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31/10/2012 | FRANCE | N°10/11146

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 31 octobre 2012, 10/11146


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 31 Octobre 2012



(n° , pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/11146



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Novembre 2010 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL - RG n° 09/01158



APPELANTE

S.A.S. H3M exerçant sous l'enseigne «La Compagnie des Petits»

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représenté

e par Me Florence CHEVALIER, avocate au barreau de MARSEILLE





INTIMÉE

Mademoiselle [V] [L]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Rachel SAADA, avocate au barreau...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 31 Octobre 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/11146

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 23 Novembre 2010 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL - RG n° 09/01158

APPELANTE

S.A.S. H3M exerçant sous l'enseigne «La Compagnie des Petits»

[Adresse 3]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Florence CHEVALIER, avocate au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE

Mademoiselle [V] [L]

[Adresse 2]

[Localité 4]

comparante en personne, assistée de Me Rachel SAADA, avocate au barreau de PARIS, W04

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 17 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Christine ROSTAND, Présidente, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Christine ROSTAND, Présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

Monsieur Jacques BOUDY, Conseiller

GREFFIER : Monsieur Philippe ZIMERIS, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du nouveau code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, Présidente et par Madame Corinne de SAINTE MARÉVILLE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire

Mme [V] [L] a été embauchée par la SAS H3M exerçant sous l'enseigne « la compagnie des petits », en qualité de deuxième vendeuse, par contrat à durée indéterminée à temps partiel pour une durée hebdomadaire de travail de 32 heures, à compter du 7 octobre 2008.

La moyenne de son salaire mensuel s'élevait en dernier lieu à 1 207 euros.

Le 12 mai 2009, Mme [L] a saisi le conseil de prud'hommes de Créteil d'une demande de résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l'employeur.

Par lettre RAR en date du 1er décembre 2009, Mme [L] était convoquée à un entretien préalable fixé au 11 décembre 2009.

Le 21 décembre 2009, la société H3M lui a notifié son licenciement pour faute grave.

La relation de travail était régie par les dispositions de la convention collective des maisons à succursales de vente au détail d'habillement.

Le conseil de prud'hommes de Créteil, par jugement du 23 novembre 2010, a prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail et a condamné la société H3M à verser à Mme [L] les sommes suivantes :

- 1 500 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

- 150 euros de congés payés afférents,

- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation générale de sécurité,

- 8 000 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive du contrat de travail,

- 1 000 euros à titre de rappel de salaire pour avoir rempli les fonctions de première vendeuse,

- 1 000 euros à titre de rappel de salaire pour travail à temps complet,

- 1 500 au titre de l'article de l'article 700 du code de procédure civile.

La société H3M a relevé appel de cette décision le 16 décembre 2010.

A l'audience du 17 septembre 2012, la société H3M a développé oralement ses conclusions visées par le greffier le même jour aux termes desquelles elle sollicite l'infirmation du jugement rendu le 23 novembre 2010, par le conseil de prud'hommes de Créteil, et demande à la cour de condamner Mme au remboursement de la somme de 15 419,88 euros versée dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement de première instance, ainsi que la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Lors de cette audience, Mme [L] a repris oralement ses conclusions visées par le greffier le 17 septembre 2012, aux termes desquelles elle sollicite :

à titre principal,

- la confirmation du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a prononcé la résiliation du contrat de travail et condamné la société H3M à verser à titre de dommages et intérêts les sommes de 8000 euros pour rupture abusive et 5 000 euros pour violation de l'obligation générale de sécurité

subsidiairement,

- la condamnation de la société H3M à lui verser les mêmes sommes en conséquence de l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement

en tout état de cause,

- l'infirmation du jugement sur le montant de l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents, sollicitant à ce titre la condamnation de la société H3M à lui verser les sommes suivantes :

1 223,07 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (1 mois),

122,30 euros au titre des congés payés sur préavis,

- d'ordonner l'annulation de l'avertissement du 7 janvier 2009, demande sur laquelle le conseil a omis de statuer ;

- formant des demandes nouvelles, elle demande en outre à la cour de condamner la société H3M à lui verser les sommes suivantes :

- 3 000 euros de dommages et intérêts pour recours abusif aux mutations temporaires,

- 504,28 euros de rappel de salaire au titre du poste de responsable de magasin,

- 50,42 euros de congés payés incidents,

- 320, 75 euros au titre de l'indemnité légale de licenciement,

- 154,85 euros à titre de rappel pour retenue sur salaire injustifiée pour le mois de février 2009,

- 15,48 euros de congés payés incidents,

- 326,15 euros en paiement des jours d'absence pris au titre des congés payés accordés par l'employeur du 23 novembre au 1er décembre 2009,

- 32,61 euros de congés payés incidents,

- 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile

- de condamner la société H3M à lui remettre une attestation Pôle emploi et un bulletin de salaire conformes aux condamnations, le tout sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

- de dire que les condamnations porteront intérêts au taux légal et de prononcer leur capitalisation à compter de la décision à intervenir.

Pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier et développées lors de l'audience des débats.

MOTIFS

Sur les demandes de rappel de salaire

L'article 29 de la convention collective applicable prévoit à propos des mutations temporaires de services et d'emploi que celles-ci ne seront prononcées qu'en cas de nécessité de service et que les mutations ou changements temporaire d'emploi comportant l'affectation provisoire à une activité mieux rémunérée entraîneront pour le salarié, pour la durée du nouvel emploi, un complément de rémunération, que toutefois en période de congés payés, les remplacements habituels nécessités par le service ne donnent pas lieu à l'attribution d'une rémunération supérieure, mais, éventuellement, à l'octroi d'une prime dont le montant est laissé à l'appréciation de l'employeur.

Le contrat de travail prévoit à l'article III qu'en application des dispositions précédentes, la salariée pourra se voir confier momentanément la fonction de première vendeuse pour assurer le remplacement de la titulaire du poste temporairement absente et qu'en période de congés payés, ce remplacement temporaire ne donnera pas lieu à l'attribution d'une rémunération supérieure, mais éventuellement à l'octroi d'une prime dont l'opportunité et le montant seront laissés à l'appréciation de la direction.

Il résulte des pièces versées aux débats que [V] [L] a été mutée :

. par avenant du 7 octobre 2008, au poste de première vendeuse, cette dernière remplaçant elle-même la responsable de magasin mutée provisoirement dans une autre boutique, pour un remplacement du 7 au 31 octobre 2008

. par avenant du 20 avril 2009, au poste de première vendeuse à compter du 20 avril 2009 pour une durée minimale jusqu'au 26 avril qui s'est prolongée dans les faits jusqu'au 9 mai, puis jusqu'au 18 juillet 2009 avec des interruptions motivées par le remplacement de la responsable de magasin comme convenu par les deux avenants suivants :

- l'avenant du 30 avril 2009, corrigé par celui du 28 mai, affectant la salariée au poste de responsable de magasin du 9 au 15 mai 2009, et prévoyant le versement d'un complément de salaire à temps plein au taux de 1 524,49 € et un complément de rémunération dit »prime à la vie chère »

- l' avenant du 7 juillet 2009 affectant la salariée au poste de responsable de magasin, à compter du 2 juillet et jusqu'au 17 juillet aux mêmes conditions

. par avenant du 24 août 2009, au poste de première vendeuse à compter du 31 août au 22 septembre 2009

que pendant ces périodes de mutation temporaire d'emploi, la salariée a perçu :

- en octobre 2008, un salaire à temps plein au titre du remplacement de la première vendeuse, le taux de base de rémunération étant le même pour la 2ème vendeuse et la première vendeuse

- en avril 2009, un salaire complémentaire au titre du remplacement de la première vendeuse du 20 au 30 avril 2009

- au mois de mai 2009, un salaire complémentaire au titre du remplacement de la première vendeuse outre une rémunération complémentaire au titre du remplacement de la responsable de magasin du 9 au 15 mai ainsi qu'une « prime à la vie chère » d'un montant de 34,42 euros

- au mois de juin 2009, un salaire mensuel à temps plein correspondant au remplacement de la première vendeuse

- au mois de juillet 2009, un salaire à temps plein au titre du remplacement de la première vendeuse, outre une rémunération complémentaire au titre du remplacement de la responsable de magasin du 2 au 17 juillet ainsi que la « prime à la vie chère » d'un montant de 78,68 euros

- au mois de septembre 2009, une rémunération complémentaire au titre du remplacement de la première vendeuse du 1er au 28 septembre 2009.

Il résulte de ces éléments qu'il n'est pas démontré que Mme [L] n'a pas été remplie de ses droits. Elle ne justifie pas de sa prétention formée en cause d'appel au titre d'un rappel de salaire et congés payés pour les fonctions temporaires de responsable de magasin. Elle en sera donc déboutée.

Par ailleurs, sur le dernier bulletin de paie du mois de décembre 2009 figure une régularisation de salaire à hauteur de 158,76 euros. Cette somme correspond selon l'employeur qui n'est pas pertinemment critiqué qur ce point aux sommes indûment retenues sur le salaire du mois de février 2009. La demande de la salariée faite au titre des retenues de 104,52 euros et 50,33 euros sur le salaire du mois de février 2009 n'est donc pas fondée et sera rejetée.

Sur l'avertissement du 7 janvier 2009

Par courrier du 17 janvier 2009 l'employeur a notifié un avertissement à la salariée au motif que le 9 décembre 2008, elle avait effectué l'encaissement d'une vente de 158,30 euros en acceptant un chèque d'un montant de 150 € et 58,30 euros en espèces et ce, sans respecter les procédures qui figurent dans le manuel des normes commerciales tenu à sa disposition en magasin et précisant que les chèques sont acceptés jusqu'au montant maximum de 150 €.

Mme [L] a immédiatement protesté contre cette sanction en indiquant qu'elle avait respecté à la lettre la procédure en encaissant 150 € par chèque et 13,30 euros en espèces et non 58,30 € comme indiqué dans le courrier lui notifiant l'avertissement.

L'employeur réplique qu'en acceptant deux modes d'encaissement pour une seule vente afin que le chèque ne dépasse pas le plafond de 150 €, la salariée n'a pas respecté l'interdiction d'accepter le paiement par chèque d'une vente d'un montant supérieur à 150 €.

Le manuel des normes commerciales édité par l'employeur indique que les chèques sont acceptés sans minimum d'achat et jusqu'au montant maximum de 150 €. Il ne comporte aucune précision sur l'interdiction d'accepter deux modes d'encaissement pour une seule vente.

Il ne pouvait donc être reproché à la salariée, au demeurant engagée depuis peu, de ne pas avoir respecté les procédures figurant dans ce manuel.

L'avertissement notifié par la lettre du 7 janvier 2009 est donc injustifié et doit être annulé.

Sur la rupture du contrat de travail

L'article 1184 du code civil permet à l'une ou l'autre des parties à un contrat synallagmatique d'en demander la résolution judiciaire en cas d'inexécution des obligations découlant de ce contrat.

Lorsqu'un salarié demande la résiliation judiciaire de son contrat de travail en raison de faits qu'il reproche à son employeur, tout en continuant à travailler à son service, et que ce dernier le licencie ultérieurement pour d'autres faits survenus au cours de la poursuite du contrat, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation du contrat était justifiée. C'est seulement dans le cas contraire qu'il doit se prononcer sur le licenciement notifié par l'employeur.

La salariée à saisi le conseil de prud'hommes de Créteil en invoquant la déloyauté de l'employeur d'une part et son manquement à son obligation de sécurité de résultat d'autre part.

S'agissant du premier manquement, Mme [L] reproche à son employeur le recours abusif aux mutations temporaires au gré des absences des deux autres employées de la boutique, la violation en juin et août 2009 de la durée du temps de travail contractuellement convenu et enfin , des carences généralisées en matière de rémunération, les mutations temporaires ne donnant pas lieu au complément de rémunération correspondant aux fonctions exercées et l'employeur ayant procédé à des retenues sur salaire injustifiées.

La société H3M, pour contester le grief de recours abusif aux mutations temporaires, invoque l'article 29 de la convention collective des maisons à succursales de vente au détail d'habillement qui prévoit que des mutations temporaires d'emploi peuvent être effectuées pour pallier l'absence du personnel en cas de nécessité du service.

Elle expose qu'au sein de l'entreprise, les mutations temporaires d'emploi sont organisées de sorte que la responsable de magasin est remplacée en priorité par la première vendeuse, elle-même remplacée par la deuxième vendeuse et que les contrats de travail prévoient la possibilité de procéder à ces mutations temporaires d'emploi ; que l'emploi de deuxième vendeuse vacant par cascades est pourvu par un recrutement externe sur contrat de travail à durée déterminée.

Elle soutient que Mme [L] n'a subi aucun préjudice à la suite de ces mutations temporaires, qu' elle a perçu, d'une part, le complément de salaire calculé au prorata de son temps de travail lorsqu'elle a remplacé la première vendeuse, les salaire de base de la première et de la deuxième vendeuse étant identiques, et, d'autre part, le salaire calculé sur la base d'un temps plein majoré d'un complément de rémunération et d'une prime dite «prime à la vie chère» au prorata de la durée du remplacement temporaire de la responsable de magasin.

Les conditions des mutations temporaires d'emploi sont prévues à la fois par la convention collective et par le contrat de travail. Les motifs de l'affectation temporaire au poste de première vendeuse ne sont pas sérieusement contestés et les deux affectations aux fonctions de responsable de magasin qui n'étaient pas prévues par le contrat de travail ont fait l'objet d'avenants et n'ont duré que quelques jours, la première fois, une semaine à l'occasion des congés payés et la seconde fois, pendant une courte période de maladie de la première vendeuse elle-même remplaçante de la responsable de magasin. Par ailleurs, l'employeur justifie par la production du livre d'entrée et de sortie du personnel que, pendant les périodes de remplacement effectuées par la salariée, le poste de deuxième vendeuse a été pourvu par des contrats à durée déterminée.

En outre, ainsi qu'il a été vu plus haut, Mme [L] ne démontre pas avoir subi un préjudice quant à sa rémunération du fait de ces remplacements temporaires.

Il n'est donc pas établi que l'employeur, en ayant recours à des mutations temporaires, n'a pas exécuté de bonne foi ses obligations résultant du contrat de travail.

La salariée reproche encore à l'employeur de ne pas avoir respecté les repos compensateurs relatifs aux dimanches travaillés, lesquels n'ont pas été récupérés en temps utile ou n'ont pas donné lieu au repos compensateur contractuellement prévu comme en attestent les bulletins de paie.

Les mentions figurant sur les bulletins de paie à propos des dimanches travaillés et de leur récupération manquent effectivement de clarté mais le seul défaut de précisions sur ce point ne permet pas de retenir ce grief comme établi.

Enfin, la salariée reproche à son employeur, d'une part, l'avertissement injustifié du 7 janvier 2009 aux termes duquel elle aurait encaissé un chèque revenu impayé, cet incident l'ayant mise en difficulté dans l'exécution de son travail, et, d'autre part, d'avoir participé à son isolement en ne répondant pas à ses demandes de médiation entre elle et sa supérieure hiérarchique alors que leurs relations étaient de plus en plus tendues.

Il résulte des pièces versées aux débats que dès le 20 février 2009, Mme [L] adressait à son employeur un courrier pour se plaindre du comportement de la responsable de magasin à son endroit et qu'à nouveau le 3 mars 2009, évoquant en premier lieu des conditions matérielles inconfortables, elle revenait sur le traitement que lui faisait subir sa « directrice » qui l' humiliait et la rabaissait.

L'employeur a répondu au premier courrier le 5 mars 2009 en observant que les termes de cette lettre laissaient supposer l'intention de la salariée de se constituer par avance les preuves d'une situation de harcèlement au travail, cette dénonciation faisant suite à l'avertissement qui lui avait été notifié par courrier du 7 janvier 2009 et maintenu malgré sa contestation du 13 janvier 2009. L'employeur ajoutait cependant qu'il déplorait qu'aucune précision ne soit apportée sur les faits dénoncés et les dates auxquelles la salariée aurait été victime du comportement de la responsable de magasin dont il allait recueillir les observations.

Le courrier de la salariée était transmis par l'employeur à la directrice régionale et à la responsable de magasin mise en cause le 5 mars 2009.

Dans leurs réponses précises et circonstanciées datées du 11 mars 2009, tant la responsable régionale que la responsable de magasin contestaient les affirmations de la salariée à propos des mauvaises relations qu'elle entretenait avec sa supérieure hiérarchique.

En dépit des attestations que produit la salariée à son dossier, l'une rédigée par la responsable d'un magasin voisin de celui dans lequel elle travaillait qui indique avoir recueilli ses confidences et l'autre rédigée par la première vendeuse de la boutique qui rapporte des propos de la responsable de magasin la dénigrant, il apparaît que la réaction de l'employeur était adaptée à la plainte de la salariée qui ne peut lui reprocher d'avoir manqué à ses obligations à cette occasion.

Par ailleurs, Mme [L] fait grief à l'employeur d'avoir violé son obligation générale de sécurité en lui imposant des conditions matérielles de travail ne permettant pas d'assurer sa sécurité, la boutique où elle était affectée ne disposant ni de chauffage, ni de climatisation, ni d'eau chaude courante, les locaux étant par ailleurs inadaptés, ce qui a causé l'accident du travail dont elle a été victime le 24 mars 2009 en chutant d'un escabeau alors qu'elle rangeait de lourds mannequins inutilisés qui encombraient le magasin dans un placard situé en hauteur.

La société H3M soutient que la salariée ne démontre pas que les conditions matérielles de travail étaient de nature à constituer une faute de l'employeur.

Aucun élément n'est produit pour établir les conditions matérielles dans lesquelles travaillait Mme [L] et le compte rendu de l'accident du travail ne contient pas plus de précisions.

Il s'ensuit que le seul grief tiré de l'avertissement injustifié ne constitue pas un manquement suffisamment grave pour entraîner la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur.

Le jugement entrepris sera infirmé sur ce point.

La lettre de licenciement du 18 décembre 2009 est ainsi motivée :

« Vous aviez déposé une demande de congés payés prévisionnels pour la période du 16 novembre au 28 novembre 2009 inclus qui n'avait pu être satisfaite en totalité, votre présence en magasin était requise durant la seconde semaine afin de préparer l'opération « ventes privées ».

Malgré le refus de la responsable régionale, abandonnant votre demande de congés payés prévisionnels pour la période du 16 au 21 novembre 2009 qui avait été autorisée, vous avez déposé une nouvelle demande de congés pour la période du 23 novembre au 2 décembre 2009 inclus ; cette seconde demande a été refusée en totalité pour le même motif que celui précédemment retenu.

Passant outre ce refus, vous ne vous êtes pas présentée à votre poste de travail le 23 novembre 2009 alors que vous deviez assurer l'ouverture du magasin, et vous n'avez repris vos fonctions que le 3 décembre 2009.

Par courrier recommandé du 25 novembre 2009, nous vous avions notifié une mise en demeure de justifier du motif de votre absence ; à ce jour nous n'avons reçu aucun document, ni aucune explication sérieuse, pouvant constituer un motif légitime d'absence à votre poste de travail.

Au cours de l'entretien que vous avez eu avec Mme [T], vous vous êtes contentée d'indiquer que votre absence était justifiée par une « raison personnelle » sans autre précision, et vous avez avancé que vous aviez réservé un billet d'avion qui n'était pas échangeable.

Outre votre absence injustifiée à votre poste de travail durant une semaine entière, fait qui constitue à lui seul une faute grave, votre comportement est caractéristique d'une insubordination également constitutive d'une faute grave. ».

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis.

L'employeur qui invoque la faute grave pour licencier doit en rapporter la preuve.

La société H3M justifie avoir averti les salariés de ses succursales dès le début du mois d'octobre 2009 des dates des périodes de ventes privées incluant la préparation de ces ventes sur une semaine et que la demande de congés déposée par la salariée avait été refusée une première fois pour la semaine du 21 au 28 novembre en raison de la préparation des ventes privées, puis une seconde fois, pour la période du 23 novembre au 2 décembre 2009.

La salariée fait valoir que la responsable régionale l'avait autorisée verbalement à prendre ses congés du 23 décembre au 1er décembre, ce dont témoigne Mme [H] [J], responsable du magasin, qui déclare certifier « que les congés payés de Mlle [L] [V] qui avaient été posés du 23 novembre au 1er décembre 2009 ont été accordés verbalement par Mme [T] [U], responsable régionale, pour être ensuite refusés par écrit pour cause d'opérations commerciales « ventes privées » à ces mêmes dates.

Ce qui n'a pas été le cas puisqu'elles n'ont pas eu lieu cette semaine mais trois semaines après. Nous avons été prévenues que ces ventes étaient repoussées début novembre ».

Mme [T], responsable régionale, conteste avoir autorisé verbalement Mme [L] à prendre ses congés la dernière semaine de novembre et confirme qu'elle a ensuite refusé à deux reprises par écrit de faire droit aux demandes de la salariée.

L'employeur ne justifie pas de la date à laquelle les ventes privées ont eu lieu à la fin de l'année 2009 et donc de la nécessité de la présence de la salariée la dernière semaine de novembre. Il n'est donc pas démontré que le maintien dans l'entreprise pendant la durée du préavis était impossible et que le comportement de la salariée nécessitait son départ immédiat de l'entreprise sans indemnités. Néanmoins, il a été signifié par écrit à la salariée, postérieurement à un prétendu accord verbal, qu'elle n'était pas autorisée à prendre ses congés aux dates demandées et elle a été mise en demeure de se présenter sur les lieux de son travail par lettre datée du 25 novembre 2009.

En refusant de se conformer à la décision de la responsable régionale imposant sa présence dans la boutique à une période de travail habituelle, la salariée a manifesté une insubordination justifiant le licenciement

Le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse.

La société H3M sera en conséquence condamnée à payer à Mme [L] les sommes de 1 223,07 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 122,30 euros au titre des congés payés afférents.

Mme [L] sera en revanche déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour rupture abusive.

La présente décision valant titre, il n'y a lieu de condamner Mme [L] à rembourser la somme de 15 419,88 euros qui lui a été versée dans le cadre de l'exécution provisoire du jugement infirmé.

Les sommes ainsi allouées porteront intérêt au taux légal à compter du 22 septembre 2009 avec capitalisation dans les termes de l'article 1154 du code de procédure civile.

Il n'y a lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

INFIRME le jugement sauf en ce qu'il a accueilli les demandes d'indemnité compensatrice de préavis et de congés payés afférents ;

Statuant à nouveau et ajoutant,

ANNULE l'avertissement notifié par lettre datée du 7 janvier 2009 ;

CONDAMNE l a société H3M à payer à Mme [V] [L] les sommes de 1223,07 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 122,30 euros au titre des congés payés afférents, ces sommes assorties des intérêts au taux légal à compter du 22 septembre 2009 avec capitalisation dans les termes de l'article 1154 du code de procédure civile.;

DÉBOUTE Mme [V] [L] de ses autres demandes ;

DIT n'y avoir lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chaque partie conservera la charge des dépens exposés par elle en appel ;

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 10/11146
Date de la décision : 31/10/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°10/11146 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-31;10.11146 ?
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