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07/11/2012 | FRANCE | N°11/03755

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 07 novembre 2012, 11/03755


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 07 Novembre 2012



(n° , 6 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/03755



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Septembre 2008 par le conseil de prud'hommes de MELUN - section industrie - RG n° 07/00663





APPELANT

Monsieur [W] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Mathilde ROY-MASUREL, avocate

au barreau de PARIS, C1407





INTIMÉ

Monsieur [N] [P] exploitant sous L'ENSEIGNE ENTREPRISE [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Corinne MOREAU, avocate au barreau de MELUN sub...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 07 Novembre 2012

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 11/03755

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Septembre 2008 par le conseil de prud'hommes de MELUN - section industrie - RG n° 07/00663

APPELANT

Monsieur [W] [J]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté par Me Mathilde ROY-MASUREL, avocate au barreau de PARIS, C1407

INTIMÉ

Monsieur [N] [P] exploitant sous L'ENSEIGNE ENTREPRISE [P]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Corinne MOREAU, avocate au barreau de MELUN substituée par Me Muriel PALOMBIERI, avocate au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine ROSTAND, présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, conseiller

GREFFIER : Monsieur Philippe ZIMERIS, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [W] [J] a été engagé par M. [N] [P] exploitant sous l'enseigne Entreprise [P] par contrat à durée déterminée à compter du 10 février 2003 en qualité de plombier chauffagiste.

Par avenant en date du 5 mai 2003, le contrat de travail à durée déterminée a été renouvelé pour une nouvelle durée de trois mois du 12 mai au 12 août 2003, puis s'est poursuivi en contrat à durée indéterminée à effet du 25 août 2003.

En dernier état, M. [J] percevait une rémunération mensuelle brute de 1 623,74 €.

La convention collective applicable est celle du bâtiment, région parisienne.

L' entreprise emploie moins de 11 salariés.

Par un premier courrier du 26 juillet 2007, M. [J] était convoqué un entretien préalable devant se dérouler le lendemain, en même temps que lui était notifiée une mise à pied à titre conservatoire.

Par la suite, il était convoqué à un second entretien préalable par courrier du 3 août 2007 en vue d'un entretien fixé au 31 août.

Par courrier en date du 7 septembre 2007, M. [J] a été licencié pour faute grave.

Contestant son licenciement, M. [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Melun qui par jugement en date du 18 septembre 2008, l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné aux dépens.

M.[J] a régulièrement relevé appel de ce jugement et, à l'audience du 25 septembre 2012, a repris oralement ses écritures en demandant à la cour d'infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau, de condamner M. [P] à lui verser les sommes suivantes :

- 3 247,48 € à titre de préavis

- 324,74 € à titre de congés payés sur préavis

-796,63 € à titre d'indemnité légale de licenciement

-9 742,44 € à titre de dommages et intérêts en réparation d'une rupture abusive

-599,53 € à titre de rappel de salaire correspondant à la mise à pied

- 791,95 € au titre des heures supplémentaires effectuées
- 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

M. [N] [P] a développé oralement à l'audience ses écritures et demande à la cour de confirmer le jugement et de condamner l'appelant à lui verser la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Si la preuve des horaires de travail effectués n'incombe ainsi spécialement à aucune des parties et si l'employeur doit être en mesure de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, il appartient cependant à ce dernier de fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande.

En l'espèce, M. [J] expose qu'en 2003 et 2004, le compte rendu des travaux effectués était consigné dans un agenda dans lequel les heures effectuées étaient précisées, puis sur des feuilles volantes ; qu'il a effectué ainsi en 2003, 38h 15 et 24 h en 2004 en heures supplémentaires qui n'ont pas été rémunérées.

Pour étayer ses dires, M. [J] produit notamment l'agenda 2003 sur lequel sont notés chaque jour travaillé les temps passés chez les clients, un exemplaire des fiches volantes mises en place par l'employeur pour l'année 2004 et le récapitulatif des déplacements ayant entraîné des dépassements d'horaires au cours de cette année.

Il s'ensuit que le salarié produit ainsi des éléments préalables qui peuvent être discutés par l'employeur et qui sont de nature à étayer sa demande.

L'employeur expose qu'il n'a jamais accepté l'exécution des heures supplémentaires alléguées qui ne sauraient résulter des documents que le salarié a lui-même établis.

L'employeur ne produit aucun élément pour discuter les horaires effectués par le salarié, qui résultent des mentions précises portées sur l'agenda 2003 et de la liste portant les références des interventions effectuées en 2004.

Il en résulte que sans qu'il soit besoin d'une mesure d'instruction, la cour a la conviction que M. [J] a bien effectué des heures supplémentaires non rémunérées au sens du texte précité.

Il sera fait droit à la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires pour un montant de 791,95 €.

Le jugement est infirmé sur ce point.

Sur le licenciement

La lettre de licenciement est ainsi motivée :

« Vous avez déjà reçu des avertissements (écrits et verbaux) relatifs à la qualité et aux erreurs commises dans votre travail et aux propositions de travail au noir avec le matériel de l'entreprise au client chez qui nous vous avions envoyé.

De nombreux propriétaires se sont plaints de votre légèreté. Par exemple, vous avez quitté un chantier [Adresse 5] :

- en laissant une fuite et surtout sans prévenir l'entreprise alors que vous avez un portable mis à votre disposition ;

- coupure eau chaude-eau froide d'un bâtiment après votre départ ;

- une pompe fonctionnant sans eau qu'il a fallu bien sûr faire réparer par une autre société ;

En suite de vos fautes, la Résidence Myosotis nous a averti que nous n'interviendrions plus sur les logements de cette copropriété, ce qui nous fait donc un client important de perdu.

Cette même légèreté conduit à ne pas utiliser le matériel de l'entreprise. Vous vous permettez d'emprunter au client le matériel nécessaire à votre intervention, ce qui occasionne la casse de ces mêmes matériels empruntés. Je vous rappelle que vous devez vérifier que le camion comporte bien l'ensemble du matériel dont vous avez besoin pour l'intervention demandée.

Nous vous rappelons également que, ne serait-ce parfois que pour des raisons de sécurité, tout travail commencé chez un client doit être intégralement terminé avant votre départ et ne pas faire l'objet de reprise de rendez-vous « pour terminer le chantier ». Cela désorganise totalement notre planning et est risqué pour notre client.

Ce laxisme s'est encore poursuivi puisque le 20 juillet 2007, GESTION IMMOBILIÈRE DE L'ENSEMBLE PARISIEN, visant expressément vos différentes interventions, a comme je vous le disais précédemment confirmé, et ce malgré nos efforts commerciaux, la cessation de toute intervention sur la RÉSIDENCE MYOSOTIS.

Ces fautes persistent depuis plus d'un an. Vous avez déjà reçu des avertissements pour les faits précisés. Les explications plutôt les absences d'explication au cours de notre entretien du 31 août dernier, ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à votre égard.

Nous vous informons que nous avons pris en conséquence la décision de vous licencier pour faute.

Votre maintien dans l'entreprise, compte tenu de la gravité des fautes qui vous sont reprochées s'avère impossible. Ce licenciement pour faute prend donc effet au jour de la présentation de la présente lettre recommandée, sans indemnité de préavis ni de licenciement. ».

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

M. [N] [P] fait valoir qu'il a notifié trois avertissements au salarié avant de procéder au licenciement :

un premier avertissement le 26 juin 2006 pour ne pas avoir utilisé l'escabeau anti dérapant qu'il aurait dû avoir à disposition dans son camion et avoir le 22 juin 2006 emprunté un tabouret chez le client, ce qui a provoqué sa chute

un deuxième avertissement le 28 septembre 2006 pour avoir repris plusieurs rendez-vous chez certains clients pour terminer le travail ou réparer une intervention mal faite, désorganisant ainsi le planning de l'entreprise et provoquant le mécontentement des clients

un troisième avertissement le 12 juin 2007 pour avoir utilisé le matériel d'un client (un aspirateur) et l'avoir abîmé, en lui reprochant également sa lenteur dans l'exécution de son travail

et qu'à ces manquements s'est ajoutée le 22 juin 2007 une faute professionnelle lors d'une intervention dans la copropriété Les Myosotis pour réparer une fuite d'eau qui nécessitait le changement d'une vanne, le salarié n'ayant pas colmaté la fuite et ayant coupé l'eau chaude et l'eau froide dans tout un bâtiment, ce qui a entraîné la rupture des relations contractuelles avec le syndic de cette importante copropriété.

Pour en justifier, l'employeur verse aux débats une liste des plaintes de clients exprimées par téléphone, des courriers adressés dans le courant de l'année 2006 par d'autres clients mécontents de ses interventions (pièces 8,11,12 et 22), et par une cliente à qui avait été proposée une intervention sans facture (pièce 21), des attestations rédigées par des clients de l'entreprise à la suite du licenciement ( pièces 8,9,10,13,15,20, 24 à 35), plusieurs de ces témoins demandant à ne plus avoir à faire avec M. [J].

Il verse aux débats une télécopie du syndic de la résidence Les Myosotis datée du 26 juin 2007 signifiant à l'entreprise de ne plus intervenir dans la résidence à la suite de deux incidents en date du 22 juin, soit un changement de vanne effectué le 22 juin 2007 sans qu'aucun ordre de service ne lui ait été adressé et une fuite importante sur le réseau d'eau chaude en conséquence d'une autre intervention du même jour, courrier qui a été suivi le 20 juillet 2007 d'une lettre imputant ces erreurs à M. [W] [J] et confirmant la fin de la relation contractuelle.

M. [J] conteste avoir commis une quelconque faute professionnelle lors de son intervention à la résidence Les Myosotis. Il expose qu'il intervenait avec le technicien de la société exploitante de chauffage collectif et qu'il avait été annoncé que l'eau chaude et l'eau froide étaient coupées pour tout l'immeuble de 9h à 16h ; qu'une fois la réparation prévue effectuée, il a constaté qu'une fuite persistait et qu'une nouvelle intervention était nécessaire en raison de la vétusté d'une canalisation et a transmis à la secrétaire une fiche d'intervention mentionnant l'urgence.

Il résulte cependant du courrier du syndic à l'employeur que c'est l'entreprise Dalkia qui est intervenue pour remédier à l'incident après le départ de M. [J] et non l'entreprise [P] et que l'eau chaude est restée coupée après 16 h le 22 juin.

Le premier avertissement, d'ailleurs contesté, était injustifié comme reposant sur des faits non fautifs, soit l'emprunt d'un tabouret à un client alors qu'il n'est pas établi que le salarié avait à sa disposition un escabeau anti-dérapant, mais les deux suivants sont fondés sur des comportements que les attestations produites par l'employeur confirment.

Les éléments produits aux débats montrent que M. [J] se rendait plusieurs fois chez le même client pour mener à bien ses interventions et commettait de nombreuses erreurs dans l'exécution de son travail, faisant preuve ainsi malgré les avertissements qui lui avaient été adressés d'une incompétence répétée, ayant entraîné pour l'employeur la perte d'un client important à la suite des incidents du 22 juin 2007.

Ce comportement réitéré caractérise la faute grave rendant impossible le maintien de M. [J] dans l'entreprise.

Si la qualification de faute grave est retenue, le salarié perd le bénéfice des indemnités de licenciement et de préavis. M. [J] est mal fondée en ses demandes formées à ce titre de même qu'au titre du rappel de salaire pour la période de mise à pied.

Il ne peut non plus prétendre à des dommages et intérêt pour rupture abusive.

Le jugement est confirmé sur ce point.

M. [N] [P] sera condamné aux dépens et versera à M. [J] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

INFIRME partiellement le jugement,

Statuant à nouveau,

CONDAMNE M. [N] [P] à payer à M. [W] [J] la somme de 791,95 € à titre de rappel de salaire sur les heures supplémentaires ;

CONFIRME le jugement pour le surplus ;

CONDAMNE M. [N] [P] à payer à M. [W] [J] la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [N] [P] aux dépens.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 11/03755
Date de la décision : 07/11/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°11/03755 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-07;11.03755 ?
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