COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 5 NOVEMBRE 2012
(no 255, 3 pages)
Node répertoire général : 12/ 06563
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Dominique GUEGUEN, Conseillère, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Noëlle KLEIN, Greffière, lors des débats et du prononcé avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 05 avril 2012 par M. Salman Hamed Y..., demeurant Chez Monsieur Anwar Y...,...- ..., 77000 MELUN ;
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 1er octobre 2012 ;
Vu l'absence de M. Salman Hamed Y...,
Entendus Me Sandra LEROUX, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU représentant M. Salman Hamed Y..., Me Anne-Sophie LEFEVRE, avocat au barreau de PARIS (substituant la SCP NORMAND et ASSOCIÉS) représentant Monsieur l'agent judiciaire de l'État, ainsi que Monsieur Pierre-Yves RADIGUET avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R40-7 du code de procédure pénale ;
Considérant que M. Salman Hamed Y... a été mis en examen le 9 novembre 2006 par un juge d'instruction de Fontainebleau des chefs de complicité de viol et omission de porter secours ; qu'il a été placé le jour même en détention provisoire ; que le 2 avril 2007, il a été mis en liberté à la suite d'une ordonnance du juge d'instruction, mise en liberté assortie d'une mesure de contrôle judiciaire ; que par ordonnance du 5 février 2010, il était mis en accusation et renvoyé devant la cour d'assises de Seine et Marne du chef de non assistance à personne en danger ; qu'il a fait l'objet le 30 septembre 2011 d'un arrêt d'acquittement, décision qui n'a fait l'objet d'aucun recours ; Qu'il a ainsi été incarcéré pendant 4 mois et 24 jours ;
Considérant que par requête du 5 avril 2012 déposée le même jour, développée oralement à l'audience, M. Y... sollicite :- la somme de 10 000 € au titre de son préjudice moral,- la somme de 6 562, 46 € au titre de son préjudice économique sur la base du SMIC, très subsidiairement celle de 2542, 30 € sur la base du RMI,- la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles ;
Que l'agent judiciaire de l'Etat, développant oralement ses écritures à l'audience, conclut :- à la recevabilité de la requête,- à l'octroi de la somme de 8 000 € au titre du préjudice moral,- au rejet de la demande d'indemnisation de la perte de chance d'exercer une activité rémunérée,- à voir statuer ce que de droit sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que le Ministère Public, développant oralement ses écritures à l'audience, conclut à :- la recevabilité de la requête et à son admission dans le principe,- à la réparation du préjudice moral proportionné à la durée de la détention et prenant en compte les circonstances particulières,- au rejet de la réparation du préjudice matériel,- à la réparation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Sur la recevabilité :
Considérant qu'au regard des dispositions des articles 149-1 et 149-2 du code de procédure pénale et 38 du Décret No 91-1266 du 19 décembre 1991, la requête de M. Y... déposée dans les délais et modalités de la loi est recevable en la forme ;
Sur le préjudice moral :
Considérant que l'indemnisation du préjudice moral de la personne détenue doit être apprécié à l'aune de la durée de la détention, en l'espèce 4 mois et 24 jours et des circonstances particulières ;
Qu'en l'espèce, le requérant était âgé de 19 ans, célibataire et sans enfants, vivant chez ses parents, avec une soeur résidant à Melun et deux frères restés vivre au Pakistan ; qu'il s'agissait d'une première incarcération d'où l'importance du choc carcéral ; que le requérant mentionne en outre l'atteinte à son honneur en raison de la nature des faits poursuivis et de la honte subséquente ressentie tant à l'égard de sa famille, notamment son père que de sa communauté ;
Que son casier judiciaire ne portait mention d'aucune condamnation ;
Qu'eu égard à la durée de sa détention ainsi qu'aux éléments susvisés, il convient en conséquence de lui accorder la somme de 8000 € en réparation de son préjudice moral ;
Sur le préjudice matériel :
Considérant que M. Y... fait valoir que lors de son interpellation, il a déclaré exercer la profession de peintre au salaire mensuel de 1 138 €, emploi occupé par lui depuis août 2006 à la société IDF, 54 Boulevard Pasteur 93120 LA COURNEUVE ; que du 9 novembre 2006 au 2 avril 2007, il n'a pu exercer d'activité rémunérée, perdant une chance d'exercer une activité rémunérée à hauteur du SMIC, d'où le calcul de son préjudice qui est de 5 mois et 23 jours x le salaire mensuel de 1 138 € = 6 562, 46 € ;
Considérant que la demande de M. Y..., qui dit avoir exercé un emploi, s'analyse en une demande de réparation au titre d'une perte de revenu ; que le requérant ne justifie pas de ses dires ; qu'en effet, les pièces versées aux débats, dont des bulletins de paie et un certificat de travail concernent un autre emploi, celui mentionné dans l'enquête de personnalité, d'électricien à la Société COVOLO de juin 2007 à mai 2008, emploi dont il a été licencié et l'enquête de personnalité fait également état de vente de vêtements de femmes sur les marchés avec son père, ainsi que de livraison de pizzas ; que M. Y... n'est donc pas en mesure de produire les fiches de salaires et le contrat de travail correspondant à l'emploi qu'il dit avoir occupé lors de son placement en détention, produisant encore un contrat de travail de peintre chez la SARL SOGECOR, 147 rue Anatole France 93700 DRANCY à compter du 22 mai 2006 ; que l'absence de tout justificatif cohérent relatif à l'emploi conduit à rejeter les demandes présentées par M. Y... au titre du préjudice matériel ;
Que l'équité commande d'allouer à M. Y... la somme de 1 000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS :
Déclarons M. Salman Hamed Y... recevable en sa requête,
Allouons à M. Salman Hamed Y... :- une indemnité de 8 000 € en réparation de son préjudice moral,- une indemnité de 1 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, Rejetons le surplus des prétentions de M. Salman Hamed Y....
Décision rendue le 5 novembre 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.