COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1
RÉPARATION DES DÉTENTIONS PROVISOIRES
DÉCISION DU 5 NOVEMBRE 2012
(no 252, 3 pages)
Node répertoire général : 11/ 22758
Décision contradictoire en premier ressort ;
Nous, Dominique GUEGUEN, Conseillère, à la cour d'appel, agissant par délégation du premier président, assisté de Noëlle KLEIN, Greffière, lors des débats et du prononcé avons rendu la décision suivante :
Statuant sur la requête déposée le 13 décembre 2011 par M. Y... Z..., demeurant Chez Mme Lisette A... B..., ... ;
Vu les pièces jointes à cette requête ;
Vu les conclusions de l'agent judiciaire de l'Etat, notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les conclusions du procureur général notifiées par lettre recommandée avec avis de réception ;
Vu les lettres recommandées avec avis de réception par lesquelles a été notifiée aux parties la date de l'audience fixée au 1er octobre 2012 ;
Vu l'absence de M. Y... Z...,
Entendus Me Yolaine BANCAREL-LANCIEN, avocat au barreau du Val de Marne, représentant M. Y... Z..., Me Cyrille MAYOUX, avocat au barreau de Paris, représentant Monsieur l'agent judiciaire de l'État, ainsi que Monsieur Pierre-Yves RADIGUET, avocat général, les débats ayant eu lieu en audience publique, le conseil du requérant ayant eu la parole en dernier ;
Vu les articles 149, 149-1, 149-2, 149-3, 149-4, 150 et R. 26 à R40-7 du code de procédure pénale ;
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Considérant que M. Y... Z..., interpellé en Belgique le 16 novembre 2010 pour des faits de recel et séjour irrégulier, était, avec d'autres individus, soupçonné dans le cadre d'une enquête diligentée par la Sûreté Urbaine du Val de Marne pour escroqueries et tentatives portant sur des véhicules achetés frauduleusement en France puis acheminés vers la Belgique ; que le 17 novembre 2010, le parquet de Créteil, informé de cette interpellation, ouvrait une information pour escroqueries et vols en bande organisée, que le juge d'instruction délivrait le même jour un mandat d'arrêt contre M. Z..., mandat rendu exécutoire par décision de la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles en date du 3 décembre 2010, ainsi M. Z... était remis le 10 décembre 2010 aux services de police français, puis incarcéré à Valenciennes avant d'être présenté le 13 décembre 2010 devant le juge d'instruction de Créteil ; qu'ainsi M. Y... Z... était mis en examen le 13 décembre 2010 par un juge d'instruction de Créteil des chefs d'escroqueries en bande organisée et vols en bande organisée et placé le jour même en détention provisoire ; que le 31 mars 2011, il a été mis en liberté à la suite d'une ordonnance du juge d'instruction, mise en liberté assortie d'une mesure de contrôle judiciaire ; qu'il a fait l'objet le 22 juillet 2011 d'une ordonnance de non lieu, décision n'ayant fait l'objet d'aucun recours ;
Qu'il a ainsi été incarcéré pendant 4 mois et 15 jours, soit du 17 novembre 2010 au 13 décembre 2010 (écrou extraditionnel) et du 13 décembre 2010 au 31 mars 2011 (détention) ;
Considérant que par requête du 13 décembre 2011 déposée le même jour, développée oralement à l'audience, M. Z... sollicite :- la somme de 9 000 € au titre de son préjudice moral,- la somme de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Que l'agent judiciaire de l'Etat, développant oralement ses écritures à l'audience, conclut :- à la recevabilité de la requête,- à l'octroi de la somme de 6 000 € au titre du préjudice moral,- à réduire la demande formée par M. Z... au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Que le Ministère Public, développant oralement ses écritures à l'audience, conclut à :- la recevabilité de la requête et à son admission dans le principe,- à la réparation du préjudice moral proportionné à la durée de la détention,- à la réparation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
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Sur la recevabilité :
Considérant qu'au regard des dispositions des articles 149-1 et 149-2 du code de procédure pénale et 38 du Décret No 91-1266 du 19 décembre 1991, la requête de M. Y... Z... déposée dans les délais et modalités de la loi est recevable en la forme ;
Sur le préjudice moral :
Considérant que l'indemnisation du préjudice moral de la personne détenue doit être appréciée à l'aune de la durée de la détention, en l'espèce 4 mois et 15 jours, et en fonction, notamment, de sa personnalité, de son mode de vie, de son comportement au cours de l'instruction, de ses antécédents judiciaires et des périodes de détention effectuées en exécution de condamnations antérieures ;
Considérant que M. Z..., de nationalité congolaise, était âgé de 38 ans, lors de sa mise en détention, sans profession et sans ressources et avec une situation personnelle familiale non clairement connue ; que lui-même, interrogé devant le juge d'instruction, s'était déclaré célibataire et père de 3 enfants dont aucun n'était à sa charge, s'étant séparé de leur mère, Mme E...; que dans la requête, il indique avoir résidé en Belgique lors des faits et avoir entrepris une procédure de régularisation, mise à néant par son incarcération et être père de 2 des 3 enfants, pris en charge depuis octobre 2009 par Mme E..., domiciliée à Bruxelles ; que ces éléments varient dans la demande de séjour aux autorités bruxelloises faite le 22 novembre 2010 par l'avocat du requérant, qui faisait état d'une arrivée en Belgique depuis 1993 et d'un ancrage solide, l'intéressé étant marié avec une femme belge et parent de 2 enfants de nationalité hollandaise ;
Qu'il ne s'agissait pas d'une première incarcération, M. Z... ayant indiqué devant le juge d'instruction de Créteil, avoir été déjà condamné pour des escroqueries commises en Belgique en 2008 et avoir " fait de la prison ", ce que confirme la fiche de renseignements établie à la maison d'arrêt de Valenciennes ; qu'il a subi un choc psychologique certain, cependant atténué par une précédente incarcération ;
Que M. Z... fait valoir notamment, au titre de son préjudice moral, une circonstance particulière en ce que, lors de son interpellation et à l'occasion de sa détention, il a fait savoir qu'il souffrait de la main droite, sollicitant à plusieurs reprises et sans succès l'intervention d'un praticien, qu'ainsi à ce jour, il est acquis que l'index de sa main droite n'a plus de sensibilité ;
Considérant qu'il résulte d'un certificat médical délivré le 2 décembre 2011 par un hôpital de Bruxelles la mention d'une lésion des tendons du 5ème doigt de la main droite et la nécessité d'une intervention médicale ; qu'il ne s'agissait pas de l'index ; que la Maison d'arrêt de Fresnes, interrogée le 2 juillet 2012, a fait part du certificat médical du Docteur F..., selon lequel le requérant a subi en 2009, donc avant son incarcération, une intervention chirurgicale du 5ème doigt de la main droite, qu'une seconde intervention devait avoir lieu mais que M. Z... a été libéré avant le rendez-vous avec le spécialiste ;
Considérant que le requérant, au regard de données médicales non identiques, n'établit donc pas que le préjudice de santé qu'il invoque dans le cadre de son préjudice moral, soit la conséquence directe de la détention, l'état de sa main étant antérieur à son placement en détention provisoire ; qu'il n'invoque d'ailleurs pas davantage une aggravation de l'état de sa main, étant noté que lors de son audition le 10 décembre 2010, il indiquait ne pas avoir besoin de médecin ; que cette douleur de la main a toutefois pu rendre les conditions de détention plus difficiles ;
Qu'eu égard à la durée de sa détention ainsi qu'aux éléments susvisés, il convient en conséquence de lui accorder la somme de 6 000 € en réparation de son préjudice moral ; Sur la demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile :
Considérant qu'il sera alloué à ce titre à M. Z... la somme de 1 000 €.
PAR CES MOTIFS :
Déclarons M. Y... Z... recevable en sa requête,
Allouons à M. Y... Z... :- une indemnité de 6 000 € au titre de son préjudice moral,- une indemnité de 1 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Rejetons le surplus des prétentions de M. Y... Z....
Décision rendue le 5 novembre 2012 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.