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07/11/2012 | FRANCE | N°10/21191

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 07 novembre 2012, 10/21191


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2012



(n° , 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/21191



Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Octobre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/03969





APPELANTE



La S.A.R.L. LE FOURNIL D'ANTOINE, prise en la personne de son représentant légal,

Intimé

e dans le RG 11/81 et le RG 10/25334

[Adresse 3]

[Localité 12]



représentée par Me Nadine CORDEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0239, avocat postulant

assistée de Me Gérard TA...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 07 NOVEMBRE 2012

(n° , 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/21191

Décision déférée à la Cour : Jugement du 12 Octobre 2010 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 09/03969

APPELANTE

La S.A.R.L. LE FOURNIL D'ANTOINE, prise en la personne de son représentant légal,

Intimée dans le RG 11/81 et le RG 10/25334

[Adresse 3]

[Localité 12]

représentée par Me Nadine CORDEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : B0239, avocat postulant

assistée de Me Gérard TAIEB de la SELARL CABINET GERARD TAIEB, avocat au barreau de PARIS, substitué par Me Bruno VILAS BOAS, avocat au barreau de PARIS, toque : D0831, avocat plaidant

INTIMÉS

La S.A.R.L. [W] [O], prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 10]

[Localité 12]

Monsieur [C] [W]

[Adresse 8]

[Localité 13]

Monsieur [P] [O], gérant de la SOCIETE PRONTO'S PIZZA, dont le siège social est [Adresse 6].

Appelant dans le RG 10/25334

[Adresse 4]

[Localité 11]

représenté par Me Rémi PAMART, avocat au barreau de PARIS, toque : C1917, avocat postulant

assisté de Me Paul GORGUET, avocat au barreau de PARIS, toque : D0497, avocat plaidant

Monsieur [B] [N] [E]

Appelant dans RG 11/81

[Adresse 1]

[Localité 12]

représenté par Me Michel BLIN de la SCP BLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0058, avocat postulant

ayant pour avocat plaidant Me André SAVIDANT, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : BB97,

La S.C.P. D'AVOCATS HYEST ET ASSOCIES, prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 5]

[Localité 12]

La SOCIETE D'AVOCATS DECROIX CAMPAGNE, prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 7]

[Localité 12]

représentées par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant

ayant pour avocat plaidant Me Patrick MICHAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : E2123,

La S.A. CREDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL, prise en la personne de son représentant légal,

[Adresse 9]

[Localité 12]

représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111, avocat postulant

assistée de Me Isabelle SIMONNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : D578, avocat plaidant

L'ORDRE DES AVOCATS A LA COUR D'APPEL DE PARIS, agissant en qualité de séquestre, prise en la personne de ses représentants légaux,

[Adresse 2]

[Localité 12]

représenté par Me Edwige SCELLE MILLET de la SCP MENARD - SCELLE MILLET, avocat au barreau de PARIS, toque : L0055, avocat plaidant

assisté de Me Denis TALON, avocat au barreau de PARIS, toque : A0428, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Octobre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle REGHI, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.

Madame Isabelle REGHI a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente

Madame Odile BLUM, Conseillère

Madame Isabelle REGHI, Conseillère

Greffier, lors des débats : Madame Alexia LUBRANO.

ARRÊT :

- contradictoire.

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Chantal BARTHOLIN, Présidente et par Mme Alexia LUBRANO, Greffière.

* * * * * * *

EXPOSE DES FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant acte sous seing privé du 4 avril 2001, le Crédit industriel et commercial a consenti un prêt d'un montant de 91 469,41 € à MM [C] [W] et [P] [O], pour l'acquisition d'un fonds de commerce de boulangerie pâtisserie, situé [Adresse 3]. Le 6 août 2001, le Crédit industriel et commercial a inscrit ses privilèges de vendeur et de nantissement sur le fonds.

Le droit au bail a été concédé par la bailleresse aux nouveaux acquéreurs.

MM [C] [W] et [P] [O] ont constitué, le 12 juillet 2002, une société, la société [W] [O] et lui ont fait apport du fonds de commerce.

Par acte du 26 décembre 2003, la société [W] [O] a cédé le fonds de commerce à la société Le fournil d'Antoine et le Cabinet [K] [E], rédacteur de l'acte, a été désigné séquestre amiable du prix de vente, avec pouvoir de procéder au paiement des inscriptions. L'acte mentionnait la levé d'un état des inscriptions du chef de la société [W] [O] et celle-ci s'engageait à rapporter main levée et radiation des inscriptions de son chef et de celles qui pourraient affecter le fonds du chef de ses associés.

Par acte du 19 mars 2004, la bailleresse, Mme [G], n'ayant pas été appelée à l'acte de cession, a fait assigner la société [W] [O] et la société Le fournil d'Antoine, celle-ci appelant M. [E] en garantie, en nullité de la cession du droit au bail et en résiliation devant le tribunal de grande instance de Paris qui, par jugement du 4 octobre 2005, a, notamment :

- prononcé la résiliation de la location et l'expulsion de la société Le fournil d'Antoine,

- condamné in solidum la société Le fournil d'Antoine et la société [W] [O] au paiement d'indemnités d'occupation,

- condamné M. [E] à payer, à titre provisionnel, une indemnité de 15 000 € à la société Le fournil d'Antoine,

- dit n'y avoir lieu à nullité de la cession du droit au bail.

Par acte du 20 juillet 2004, le Crédit industriel et commercial a fait opposition entre les mains de M. [E] pour avoir paiement de la somme de 84 849,49 € au titre du solde du prêt et, par jugement du 10 septembre 2004, le tribunal de commerce de Paris a condamné solidairement MM [C] [W] et [P] [O] et la société [W] [O] à payer au Crédit industriel et commercial la somme de 76 833,77 €.

Par ordonnance du 27 mai 2005, le juge des référés a nommé un séquestre répartiteur qui n'a pu mener sa mission à bien, M. [E] ne répondant pas aux mises en demeure.

Par acte du 13 juin 2006, un protocole transactionnel est intervenu entre la bailleresse et la société Le fournil d'Antoine et par acte du 14 juin 2006, un bail commercial a été conclu entre les parties.

Par acte du 20 septembre 2006, établi par les sociétés d'avocats Decroix Campagne et Hyest et associés, la société Le fournil d'Antoine a cédé le fonds à M. [J] et Mme [V], l'ordre des avocats à la cour d'appel de Paris ayant été désigné séquestre du prix.

Invoquant son droit de suite, le Crédit industriel et commercial a fait assigner M. [E] en responsabilité au motif que l'absence de répartition du prix entre les créanciers selon leur rang de référence lui avait causé un préjudice et par jugement du 13 novembre 2007, le tribunal de grande instance de Bobigny a condamné M. [E], en qualité de séquestre, à payer la somme de 76 224,50 € au Crédit industriel et commercial.

Par acte des 28 janvier et 27 février 2009, le Crédit industriel et commercial a fait assigner en référé la société Le fournil d'Antoine, l'ordre des avocats, le Trésor public, créancier inscrit, et la société [W] [O] aux fins de désignation d'un séquestre judiciaire chargé de la distribution du prix.

Par ordonnance du 29 mai 2009, le juge des référés a débouté le Crédit industriel et commercial de sa demande aux motifs du défaut d'urgence et de péril et de l'existence de contestations sérieuses.

Par acte des 17, 19 et 25 février 2009, la société Le fournil d'Antoine a fait assigner la société [W] [O], MM [C] [W] et [P] [O], M. [E], les sociétés d'avocats Decroix Campagne et Hyest associés et le Crédit industriel et commercial en main levée des privilèges affectant le fonds et en condamnation in solidum de la société [W] [O], de MM [C] [W] et [P] [O], de M. [E], et des sociétés d'avocats Decroix Campagne et Hyest associés au paiement de la somme qui serait attribuée au le Crédit industriel et commercial au titre de son droit de suite, devant le tribunal de grande instance de Paris.

Par acte du 22 juillet 2009, le Crédit industriel et commercial a fait assigner en intervention forcée l'ordre des avocats à la cour d'appel de Paris.

Les affaires ont été jointes et, par jugement du 12 octobre 2010, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a :

- rejeté des débats la note en délibéré adressée par la société Le fournil d'Antoine,

- dit que l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris devra se libérer de la somme de 160 000 € séquestrée, entre les mains du Crédit industriel et commercial à hauteur de 58 510,01 €, avec intérêts au taux légal à compter du 2 février 2010, et entre les mains de la société Le fournil d'Antoine à hauteur du surplus,

- condamné in solidum MM [C] [W] et [P] [O], la société [W] [O] et M. [E] à verser à la société Le fournil d'Antoine une somme égale à celle reçue de l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris par le Crédit industriel et commercial, avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2009,

- condamné M. [E] à verser à la société Le fournil d'Antoine la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné in solidum MM [C] [W] et [P] [O], la société [W] [O] et M. [E] à payer la société Le fournil d'Antoine la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

Par déclaration du 28 octobre 2010, la société Le fournil d'Antoine a fait appel du jugement.

Par déclaration du 31 décembre 2010, M.[P] [O] a fait appel du jugement.

Par déclaration du 4 janvier 2011, M. [E] a fait appel du jugement.

Les affaires ont été jointes par ordonnances des 30 mars 2011 et 30 mai 2010.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 26 septembre 2012, M. [E] demande, vu la transaction conclue avec la société Le fournil d'Antoine le 8 avril 2011de le mettre hors de cause.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 27 août 2012, la société Le fournil d'Antoine demande :

- le débouté des demandes des défendeurs,

- de prendre acte du désistement d'instance et d'action réciproque de M. [E] à son encontre et dire M. [E] irrecevable en ses demandes,

- l'infirmation du jugement en ce qu'il a reconnu la faculté du Crédit industriel et commercial d'exercer son droit de suite et dit que l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris devra se libérer du prix de vente entre ses mains,

- de dire que le Crédit industriel et commercial a perdu son droit de suite,

- de dire qu'il sera condamné à restituer les sommes indûment versées par l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris, avec intérêts au taux légal sur la somme de 89 491,24 € à compter du 31 octobre 2006 et sur la somme de 58 510,01 € à compter du 2 février 2010,

subsidiairement :

- de condamner in solidum le Crédit industriel et commercial, MM [W] et [O], la société [W] [O], les sociétés d'avocats Decroix Campagne et Hyest et associés, au paiement de la somme égale à celle reçue de l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris par le Crédit industriel et commercial,

en tout état de cause :

- de condamner les sociétés d'avocats Decroix Campagne et Hyest et associés au paiement de la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts,

- de condamner in solidum le Crédit industriel et commercial, MM [W] et [O], la société [W] [O], les sociétés d'avocats Decroix Campagne et Hyest et associés au paiement de la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts,

- de les condamner au paiement de la somme de 7 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 1er octobre 2012, le Crédit industriel et commercial demande :

- de dire que le protocole conclu entre la société Le fournil d'Antoine et M. [E] a été très tardivement versé,

- la confirmation du jugement,

- le débouté des demandes de la société Le fournil d'Antoine,

- de dire qu'il n'y a pas lieu de le condamner à restituer les sommes versées par l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris,

- de dire que les intérêts seront capitalisés,

- la condamnation de la société Le fournil d'Antoine au paiement de la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 23 mai 2012, M. [P] [O] demande :

- de constater qu'il n'a pas été touché par l'assignation introductive d'instance et de prononcer la nullité de l'acte et de la procédure qui en a découlé,

- l'infirmation du jugement,

subsidiairement :

- de dire qu'il n'a commis aucune faute,

- le débouté des demandes de la société Le fournil d'Antoine à son encontre,

- la condamnation des intimés au paiement de la somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 24 mai 2012, l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris demande :

- de lui donner acte qu'il s'en rapporte à justice en ce qui concerne le débat entre la société Le fournil d'Antoine et le Crédit industriel et commercial et sur leurs demandes à titre subsidiaire,

- de lui donner acte de ce que les fonds ont été libérés au titre de l'exécution provisoire,

- le débouté des demandes de la société Le fournil d'Antoine en ce qui concerne les intérêts et de toute autre demande formulée contre lui,

- la condamnation de tout succombant aux entiers dépens, dont distraction.

Dans leurs dernières conclusions, signifiées le 18 mai 2012, les sociétés Decroix Campagne et Hyest associés demandent :

- la confirmation du jugement,

- le débouté des demandes de la société Le fournil d'Antoine à leur encontre,

subsidiairement :

- de dire que la société Le fournil d'Antoine ne démontre aucune créance,

- de la condamner au paiement de la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.

M. [W], assigné par actes des 3 mai, 30 mai et 28 juin 2011 sur le fondement de l'article 659 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat.

La société [W] [O], assignée par actes des 4 février, 28 avril, 16 mai et 25 juillet 2011 sur le fondement de l'article 659 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er octobre 2012.

CELA EXPOSE,

Sur la transaction

Considérant qu'il convient de prendre acte de la transaction intervenue entre la société Le fournil d'Antoine et M. [E] concernant le litige entre eux et aux termes de laquelle, notamment, M. [E] s'engage à verser à la société Le fournil d'Antoine la somme de 51 000 € et à renoncer à toute demande contre la société Le fournil d'Antoine, qui s'engage en contrepartie à renoncer à toutes demandes contre M. [E] devant la présente cour, le contentieux entre les parties portant sur le jugement du 12 octobre 2010 étant définitivement terminé ;

Considérant qu'aucune demande n'est formulée contre M. [E] par aucune des parties ; que M. [E] doit donc être mis hors de cause ;

Sur l'assignation délivrée aux sociétés d'avocats

Considérant que si les sociétés d'avocats invoquent le fait que l'assignation délivrée par un officier public est datée du 19 février 2008 et semble donc être non conforme à l'article 757 du code de procédure civile, ils ne formulent aucune demande à ce titre ;

Sur la demande de nullité de l'acte introductif d'instance

Considérant que M. [P] [O] soutient qu'il n'a pas été valablement assigné et demande, à la fois, à titre principal, le prononcé de la nullité de l'acte introductif d'instance et de la procédure qui en a découlé et la réformation du jugement ; que M. [P] [O] ayant conclu au fond à titre principal, la dévolution s'opère pour le tout en application des dispositions de l'article 562 du code de procédure civile ;

Sur le droit de suite du Crédit industriel et commercial

Considérant que la société Le fournil d'Antoine fait valoir, au préalable, qu'elle n'a découvert que très tard l'inscription par le Crédit industriel et commercial, soit postérieurement à la cession de son propre fonds ; qu'ensuite le droit au bail constitue un élément essentiel de l'existence d'un fonds de commerce, sa disparition entraînant nécessairement celle du fonds de commerce ; que, contrairement à ce que mentionne le tribunal, le fonds a cessé d'être exploité et la clientèle a disparu ; qu'une fermeture administrative a, en effet, été prononcée le 20 octobre 2003 ; qu'il n'a pu être rouvert qu'à son initiative, le 11 mars 2004 ; qu'il n'existait plus aucun matériel permettant l'exploitation, que les loyers n'étaient plus payés ni les échéances du prêt ; que le prononcé de la résiliation judiciaire du bail par le jugement du 4 octobre 2005 du tribunal de grande instance de Paris a consacré la disparition du fonds ; que, dès lors, les inscriptions ne pouvaient bénéficier d'un droit de suite sur le fonds qu'elle a pu ultérieurement créer à l'aide du nouveau droit au bail, obtenu par accord avec la bailleresse ; que si le Crédit industriel et commercial n'a pas été partie à l'instance en résiliation du bail, dont la société [W] [O] était alors titulaire, c'est faute par lui de n'avoir pas transféré son inscription des chefs des personnes physiques MM [C] [W] et [P] [O] sur la société [W] [O] ; qu'il n'apparaissait en effet pas en qualité de créancier inscrit de la société [W] [O], alors qu'il ne pouvait ignorer l'apport du fonds qui avait été fait à celle-ci par MM [C] [W] et [P] [O] ; que l'inaction du Crédit industriel et commercial constitue une faute à l'origine de son préjudice ; que c'est par la voie d'une tierce opposition que le Crédit industriel et commercial aurait pu obtenir la rétractation de la décision ayant prononcé la résiliation du bail ; que le jugement du 13 novembre 2007 a consacré la créance du Crédit industriel et commercial et a mis à la charge de M. [E] son remboursement ; que l'autorité de chose jugée s'oppose à ce que le Crédit industriel et commercial revendique encore le paiement de la même créance ; que le Crédit industriel et commercial perçoit des paiements de la part de M. [E] sans en indiquer le montant, rendant le montant de sa créance à ce jour incertaine ; qu'en toute hypothèse, l'absence de notification de la demande de résiliation au Crédit industriel et commercial est imputable à l'avocat de la bailleresse et à l'avocat, la société Hyest, à qui elle avait demandé de l'assister ;

Considérant que le Crédit industriel et commercial réplique en premier lieu que l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris, nommé séquestre répartiteur du prix de la cession du fonds par la société Le fournil d'Antoine, détient la somme de 90 785 € ; que le Trésor public est inscrit pour la somme de 6 643 € ; qu'aucune distribution amiable n'a pu s'opérer faute d'accord et que c'est la raison pour laquelle la société Le fournil d'Antoine a engagé la procédure devant le tribunal de grande instance ; que la société Le fournil d'Antoine ne peut arguer de la disparition du fonds par la résiliation judiciaire, le droit au bail sur le fonds existant au jour de la constitution de ses sûretés et une subrogation d'un des éléments du fonds dans l'assiette de la garantie s'étant opérée, cet élément succédant à celui remplacé conformément au critère juridique de l'universalité du fonds de commerce ; qu'en conséquence, le droit au bail constituant un des élément du fonds initialement grevé, il existe toujours lors de la vente du fonds par la société Le fournil d'Antoine ; que la résiliation judiciaire du bail ne lui est donc pas opposable, en l'absence de notification préalable, en application de l'article L143-2 du code de commerce ; qu'aucun transfert de l'inscription de nantissement de fonds de commerce de deux personnes physiques n'était à effectuer, le privilège suivant le fonds ; qu'elle n'a pas fait preuve d'inaction, ayant assigné les deux personnes physiques et la société bénéficiaire de l'apport et obtenu leur condamnation par le jugement du tribunal de commerce du 10 septembre 2004 ; qu'il convient de rappeler les relations de la société Le fournil d'Antoine et de M. [E], comptable de la société de 2004 à 2006, contre lequel la société Le fournil d'Antoine a négligé de recouvrer la créance que lui avait accordée le jugement du 4 octobre 2005 ; qu'il n'a perçu de M. [E] que quelques acomptes qui viennent en déduction de sa créance ; qu'il n'y a aucune identité de cause entre l'instance qu'il a introduite contre M. [E] pour mise en cause de sa responsabilité professionnelle sur le fondement de l'article 1382 du code civil et celle présente introduite par la société Le fournil d'Antoine tendant à obtenir la main levée des inscriptions sur le fonds ;

Considérant qu'en application de l'article L. 143-2 du code de commerce, le propriétaire qui poursuit la résiliation du bail de l'immeuble dans lequel s'exploite un fonds de commerce grevé d'inscriptions doit notifier sa demande aux créanciers antérieurement inscrits ; que, dès lors que le bailleur a manqué à ses obligations à l'égard du créancier inscrit, l'inopposabilité de la résiliation intervenue est acquise de plein droit à celui-ci ;

Considérant qu'en l'espèce, la discussion sur la disparition du droit au bail et, par suite, de celle du fonds qu'aurait entraînées la résiliation judiciaire intervenue par le jugement du 4 octobre 2005 est sans objet dans la mesure où cette résiliation est inopposable au Crédit industriel et commercial ; que, par ailleurs, si la société Le fournil d'Antoine invoque la fermeture administrative de quelques mois que le fonds a subie, une telle décision, dont la mise à exécution a commencé avant l'acquisition par elle du fonds, n'a pu avoir aucune incidence sur l'existence même du fonds ; que la circonstance que le nantissement du Crédit industriel et commercial n'ait pas été expressément mentionné sur l'acte de cession est sans influence sur son droit de suite ; qu'en effet, l'inscription régulière du nantissement sur le fonds apporté par MM [C] [W] et [P] [O] à la société [W] [O] rend applicable les dispositions de l'article L143-12 du code précité, permettant au Crédit industriel et commercial de suivre le fonds en quelques mains qu'il se trouve ;

Considérant que le jugement du 13 novembre 2007 a condamné M. [E] au paiement au Crédit industriel et commercial de la somme de 76 224,50 €, correspondant au prix de vente séquestré, mais non pas au titre du paiement de la créance de la banque relative au règlement du prêt nanti mais à titre de dommages et intérêts en réparation de la faute délictuelle commise par M. [E], faute d'avoir, en sa qualité de séquestre-répartiteur, levé l'ensemble des inscriptions ; que la société Le fournil d'Antoine ne peut donc soutenir que la créance du Crédit industriel et commercial aurait été réglée ;

Sur les demandes de la société Le fournil d'Antoine au titre de ses préjudices

Considérant que la société Le fournil d'Antoine demande subsidiairement, au cas où la demande en paiement du Crédit industriel et commercial serait déclarée fondée, la confirmation du jugement qui a condamné MM [C] [W] et [P] [O] et la société [W] [O] à lui payer, à titre de dommages et intérêts, une somme égale à celle reçue de l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris par le Crédit industriel et commercial ;

Considérant que M. [P] [O] soutient qu'il n'a commis aucune faute, n'ayant pas participé personnellement à cette cession, seul M. [W] ayant signé les actes de cession et pris des engagements en sa qualité de gérant l'engageant ainsi personnellement ; que lui-même n'a jamais perçu aucune somme de la cession ; que le défaut de remboursement du prêt n'est que la conséquence des fautes commises par M. [E] qui n'a ni appelé la bailleresse à la cession ni signifié la cession aux créanciers inscrits ;

Considérant que c'est à tort que les premiers juges ont relevé l'existence d'une faute qu'auraient commise MM [C] [W] et [P] [O] en ne remboursant pas le prêt, ce qui aurait conduit le Crédit industriel et commercial à mettre en oeuvre son droit de suite ; qu'en effet et en premier lieu, l'absence de paiement du prêt n'est pas la cause directe du préjudice subi par la société Le fournil d'Antoine ; qu'en second lieu, MM [C] [W] et [P] [O] avaient précisément chargé un séquestre de distribuer le prix de vente et que c'est celui-ci qui, en ne procédant pas à la distribution, est directement à l'origine de l'exercice du droit de suite ; que, dès lors, les demandes formées contre MM [C] [W] et [P] [O] doivent être rejetées ; qu'en revanche, c'est à juste titre que les premiers juges ont relevé que la société [W] [O] s'étant engagée à rapporter la main levée et la radiation des inscriptions de son chef et du chef de ses associés, son abstention a participé au préjudice de la société Le fournil d'Antoine ;

Considérant que la société Le fournil d'Antoine forme des demandes complémentaires de dommages et intérêts contre les susnommés pour le préjudice qui tiendrait au fait qu'elle aurait été dans l'impossibilité de réinvestir le prix de vente du fonds de commerce ; que toutefois le préjudice qu'elle invoque n'est pas indépendant de celui qui est réparé par l'allocation d'une somme égale à celle versée au Crédit industriel et commercial, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2009, date de l'assignation, la date du 31 octobre 2006 que la société Le fournil d'Antoine invoque pour le point de départ des intérêts sur une partie de la somme, et qui est celle à compter de laquelle l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris a indiqué bloquer le prix de vente devant lui revenir, ne constituant pas une mise en demeure ;

Considérant que la société Le fournil d'Antoine entend étendre la responsabilité du préjudice qu'elle a subi aux sociétés d'avocats Decroix Campagne et Hyest et associés, rédacteurs de l'acte de cession et critique le tribunal qui a rejeté sa demande formée contre elles ; qu'elle fait valoir que ces sociétés n'ont pas requis les états d'inscription du chef des personnes physiques ; que si elle avait eu connaissance d'une inscription d'un montant aussi important, elle n'aurait pas accepté de céder son fonds dans des conditions aussi défavorables ; que la société Hyest et associés a, sur ce point, manqué ainsi à son devoir de conseil ; qu'elle a manqué également à ses obligations, qui découlaient de son mandat de postulant, en ne signifiant pas le jugement du 4 octobre 2005 dans les délais de l'article 478 du code de procédure civile, la caducité des effets du jugement contre M. [E] la privant des dommages et intérêts provisionnels auxquels elle avait droit ;

Considérant que les sociétés d'avocats Decroix Campagne et Hyest et associés répliquent que la société Le fournil d'Antoine n'apporte la preuve ni d'une faute de leur part ni d'une relation directe entre leur intervention en qualité de rédacteur et le désir que la société Le fournil d'Antoine aurait eu de ne pas poursuivre la vente ; que le fait que le nantissement n'a pas été levé relève d'une faute de M. [E] ; qu'à la date de leur intervention, en juin 2006, le fonds sur lequel le Crédit industriel et commercial avait pris ses garanties n'existait plus, ayant été résilié, ce qui explique que l'état au greffe du tribunal de commerce ne mentionnait plus les anciennes inscriptions devenues caduques ;

Considérant que les sociétés d'avocats Decroix Campagne et Hyest et associés ne peuvent arguer de la disparition du fonds, ainsi qu'il a été dit précédemment ; que cependant, le tribunal a, à juste titre, constaté l'absence de lien de causalité entre la négligence qui est reprochée à la société d'avocats de ne pas avoir levé un état des inscriptions grevant le fonds du chef des deux personnes physiques associées de la société cédante à l'origine et le préjudice invoqué par la société Le fournil d'Antoine qui tiendrait à ce qu'elle n'aurait pas cédé son fonds si elle avait connu l'existence de l'inscription ; qu'en effet, en tout état de cause, le fonds restait grevé d'un nantissement ouvrant au Crédit industriel et commercial l'exercice de son droit de suite et, en considération de ce fait, la société Le fournil d'Antoine n'établit pas quel aurait été le préjudice que le défaut d'information sur cette inscription lui aurait causé ; que, par ailleurs, à supposer que le préjudice invoqué par la société Le fournil d'Antoine tenant au défaut de signification du jugement à l'égard de M. [E] serait établi, si la société produit un courrier daté du 30 novembre 2006 de la société Hyest qui lui adresse la copie d'une note de frais de l'huissier de justice qui a procédé à la signification du jugement à M. [E], la note en question qui, seule, aurait été de nature à établir la date de la signification, n'est pas produite ; que, dès lors, le tribunal a pertinemment rejeté les demandes de la société Le fournil d'Antoine formée contre les sociétés d'avocats Decroix Campagne et Hyest et associés ;

Considérant que l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris forme des demandes de donner acte ; que le donné acte étant dépourvu de toute valeur juridictionnelle, il n'y a pas lieu de statuer ;

Considérant que c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande du Crédit industriel et commercial de restitution des sommes versées par l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris avec la capitalisation des intérêts, l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris étant séquestre et non débiteur ;

Considérant que les demandes du Crédit industriel et commercial, celle des sociétés d'avocats Decroix Campagne et Hyest et associés et celle de M. [P] [O] au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées ;

Considérant que les dépens de l'appel seront supportés par la société Le fournil d'Antoine qui ne peut prospérer en sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

Met M. [E] hors de cause,

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a condamné in solidum MM [C] [W] et [P] [O], à verser à la société Le fournil d'Antoine une somme égale à celle reçue de l'ordre des avocats de la cour d'appel de Paris par le Crédit industriel et commercial, avec intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2009 ainsi qu'aux dépens,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant :

Déboute la société Le fournil d'Antoine de ses demandes en paiement contre MM [C] [W] et [P] [O],

Déboute les parties du surplus de leurs demandes,

Condamne la société Le fournil d'Antoine aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 10/21191
Date de la décision : 07/11/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°10/21191 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-11-07;10.21191 ?
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