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23/10/2012 | FRANCE | N°10/11120

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 10, 23 octobre 2012, 10/11120


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10



ARRÊT DU 23 Octobre 2012

(n° 14 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/11120



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Octobre 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 09/04195





APPELANT

Monsieur [C] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Anne ROBIN, avocat au barreau

de PARIS, toque : C 622 substitué par Me Pierre ROBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0622







INTIMÉE

SAS DAY BY DAY

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Mic...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 10

ARRÊT DU 23 Octobre 2012

(n° 14 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/11120

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 29 Octobre 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section encadrement RG n° 09/04195

APPELANT

Monsieur [C] [K]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Anne ROBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C 622 substitué par Me Pierre ROBIN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0622

INTIMÉE

SAS DAY BY DAY

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Michèle MINET, avocat au barreau de PARIS, toque : C0754

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte BOITAUD, président

Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller

Madame Catherine COSSON, conseiller

Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, présidente

- signé par Madame Brigitte BOITAUD, présidente et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [C] [K] a été engagé par la société DAY BY DAY SAS par contrat à durée indéterminée ayant pris effet le 26 septembre 2005, en qualité de commercial institutionnel, avec un statut cadre.

Monsieur [K] a été licencié par lettre du 28 novembre 2008, énonçant le motif du licenciement dans les termes suivants :

« Monsieur,

Nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique.

En effet, la situation économique de la société DAY BAY DAY ne parvient pas à se redresser malgré nos efforts depuis ces quatre dernières années ce qui se traduit par un résultat d'exploitation négatif et une trésorerie inexistante, les banques refusant toute forme de crédit.

En outre, les perspectives de ventes pour l'année 2009 sont réduites à néant par la crise qui secoue les marchés financiers depuis un an.

Les principaux clients de la société DAY BY DAY sont tous touchés par cette situation et les HEDGE FUNDS, autres clients importants, ont déjà résilié certains contrats.

La pérennité de la société étant en jeu, nous n'avons d'autre solution que de supprimer votre poste et en l'absence de toute possibilité de reclassement, de procéder à votre licenciement pour motif économique. »

Par jugement du 29 octobre 2010, le conseil de prud'hommes de Paris, en sa section Encadrement, a débouté Monsieur [K] de toutes ses demandes.

Cette décision a été frappée d'appel par le salarié qui demande à la cour de juger son licenciement privé de motif économique et de condamner en conséquence la société DAY BY DAY à lui payer une somme de 113 358,84 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre 2 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La société DAY BY DAY conclut à la confirmation du jugement entrepris et sollicite la condamnation de Monsieur [K] à lui payer 3 000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.

SUR QUOI, LA COUR

Sur la cause économique du licenciement de Monsieur [K]

Monsieur [K] soutient que la lettre de licenciement n'est pas suffisamment motivée, que son licenciement n'est aucunement justifié par des difficultés économiques - l'employeur ne pouvant licencier sur la seule foi de prévisions hormis le cas particulier de la sauvegarde de sa compétitivité qui n'a cependant jamais été alléguée ', et que la société DAY BY DAY n'a effectué aucune recherche de reclassement. Il souligne que la lettre de licenciement ne contient aucune donnée chiffrée explicitant le motif économique allégué, alors pourtant que son activité réside dans les analyses destinées aux professionnels de la finance.

Monsieur [K] fait valoir que son licenciement est intervenu alors qu'il avait refusé, le 4 novembre 2008, la proposition qui lui avait été faite par lettre du 2 octobre 2008 de modifier sa rémunération, la société DAY BY DAY envisageant de supprimer purement et simplement la partie variable de son salaire, qui représentait pourtant quasiment la moitié de sa rémunération, dès lors que la partie fixe de son salaire était d'un montant brut forfaitaire de 4 200 €, la partie variable ' calculée « à partir des nouveaux contrats obtenus» - n'ayant cessé d'augmenter, la moyenne de ses trois derniers mois de travail représentant une somme de 8 097,06 €.

Monsieur [K] estime que son licenciement est intervenu à raison même de ses performances qui généraient une rémunération variable trop importante aux yeux de l'employeur.

La société DAY BY DAY considère que la lettre de licenciement répond aux exigences légales de motivation, qui doit expliquer les difficultés économiques et les conséquences sur le poste du salarié en précisant que son résultat d'exploitation reste négatif malgré des efforts de restructuration, que sa trésorerie est inexistante et que de nombreux clients ont résilié leur contrat, ces événements la contraignant à supprimer le poste de Monsieur [K].

L'employeur soutient qu'il a tenté d'éviter le licenciement de Monsieur [K] en lui proposant de revoir le montant et les modalités de versement de son salaire variable, mais que son refus, compte tenu de la taille de l'entreprise, ne lui permettait pas de le conserver à son service à raison de sa situation économique et financière délicate.

Considérant que, pour avoir une cause économique, le licenciement doit, ainsi que le dispose l'article L 1233-3 du code du travail, être prononcé pour un motif non inhérent à la personne du salarié et être consécutif soit à des difficultés économiques, soit à des mutations technologiques, soit à une réorganisation de l'entreprise, soit à une cessation d'activités ; que la réorganisation, si elle n'est pas justifiée par des difficultés économiques ou par des mutations technologiques, doit être indispensable à la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise ou du secteur d'activité du groupe auquel elle appartient ;

Considérant que les difficultés économiques invoquées par l'employeur doivent être réelles et constituer le motif véritable du licenciement ; que leur appréciation prend en compte les difficultés commerciales, financières et les résultats comptables au vu des pièces produites, qui doivent être complètes afin de permettre un examen exhaustif de la situation et afin de vérifier si les difficultés rencontrées sont suffisamment importantes et durables pour justifier la suppression du contrat de travail ;

Considérant que le salarié est mal fondé à soutenir que la société DAY BY DAY n'a pas respecté les dispositions de l'article R. 1456-1 du du travail aux termes desquelles : « En cas de recours portant sur un licenciement pour motif économique, l'employeur dépose ou adresse par lettre au greffe du conseil les éléments mentionnés à l'article L 1235-9 » ; qu'en effet, ce texte imposant le dépôt au greffe du conseil de prud'hommes des éléments dont la communication incombe à l'employeur ne sont pas applicables en cas de recours du salarié portant sur un licenciement individuel pour motif économique ;

Considérant que la lettre de licenciement ' qui fixe les limites du litige ' fait état « d'une situation économique qui ne parvient pas à se redresser depuis ces quatre dernières années, ce qui se traduit par un résultat d'exploitation négatif et une trésorerie inexistante, les banques refusant toute forme de crédit » et du fait que « les perspectives de ventes pour l'année 2009 sont réduites à néant par la crise qui secoue les marchés financiers depuis un an » ; que cette situation aurait justifié aux yeux de l'employeur la suppression du poste de Monsieur [K] ; que la lettre de licenciement qui énonce la cause économique du licenciement et le devenir de l'emploi répond aux exigences légales de motivation ;

Considérant qu'il est établi que le chiffre d'affaires de la société DAY BY DAY a été en constante augmentation entre 2004 et 2008, passant de 795 190 € à 1 307 373 € ; que l'exercice 2008 a cependant engendré une perte de 18 477 € et un résultat d'exploitation négatif de 54 060 € ;

Considérant que, si l'existence d'un déficit n'a pu être précisément chiffrée que le 31 décembre 2008, soit près de deux mois après la convocation de Monsieur [K] à un entretien préalable au licenciement, elle avait pu être appréhendée par l'employeur avant qu'il n'initie la procédure de licenciement, l'importance des charges entraînant le déficit constituant une donnée vérifiable avant l'établissement des comptes ;

Considérant que, si le motif économique doit s'apprécier à la date du licenciement, il n'est pas sans intérêt de remarquer que la situation s'est encore aggravée l'année suivante puisque, malgré une réduction globale des coûts, la perte d'exploitation 2009 s'est aggravée de 48% pour atteindre ' 80 395 € ; que deux procédures d'alerte ont d'ailleurs été déclenchées par le commissaire aux comptes de la société DAY BY DAY en juillet 2009 et en mars 2010 ;

Considérant que, pour justifier le motif du licenciement, la société DAY BY DAY verse aux débats des lettres et messages électroniques de clients résiliant le contrat les liant à la société réalisant à leur profit des analyses sur l'évolution des marchés et les conseillant dans le cadre d'achats ou de revente de titres ; que si ces résiliations sont formellement intervenues postérieurement au licenciement de Monsieur [K], l'ampleur des résiliations intervenues en un contexte économique difficile ne pouvait qu'être anticipé par la société DAY BY DAY SAS qui, par les contacts qu'elle entretenait très régulièrement avec ses clients institutionnels, avait été prévenue des résiliations qui allaient être formulées aux dates anniversaires des contrats et générer un manque à gagner de 164 000 € ;

Considérant qu'il résulte des débats et des pièces du dossier que les difficultés économiques invoquées par la société DAY BY DAY sont réelles et suffisaient à justifier la suppression du poste de Monsieur [K] qui avait refusé la modification de sa rémunération consistant en la suppression de la partie variable de celle-ci ;

Sur l'obligation de reclassement de l'employeur

Monsieur [K] soutient que la société DAY BY DAY SAS ne justifie pas s'être acquittée de son obligation de reclassement, cette obligation fût-elle seulement de moyen. Il estime que la lettre de licenciement ne fait état d'aucune recherche au sein de l'une de ses filiales, à savoir la société MARKET DYNAMICS dont le siège est à Londres et qui se trouve dûment enregistrée auprès des autorités des marchés financiers anglais en particulier la Securities and Financial Autority (SFA).

La société DAY BY DAY fait valoir qu'aucun autre poste que celui qu'il occupait ne pouvait lui être proposé, ni au sein de la société, ni au niveau du groupe. Elle précise qu'elle n'a embauché aucun commercial postérieurement au licenciement de Monsieur [K] mais qu'au contraire, elle a dû prononcer deux autres licenciements économiques en novembre 2008 et un troisième en mars 2009.

Considérant qu'en application de l'article L. 1233-4 du du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés, et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise ou, le cas échéant, dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient et dont l'activité permet la permutabilité du personnel ; que les offres de reclassement proposées au salarié doivent être personnelles, écrites et précises ;

Considérant que les possibilités de reclassement doivent être recherchées au sein de l'entreprise et, le cas échéant, du groupe auquel elle appartient, parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel ; que c'est à l'employeur de démontrer qu'il s'est acquitté de son obligation de reclassement, laquelle est de moyens ;

Considérant qu'il résulte des éléments du dossier que la société DAY BY DAY SAS a tenté de conserver Monsieur [K] à son service en envisageant d'adapter sa rémunération aux capacités de l'entreprise, étant observé que sa trésorerie ' dont l'expert-comptable atteste qu'elle n'était que de 1 937 € au 31 décembre 2008 ' ne lui permettait pas de maintenir le niveau de salaire de Monsieur [K] ; qu'il est constant que l'intéressé a refusé la modification de son contrat de travail qui lui aurait permis de conserver un emploi au sein de la société même ;

Considérant que la société DAY BY DAY SAS justifie par ailleurs que la société VALQUANT, sa filiale, n'a plus de salariés, ayant dû procéder elle-même à deux licenciements économiques et n'ayant continué à fonctionner que par son seul président qui a clairement indiqué, dans sa réponse du 3 novembre 2008 à la sollicitation de la société DAY BY DAY SAS, qu'en raison de la forte contraction de chiffre d'affaires de l'année, VALQUANT n'avait pas les moyens financiers d'une telle embauche, qui de toutes manières ne correspondait pas à sa stratégie, ajoutant : « les conditions d'exercice de notre activité sont très difficiles et devraient le rester dans les prochaines années » ;

Considérant que la société DAY BY DAY apporte également la preuve que la société Market Dynamic UK Limited domiciliée à Londres n'emploie qu'un unique salarié rémunéré 10 000 livres sterling par an ; qu'il s'agit en effet d'une « coquille vide » qui fonctionne avec deux contrats et réalise un chiffre d'affaires annuel de 18 000 livres ; que son reclassement au sein de cette société ne pouvait dès lors pas davantage être envisagé;

Considérant que le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a retenu l'existence d'une réelle et sérieuse au licenciement de Monsieur [K], la société DAY BY DAY SAS ayant démontré que le reclassement de l'intéressé dans l'entreprise ou dans le groupe dont elle relève était impossible, l'employeur justifiant qu'il avait recherché toutes les possibilités de reclassement existantes ;

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions :

DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [K] aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 10/11120
Date de la décision : 23/10/2012

Références :

Cour d'appel de Paris L1, arrêt n°10/11120 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-23;10.11120 ?
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