Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 26 OCTOBRE 2012
(n°305, 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 10/12254
Décisions déférées à la Cour : 1/ jugement du 9 décembre 2009 - Tribunal de commerce de PARIS - 8ème chambre - RG n°2007055389 - 2/ jugement du 2 juin 2010 - Tribunal de commerce de PARIS - 3ème chambre - RG n°2007055389
APPELANTES AU PRINCIPAL et INTIMEES INCIDENTES
S.A. ALSTOM HOLDINGS, agissant en la personne de ses président du conseil d'administration et directeur général domiciliés en cette qualité au siège social situé [Adresse 4]
[Adresse 4]
S.A. CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 4]
[Adresse 4]
représentées par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque B 1055
assistées de Me Janine FRANCESCHI-BARIANI plaidant pour la SELARL STC PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, toque R 234
INTIMEE AU PRINCIPAL et APPELANTE INCIDENTE
S.A.S. GAZTRANSPORT & TECHNIGAZ, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU - JUMEL (Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU), avocat au barreau de PARIS, toque K 111
assistée de Me Laurent JAEGER plaidant pour la SCP ORRICK - RAMBAUD - MARTEL, avocat au barreau de PARIS, toque P 134
INTIMEES
S.N.C. GDF ARMATEUR, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 6]
[Adresse 6]
S.A.S. GDF ARMATEUR 2, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 3]
[Adresse 3]
S.A. GDF SUEZ, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Adresse 1]
S.A.S. NYK ARMATEUR, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 5]
[Adresse 5]
représentées par Me Barthélémy COUSIN de NORTON ROSE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque J 039
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 16 février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Renaud BOULY de LESDAIN, Président
Bernard SCHNEIDER, Conseiller
Françoise CHANDELON, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier lors des débats : Carole TREJAUT
Bernard SCHNEIDER a préalablement été entendu en son rapport
ARRET :
Contradictoire
Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Renaud BOULY de LESDAIN, Président, et par Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Considérant que les sociétés ALSTHOM HOLDINGS et CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE ont régulièrement relevé appel d'un jugement rendu le 2 juin 2010 par le tribunal de commerce de Paris qui :
- les a déboutées de leur demande de sursis à statuer jusqu'à l'aboutissement d'une plainte pénale déposée par elles contre la société GAZTRANSPORT & TECHNIGAZ,
- les a condamnées solidairement à payer pour la livraison tardive des méthaniers que la société CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE avait construit :
* 17 243 725 € à la société GDF ARMATEUR avec intérêts au taux légal à compter du 19 janvier 2007,
* 9 800 000 € à la société GDF ARMATEUR 2 avec intérêts au taux légal à compter du 3 janvier 2007,
* 14 850 000 € à la société NYK ARMATEUR avec intérêts au taux légal à compter du 2 août 2007,
- sur l'appel en garantie des sociétés CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE et ALSTHOM HOLDING à l'encontre des sociétés GAZTRANSPORT & TECHNIGAZ et GDF SUEZ, anciennement dénommée GAZ DE FRANCE :
- a dit recevable mais non fondée l'exception d'incompétence soulevée par la société GAZTRANSPORT & TECHNIGAZ et débouté les sociétés CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE et ALSTHOM HOLDING de leurs demandes en garantie,
- a condamné solidairement les sociétés ALSTHOM HOLDINGS et CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE à payer aux défenderesses (sauf par omission de statuer à la société GAZTRANSPORT & TECHNIGAZ) diverses sommes en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- a ordonné l'exécution provisoire ;
Considérant que l'arrêt sollicité de l'exécution provisoire de ce jugement a été refusé par le premier président de la cour d'appel de Paris ;
Considérant que les sociétés ALSTHOM HOLDINGS et CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE demandent à la Cour de :
- in limine litis, surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure pénale engagée par la société CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE à l'encontre de la société GAZTRANSPORT & TECHNIGAZ pour faux, usage et escroquerie à la sentence arbitrale,
- sur l'action principale engagée par les armateurs, débouter ceux-ci de leurs demandes,
- à titre subsidiaire, constater que les retards de livraison des navires sont dus à des événements imputables à l'armateur et à des événements hors du contrôle de la société CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE que celle-ci ne pouvait ni prévoir ni empêcher,
- sur l'appel en garantie dirigé contre les sociétés GAZTRANSPORT & TECHNIGAZ et GDF, constater que ces sociétés sont coresponsables des retards dont se prévalent les armateurs et, en conséquence, les condamner solidairement à garantir la société ALSTHOM HOLDING de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre dans le cadre de l'instance introduite par les armateurs ;
Considérant que les sociétés GDF ARMATEUR, GDF ARMATEUR 2, GDF SUEZ et NYK ARMATEUR concluent à la confirmation du jugement déféré comme aussi la société GAZTRANSPORT & TECHNIGAZ sauf en ce que le jugement déféré a déclaré recevable la demande de garantie dirigée par la société ALSTHOM HOLDING contre elle et à condamner cette société à lui payer 350 000 € en réparation du préjudice que sa procédure abusive lui a causé ;
SUR CE,
Considérant que les filiales de la société GAZ DE FRANCE (aujourd'hui GDF SUEZ), GDF ARMATEUR et GDF ARMATEUR 2, d'une part, et NYK ARMATEUR, d'autre part, ont commandé en 2001 et 2002 à la société CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE la construction de navires méthaniers, le m32, le n32 et le p32, selon des contrats de construction qui comportaient des dates de livraison impératives sanctionnées par des indemnités de retard ; qu'à la livraison des méthaniers, en retard sur les dates prévues, la société CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE et la société ALSTHOM HOLDINGS (qui s'était portée codébitrice solidaire de sa filiale de construction navale) refusaient de payer les indemnités de retard contractuellement prévues ;
Considérant que la technique retenue pour isoler la coque qui servait directement de cuve à gaz consistait à tapisser l'intérieur du navire avec des matériaux isolants épousant les formes du bateau ;
Que cette technique dont les brevets étaient détenus par la société GAZTRANSPORT & TECHNIGAZ mettait en 'uvre une technologie dite cs1 présentant une isolation en deux couches de matériaux isolants : la membrane primaire qui était contact avec le gaz liquide (GNL) et la membrane secondaire qui était montée directement sur les cuves ;
Considérant que les parties avaient prévu dans leurs contrats que le constructeur ne pourrait s'exonérer de sa responsabilité au regard des délais de livraison que dans deux hypothèses exceptionnelles dites des retards «admissibles» : les retards «imputables aux armateurs» ou des retards résultant des événements «hors du contrôle» du constructeur (sorte de force majeure définie à l'article VIII 1 des contrats de construction), ces derniers étant soumis à un formalisme rigoureux à peine de déchéance (notification de l'événement, cause du retard, dans les 10 jours de sa survenance, notification de la fin de l'événement dans les 10 jours, notification de la période de report demandé) ;
Considérant qu'en octobre 2004, des tests révélaient des défauts sur la membrane collée qui constituait la barrière secondaire d'isolation du méthane liquéfié ; qu'en mai 2005, les Directions de Recherche des sociétés GDF SUEZ, GAZTRANSPORT & TECHNIGAZ et CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE finissaient par convenir de la validité de la technologie et à démontrer que c'était la mise en 'uvre par la société CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE de la technologie qui était problématique et non sa conception ; que de nouveaux délais de livraison étaient fixés et de nouveaux montants d'indemnités ;
Considérant que malgré la Solution Technique mise au point entre les parties, la société CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE continuait à éprouver des difficultés de mise en 'uvre des opérations de collage et d'adhérence des joints à raison de surfaces siliconées qui ne permettaient aucune adhésion ; que la sentence arbitrale du 3 février 2009 mettait en évidence la persistance du mauvais contrôle qualité de la part de la société CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE selon une liste détaillée de points numérotés de 146 à 197 ;
Considérant que l'essentiel de l'argumentation des sociétés ALSTHOM HOLDINGS et CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE consiste à prétendre (page 61 des conclusions notamment) que la société GDF SUEZ connaissait la nature et l'ampleur des désordres observés sur la barrière secondaire des cuves des navires et «avait dissimulé sciemment aux Chantiers de l'Atlantique les informations dont elle disposait concernant les vices de conception affectant le CS1» ;
Considérant, cependant, que la sentence arbitrale du 3 février 2009 concluait au point 661 :
«le tribunal arbitral conclut dès lors que les affirmations formulées par CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE de non-conformité de la technologie quant au choix d'un matériau qui aurait été inapproprié ne sont nullement établies. Il en est de même des allégations de CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE quant à la non communication des incidents de fabrication chez HANKUK et leurs prétendues incidences sur les problèmes rencontrés. Les conclusions qu'en tire CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE quant à l'existence d'un vice de conception, d'un vice économique et d'une manière générale quant à la prétendue impréparation de GTT sont donc dénuées de fondement» ;
Considérant que par ordonnance du 13 février 2009, le délégué du Président du Tribunal de grande instance de Paris déclarait exécutoire la sentence arbitrale ; que par arrêt du 1er avril 2010, la cour d'appel de Paris a rejeté le recours formé par la société CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE en spécifiant que les 247 pages et les 1417 paragraphes de la sentence constituaient «à l'évidence ' une motivation scrupuleuse, soignée, même si elle déplaît à CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE » ; que la Cour de Cassation rejetait le pourvoi de la société CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE par arrêt du 9 mars 2011 ;
Considérant que parallèlement à la contestation de l'ordonnance d'exequatur, la société CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE formait le 31 juillet 2009 un recours en annulation devant la High Court de Londres qui confirmait la sentence arbitrale le 20 décembre 2011 en précisant expressément que les faits pour lesquels la société GAZTRANSPORT & TECHNIGAZ est aujourd'hui poursuivie pénalement par la société CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE n'avaient aucunement pu influencer la sentence arbitrale ; qu'en conséquence, la réouverture des débats sollicitée ne sera pas acceptée ;
Considérant qu'il apparaît, en définitive, à la Cour que les appelants n'apportent aucune preuve ni d'événements «hors contrôle» ni des fautes qu'elles imputent à la société GDF SUEZ et aux armateurs pour justifier des retards de livraison avérés et que les premiers juges ont sanctionnés par l'application pure et simple des pénalités contractuelles ; que les armateurs font d'ailleurs valoir, non sans raison, qu'il aurait été absurde de leur part de dissimuler sciemment des informations importantes eu égard au risque d'exploitation gravissime - bien au-delà de la structure des navires - qu'ils auraient ainsi pris ;
Que le jugement déféré doit donc être confirmé, aucune cause déterminante n'étant démontrée au soutien de la demande de sursis à statuer qui concerne essentiellement une plainte pénale qui oppose les appelantes à la société GAZTRANSPORT & TECHNIGAZ ni dans la demande de réouverture des débats ; que cette confirmation s'étend également à la disposition du jugement qui a déclaré recevable mais non fondée la mise en cause de la société GAZTRANSPORT & TECHNIGAZ, les premiers juges ayant exactement relevé que la qualité de tiers de cette société permettait néanmoins à la société ALSTHOM HOLDINGS d'engager à son encontre une action délictuelle au titre d'un éventuel préjudice distinct de celui invoqué dans le cadre de l'action contractuelle ;
Considérant que la société GAZTRANSPORT & TECHNIGAZ ne justifie pas de l'indemnité qu'elle sollicite à l'encontre des sociétés ALSTOM HOLDINGS et CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE pour procédure abusive .
Qu'il sera tenu compte de ce que les premiers juges ont omis de statuer sur la demande fondée sur l'article 700 code de procédure civile par la société GAZTRANSPORT & TECHNIGAZ ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement déféré ;
Dit n'y avoir lieu à sursis à statuer ;
Dit n'y avoir lieu à réouverture des débats ;
Condamne in solidum les sociétés ALSTHOM HOLDINGS et CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE à payer à la société GAZTRANSPORT & TECHNIGAZ 250 000 € pour les frais exposés par cette société en première instance et en appel et 50 000 €, chacune, pour leurs frais exposés en appel aux sociétés NYK ARMATEUR, GDF SUEZ, GDF ARMATEUR et GDF ARMATEUR 2 ;
Condamne in solidum les sociétés ALSTHOM HOLDINGS et CHANTIERS DE L'ATLANTIQUE aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président