COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 5 NOVEMBRE 2012
(no 254, 3 pages)
Node répertoire général : 12/ 05567
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Dominique GUEGUEN, Conseillère, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Noëlle KLEIN, Greffière, lors des débats et du prononcé avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 19 mars 2012 par M. Kémal Y..., demeurant... 94700 MAISONS ALFORT ;
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 1er octobre 2012 ;
Vu l'absence de M. Kémal Y...,
Entendus Me Souzan CHIRAZI, avocat au barreau de PARIS (substituant Me Stéphanie LE ROY) représentant M. Kémal Y..., Me Anne-Sophie LEFEVRE, avocat au barreau de PARIS (substituant la SCP NORMAND et ASSOCIÉS) représentant Monsieur l'agent judiciaire de l'État, ainsi que Monsieur Pierre-Yves RADIGUET avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R40-7 du code de procédure pénale ;
Considérant que M. Kémal Y... a été mis en examen le 25 février 2005 par un juge d'instruction de Créteil des chefs de violences aggravées, tentative d'extorsion et menaces de mort sous condition ; qu'il a été placé le jour même en détention provisoire ; que l'ordonnance de mise en détention était confirmée par arrêt de la chambre de l'instruction en date du 11 mars 2005 ; que le 16 mars 2005, il a été mis en liberté à la suite d'une ordonnance du juge d'instruction, mise en liberté assortie d'une mesure de contrôle judiciaire ; qu'il a fait l'objet le 11 janvier 2012 d'une ordonnance de non-lieu, décision qui n'a fait l'objet d'aucun recours ; Qu'il a ainsi été incarcéré pendant 22 jours ;
Considérant que par requête déposée le 19 mars 2012, développée oralement à l'audience, M. Y... sollicite :- une somme de 1500 € au titre de son préjudice moral,- une somme de 4 650 € au titre de son préjudice matériel,- une somme de 2 392 € au titre des frais d'avocat engagés pendant la période de détention provisoire, avec application des dispositions de l'article 1154 du code civil relatives à la capitalisation des intérêts échus sur les sommes fixées,- une somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que l'agent judiciaire de l'Etat, développant oralement ses écritures à l'audience, conclut :- à la recevabilité de la requête,- au rejet en l'état de la demande d'indemnisation de la perte de revenus, subsidiairement à l'octroi d'une somme de 3 410 €,- à voir ramener à de plus justes proportions la demande au titre du préjudice moral qui ne saurait excéder la somme de 1 000 €,- à l'octroi de la somme de 2 392 € en réparation des honoraires d'avocat,- à voir statuer ce que de droit sur la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Que le Ministère Public, développant oralement ses écritures à l'audience, conclut à :- la recevabilité de la requête et à son admission dans le principe,- à la réparation du préjudice moral proportionné à la durée de la détention,- à la réparation du préjudice matériel,- à la réparation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Sur la recevabilité :
Considérant qu'au regard des dispositions des articles 149-1 et 149-2 du code de procédure pénale et 38 du Décret No 91-1266 du 19 décembre 1991, la requête de M. Y... déposée dans les délais et modalités de la loi est recevable en la forme ;
Sur le préjudice moral :
Considérant que l'indemnisation du préjudice moral de la personne détenue doit être apprécié à l'aune de la durée de la détention, en l'espèce 22 jours, et en fonction, notamment, de sa personnalité, de son mode de vie, de son comportement au cours de l'instruction, de ses antécédents judiciaires et des périodes de détention effectuées en exécution de condamnations antérieures ;
Considérant que M. Y... était âgé de 41 ans lors de sa mise en détention, marié depuis 1992 et père de deux enfants âgés respectivement de 10 ans et 9 mois ; qu'il s'agissait d'une première incarcération ;
Qu'il a subi un choc psychologique certain ;
Qu'eu égard à la durée de sa détention ainsi qu'aux éléments susvisés, il convient en conséquence de lui accorder la somme de 1 000 € en réparation de son préjudice moral ;
Sur le préjudice matériel :
Considérant que M. Y... justifie par les pièces produites et notamment par l'attestation établie le 10 mars 2005 par M. C..., gérant de la SARL COLYSÉE, ainsi que par le certificat de travail établi le 6 mai 2005 par la même société, avoir exercé un emploi de vendeur depuis le 1er Janvier 2005, donc antérieurement à son incarcération, pour un salaire net de 4 650 € ; qu'au prorata de la durée de sa détention, il lui sera alloué pour sa perte de revenus une indemnisation de 3 410 € ;
Sur les honoraires d'avocat :
Considérant que seule la part des frais dont il est prouvé qu'ils sont en rapport direct avec la détention peuvent donner lieu à réparation étant précisé qu'aucune disposition n'exige que le requérant justifie s'être acquitté du paiement de la totalité des honoraires pour prétendre à l'indemnisation de ce chef de préjudice matériel ;
Qu'en l'espèce, il ressort de la facture détaillée produite par M. Y... que les honoraires en rapport direct avec la détention provisoire peuvent être évalués à la somme de 2 392 € ;
Sur l'application de l'article 1154 du code civil :
Considérant que rien ne s'oppose à ordonner, dans les conditions posées par l'article 1154 du code civil, le bénéfice de la capitalisation des intérêts échus pour les sommes ci-dessus allouées ;
Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant qu'il sera alloué à M. Y... à ce titre la somme de 1 000 €.
PAR CES MOTIFS :
Déclarons M. Kémal Y... recevable en sa requête,
Allouons à M. Kémal Y... :- une indemnité de 1 000 € au titre de son préjudice moral,- une indemnité de 3 410 € au titre de son préjudice matériel,- une indemnité de 2 392 € au titre des frais d'avocat, avec le bénéfice de la capitalisation des intérêts échus dans les conditions de l'article 1154 du code civil sur lesdites sommes,- une indemnité de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejetons le surplus des prétentions de M. Kémal Y....
Décision rendue le 5 novembre 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.