Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 07 NOVEMBRE 2012
(n° 291 , 6 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 09/21083
Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 Septembre 2009 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2006081446
APPELANTE
S.N.C. NOVANDIE représentée par son gérant en exercice
Ayant son siège social
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, Me Véronique DE LA TAILLE, avocats au barreau de PARIS, toque K0148
Assistée de Me Marie-Pierre MOUAUD plaidant pour la SCP BONIFACE et Associés, avocat au barreau de ROUEN
INTIMEE
SAS MIDEX prise en la personne de son Président en exercice
Ayant son siège social
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représentée par la SCP KIEFFER JOLY - BELLICHACH, avocats au barreau de PARIS, toque L0028
Assistée de Me Ambroise ARNAUD plaidant pour la SCP Pellier Arnaud, avocat au barreau de MARSEILLE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 26 Septembre 2012, en audience publique, après qu'il ait été fait rapport par Monsieur ROCHE, Président, conformément aux dispositions de l'article 785 du Code de procédure civile devant la Cour composée de :
Monsieur ROCHE, Président
Monsieur VERT, Conseiller
Madame LUC, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier, lors des débats : Madame Véronique GAUCI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur ROCHE, président et par Madame Véronique GAUCI, greffier, auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire
****
Vu le jugement par lequel le Tribunal de commerce de Paris a notamment :
- débouté la société MIDEX de sa demande au titre de la résiliation du premier contrat,
- condamné cette dernière à payer à la société NOVANDIE la somme en principal de 485.432,83 euros avec intérêts au taux conventionnel et avec anatocisme,
- débouté la société NOVANDIE de toutes ses autres demandes,
- condamné la société NOVANDIE à payer à la société MIDEX la somme de 440.611,35 euros à titre de dommages intérêts,
- ordonné la compensation des sommes susmentionnées,
- condamné la société NOVANDIE à payer à la société MIDEX la somme de 30000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
Vu l'appel interjeté par la société NOVANDIE et ses conclusions du 17 janvier 2012 ;
Vu les conclusions de la société MIDEX du 10 janvier 2012 ;
SUR CE
Considérant qu'il résulte de l'instruction les faits suivants :
Le 14 avril 1993 la société NOVANDIE a consenti un contrat de concession commerciale exclusive à la société MIDEX portant sur la vente de produits laitiers en Grande Bretagne à des distributeurs locaux.
Par courrier du 21 juin 2000 la société NOVANDIE dénonçait le contrat de distribution tout en proposant à la société MIDEX la signature d'un nouveau contrat portant sur la commercialisation de ses produits auprès de la société ALDI UK.
Le 30 juin 2000 les deux sociétés signaient un avenant de résiliation à effet du 31 décembre 2000 et en application duquel la société NOVANDIE réglait à la société MIDEX la somme de 312.330,53 euros.
L'avenant stipulait expressément :
« Les parties, d'un commun accord décident de résilier purement et simplement le contrat à effet du 31 décembre 2000 sous réserve de ce qui est stipulé ci-après :'en conséquence des engagements visés aux articles précédents et sous la stricte réserve de leur parfaite réalisation , chacune des parties se déclare pleinement remplie de ses droits et obligations au titre du contrat et renonce à formuler sans quelque sorte que ce soit toute prétention ou réclamation sous quelque forme que ce soit à l'égard de l'autre partie au titre du contrat '» .
Un second contrat de concession commerciale exclusive était signé le même jour entre les parties.
Cet engagement comportait une clause de quota global en application de laquelle la société MIDEX devait réaliser avec la société NOVANDIE un chiffre d'affaires correspondant à un volume de vente de 2000 tonnes au titre de chaque année d'exécution.
Ledit contrat a pris effet le 1er janvier 2001 pour une durée de trois ans et était renouvelable par tacite reconduction sauf dénonciation six mois avant l'expiration de la période en cours.
Constatant une baisse sensible des tonnages vendus par la société MIDEX a procédé à la résiliation du contrat considéré le 4 janvier 2006 et sollicité le paiement de la somme de 485.432,63 euros au titre de factures demeurées impayées.
La société MIDEX contestant aussi bien les conditions de la résiliation que les sommes réclamées, la société NOVANDIE a, par acte du 28 novembre 2006 , assigné cette dernière devant le Tribunal de commerce de Paris aux fins de paiement des factures impayées ainsi qu'en condamnation en réparation de son préjudice.
La société MIDEX a reconventionnellement demandé la condamnation de la société NOVANDIE au versement de dommages intérêts au titre de la résiliation des deux contrats susvisés des 13 avril 1993 et 30 juin 2000.
C'est dans ces conditions de fait et de droit qu'est intervenu le jugement susvisé présentement déféré.
SUR LA RESILIATION DU CONTRAT CONCLU LE 13 AVRIL 1993 :
Considérant qu'une véritable transaction est intervenue entre les parties lors de la rupture du contrat du 13 avril 1993 et de la signature de celui du 30 juin 2000 ; qu'en effet l'avenant de résiliation susmentionné et le contrat du 30 juin 2000 procèdent d'une économie globale et ont fait l'objet d'une véritable négociation ainsi que le révèlent les modifications affectant les clauses financières ; qu'ainsi et sauf à méconnaître les dispositions de l'article 2052 du code civil la société MIDEX n'est pas recevable à solliciter le versement de dommages intérêts du fait de la résiliation dont s'agit; que si , par ailleurs , l'intimée, pour écarter le principe de la force obligatoire des contrats , prétend n'avoir signé l'avenant et le nouveau contrat qu'en raison de son état de dépendance économique vis-à-vis de la société NOVANDIE, il convient de souligner que le seul état de dépendance économique d'une partie à l'endroit d'une autre n'est aucunement démonstratif d'un vice du consentement entachant l'accord conclu ; que seule l'exploitation abusive d'une situation de dépendance économique faite pour tirer profit de la crainte d'un mal menaçant directement les intérêts de la personne peut éventuellement vicier de violence le consentement de l'intéressée ; qu'en l'occurrence la comparaison entre le contrat tel que proposé par la société NOVANDIE et tel que finalement signé établit que cette dernière n'a nullement abusé d'une prétendue situation de dépendance économique mais a, bien au contraire, accepté la demande de la société MIDEX afférente à la clause de quota , laquelle constitue une obligation essentielle au regard de l'économie d'ensemble du contrat en cause; qu'au surplus il sera rappelé que celui qui a la possibilité de diversifier ses activités ne peut être considéré comme étant dans une situation de dépendance économique ; que tel est le cas de la société MIDEX dont l'objet social n'est pas limité à l'exportation de yaourts et desserts lactés mais a trait à «'l'achat , vente à l'importation, l'exportation de tous produits alimentaires et toutes opérations de commercialisation '», ce qui lui laissait toute opportunité de diversification ; qu'elle avait au demeurant comme clients d'importants groupes alimentaires tels que CANDIA ou YOPLAIT ; que , par suite , sa demande indemnitaire à hauteur de 950.621 euros ne peut qu'être écartée ;
SUR LA RESILIATION DU CONTRAT CONCLU LE 30 JUIN 2000 :
Considérant que l'article 8 dudit contrat stipule: «'le concessionnaire s'engage à réaliser avec NOVANDIE un chiffres d'affaires correspondant à un volume de vente de 2000 tonnes au titre de chaque année d'exécution du contrat'» ; que l'article 12.1 ajoute: «'le présent contrat peut être résilié à tout moment , sans préavis ni indemnité dans les hypothèses suivantes : 'dans le cas où le concessionnaire manquerait à l'une quelconque de ses obligations après une mise en demeure restée sans effet'» ; qu' il ressort des pièces versées aux débats que la société MIDEX a cessé de respecter la clause de quota à partir de l'année 2003 avec de surcroit une baisse constante du volume des ventes ; que , dés lors, en procédant à la résiliation du contrat après avoir vainement adressé deux mises en demeure à la société MIDEX la société NOVANDIE n' a fait qu'appliquer la loi des parties en cas de méconnaissance du quota conventionnellement convenu ; qu'il sera précisé sur ce point que le contrat litigieux avait pour objet non pas d'assurer la fabrication des produits désirés par la société MIDEX pour lui permettre d'atteindre un volume de vente de 2000 tonnes mais de concrétiser l'engagement de cette dernière de vendre auprès de la société ALDI UK la production de la société NOVANDIE à hauteur de ce tonnage ; qu'effet l'article 8 du contrat rappelle que le concessionnaire d'engage à mettre en 'uvre tous ses efforts pour lui permettre d'assurer auprès de la société ALDI UK l'implantation et la promotion commerciale des produits mentionnés à l'article premier, lequel précise que la société NOVANDIE accorde au concessionnaire l'exclusivité de la vente à la société ALDI UK des produits fabriqués ou distribués par ses soins avec au demeurant la faculté d' interrompre la livraison ou la distribution de certains articles sans que le concessionnaire puisse exiger une indemnité de ce chef ; que , par ailleurs , c'est en toute connaissance de cause'que la société MIDEX a négocié la fixation de la clause de quota à 2000 tonnes, montant inférieur au tonnage réalisé les années précédentes avec la société ALDI UK ; que dès lors qu'ainsi qu'il a été ci-dessus rappelé il était loisible à la société NOVANDIE d'interrompre la fabrication de certains produits sans indemnité pour la société MIDEX et sans incidence sur la clause de quota, cette dernière ne saurait utilement reprocher à la société NOVANDIE de n'avoir pu satisfaire sa demande de fabrication de tel ou tel produit nouveau, l'article 4 l'autorisant en tout état de cause à faire appel à un autre fournisseur pour les produits considérés; que l'aléa industriel est ainsi entré dans le champ contractuel et ne saurait être constitutif d'un grief dont l'intéressée pourrait exciper ; que, plus généralement, au-delà d'affirmations non utilement corroborées, la société MIDEX ne rapporte la preuve d'aucun manquement à la bonne foi contractuelle de la part de la société NOVANDIE, laquelle justifie en revanche de ses efforts aux fins de pratiquer des prix compétitifs ; qu'enfin, alors que celle-ci aurait pu n'adresser la mise en demeure conventionnellement prévue e le 30 novembre 2005, elle l'a fait dès le 30 juin 2005 à l'effet de permettre à la société MIDEX de respecter ses engagements et de lui accorder un préavis de fait de 6 mois, exclusif de toute allégation de brutalité qui affecterait la résiliation prononcée, laquelle est intervenue en strict respect des stipulations contractuelles et en présente de ce fait aucun caractère abusif ;
SUR LES DEMANDES INDEMNITAIRES RESPECTIVES DES PARTIES :
Considérant tout d'abord que la résiliation du contrat susvisé du 30 juin 2000 ayant été jugée régulière et non abusive, la société MIDEX n'est pas fondée à solliciter une quelconque indemnité de ce chef ;
Considérant par ailleurs , que si la société NOVANDIE réclame également le versement de dommages intérêts pour le «'préjudice subi du comportement déloyal de la société MIDEX durant la période antérieure à la rupture du contrat puis durant la période postérieure '» et si elle indique que cette dernière n'était «'en aucun cas déliée de son obligation de non concurrence à compte d'avril 2003 '», il convient de rappeler qu'aux termes de l'article L330-2 du code de commerce «' est limitée à un maximum de 10 ans la durée de validité de toute clause d'exclusivité par laquelle l'acheteur , cessionnaire ou locataire de biens meubles s'engage vis-à-vis de son vendeur , cédant ou bailleur , à ne pas faire usage d'objets semblables ou complémentaires en provenance d'un autre fournisseur'»; que l'article L330-2 prévoit pour sa part que «'lorsque le contrat comportant la clause d'exclusivité mentionnée à l'article L330-1 est suivi ultérieurement entre les mêmes parties , d'autres engagements analogues portant sur le même genre de biens , les clauses d'exclusivité contenues dans ces nouvelles conventions prennent fin à la même date que celles figurant au premier contrat '»';'qu'en l'espèce l'accord du 30 juin 2000 poursuit celui de 1993 qui avait été conclu entre les mêmes parties et qui portait sur le même objet et le même genre de biens au sens des dispositions précitées ; que, par suite, la limitation de durée de la clause d'exclusivité insérée dans l'accord du 30 juin 2000 doit être décomptée depuis la date de prise d'effet du contrat initial , soit depuis 1993 ; que, par voie de conséquence , la société MIDEX était déliée vis-à-vis de son fournisseur à partir de 2003de toute clause d'exclusivité et la société NOVANDIE ne peut lui imputer un quelconque manquement de ce chef ; que , surtout, l'article 4 du contrat initial, liant expressément l'obligation de non -concurrence à l'exclusivité , est réputé s'appliquer , aux termes de l'article 3 de l'avenant de résiliation du 30 juin 2000 «'nonobstant'. La signature du nouveau contrat de concession commerciale »; que l'obligation de non-concurrence demeure donc régie , en application de l'avenant du 30 juin 2000 par les dispositions de l'article 4 du contrat du 13 avril 1993 ; que, dés lors, l'exclusivité ayant, ainsi qu'il a été ci -dessus indiqué, pris fin par l'effet des articles précités du code de commerce, il, en est de même de l'obligation de non -concurrence ; que la société MIDEX ne pouvait être ainsi tenue d'une obligation de non -concurrence au-delà de la date du 13 avril 2003 conformément aux dispositions de l'avenant du 30 juin 2000 ; qu'en revanche la société MIDEX s'est abstenue de prévenir la société NOVANDIE de l'appel d'offres de la société ALDI UK et des résultats de celui-ci ; qu'en informant ainsi pas la société NOVANDIE de son non référencement pour 2006 et en la mettant de la sorte dans l'impossibilité d'assurer un quelconque chiffre d'affaires avec ladite société ALDI UK pour l'année 2006 la société MIDEX a méconnu son obligation de loyauté contractuelle et engagé de ce fait sa responsabilité à l'endroit de la société NOVANDIE; quc cette dernière est fondée à évaluer son préjudice de ce chef à la somme de 500.000 euros correspondant à un an de perte de marge sur le coût variable direct rapporté à un volume de 2000 tonnes et prenant en compte l'aléa inhérent à toute activité économique, l'intéressée étant déboutée du surplus de ses demandes indemnitaires ;
SUR LE PAIEMENT D'UN SOLDE DE FACTURES :
Considérant que la cour fait siens les motifs pertinents retenus par les Premiers Juges pour condamner la société MIDEX à verser à ce titre les sommes de 437.422,25 ainsi que de 41361,21 et 6379,37 euros , outre les intérêts au taux conventionnel à compter du 18 janvier 2006 , outre la capitalisation des intérêts échus y afférents; qu'il sera simplement ajouté que si la société MIDEX soutient désormais qu'il n'aurait jamais été convenu entre les parties qu'une facturation aurait lieu au titre des palettes de manutention non restituées, il sera relevé que la société NOVANDIE a toujours émis depuis l'origine des relations entre les intéressées des factures et avoirs en fonction du stock de palettes et que la société MIDEX n'avait à aucun moment protesté devant cette pratique commerciale constante ;
Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il y a lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la société MIDEX de sa demande indemnitaire afférente à la résiliation du contrat du 13 avril 1993 et en ce qu'il a condamné cette dernière à payer à la société NOVANDIE la somme en principal de 485.432,83 euros, outre les intérêts au taux conventionnel représentant une fois et demi l'intérêt légal à compter du 18 janvier 2006 avec anatocisme, de l'infirmer pour le surplus et , statuant à nouveau, de condamner la société MIDEX à payer à la société NOVANDIE la somme de 500.000 euros à titre de dommages intérêts , les parties étant déboutés du surplus de leurs prétentions respectives ;
PAR CES MOTIFS
- CONFIRME le jugement en ce qu'il a débouté la société MIDEX de sa demande indemnitaire afférente à la résiliation du contrat du 13 avril 1993 et en ce qu'il a condamné cette dernière à payer à la société NOVANDIE la somme en principal de 485.432,83 euros, outre les intérêts au taux conventionnel représentant une fois et demi l'intérêt légal à compter du 18 janvier 2006 avec anatocisme,
- L'INFIRME pour le surplus,
Et , statuant à nouveau,
- CONDAMNE la société MIDEX à payer à la société NOVANDIE la somme de 500.000 euros à titre de dommages intérêts,
- DÉBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions respectives,
- CONDAMNE la société MIDEX aux dépens de première instance et d'appel avec recouvrement dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile,
- LA CONDAMNE également à payer à la société NOVANDIE la somme de 8.000 euros au titre des frais hors dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT