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31/10/2012 | FRANCE | N°11/02669

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 1, 31 octobre 2012, 11/02669


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 1



ARRÊT DU 31 OCTOBRE 2012



(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/02669



Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Février 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 01 - RG n° 09/17307





APPELANT



Monsieur [J] [I] [M] [Z] [T]

[Adresse 1]

[Localité 5]



Représen

té par Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125)

assisté de Me Jean AITTOUARES de la SELARL OX (avocat au barreau de PARIS, toque : A0966)









INTIMÉE



SA EDITIONS ROBERT LAFFONT v...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 1

ARRÊT DU 31 OCTOBRE 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/02669

Décision déférée à la Cour : Jugement du 01 Février 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS 01 - RG n° 09/17307

APPELANT

Monsieur [J] [I] [M] [Z] [T]

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représenté par Me François TEYTAUD (avocat au barreau de PARIS, toque : J125)

assisté de Me Jean AITTOUARES de la SELARL OX (avocat au barreau de PARIS, toque : A0966)

INTIMÉE

SA EDITIONS ROBERT LAFFONT venant aux droits de la SA JULLIARD représentée par son représentant légal

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS (avocat au barreau de PARIS, toque : B1055)

assistée de Me Marie-hélène VIGNES de la ASS Gô ASSOCIES (avocat au barreau de PARIS, toque : P0135)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Septembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Benjamin RAJBAUT, Président de chambre

Mme Brigitte CHOKRON, Conseillère

Madame Anne-Marie GABER, Conseillère

qui en ont délibéré

Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Marie-Claude HOUDIN

ARRÊT :

- contradictoire

- rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Benjamin RAJBAUT, président, et par Mme Marie-Claude HOUDIN, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

 

Vu l'appel interjeté le 11 février 2011 par [J] [T], du jugement contradictoire rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 1er février 2011 ;

Vu les dernières conclusions de [J] [T], appelant, signifiées le 17 juillet 2012;

Vu les dernières conclusions de la société EDITIONS ROBERT LAFFONT (SA), ci-après la société ROBERT LAFFONT, venant aux droits de la société JULLIARD (SA), intimée, signifiées le 3 septembre 2012 ;

Vu l'ordonnance de clôture prononcée le 11 septembre 2012 ;

SUR CE, LA COUR :

Considérant qu'il est expressément renvoyé, pour un exposé complet des faits de la cause et de la procédure, à la décision entreprise et aux écritures, précédemment visées, des parties ;

Qu'il suffit de rappeler que la romancière et auteur dramatique [U] [G] étant décédée le [Date décès 3] 2004 en laissant des dettes importantes, en particulier à l'égard de l'administration fiscale, son fils et unique héritier, [J] [T], décidait le 26 juin 2007 d'accepter la succession et, désireux de faire revivre l'oeuvre de sa mère qu'il estimait insuffisamment exploitée, demandait aux Editions JULLIARD de lui adresser la liste des contrats en cours ;

Que la société JULLIARD lui ayant remis le 19 octobre 2007 un tableau récapitulatif justifiant de ses droits d'exploitation sur les 19 titres suivants :

Bonjour Tristesse (contrat d'édition du 21 janvier 1954),

Un certain sourire (contrat d'édition du 17 janvier 1956),

Dans un mois, dans un an ; Aimez-vous Brahms'; Les merveilleux nuages; La Chamade; Le Garde du coeur; Le Cheval Evanoui (avenant du 15 octobre 1964 portant extension des effets du contrat du 17 janvier 1956 aux six oeuvres précitées),

Un château en Suède (contrat d'édition du 12 avril 1960),

Les violons parfois (contrat d'édition du 9 janvier 1962),

La robe mauve de Valentine (contrat d'édition du 13 février 1963),

Landru (contrat d'édition du 27 février 1963),

Bonheur, impair et passe (contrat d'édition du 28 février 1964),

La laisse (contrat d'édition du 30 juin 1987),

Les faux-fuyants (contrat d'édition du 23 mai 1989),

Et toute ma sympathie ;Un chagrin de passage (cédés par un seul et même contrat, non daté),

puis des relevés de compte montrant que la plupart de ces ouvrages ne généraient aucun revenu depuis plusieurs années, [J] [T] fit constater par huissier de justice les 28 novembre et 24 décembre 2007 que 14 d'entre eux n'étaient disponibles à la vente ni à la FNAC- [Adresse 10], ni dans les librairies JULLIARD, LA HUME et L'ECUME DES PAGES du [Adresse 6] et qu'ils étaient, de plus, épuisés chez l'éditeur ;

Reprochant dès lors à la société JULLIARD d'avoir manqué à son obligation d'assurer à l'oeuvre une exploitation permanente et suivie, outre d'avoir rendu les comptes annuellement et non pas semestriellement et enfin, d'avoir en juillet 2008, sans accord préalable de l'ayant-droit, consenti à des sous-éditions en format de poche, [J] [T] lui a demandé vainement, par lettre recommandée avec avis de réception du 14 novembre 2008, de lui restituer les droits d'exploitation, puis l'a assignée suivant acte du 10 septembre 2009 devant le tribunal de grande instance de Paris aux fins de voir prononcer la résiliation aux torts et griefs de l'éditeur des contrats portant sur les oeuvres suivantes:

Bonjour Tristesse,

Un certain sourire ,

Dans un mois, dans un an,

Aimez-vous Brahms',

Les merveilleux nuages,

La Chamade,

Le Garde du coeur,

Le Cheval Evanoui,

Un château en Suède,

Les violons parfois,

La robe mauve de Valentine,

Bonheur, impair et passe,

La laisse,

Les faux-fuyants,

Et toute ma sympathie,

Un chagrin de passage, et d'obtenir des dommages-intérêts en réparation des préjudices subis tant au plan moral que patrimonial ;

Que le tribunal ayant, par le jugement dont appel, rejeté comme mal fondées l'ensemble des prétentions de [J] [T], ce dernier les réitère devant la cour, maintient à 34.000 euros sa demande de dommages-intérêts au titre du préjudice moral mais élève à 864.536,32 euros le montant réclamé au titre du préjudice patrimonial et soutient pour le surplus que son action ne procède d'aucune intention d'entacher l'image de l'éditeur mais seulement de la volonté de voir l'oeuvre de sa mère dûment exploitée, tandis que la société ROBERT LAFFONT, venant aux droits de la société JULLIARD, conclut à la confirmation du jugement sauf à voir prospérer ses demandes de publication judiciaire et en paiement de l'euro symbolique formées au fondement de procédure abusive ;

Sur l'exploitation de l'oeuvre,

Considérant en droit que le contrat d'édition est, au sens des dispositions de l'article L 132-1 du Code de la propriété intellectuelle, le contrat par lequel l'auteur d'une oeuvre de l'esprit ou ses ayants droits cèdent à des conditions déterminées à une personne appelée éditeur le droit de fabriquer ou de faire fabriquer en nombre des exemplaires de l'oeuvre, à charge pour elle d'en assurer la publication et la diffusion ;

Qu'il s'infère de cette définition que le contrat d'édition a pour objet le transfert par l'auteur de son droit de reproduction avec, en contrepartie, l'obligation pour l'éditeur d'exploiter l'oeuvre ;

Qu'à cet égard l'éditeur est tenu, selon les prescriptions de l'article L.132-12 du Code précité, d'assurer à l'oeuvre une exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale, conformément aux usages de la profession ;

Considérant que les contrats de l'espèce, tous conçus sur un modèle unique, se caractérisent, aux termes de l'article 1, par une cession de l'auteur à l'éditeur, consentie pour toute la durée de la protection, actuelle et future, instituée au bénéfice de l'auteur, du droit exclusif d'imprimer, publier, reproduire sous toutes formes, en toutes langues, en tous pays, et vendre l'oeuvre à ses frais, risques et périls ;

Qu'ils stipulent toutefois à l'article 4 que l'auteur recouvrera purement et simplement la libre disposition des droits sur l'ouvrage si, l'ouvrage étant épuisé, l'éditeur, après un constat et une mise en demeure de l'auteur d'avoir à le réimprimer, laisse s'écouler un délai d'une année sans y faire droit, sauf circonstances exceptionnelles motivant une extension de délai ;

Considérant, en l'espèce, que [J] [T] fait grief à l'éditeur d'avoir abandonné à compter de 2001 toute exploitation de l'oeuvre de [U] [G], précise que les exceptions relevées pour les titres Bonjour Tristesse, Un certain sourire, La laisse ne portent que sur des éditions en format de poche, au demeurant réalisées par une société tierce, observe que l'initiative soudaine de l'éditeur de réimprimer l'ensemble des romans en janvier 2008 et la pièce de théâtre Un château en Suède en septembre 2008, outre qu'elle ne saurait compenser ses défaillances, révèle qu'une exploitation continue de l'oeuvre était tout à fait possible, et oppose enfin, pour démentir les justifications avancées par l'éditeur, une étude de l'expert-comptable [R] démontrant que l'exploitation de l'oeuvre, loin de creuser le passif fiscal, aurait renfloué la situation financière de l'écrivain puis de la succession ;

Que la société JULLIARD, qui souligne avoir toujours entretenu des liens très étroits avec [U] [G], dont elle est l'éditeur historique, ne conteste aucunement avoir assuré une exploitation 'a minima' des titres de son fonds sur la période 2001 à 2007, et ce au mépris de ses intérêts d'éditeur, mais invoque, après avoir rappelé que le contrat d'édition est exécuté dans l'intérêt commun des parties, un juste motif tenant à la situation financière 'inextricable' à laquelle l'écrivain se trouvait confrontée ;

Qu'elle explique à cet égard qu'une exploitation de l'oeuvre conforme aux usages de la profession se serait traduite par une aggravation systématique de l'endettement de l'auteur puisque les revenus tirés de l'exploitation étaient saisis à la source pour apurer le passif fiscal mais n'en étaient pas moins soumis à l'impôt de l'année en cours, générant ainsi de nouvelles dettes et autant de majorations et pénalités et que c'est en parfait accord avec [U] [G] qu'elle a privilégié des modes d'exploitation moins rémunérateurs tels que les formats de poche ;

Qu'elle précise en effet n'avoir jamais cessé d'exploiter l'oeuvre, qu'elle ne voulait pas voir tomber dans l'oubli, et veut pour preuve de sa bonne foi le fait que l'écrivain, pourtant prompte à attaquer en justice ses éditeurs, ne lui a cherché aucune querelle, ni davantage [J] [T] avant que ce dernier ne parvienne à obtenir de l'administration un rééchelonnement de la dette fiscale ;

Considérant, ceci étant posé, qu'il est établi au vu des pièces de la procédure que [U] [G] a rencontré à compter du début des années 1990, consécutivement à des redressements fiscaux, des difficultés financières qui n'ont fait que s'accroître à telle enseigne qu'elle laissait à son décès un passif successoral s'élevant, sans que cette indication revête un caractère exhaustif , à un montant d'environ 1.032.000 euros, ainsi qu'il ressort des énonciations de l'acte notarié du 26 juin 2007 par lequel son unique ayant-droit a déclaré accepter la succession ;

Considérant que dans un tel contexte, l'écrivain a vu ses revenus, en 1996-97(...) saisis à la source, directement chez ses éditeurs (PLON, JULLIARD, GALLIMARD), et ne disposait plus que de 500 euros pour vivre, ainsi que l'expose [J] [T] dans une interview donnée au Nouvel Observateur le 9 juin 2008, tandis qu'à son décès, la direction générale des impôts (direction nationale d'interventions domaniales), par une lettre du 28 juin 2005, faisait connaître à la société JULLIARD que suivant acte notarié des 12 juin et 13 septembre 1990 [U] [G] a(vait) fait donation entre vifs au Trésor Public de la moitié en nue propriété de l'universalité des droits de reproduction et de représentation sur tous supports en toutes formes et en toutes langues, pour toute la durée de la propriété littéraire, sur les oeuvres énumérées dans cet acte lequel précisait par ailleurs que le donataire serait propriétaire de la moitié des droits sur les oeuvres dès le jour de son acceptation mais qu'il n'en aura la jouissance qu'au jour du décès de la donatrice et invitait en conséquence l'éditeur à verser au Trésor Public, en droit de percevoir depuis le décès de sa donatrice la moitié des redevances d'auteur générées par l'exploitation de l'oeuvre, la somme lui revenant à due concurrence ;

Considérant qu'il est encore établi, au regard de ses propres déclarations faites à la presse, que [J] [T] n'ignorait pas que l'oeuvre de sa mère était sous-exploitée et que loin d'en faire grief à ses éditeurs, il expliquait au Journal du Dimanche du 8 juin 2008, que ces derniers avaient arrêté de la publier à cause des problèmes fiscaux et au Nouvel Observateur du 9 juin 2008, que non seulement les revenus étaient intégralement saisis, mais ils généraient de l'impôt...D'où les majorations qui se sont accumulées. Une spirale vers le bas s'est enclenchée ( ...), précisait que lui-même avait bloqué un projet d'adaptation de Bonjour Tristesse par une production américaine, nonobstant la grosse somme offerte qui serait immédiatement saisie (Nouvel Observateur) et qui creuserait la dette (...). C'est un cercle infernal (JDD), et concluait dans le Figaro du 11 juin 2008: Je demande aux autorités d'adopter une solution rapide pour permettre à l'oeuvre de poursuivre le cours normal de sa vie. Cette situation empêche toute exploitation de l'oeuvre, je le regrette infiniment et de la même manière dans TELE LOISIRS du 22 septembre 2008 : En fait, je me trouve dans une situation paradoxale où je n'ai pas intérêt à ce que l'oeuvre de ma mère soit exploitée car cela génère de l'impôt . Je devrais tout geler le temps que le fisc réfléchisse au sort de [U] [G] ;

Qu'ainsi, force est de relever que c'est de concert, et sans la moindre divergence entre eux, que la société JULLIARD et [J] [T] ont regardé l'endettement fiscal de [U] [G] comme constituant un obstacle à une exploitation normale de l'oeuvre ;

Que l'appelant ne saurait sérieusement le contester en soutenant que ses déclarations à la presse ne visaient qu'à inciter les pouvoirs publics à accepter une négociation de la dette, ce dont il conviendrait de déduire que pour parvenir à l'objectif invoqué il aurait avancé de fausses justifications ;

Qu'il ne saurait davantage s'emparer de la note commandée à l'expert [R] dont les conclusions, fussent-elles exactes, ce que la cour n'est pas en mesure de vérifier, ne sont pas de nature à démentir que c'est à la demande et à tout le moins avec l'accord de l'auteur, puis de son ayant-droit, que l'exploitation de l'oeuvre a été freinée ;

Que la cour observe par ailleurs que [J] [T] se garde de faire état d'un quelconque conflit entre l'auteur et l'éditeur et qu'en toute hypothèse, les éléments de la procédure n'en révèlent la moindre trace tandis qu'ils établissent en revanche que [U] [G] a poursuivi en justice dans les années 1990 les sociétés d'édition FLAMMARION et RAMSAY-PAUVERT et qu'ayant au demeurant récupéré ses droits sur les ouvrages Le lit défait, Un peu de soleil dans l'eau froide, Des bleus à l'âme, Le chien couchant, La femme fardée, Un orage immobile, elle s'est abstenue de les faire rééditer, exception faite pour les trois premiers cités, respectivement publiés en édition de poche chez PRESSES POCKET en 1995, 1996, 1998 ;

Que force est de constater en outre, que [J] [T] a pour la première fois reproché à l'éditeur de se désintéresser de l'oeuvre de sa mère et demandé la restitution des droits d'exploitation, le 12 décembre 2007, alors qu'il avait arrêté avec l'administration fiscale, ainsi qu'il l'indique dans ses déclarations de presse, un protocole de sortie de crise en octobre 2007 mais que, le protocole tardant à devenir effectif, il écrivait à l'inverse à l'éditeur, le 25 juin 2008, au sujet de l'adaptation cinématographique américaine de Bonjour Tristesse : ces projets me causent un préjudice financier important, puisqu'ils engendrent des revenus que je ne touche pas mais qui génèrent de l'impôt à ma charge et qu'il n'a assigné en définitive l'éditeur en résiliation des contrats et aux fins de recouvrer les droits qu'en septembre 2009, une fois entré en application le rééchelonnement de la dette fiscale ;

Que la cour relève enfin, au vu du relevé des ventes communiqué par l'éditeur pour l'année 2007 que les ouvrages Bonjour Tristesse et La laisse étaient exploités en édition principale et enregistraient 310 ventes pour le premier, 18 ventes pour le second, qu'il n'est pas contesté et qu'il est au demeurant établi par les constats d'huissier de justice de novembre et décembre 2007 que les titres Bonjour Tristesse , Aimez-vous Brahms', Un certain sourire, La Chamade étaient exploités et disponibles à la vente en format de poche aux éditions PRESSES POCKET, qu'il n'est pas davantage démenti que quinze romans de l'auteur ont été intégrés à compter de 1993 dans la collection 'BOUQUINS', et si [J] [T] estime aujourd'hui cette collection de piètre qualité , force est de constater que [U] [G] avait consenti à cette initiative aux termes du contrat tripartite conclu avec les éditeurs JULLIARD et ROBERT LAFFONT (pièce n°4) ;

Considérant qu'il suit de l'ensemble des observations qui précèdent que c'est de bonne foi, sinon à la demande, à tout le moins avec l'accord de l'auteur puis de son ayant-droit que la société JULLIARD, compte tenu de l'endettement fiscal avéré de l'auteur, s'est abstenue d'assurer selon les usages de la profession une exploitation permanente et suivie de l'oeuvre et qu'elle a, dans un tel contexte, agi au mieux des intérêts de l'auteur en privilégiant des modes d'exploitation moins rémunérateurs (éditions de poche, collection BOUQUINS) mais de nature à maintenir l'oeuvre accessible au public et à la préserver de l'oubli ;

Considérant que c'est dès lors à raison que le tribunal n'ayant relevé à la charge de la société JULLIARD aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles a rejeté la demande de [J] [T] tendant à voir les contrats résiliés à ses torts et griefs ;

Que le jugement sera confirmé de ce chef ;

Sur la reddition des comptes,

Considérant que s'il résulte en effet des stipulations des premiers contrats d'édition et en particulier de ceux conclus sur les titres Bonjour Tristesse, Aimez-vous Brahms', La laisse, que la reddition des comptes est semestrielle, force est de relever que l'usage d'une reddition de comptes annuelle, conformément au Code des usages en matière de littérature générale, s'est rapidement instauré sans que l'auteur ne soulève à cet égard la moindre observation et qu'au demeurant les deux derniers contrats signés par l'auteur Les faux-fuyants, Et toute ma sympathie, prévoient expressément une reddition de comptes annuelle ;

Considérant qu'il n'est pas démenti que la reddition de comptes annuelle a été régulièrement effectuée et qu'il n'est pas davantage observé que l'auteur ait émis une quelconque critique quant à la teneur des relevés ;

Que force est de relever en outre qu'il n'est pas davantage justifié d'une quelconque réclamation ou contestation de l'ayant-droit sur les comptes antérieurement à l'introduction de la présente procédure ;

Que la faute de l'éditeur n'est pas caractérisée et la résiliation des contrats demandée de ce chef mal fondée ainsi que l'a jugé à bon droit le tribunal ;

Sur les éditions en format poche,

Attendu que la société JULLIARD lui ayant annoncé le 10 octobre 2008 la réédition en format de poche, suivant contrats signés le 18 juillet 2008 avec les éditions PRESSES POCKET, des ouvrages La laisse , Les Faux-Fuyants, Le garde du coeur, La chamade, Les merveilleux nuages, Un certain sourire, Dans un mois, dans un an, en contrepartie pour chaque titre, d'une avance garantie de 10.000 euros, [J] [T] répondait le 14 novembre 2008 que s'il se réjouissait de la publication de ces oeuvres, il déplorait que l'éditeur n'ait pas pris le soin de recueillir son accord préalable ainsi que l'y obligent les contrats, ce à quoi l'éditeur répliquait le 2 décembre 2008 qu'il n'y avait pas lieu de demander le consentement de l'ayant-droit dès lors qu'il disposait sur ce point de l'accord de l'auteur donné de son vivant ;

Considérant que s'il est en effet observé que [U] [G] avait, lors de la signature des contrats d'édition avec la société JULLIARD, biffé la clause qui autorisait l'éditeur à des sous-cessions de droits pour les éditions en format de poche ou rajouté une mention prévoyant l'accord préalable de l'auteur, force est de constater que la société JULLIARD a cédé les droits aux éditions PRESSES POCKET, pour chacune des sept oeuvres précitées, en vertu de contrats conclus respectivement le 30 janvier 1990, le 26 novembre 1992, le 10 juin 1982, le 26 novembre 1980, le 16 mars 1983, le 13 février 1992, le 30 juin 1983, que [U] [G], dûment informée de la signature de ces contrats, ne les a aucunement dénoncés outre qu'elle a expressément adressé par retour du courrier une lettre-accord pour La chamade ainsi que pour Dans un mois, dans un an ;

Et qu'il est ainsi établi que la cession des droits aux éditions PRESSES POCKET a été consentie antérieurement aux contrats du 18 juillet 2008, qui avaient pour seul effet de modifier les contrats d'origine en limitant à cinq ans la durée de la cession et en instituant au profit de l'auteur une rémunération garantie de 10.000 euros par oeuvre ;

Qu'il s'ensuit que [U] [G] ayant donné son accord, pour chacune des oeuvres en cause, à l'exploitation concédée aux éditions PRESSES POCKET, son ayant-droit est mal fondé à exciper de la nécessité de son propre consentement pour contester les contrats du 18 juillet 2008, qui ne lui font au demeurant aucun grief ;

Que la cour observe en outre que [U] [G] elle-même, ayant récupéré auprès de l'éditeur FLAMMARION les droits sur les oeuvres Le lit défait, Un peu de soleil dans l'eau froide, Des bleus à l'âme, les a fait publier, ainsi qu'il a été précédemment relevé, aux éditions PRESSES POCKET en format de poche et qu'une telle circonstance montre qu'elle ne nourrissait aucune prévention à l'égard de ce mode d'exploitation ;

Considérant que la résiliation des contrats d'édition demandée de ce chef n'est pas davantage fondée et que le jugement déféré sera en définitive confirmé en ce qu'il a débouté [J] [T] de l'ensemble de ses prétentions ;

Sur les demandes reconventionnelles,

Considérant que le droit d'ester en justice, qui comprend le droit de former appel, n'est susceptible de dégénérer en abus ouvrant droit à réparation que s'il est exercé de mauvaise foi, par intention de nuire ou par légèreté blâmable équipollente au dol, toutes circonstances qui ne sont pas établies à la charge de [J] [T] qui a pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits ;

Considérant que s'il est vrai que [J] [T] s'est livré à l'encontre de son éditeur dans un article publié le 21 octobre 2001 dans la revue POINT DE VUE, à des attaques virulentes mais qui restent dans les limites de l'exercice normal de la liberté d'expression, la société JULLIARD a pu présenter sa version des faits dans le cadre de la publication d'un droit de réponse ;

Qu'elle ne justifie pas en conséquence d'un préjudice distinct de celui qui sera réparé par l'indemnité qui lui sera allouée ci-après au titre des frais irrépétibles ;

Que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société JULLIARD de ses demandes reconventionnelles pour procédure abusive ;

PAR CES MOTIFS:

Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

Y ajoutant,

Condamne [J] [T] aux dépens de la procédure d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile et à verser à la société ROBERT LAFFONT venant aux droits de la société JULLIARD une indemnité complémentaire de 10.000 euros.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 11/02669
Date de la décision : 31/10/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I1, arrêt n°11/02669 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-31;11.02669 ?
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