit rejeté,

Dans tous les cas,

- que la société AGF soit condamnée à lui verser une somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- que la société AGF soit condamnée en tous les dépens, ceux d'appel étant recouvrés conformément aux compositions de l'article 699 du code de procédure civile.

La société COLINA soutient que la loi malienne en vigueur au moment de l'accident est seule applicable au litige, que les dispositions contractuelles excluent l'indemnisation des enfants du conducteur, et en conséquence des victimes par ricochet et des tiers subrogés. A titre subsidiaire, elle soutient qu'il a été définitivement jugé par le jugement du 31 août 1999 que la cession de portefeuille était inopposable aux appelants et par l'arrêt du 13 septembre 2000 que la juridiction française était incompétente pour connaître des demandes formées à son encontre.

CELA ÉTANT EXPOSÉ, LA COUR :

Sur la loi applicable :

Il est constant que l'accident de la circulation s'est produit au Mali et que seul le véhicule conduit par M. [B] [F], immatriculé au Mali, a été impliqué dans l'accident.

L'article 3 de la Convention du 4 mai 1971 sur la loi applicable en matière d'accident de la circulation routière, entrée en vigueur le 3 juin 1975, prévoit que 'la loi applicable est la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu'.

En application de l'article 8 de cette Convention :

'La loi applicable détermine notamment :

1. les conditions et l'étendue de la responsabilité ;

2. les causes d'exonération, ainsi que toute limitation et tout partage de responsabilité;

3. l'existence et la nature des dommages susceptibles de réparation ;

4. les modalités et l'étendue de la réparation ;

5. la transmissibilité du droit à réparation ;

6. les personnes ayant droit à réparation du dommage qu'elles ont personnellement subi ; ...'

En application de la Convention précitée, l'accident survenu le 20 juillet 1994 est soumis à la loi malienne tant en ce qui concerne la responsabilité, que les modalités et l'étendue de la réparation.

L'article 10 de ladite Convention ne permet d'écarter l'application de la loi interne de l'Etat sur le territoire duquel l'accident est survenu que 'si elle est manifestement incompatible avec l'ordre public'.

L'article 124 de la loi malienne n° 87-31/ AN-RM du 29 août 1987 fixant le régime général des obligations pose le principe de la réparation intégrale du préjudice subi par la victime, 'sauf dispositions particulières'.

Le Traité instituant une organisation intégrée de l'industrie des assurances dans les Etats africains de la zone franc dit Traité CIMA (Conférence interafricaine des Marchés d'Assurance), signé à Yaoundé le 10 juillet 1992, comporte en annexe I un code unique des assurances (entré en vigueur le 15 février 1995) divisé en 6 Livres, dont le Livre II intitulé 'Les assurances obligatoires', prévoit dans son Titre I les dispositions applicables à 'L'assurance des véhicules terrestres à moteur et de leurs remorques et semi-remorques'. Ces dispositions sont contenues aux articles 200 à 277 du code CIMA.

L'article 279 du code CIMA , unique article du Titre 3, intitulé 'Dispositions transitoires' dispose que 'Les dispositions des articles 200 à 278 entrent en vigueur sans délai. Elles s'appliquent à tous les accidents n'ayant pas donné lieu à une décision judiciaire passée en force de chose jugée ou à une transaction passée entre les parties. Toutefois, elles n'ont pas d'effet rétroactif en ce qui concerne l'application des articles 200 dernier alinéa et 206 à 211 du présent code.'

Il résulte de cet article que le code CIMA est applicable à l'accident survenu le 20 juillet 1994, à l'exception des dispositions des articles 200, dernier alinéa, 206 à 211, ce qui n'est pas contesté par les parties.

En conséquence, les dispositions de la loi n° 92-030 AN-RM du 19 octobre 1992 portant principes et procédures d'indemnisation des dommages corporels causés par les véhicules terrestres à moteur, qui excluaient les membres de la famille du conducteur de la qualification de tiers, et donc de la garantie due par l'assureur, sont applicables au litige.

L'article 10 des conditions générales du contrat d'assurance automobile stipulait 'Ne sont pas considérés comme tiers: c) lorsqu'ils sont transportés dans le véhicule : le conjoint, les ascendants et descendants de l'assuré dont la responsabilité est engagée du fait de l'accident ainsi que le conjoint, les ascendants et les descendants du conducteur'

Cet article prévoyant que les enfants du conducteur transportés dans le véhicule accidenté, ne sont pas des tiers et ne bénéficient donc pas de la garantie de l'assureur était conforme à la législation malienne en vigueur au moment de l'accident.

Si l'article 10 c) du contrat d'assurance ne peut être opposé à Mme [C] [M], divorcée de M. [B] [F], M. [J], son concubin, M. [V] [F], frères des victimes, Mme [X] [P] et Mme [Y] [F], grands-mères des victimes, qui soit ne se trouvaient pas dans le véhicule accidenté, soit ne sont ni conjoint, ni ascendant ou descendant de M. [B] [F], cependant les préjudices dont ils demandent réparation ne figurent parmi des préjudices indemnisables prévus aux articles 257 à 266 du code CIMA.

Pour échapper à l'application des dispositions de la loi malienne, les appelants font valoir que les parties ont entendu soumettre le contrat d'assurance à la loi française puisque figure en en-tête des conditions générales de la police d'assurance automobile la mention 'Le présent contrat est régi par la loi du 13 juillet 1930, les décrets des 14 juin et 30 décembre 1938, ainsi que par les Conditions générales et Particulières ci-après'.

La Convention de Rome sur la loi applicable aux obligations contractuelles du 19 juin 1980 prévoit que, pour les contrats d'assurance qui couvrent des risques qui ne sont pas situés dans les territoires des États membres de l'Union européenne, la loi applicable au contrat est la loi choisie par les parties (article 3) et qu'à défaut de choix, 'le contrat est régi par la loi du pays avec lequel il présente les liens les plus étroits' (article 4).

La mention précitée, dont se prévalent les appelants, ne peut être interprétée comme valant manifestation de volonté d'appliquer la loi française car , d'une part, le formulaire des Conditions Générales, qui porte la date du 30 septembre 1955, se réfère à des textes qui n'étaient plus en vigueur au moment de la signature du contrat en 1987 ; d'autre part, il s'agit d'une formule pré-imprimée sur le formulaire des conditions générales, non reprise dans les conditions particulières du contrat, lesquelles indiquent en revanche que le contrat est conclu au Mali avec une assurée qui est une société située au Mali, par l'intermédiaire d'un agent d'assurance malien et que 'l'assurance est limitée aux sinistres survenant au Mali'.

Le contrat d'assurance en cause ne comporte aucun choix exprès des parties sur la loi applicable et présente les liens les plus étroits avec le Mali.

Enfin, l'article L. 211-4 du code des assurances prévoit depuis 1976 que lorsque la garantie de la responsabilité civile prévue par l'assurance automobile est appelée à jouer hors du territoire français, elle est accordée par l'assureur dans les limites et conditions prévues par la législation nationale de l'Etat sur le territoire duquel s'est produit le sinistre.

En conséquence la loi malienne est également applicable au contrat d'assurance.

Sur l'opposabilité du transfert de portefeuille :

Les appelants se prévalent du jugement du tribunal de grande instance de Paris du 31 août 1999 pour soutenir que le transfert de portefeuille de contrats d'assurances intervenu entre les sociétés AGF IARD et COLINA leur est inopposable.

Toutefois l'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui fait l'objet d'un jugement et a été tranché dans son dispositif.

Si le jugement précité du 31 août 1999 a retenu de façon erronée dans ses motifs, pour retenir sa compétence territoriale, que le transfert de portefeuille réalisé postérieurement à l'accident s'analyse en une délégation de créance régie par les dispositions de l'article 1275 du code civil et que faute d'accord exprès des demandeurs à ce transfert celui-ci leur est inopposable, cependant le jugement ne s'est pas prononcé dans son dispositif sur l'inopposabilité du transfert de portefeuille aux appelants.

L'opposabilité du transfert n'a donc pas été jugée. L'arrêt d'appel du 13 septembre 2000, devenu irrévocable, qui a retenu la compétence des juridictions françaises pour statuer sur l'action engagée par les appelants à l'encontre de la société AGF IARD a d'ailleurs précisé dans ses motifs que la question de l'opposabilité du transfert de portefeuille relève de la compétence des juges du fond qui statueront sur l'action dirigée contre la société AGF IARD.

Le contrat d'assurance du véhicule accidenté dont les appelants se prévalent et dont le jugement entrepris a, par des motifs pertinents, retenu l'existence, est soumis aux dispositions du code CIMA.

L'article 323 dudit code dispose que 'Les entreprises pratiquant les opérations mentionnées à l'article 300 peuvent, avec l'approbation de la Commission de contrôle des assurances, transférer en totalité ou en partie leur portefeuille de contrats, avec ses droits et obligations, à une ou plusieurs entreprises agréées.

La demande de transfert est portée à la connaissance des créanciers par un avis publié au Journal Officiel et/ou dans un journal d'annonces légales, qui leur impartit un délai de trois mois au moins pour présenter leurs observations au Ministre en charge du secteur des assurances dans l'Etat membre. Le Ministre informe la Commission de contrôle des assurances. Les assurés disposent d'un délai d'un mois à compter de la

publication de cet avis au Journal Officiel et/ou dans un Journal d'annonces légales pour résilier leur contrat. Sous cette réserve, la Commission de contrôle des assurances approuve le transfert s'il lui apparaît que le transfert est conforme aux intérêts des créanciers et des assurés. Cette approbation rend le transfert opposable aux assurés souscripteurs et bénéficiaires de contrat et aux créanciers'.

Ces dispositions sont similaires à celles des articles 324-1 et suivants du code des assurances, lesquelles ne sont pas applicables au litige puisqu'elles ne concernent que les transferts de portefeuille portant sur des contrats couvrant des risques ou des engagements situés sur le territoire d'un Etat membre de l'union européenne.

La finalité des dispositions de l'article 323 du code CIMA est la même que celle des articles 324-1 et suivants du code des assurances, soit créer un régime spécial au transfert amiable de portefeuille, qui ne requiert pas le consentement des assurés cédés mais est soumis à une autorisation et à des règles de publicité particulières.

En l'espèce, la société ALLIANZ verse aux débats :

- la 'convention de transfert de portefeuille de contrats d'assurances' signée le 6 mars 1996 entre les sociétés AGF IARD et COLINA par laquelle la première transfère à la seconde 'qui accepte, l'intégralité du portefeuille de contrats d'assurances qu'elle possède au Mali...' (Article 1),

- la photocopie de l'avis publié le 3 juillet 1996 dans un journal d'annonces légales, relatif à ce transfert qui impartit aux créanciers un délai de trois mois pour présenter leurs observations à la direction du trésor du ministère des finances et du commerce,

- le courrier en date du 15 février 1997 de la Commission régionale de contrôle des assurances faisant connaître son avis favorable au transfert de portefeuille,

- les documents financiers relatifs à l'exécution de la convention de transfert de portefeuille.

Il résulte de ces documents que la société AGF IARD a transféré de façon régulière la totalité de son portefeuille de contrats d'assurances à la société COLINA et que ce transfert est opposable aux appelants.

En conséquence, les appelants ne peuvent rechercher la garantie de la société ALLIANZ, venant aux droits de la société AGF IARD, et leurs demandes à l'encontre de cette société doivent être rejetées, sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur la compatibilité des dispositions du code CIMA à la conception française de l'ordre public international, ni sur la loi applicable au recours de l'ANMC.

De même, il n'y a pas lieu de se prononcer sur l'appel en garantie de la société ALLIANZ à l'encontre de la société COLINA qui est devenu sans objet.

L'équité ne commande pas de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement à l'exception de ses dispositions ayant dit que la loi belge est applicable au recours de L'ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITÉS CHRÉTIENNES ;

Et statuant à nouveau, dans cette limite :

Déclare la convention de transfert de portefeuille de contrats d'assurances du 6 mars 1996 conclut entre la société AGF IARD et COLINA opposable à M. [O] [F], Melle [A] [F], Mme [C] [M], M. [S] [J], M. [V] [F], Mme [X] [P] et Mme [Y] [F], L'ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITÉS CHRÉTIENNES ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur la loi applicable au recours de L'ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITÉS CHRÉTIENNES ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur l'appel en garantie de la société ALLIANZ à l'encontre de la société COLINA ;

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne in solidum M. [O] [F], Melle [A] [F], Mme [C] [M], M. [S] [J], M. [V] [F], Mme [X] [P] et Mme [Y] [F], L'ALLIANCE NATIONALE DES MUTUALITÉS CHRÉTIENNES aux dépens d'appel et dit qu'ils seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 09/15247
Date de la décision : 12/11/2012

Références :

Cour d'appel de Paris C3, arrêt n°09/15247 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-12;09.15247 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award