RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 31 Octobre 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 08/00435 MAS
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 17 Avril 2008 par le tribunal des affaires de sécurité sociale de CRETEIL section RG n° 20400864CR
APPELANTE
SA RIDORET MENUISERIE VENANT AUX DROITS DE LA SARL A.O.C.M. MENUISERIES
[Adresse 6]
[Localité 3]
représentée par Me Patrice D' HERBOMEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C0517
INTIMES
Monsieur [J] [M] [P]
[Adresse 13]
[Localité 14]
représenté par Me Paul NGELEKA, avocat au barreau de PARIS, toque : A0532
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE (CPAM 94)
[Adresse 1]
[Localité 8]
représentée par M. [L] en vertu d'un pouvoir général
PARTIES INTERVENANTES :
Madame [O] [S] [N] [X] épouse [M] [P]
[Adresse 13]
[Localité 14]
47100 PORTUGAL,
représentée par Me Paul NGELEKA, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [K] [G] [N] [P]
[Adresse 11]
[Localité 4]
47100 PORTUGAL,
représenté par Me Paul NGELEKA, avocat au barreau de PARIS
Madame [T] [N] [P]
[Adresse 12]
[Localité 5]
47100 PORTUGAL,
représentée par Me Paul NGELEKA, avocat au barreau de PARIS
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 2]
[Localité 7]
avisé - non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile l'affaire a été débattue le 27 septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Jeannine DEPOMMIER, Président chambre 6-12 et Monsieur Luc LEBLANC,Conseiller chambre 6-12, chargés d'instruire l'affaire.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré, de la Cour composée de :Madame Jeannine DEPOMMIER, Président
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
Madame Marie-Ange SENTUCQ, Conseiller (qui a rédigé l'arrêt)
qui en ont délibéré
Greffier : Mlle Nora YOUSFI, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Jeannine DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Nora YOUSFI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire
********
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES
Par arrêt du 04 février 2010 auquel il convient de se référer pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, la Cour :
- a donné acte à la SA RIDORET MENUISERIE de son désistement d'appel envers la société EBATI représentée par son syndic et la Mutuelle AUXILIAIRE,
- a confirmé le jugement prononcé le 17 avril 2008 par le Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de CRETEIL et dit que le rapport établi sur la base de la mesure d'expertise ordonnée par le premier juge sera adressée au greffe de la Cour d'Appel de Paris
- a condamné la SA RIDORET MENUISERIE à payer à Monsieur [P] la somme provisionnelle de 30 000 euros à valoir sur la liquidation de son préjudice et une indemnité de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Docteur [C] [B] a clôturé les opérations d'expertise le 12 décembre 2011.
A l'audience du 27 septembre 2012 Monsieur [J] [M] [P] fait plaider par son conseil les conclusions déposées demandant à la Cour de condamner la SA RIDORET MENUISERIE venant aux droits de la société AOCM MENUISERIES à lui verser les sommes suivantes :
Préjudice patrimoniaux :
- Temporaire :
perte de gains professionnel avant consolidation : 34 527,09 euros
- Permanents :
perte de gains professionnels futurs et incidence professionnelle : 83 906,12 euros
dépenses de santé futures : 3 400,49 euros
frais d'adaptation de logement : 62 721,19 euros
frais d'adaptation de véhicule : 150 000 euros
assistance d'une tierce personne avant consolidation : 41 062 euros
assistance d'une tierce personne après consolidation : 319 233,82 euros
remboursement des dépenses engagées en relation directe avec l'accident : 1 476,20 euros
Préjudices extra patrimoniaux :
- Temporaires avant consolidation
déficit fonctionnel total : 6 000 euros
déficit fonctionnel temporaire partiel : 75 000 euros
souffrances endurées : 70 000 euros
préjudice esthétique temporaire qualifié d'assez important : 15 000 euros
préjudice esthétique temporaire qualifié de moyen : 10 000 euros
- Permanents après consolidation
déficit fonctionnel permanent : 120 000 euros
préjudice d'agrément : 15 000 euros
préjudice esthétique permanent : 40 000 euros
préjudice sexuel : 30 000 euros
Monsieur [J] [M] [P] demande en outre à la Cour de :
- dire que les sommes versées porteront intérêts de droit au taux légal à compter de la demande et jusqu'à paiement
- condamner la SA RIDORET MENUISERIE à lui verser une indemnité de 12 000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- condamner la SA RIDORET MENUISERIE aux dépens y compris 'les frais d'expertise et les médecins conseils des victimes' ;
- déclarer le jugement -sic- commun à la CPAM du VAL DE MARNE.
Madame [O] [S] [N] [X], Monsieur [K] [G] [N] [P] et Madame [T] [N] [P] font soutenir par leur avocat les conclusions déposées sollicitant la condamnation de la SA RIDORET MENUISERIE à leur verser les sommes suivantes :
- Préjudices de l'épouse de Monsieur [M] [P]
préjudice moral avant la consolidation : 8 000 euros
préjudice moral après la consolidation : 20 000 euros
préjudice sexuel : 10 000 euros
troubles dans les conditions d'existence : 6 000 euros
frais divers : 1 500 euros
- Préjudices des enfants de Monsieur [M] [P]
préjudice moral par enfant avant consolidation : 5 000 euros
préjudice moral par enfant après la consolidation : 15 000 euros
troubles dans les conditions d'existence par enfant : 3 000 euros
frais divers : 1 500 euros
Ils demandent à la Cour de dire que les sommes versées porteront intérêt de droit au taux légal à compter de la demande en paiement, de condamner la SA RIDORET MENUISERIE à leur verser une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles, en complément des dépens et de déclarer le jugement -sic- à intervenir commun à la CPAM du VAL DE MARNE
La CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE par la voix de sa représentante demande à la Cour de :
- lui donner acte de ce qu'elle s'en remet à l'avis de son médecin conseil s'agissant de l'évaluation des postes de préjudices couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale et qu'elle s'en rapporte à justice quant au montant des sommes à allouer à Monsieur [P] ;
- lui donner acte de ce qu'elle s'en rapporte à justice quant à la somme qu'il convient d'allouer à Monsieur [P] en réparation de son déficit fonctionnel temporaire, de son préjudice sexuel, des frais d'adaptation de logement ;
- lui donner acte de ce qu'elle émet des réserves quant aux montants qui pourraient lui être attribués aux fins d'indemniser le recours à l'aide d'une tierce personne avant consolidation ainsi que l'adaptation de son véhicule ;
- débouter Monsieur [P] de ses demandes en réparation du préjudice subi au titre de l'incidence professionnelle, de son déficit fonctionnel permanent, de l'assistance permanente d'une tierce personne, des dépenses de santé futures, de la perte de gains professionnels actuelle ou future et des préjudices subis par son épouse et ses enfants.
La SA RIDORET MENUISERIE venant aux droits de la SARL AOCM demande à la Cour de :
- déclarer Monsieur [P] irrecevable et mal fondé en ses demandes d'indemnisation pour pertes de gains professionnels et pour incidence professionnelle et de le débouter de ces chefs de demandes ;
- débouter Monsieur [P] de sa demande d'indemnisation au titre du déficit fonctionnel permanent et au titre des frais d'adaptation du véhicule ;
- ramener à de plus justes proportions les indemnisations sollicitées par Monsieur [P] au titre de l'assistance d'une tierce personne, du pretium doloris, du préjudice esthétique, des frais d'adaptation de logement, du préjudice d'agrément et du préjudice sexuel dont le quantum n'est pas justifié ;
- juger les ayants droits irrecevables à solliciter l'indemnisation de leurs préjudices personnels ;
- dire n'y avoir lieu à condamnation pour frais irrépétibles et aux dépens ;
SUR QUOI :
Sur la réparation des préjudices subis par Monsieur [J] [M] [P],
- Sur les demandes relatives à la perte de gains, actuelle et future, sur l'incidence professionnelle, les dépenses de santé futures, le déficit fonctionnel permanent et la tierce personne après consolidation :
Vu la décision du Conseil Constitutionnel n°2010-8 du 18 juin 2010
Ces préjudices sont couverts par le Livre IV du code de la sécurité sociale et ne peuvent donc pas être doublement indemnisés.
Monsieur [J] [M] [P] n'est en conséquence pas fondé à réclamer une indemnisation à ces titres.
- Sur les frais d'aménagement du logement :
Au vue de la comparaison des pièces produites à savoir le devis fourni par Monsieur [M] [P] et l'évaluation communiquée par l'assureur de la SA RIDORET, la Cour dispose d'éléments suffisants pour réparer les préjudices à hauteur des sommes suivantes :
- Escalator : 7 350 euros
- Aménagement de la salle de bains et des WC : 10 000 euros
soit une indemnité globale de 17 350 euros
Aucune somme ne saurait en revanche être allouée au titre du lit médicalisé qui fait l'objet d'une prise en charge au titre des prestations en nature.
Monsieur [M] [P] doit donc être débouté de ce chef de demande.
- Sur les frais d'équipement du véhicule,
Au vu du devis produit par l'assureur, la Cour dispose d'éléments suffisants pour allouer à Monsieur [J] [M] [P] une indemnité de 2 600 euros.
- Sur la demande au titre de l'assistance Tierce Personne avant consolidation :
L'expert retient durant la période s'étendant du retour à domicile le 30 novembre 2001, jusqu'à la date de consolidation le 31 mars 2003, une assistance pour l'aide à l'entretien personnel et domestique, l'aide à l'habillage, l'aide à la toilette, l'aide aux déplacements extérieurs, l'aide à la préparation des repas et à l'alimentation qu'il fixe en raison d'un moyenne de 4 heures par jour.
La Cour retient cette évaluation sur la base de 8 euros de l'heure à raison de 4 heures par jour du 30 novembre 2001 au 31 mars 2003.
- Sur la demande au titre du déficit fonctionnel temporaire :
L'expert retient à ce titre :
1) le déficit fonctionnel temporaire total s'étendant du jour de l'accident, 7 juin 2001, au retour au domicile, le 30 novembre 2001,
2) le déficit temporaire partiel au taux de 66,6 % s'étendant du 1er décembre 2001 jusqu'à la consolidation retenue le 31 mars 2003,
La Cour dispose d'éléments suffisants pour indemniser ce préjudice de manière globale à hauteur de la somme de 3 500 euros.
- Sur le préjudice esthétique :
L'expert retient un préjudice esthétique temporaire du 1er décembre 2001 au 31 mars 2003 lié à l'hospitalisation, au béquillage, à l'ostéosynthèse et au temps de rééducation qu'il évalue à 5/7 et un préjudice esthétique permanent consécutif aux séquelles cicatricielles qui affectent le rachis cervical, le cuir chevelu, aux amyotrophies segmentaires des membres inférieurs et supérieurs ainsi qu'à la fonction locomotrice perturbée qu'il évalue à 3/7.
La Cour retient au vu de ces éléments un préjudice global, l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale n'opérant aucune distinction qui sera réparé, eu égard à l'âge de l'intéressé, 52 ans lors de l'accident, par une indemnité de 5 000 euros
- Sur le préjudice d'agrément :
L'expert indique que Monsieur [M] [P] ne pourra jamais entreprendre reprendre une activité sportive quelconque et qu'il ne pourra plus jardiner ou bricoler si ce n'est de manière très réduite.
Compte tenu des capacités manuelles de Monsieur [M] [P] lesquelles étaient liées à son activité de menuisier, la Cour retient un préjudice indemnisable par la somme de 3 000 euros
- Sur le préjudice sexuel :
Celui-ci est avéré du fait de l'atteinte paraplégique pluri-étagée dorsale, le préjudice sexuel pour la réalisation de l'acte sexuel étant complet.
Ce préjudice chez un homme marié, toujours en couple, sera réparé par une indemnité de 15 000 euros.
- Sur les souffrances endurées :
L'expert retient le fait accidentel, les douleurs post-contusionnelles, le drainage de l'hémothorax et les douleurs consécutives, la double ostéosynthèse rachidienne, l'ostéosynthèse de la clavicule, l'immobilisation du corps, le séjour en rééducation fonctionnelle, la verticalisation progressive, le réapprentissage difficile de la marche, les atteintes fonctionnelles périnéales et sexuelles et la réinsertion intra-familiale. Il évalue ces souffrances à 5,5/7.
Ce préjudice sera justement réparé par une indemnité de 45 000 euros .
- Sur les frais en relation directe avec l'accident :
Monsieur [M] [P] réclame le remboursement de l'achat d'une caméra, les frais de taxis, les frais d'hôtels pour ses séjours en France puisqu'il réside au Portugal, les billets d'avion.
A l'exception de l'achat de la caméra dont l'usage n'est pas exclusivement lié à l'accident, les frais de déplacement et de séjour sont liés à des convocations de la CPAM ainsi qu'en justifie Monsieur [M] [P].
La Cour alloue de ce chef une indemnité de 784,40 euros au vu des pièces justificatives produites.
Les intérêts au taux légal seront dus à compter du présent arrêt par application de l'article 1153-1 du code civil.
La demande présentée par Monsieur [M] [P] au titre des frais irrépétibles sera rejetée, une indemnité ayant déjà été accordée par le précedent arrêt .
Sur les demandes des intervenants volontaires proches de Monsieur [M] [P],
Les dispositions de l'article L 434-7 du code de la sécurité sociale n'ouvrent aux ayants droits de l'assuré, victime d'un accident du travail, le droit d'agir en réparation de leur préjudice qu'en cas d'accident suivi de mort de la victime.
Les consorts [O] [S] [N] [X], [K] [G] et [T] [N] [P] sont donc irrecevables à agir du chef des préjudices indirects en lien avec l'accident subi par Monsieur [J] [M] [P].
En matière de sécurité sociale la procédure est sans frais en vertu de l'article R 144-10 du code de la sécurité social.
En toute hypothèse les dépens aux termes de l'article 695 du Code de procédure civile ne comprennent pas les médecins-conseils des parties.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Vu l'arrêt du 04 février 2010,
Déboute Monsieur [J] [M] [P] de ses demandes au titre de la perte de gains, actuelle et future, de l'incidence professionnelle, des dépenses de santé futures, du déficit fonctionnel permanent et de la tierce personne après consolidation ;
Fixe l'indemnisation complémentaire des préjudices personnels subis par Monsieur [J] [M] [P] à la suite de l'accident dû à la faute inexcusable de son employeurs aux sommes suivantes :
- Frais d'aménagement du logement :
* Escalator : 7 350 euros
* Aménagement de la salle de bains et des WC : 10 000 euros
- Frais d'équipement du véhicule : 2 600 euros
- Assistance d'une Tierce Personne avant consolidation sur la base de 8 euros par heure à raison de 4 heures par jour du 30 novembre 2001 au 31 mars 2003
- Déficit fonctionnel temporaire : 3 500 euros
- Préjudice esthétique : 5 000 euros
- Préjudice d'agrément : 3 000 euros
- Préjudice sexuel : 15 000 euros
- Souffrances endurées : 45 000 euros
- Dépenses en relation avec l'accident : 784,40 euros
Dit que ces sommes produiront intérêts au taux légal à compter du présent arrêt ;
Rappelle qu'en vertu de l'article L. 452-3 du code de la sécurité sociale les sommes ci-dessus allouées sont avancées à la victime par la caisse primaire d'assurance maladie qui en récupère le montant auprès de l'employeur ;
Rejette les autres demande de Monsieur [J] [M] [P] ;
Déclare les consorts [O] [S] [N] [X], [K] [G] et [T] [N] [P] irrecevables à agir du chef des préjudices indirects en lien avec l'accident du travail dont a été victime Monsieur [J] [M] [P] ;
Fixe le droit d'appel prévu par l'article R 144-10 alinéa 2 du code de la sécurité sociale à la charge de l'appelante qui succombe au 10ème du montant mensuel du plafond prévu à l'article L241-3 du code de la sécurité sociale et condamne la SA RIDORET MENUISERIE VENANT AUX DROITS DE LA SARL A.O.C.M. MENUISERIES au paiement de ce droit ainsi fixé.
Le Greffier, Le Président,