Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 3
ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2012
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/03619
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Janvier 2011 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 09/11580
APPELANTE
La SARL DECOPLUS, prise en la personne de ses représentants légaux,
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentée par Me Edmond FROMANTIN de la SCP BOMMART FORSTER - FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151, avocat postulant
assistée de Me Gyslain DICARO-DEBIZET, avocat au barreau de PARIS, toque : A808, avocat plaidant
INTIMÉE
La SASU QUARTZ PROPERTIES, prise en la personne de ses représentants légaux,
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Nadine CORDEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0239, avocat postulant
assistée de Me Patrick MAUBARET de la SCP MAUBARET, avocat au barreau de BORDEAUX, substitué par Me Aurore FRAUCELLE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1772, avocat plaidant
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Octobre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle REGHI, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.
Madame Isabelle REGHI a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente
Madame Odile BLUM, Conseillère
Madame Isabelle REGHI, Conseillère
Greffier, lors des débats : Madame Alexia LUBRANO.
ARRÊT :
- contradictoire.
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière.
* * * * * * *
EXPOSE DES FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Suivant acte sous seing privé du 27 juin 2006, la société Quartz properties a donné en location à la société Decoplus des locaux à destination de stockage et de salle d'exposition, situés [Adresse 1].
Le bail prévoit, dans son article 11, que le bailleur s'engage à faire réaliser à ses frais et sous sa responsabilité, aux dates indiquées, les travaux concernant la fermeture de la baie existant entre les cellules 4A et 4B pour le 15 juillet 2006, au plus tard, le remplacement de 3 portes rapides par des portes sectionnelles classiques pour le 1er septembre 2006 au plus tard et la division électrique des locaux pour le 31 décembre au plus tard. Il est également indiqué que des travaux de restructuration vont être réalisés au cours des 12 mois suivant la prise d'effet du bail, que s'agissant des lieux loués, ces travaux consistent en une réfection partielle de la façade des bâtiments 3 et 4, de la toiture du bâtiment A, que le preneur, parfaitement informé de ces travaux de restructuration, déclare renoncer à toute demande de diminution de loyer et à tout recours contre le bailleur, au titre des travaux, sauf faute ou négligence de ce dernier.
Par acte du 26 mars 2008, la société Decoplus a fait délivrer à la société Quartz properties une mise en demeure d'avoir à lui verser la somme de 103 834 € correspondant au tiers du loyer mensuel pendant 15 mois et la somme de 50 000 € au titre de la perte de chiffre d'affaires.
Par acte du 27 juin 2008, la société Decoplus a fait assigner la société Quartz properties en de dommages et intérêts devant le tribunal de commerce de Paris qui, par jugement du 19 juin 2009, s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 11 janvier 2011, a :
- débouté la société Decoplus de ses demandes,
- condamné la société Decoplus à payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Par déclaration du 25 février 2011, la société Decoplus a fait appel du jugement.
Dans ses dernières conclusions, signifiées le 17 août 2012, la société Decoplus demande :
- l'infirmation du jugement,
- la condamnation de la société Quartz properties au paiement de la somme de 103 834 € correspondant au tiers du loyer mensuel pendant 15 mois, de la somme de 152 688,27 € au titre du préjudice lié à la perte du chiffre d'affaires, avec intérêts au taux légal à compter du 26 mars 2008 et avec capitalisation,
- le débouté de toutes les demandes de la société Quartz properties,
- sa condamnation au paiement de la somme de 4 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.
Dans ses dernières conclusions, signifiées le 16 mai 2012, la société Quartz properties demande :
- la confirmation du jugement,
- le débouté des demandes de la société Decoplus,
y ajoutant :
- la condamnation de la société Decoplus au paiement de la somme de 6 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.
La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 19 septembre 2012.
CELA EXPOSE,
Considérant que la société Decoplus fait valoir que le chantier des travaux prévus à l'article11 du bail n'a débuté qu'en octobre 2007 pour s'achever en mars 2008, soit entre 9 et 15 mois de retard sur le calendrier contractuel ; que la société Quartz properties est tenue à réparation du seul fait du non-respect des obligations contractuelles ; que c'est vainement que la société Quartz properties invoque l'article 4 du bail indiquant que le preneur prend les lieux en l'état où ils se trouvent, les travaux ayant été prévus pour l'entrée en jouissance ; que l'article 6 constitue une clause type ordinaire qui vise à permettre au bailleur de se prémunir contre les griefs d'un locataire qui serait gêné par des travaux, ce qui est différent de l'article 11 ; que l'alinéa 4 de l'article 11 précise simplement que pour le cas où le bailleur respecterait les délais, alors le preneur ne saurait solliciter une diminution de loyer ou une réparation ;
Considérant que la société Quartz properties soutient que, par l'article 11 dernier alinéa, le preneur a expressément renoncé à toute demande de diminution de loyer et à tout recours contre le bailleur, sauf faute ou négligence de sa part ; qu'aucune faute ou négligence ne peut lui être reprochée ; que la majeure partie des travaux en cause ne concerne pas les locaux donnés à bail ; que les travaux n'ont pu débuter immédiatement pour des raisons administratives ; que le débouté des demandes s'impose également au visa des articles 4 et 6 du contrat ; qu'au surplus, les travaux ne gênaient en rien l'exploitation pleine et entière des locaux ; qu'aucun préjudice n'est donc établi ;
Considérant que l'article 4 des conditions générales du bail stipule que le preneur prendra les lieux loués dans l'état où ils se trouvent au moment de l'entrée en jouissance, sans pouvoir exiger de travaux de quelque nature que ce soit de la part du bailleur ; que l'article 6.2 des conditions générales précise que le preneur devra subir toutes les réparations dans l'immeuble ou sur et sous la voie publique sans pouvoir prétendre à une réduction de loyer ou à une quelconque indemnité et quelle que soit leur durée ; que toutefois, l'article 11 des conditions particulières prévoit un certain nombre de travaux à la charge du bailleur à réaliser selon un calendrier précis, outre des travaux de restructuration de l'ensemble du site, dont une partie concerne les lieux loués, le preneur renonçant à toute demande de diminution de loyer et à tout recours contre le bailleur au titre de ces travaux de restructuration, sauf faute ou négligence de ce dernier ;
Considérant qu'il en résulte que, dans la mesure où des travaux dans les lieux loués ont été expressément mis à la charge du bailleur selon un calendrier pré-établi et où des travaux de restructuration du site, concernant partiellement les lieux loués, ont également été prévus à la charge du bailleur à réaliser au cours des 12 mois suivant l'entrée en jouissance, les conditions générales du bail n'avaient pas vocation à s'appliquer à cette disposition spéciale, figurant dans la partie conditions particulières, et destinée à une mise en oeuvre spécifique ;
Considérant qu'il n'est pas contesté par la société Quartz properties que les travaux dans les lieux loués concernant la fermeture de la baie, le remplacement de trois portes et la division électrique des locaux, qui devaient s'achever entre le 15 juillet et le 31 décembre 2006, ne l'ont été qu'en mars 2008 et que les travaux de restructuration du site qui devaient être achevés en juin 2007 ne l'ont également été qu'en mars 2008 ;
Considérant, en premier lieu, que, s'agissant des travaux de restructuration, la société Decoplus ne discute pas du principe de sa renonciation à toute demande de diminution de loyer et à tout recours contre le bailleur mais soutient que le bailleur a fait preuve de négligence en ne déposant les demandes de permis de construire et de démolir que le 31 mai 2007 et que compte tenu de cette négligence, il ne peut lui être opposé sa renonciation ; que, sur ce point, la société Quartz properties réplique que le chantier a été ouvert immédiatement, soit le 8 octobre 2007, qu'il ne pouvait s'engager sans permis de construire, obtenu le 3 octobre 2007 et que le chantier s'est déroulé pendant une période inférieure à 6 mois ;
Considérant que, contrairement à ce qu'affirme la société Quartz properties, la faute ou la négligence du bailleur prévue à l'article 11 des conditions particulières du contrat, ne se trouvent nullement limitées à l'exécution des travaux mais, par la formule générale 'au titre de ces travaux', concernent tout aussi bien l'engagement de ces travaux que leurs conditions d'exécution ; que l'article 11 prévoit qu'ils seront réalisés au cours des 12 mois suivant la prise d'effet du bail ; que la société Quartz properties ne justifie pas le retard mis dans le dépôt de la demande de permis de démolir et de construire, le 31 mai 2007, soit 11 mois après l'entrée dans les lieux de la société Decoplus ; que la société Decoplus établit ainsi la négligence de la société Quartz properties et rend sa demande d'indemnisation recevable ;
Considérant, en second lieu, que, s'agissant des travaux particuliers dans les lieux loués et contrairement à ce que soutient la société Quartz properties pour qui l'examen spécifique des travaux litigieux révélerait qu'il ne pouvait y avoir ni trouble de jouissance ni préjudice du fait du retard dans leur exécution, celle-ci n'ayant d'ailleurs duré que 48 h, le retard mis dans la réalisation de ces travaux, d'une importance non négligeable de par leur nature, a eu pour effet que les lieux loués n'ont pas répondu aux normes contractuellement établies, jusqu'à réalisation de ces travaux, ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal ;
Considérant que la société Decoplus critique le tribunal qui, pour rejeter ses demandes, a considéré d'une part qu'étant une personne morale, elle ne pouvait revendiquer la compensation d'un défaut de jouissance normale, d'autre part, que le contrat demeurant silencieux quant à une quelconque compensation pendant la durée des chantiers, elle n'aurait pu demander que la compensation des pertes et privations de gains afférents à la période courant de son entrée dans les lieux jusqu'à la date de démarrage de chacun des travaux, alors qu'elle sollicitait à tort une indemnisation fondée sur une perte de chiffre d'affaires enregistrée pendant la période de réalisation des travaux, soit du 1er octobre 2007 au 28 mars 2008 ; que la société Decoplus soutient qu'il devait être fait une distinction dans les deux postes de préjudices subis, d'une part la demande en diminution du loyer pour inexécution par le bailleur de son obligation contractuelle, d'autre part la demande au titre de la perte du chiffre d'affaires, conséquence du défaut de jouissance paisible, indemnisable aussi bien pour une personne physique que pour une personne morale ; que la société Quartz properties s'appuie, en réplique, sur la motivation du tribunal et y ajoute que l'article 5 du bail prévoit déjà une franchise partielle du loyer jusqu'à achèvement des travaux ;
Considérant que le dit article 5 prévoit, à titre exceptionnel, sans autres précisions, qu'une franchise de loyer sera accordée pour le bâtiment 3 du 28 juin 2006 au 31 août 2006 et pour le bâtiment 4 b pour la période démarrant à la date d'effet des présentes soit le 28 juin 2006 pour se terminer 45 jours à compter de la réception des travaux de remplacement des portes rapides ; qu'aucun élément supplémentaire n'est donné par les parties quant à l'application de cette disposition ; que, quoi qu'il en soit, la demande d'indemnisation de la société Decoplus ne fait état que de la période courant à compter du 31 décembre 2006, date à laquelle les travaux dans les lieux loués devaient être tous achevés ;
Considérant qu'il convient de rappeler que le préjudice dont peut se prévaloir la société Decoplus est dû au retard dans l'exécution des travaux ; que ce retard est imputable à la bailleresse qui a manqué ainsi à son obligation de délivrance complète ; que le trouble de jouissance que la société Decoplus invoque résulte précisément de cette absence de délivrance conforme ; que le préjudice ainsi subi doit être évalué pendant la période courant de la date à laquelle les travaux devaient être achevés jusqu'à leur date effective d'achèvement, soit pour les travaux particuliers à compter de janvier 2007 jusqu'à mars 2008 et pour les travaux de restructuration, de juillet 2007 à mars 2008 ; que, pour ce qui concerne la demande de la société Decoplus relative à la perte de son chiffre d'affaires, il doit être relevé que celle-ci n'établit pas le lien entre le manquement de la bailleresse et la perte du chiffre d'affaires par la simple production de l'attestation de chiffres d'affaires du 1er octobre 2007 au 26 mars 2008 puis du 1er octobre 2008 au 26 mars 2008, dans la mesure où elle ne conteste pas avoir occupé les lieux dans lesquels elle n'a débuté son activité qu'à partir de juillet 2006 ;
Considérant, en conséquence, qu'il sera fait une exacte appréciation du préjudice ainsi établi, au regard de la nature du manquement et de la période durant laquelle il a été subi, en condamnant la société Quartz properties à payer à la société Decoplus , à titre de dommages et intérêts, une somme correspondant à 20 % du loyer mensuel pour la première période jusqu'en juin 2007 et 25 % du loyer mensuel pour la seconde période, soit la somme de 62 300 €, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2008, date de réception de la mise en demeure, et avec capitalisation ;
Considérant que la société Quartz properties doit être condamnée au paiement de la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Considérant que la société Quartz properties doit être condamnée aux dépens de première instance et de l'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau et y ajoutant :
Condamne la société Quartz properties à payer à la société Decoplus la somme de 62 300 € à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice subi, avec intérêts au taux légal à compter du 27 mars 2008 et capitalisation,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne la société Quartz properties au paiement de la somme de 2 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
La condamne aux dépens de première instance et d'appel, avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE