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18/10/2012 | FRANCE | N°11/13069

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 2, 18 octobre 2012, 11/13069


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 18 OCTOBRE 2012



(n° 461, 10 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/13069



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 Juillet 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/14685





APPELANT



[9]

[Adresse 3]

[Adresse 3]



Représenté par la SCP DUBOSCQ-PEL

LERIN (Me Jacques PELLERIN avocat au barreau de PARIS, toque : L0018)

Assisté de Me Bernard GRELON (avocat au barreau de Paris, toque : P261)





DÉFENDEUR



Monsieur [Z] [G]

pris tant à titre personnel...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2

ARRET DU 18 OCTOBRE 2012

(n° 461, 10 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/13069

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 01 Juillet 2011 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 10/14685

APPELANT

[9]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représenté par la SCP DUBOSCQ-PELLERIN (Me Jacques PELLERIN avocat au barreau de PARIS, toque : L0018)

Assisté de Me Bernard GRELON (avocat au barreau de Paris, toque : P261)

DÉFENDEUR

Monsieur [Z] [G]

pris tant à titre personnel qu'au titre de dirigeant de l'entreprise individuelle [G].

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2] (U.S.A.)

SARL GALERIE [G]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentés par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (Me Alain FISSELIER avocat au barreau de PARIS, toque : L0044)

Assistés de Me Mario GARIBALDI et Me Olivier GRIMALDI (avocat au barreau de Marseille)

[7]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Frédéric BURET (avocat au barreau de PARIS, toque : D1998)

Assisté de Me NORMAND-BODARD (avocat au barreau de Paris, toque : P141)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Juin 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, Conseillère faisant fonction de président

Madame Maryse LESAULT, Conseillère

Monsieur Laurent DUVAL, Vice Président placé, délégué par ordonnance du 20 mars 2012

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Michèle GRAFF-DAUDRET, conseiller faisant fonction de président et par Mme Sonia DAIRAIN, greffier.

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE :

Le présent litige concerne le préjudice dont la galerie américaine, [G] et son représentant M.[Z] [G], s'estiment victimes en raison d'actes de concurrence déloyale commis selon eux par le Musée [9] et la [7], en ce que ces derniers, ont réalisé avec la galerie américaine concurrente MALBOROUGH GALLERY, et avec l'artiste de renommée internationale [U], une opération de création de 56 vases fabriqués par la [7] et décorés de l'artiste, et ont apporté un avantage exceptionnel à cette galerie, en ayant mis à la disposition':

-de la MALBOROUGH GALLERY, le directeur du Musée [9] pendant plusieurs mois,

-de cette galerie et de l'artiste':

.le savoir faire de la [7] pendant deux années à hauteur d'environ 15% de sa capacité de production,

.la publicité exceptionnelle apportée à l''uvre par l'exposition de 40 de ces vases (sur les 56 vases créés) au Musée [9] du 10 juin au 7 septembre 2009,

alors qu'il s'agissait d'une 'uvre dont l'essentiel (40 vases revenant à la MALBOROUGH GALLERY) était destinée à la vente sur le marché international de l'art.

Estimant être l'objet d'une campagne de dénigrement s'inscrivant dans ce litige, et à l'origine duquel se trouveraient tant le [9] (Musée [9]),que l'établissement public [7] ([7]), lesquels ont tous deux participé à l'organisation d'une exposition concurrente, la Galerie [G] et M.[Z] [G] (ci-après [G]), celui-ci tant à titre personnel qu'en qualité de dirigeant d'une entreprise individuelle, sis à [Localité 12] [G], ont, par actes du 1er octobre 2010 fait assigner les établissements publics du Musée [9] et du Musée de [7] aux fins d'obtenir réparation du préjudice allégué'.

Par ailleurs, par jugement du 30 mars 2012, frappé d'appel, le tribunal de grande instance de Paris a débouté la GALERIE [G] et M.[Z] [G] de leurs prétentions à l'encontre de M.[U] et débouté celui-ci des siennes.

Par ordonnance entreprise, rendue contradictoirement le 1er juillet 2011, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Paris (chambre 3 section 2), statuant sur incident a':

-rejeté les exceptions d'incompétence soulevées par la [7] et le Musée [9]

-dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile

-renvoyé les parties à la mise en état du 3 novembre 2011,

La [7] a relevé appel de cette ordonnance le 11 juillet 2011.

La clôture a été prononcée le 20 juin 2012.

MOYENS ET DEMANDES de la [7] :

Par dernières conclusions récapitulatives du 19 juin 2012 , auxquelles il convient de se reporter, la [7] fait valoir':

-que créée en 1756, née de la manufacture de [Localité 15], elle a, tout au long de son histoire, mis à la disposition des artistes son savoir faire exceptionnel, marqué notamment par l'utilisation de matières premières d'une qualité inégalée'; pâtes de porcelaine, émaux, travail de l'or pur,

-qu'elle a toujours travaillé avec des artistes contemporains le premier d'entre eux ayant été [C] [R] peintre de Louis XV,

-que ses productions sont uniques',

-que le décret N° 81-413 du 27 avril 1981 la régissant, en ce qu'elle est rattachée au Ministre de la Culture, précise qu'elle assure la vente de ses produits en France et à l'étranger,

-qu'elle a été érigée en service administratif à compétence nationale à compter du 1er janvier 2003 par arrêté interministériel du 23 décembre 2022,

-que par décret 2009-1643 du 24 décembre 2009 a été créé un établissement public national à caractère administratif, placé sous la tutelle du Ministre chargé de la Culture, regroupant la [7] et le Musée [7] dénommé «'EP [7]'»

-que l'article 4 du décret dispose que pour l'accomplissement de ses missions, il peut':

's'associer avec des organismes qui contribuent à la réalisation de ses missions et au développement de ses ressources et de ses activités, en concluant toute convention afin, notamment, de fixer les modalités dans lesquelles les activités de ces divers organismes sont coordonnées,

.réaliser des opérations commerciales et assurer des prestations à titre onéreux,

.organiser des manifestations culturelles ou concourir à leur organisation, en exploiter les droits directs et dérivés y afférents,

.de façon générale accomplir tous actes juridiques utiles à l'exécution de ses missions',

-que courant 2007 elle a mis en place un projet de collaboration avec l'article [U] et la MALBOROUGH GALLERY INC ayant abouti à la réalisation d'un ensemble exceptionnel de 57 vases de forme SR22, chacun décoré de façon unique par l'artiste,

-que cette production a été exposée au Musée [9] du 10 juin au 7 septembre 2009 sous le titre «'De neige d'or et d'azur, [U] et la [7]'», cela sous l'égide de M.[P] [J] Conservateur général du Patrimoine et responsable du département de la Chine au Musée [9],

-qu'elle a répondu le 24 février 2011 à une sommation de communiquer des pièces signifiée le 9 février 2011 par la Galerie [G] et [Z] [G] , rappelant que la communication des documents était régie par un arrêté du 13 novembre 1980 en application de la loi du 17 juillet 1978,

-que, sur les principes de compétence applicables,

.il est de principe établi que les juridictions administratives sont compétentes pour connaître des litiges concernant les actes ou opérations accomplis par une personne publique dans le cadre de sa mission de service public et qui relèvent de la mise en 'uvre de prérogatives de puissance publique (arrêt [B]),

.il s'applique notamment lorsque la responsabilité de la personne publique est recherchée pour un prétendu non respect des règles de la concurrence, à l'occasion d'actes de production, de distribution ou de services, à caractère économique,

-que ces règles ne sont nullement obsolètes comme le prétendent la Galerie [G] et M.[Z] [G] qui, après avoir initialement invoqué une faute détachable du service public, ont soutenu la compétence judiciaire au visa de la jurisprudence du tribunal des conflits, thèse retenue par l'ordonnance entreprise, alors que ce n'est pas le sens de cet arrêt,

-qu'en l'espèce les modalités dans lesquelles a été créée la série de vases en céramique entre bien directement dans l'organisation même du coeur de la mission de service public de la [7],

-que c'est d'ailleurs en ce sens que le tribunal des Conflits a très récemment statué en tenant compte du critère de participation à l'exécution du service public dans son arrêt «'Centre hospitalier Intercommunal du [Localité 10]» du 21 juin 2010 , qu'il a considéré qu'un acte contractuel relève de la compétence de la juridiction administrative quand il rentre dans l'une des 3 hypothèses suivantes': porter sur l'organisation du service public, avoir pour objet de faire participer le cocontractant à l'exécution du service public, comporter une ou plusieurs clauses exhorbitantes du droit commun,

-qu'en l'espèce, la collaboration mise en 'uvre avec l'artiste [U] et la Galerie MALBOROUGH s'est située en plein c'ur des missions de service public confiées à la Manufacture, lesquelles sont de «'produire, selon des techniques artisanales, pour les besoins de l'Etat et pour la vente au public, des objets de céramiques d'art'» y compris sous forme de créations contemporaines, ainsi que celle d'assurer la vente et la diffusion de ses produits en France et l'étranger'» et elle a eu pour objet de les faire participer à l'exécution de ce service public, ce qui peut parfaitement résulter d'actes contractuels,

-que l'argument selon lequel la compétence judiciaire résulterait de ce que l'une des parties avec lesquelles ont été passées des conventions est de nationalité étrangère, de sorte que serait en jeu des règles du commerce international, n'est pas fondée et relève d'une interprétation erronée de l'arrêt INSERM (TRib conflits 17 mai 2010) qui est fondé avant tout sur l'article 1505 du code de procédure civile prévoyant la compétence du juge d'appel judiciaire en matière d'arbitrage international, qui concerne la compétence régissant les litiges entre les parties au contrat, et non comme en l'espèce un éventuel contentieux avec un tiers à ce contrat,

-que subsidiairement, sur l'application des critères de compétence administrative résultant de l'arrêt [M],

.s'agissant d'actes portant sur l'organisation du service public, la notion d'organisation du service public ne se résume pas à des mesures réglementaires mettant en oeuvre un pouvoir hiérarchique,

.s'agissant de l'existence de prérogatives de puissance publique la Galerie [G] et M.[G], reconnaissent l'utilisation et la mise à disposition de telles prérogatives (Nota monopolisation pendant 2 ans de 10 à 15% des capacités de production de la [7]) avec appel aux deniers publics et à la collaboration d'agents publics qu'elle emploie.

Elle demande à la Cour, au visa des articles 771 et 75 du code de procédure civile, 13 de la loi des 16-24 août 1790, du décret loi du 16 Fructidor An III et de la jurisprudence :

-d'infirmer l'ordonnance entreprise

-Statuant à nouveau, de dire que les juridictions judiciaires ne sont pas compétentes pour connaître du présent litige,

-en conséquence,

.se déclarer incompétent et renvoyer les intimés à se pourvoir devant les juridictions administratives

.de débouter la Galerie [G] et M.[Z] [G] de toutes leurs demandes

.de les condamner à lui payer la somme de 10000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOYENS ET DEMANDES DU MUSEE [9]

Par dernières conclusions récapitulatives du 19 juin 2012, auxquelles il convient de se reporter, le MUSEE [9] fait valoir en substance':

-qu'il n'existe pas de bloc de compétence réservé au juge judiciaire pour connaître des atteintes à une libre et saine concurrence, que':

.la jurisprudence du tribunal des conflits n'est pas applicable aux pratiques anticoncurrentielles soumises à l'autorité de la concurrence, alors que celle citée ne concerne que les pratiques anticoncurrentielles définies par l'article L462-5 du code commerce,

.cette jurisprudence a pour objet d'interdire à l'Autorité de Concurrence de reconnaître la légalité des actes entrant dans le champ des compétences constitutionnellement réservées au juge administratif,

-que le juge administratif est compétent pour connaître d'une action en responsabilité délictuelle résultant d'un acte de concurrence déloyale accompli dans le cadre d'une mission de service public administratif, tant au regard des principes de répartition, qu'en l'absence de tout texte dérogeant à ces principes,

-qu'en l'espèce (pages 26-30 des conclusions) le Musée [9] exerce une mission de service public,

-que les reproches à son encontre résultent d'actes portant sur l'organisation du service public et la mise en 'uvre de prérogatives de puissance publique,

Il demande la cour, au visa de l'article 1382 du code civil, vu le principe de séparation des pouvoirs, la loi 83-634 du 13 juillet 1983 modifiée portant droits et obligations des fonctionnaires, ensemble loi 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions relatives à la Fonction publique de l'Etat, et de l'article 771 du code de procédure civile de':

-infirmer l'ordonnance entreprise,

-statuant à nouveau,

.dire que les tribunaux judiciaires ne sont pas compétents pour connaître du présent litige,

-en conséquence,

.se déclarer incompétent et renvoyer les intimés à se pourvoir devant les juridictions administratives

.débouter la GALERIE et M.[Z] [G] de toutes leurs demandes,

-condamner la GALERIE et M.[Z] [G] à lui payer 10000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

MOYENS ET DEMANDES DE la SARL GALERIE [G] et de M.[Z] [G] :

Par dernières conclusions récapitulatives du 11 juin 2012, auxquelles il convient de se reporter, les concluants font valoir':

-que la motivation de l'ordonnance entreprise est parfaitement exempte de toute dénaturation et de toute erreur de droit,

-que les règles de la concurrence sont bien applicables tant à la Manufacture qu'au Musée [9] , l'opposabilité des règles de concurrence aux personnes publiques résultant de la lettre même de l'article L410-1 du code du commerce, selon lequel':

«'les règles définies au présent livre s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public'»

-que la seule condition pour la mise en 'uvre de cette règle est de mettre en évidence une activité de production, de distribution ou de service,

-qu'au sens du droit communautaire, constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné,

-qu'une telle activité est donc caractérisée en ce qui concerne la [7] et le Musée [9] dès lors que les agissements reprochés ont eu lieu sur un marché sur lequel pourraient tout aussi bien agir des personnes privées spécialisées en la matière, et le fait qu'un opérateur puisse exercer certaines activités placées hors de ce champ économique ne saurait faire considérer que l'ensemble de ses activités ne sont pas économiques,

-que les agissements reprochés sont':

.ceux anticoncurrentiels reprochés la Manufacture par la passation du contrat de réalisation de 57 vases dont 48 attribués à des personnes privées (40 à une Galerie et 8 à l'artiste),

. pour le Musée [9]ceux relatifs aux interventions de M.[J] ( qui a notamment été mis à la disposition de la GALLERY MALBOROUGH par le Musée [9]) et la présentation par le Musée [9] du 10 juin au 7 septembre 2009 de 56 de ces 'uvres lors d'une exposition accompagnée d'une campagne de communication intensive,

. le tout ayant contribué à apporter une valorisation hors norme (chaque pièce valant 280.000 USD soit 200.000 €) et un prestige exceptionnel aux 'uvres créées,

-que l'argumentation du Musée [9] ne saurait prospérer en ce qu'elle mêle des considérations relatives à la compétence juridictionnelle, basée sur des critères transversaux, et les règles relatives à l'office du juge qui, elle seules, varient selon le but poursuivi, qu'il n'existe pas un seul mais plusieurs contentieux de pratiques anticoncurrentielles des personnes publiques,

-que le juge judiciaire est compétent sauf dans le cas où les pratiques anti concurrentielles se rattachent à l'organisation du service public et/ou l'exercice de prérogatives de puissance publique ,

-que les pratiques anticoncurrentielles reprochées au Musée [9] ne sont pas celles dont le juge administratif est susceptible d'avoir à connaître, que l'argumentation de la Manufacture ne saurait davantage prospérer, alors qu'elle a refusé de produire les éléments réclamés par sommation,

-que l'exercice de missions de service public ne peut suffire à fonder la compétence du juge judiciaire.

Ils demandent à la cour au visa des lois des 16-24 août 1790, du décret du 27 avril 1981 et de l'arrêté ministériel du 23 décembre 2002 complétés par le décret n°2009-1643 du 24 décembre 2009, du décret du 26 décembre 2003 et des articles 9 et 132 du code de procédure civile, et vu l'assignation qu'ils ont délivrée à l'Etablissement Public [7] venant aux droits de la [7], et au Musée [9], (RG n°10-1485), de':

-constater que cette procédure vise à obtenir, sur le fondement de l'article 1382 du code civil la condamnation de l'établissement public [7] et du Musée [9], solidairement avec M. [U], à les indemniser des préjudices qui leur ont été causés par les agissements anti-concurrentiels respectifs qui ont été commis par la [7] et ledit Musée,

-constater que l'action engagée à l'encontre de M. [U] dans le cadre d'une campagne de dénigrement a été évoquée par la chambre 3, 2ème section du tribunal de grande instance de Paris, avant leur action spécifique à l'encontre de l'établissement public de [7] et du Musée [9] pour des agissements de concurrence déloyale,

-constater qu'a été rendue dans cette instance le 30 mars 2012 une décision ne donnant pas satisfaction aux intimés qui en ont interjeté appel,

-donner acte aux intimés qu'ils se réservent le droit d'adapter aux circonstances procédurales leurs demandes intermédiaires à l'encontre de l'E P de [7] et du Musée [9] qu'ils persistent à considérer comme responsables des préjudices dont ils ont été victimes du fait de leurs agissements anticoncurrentiels respectifs,

En ce qui concerne l'Etablissement public [7]':

-constater que cet EP ne communique aucune pièce au soutien de l'incompétence alléguée,

-constater qu'ils reprochent à la [7]':

.d'avoir conclu et exécuté, un soit-disant contrat de co-production avec la

MARLBOROUGH GALLERY Nyc relatif à la réalisation par elle de vases en céramique décorés par [U], édition qui a été baptisée «'De neige d'or et d'azur, [U] à la [7]'», dont 48 exemplaires sur 51 ont été attribués à ceux-ci à raison de 40 pour la MARLBOROUGH GALLERY et 8 pour l'artiste, et étaient destinés à être vendus,

-d'avoir accordé des avantages considérables à la MARLBOROUGH GALLERY non assortis des contreparties financières que la mise à disposition de son appareil de production impliquait, ce qui a eu pour effet de favoriser cette entreprise privée en faussant le jeu normal de la concurrence,

-d'avoir signé et exécuté avec le Musée [9] et [U] un contrat relatif à l'exposition desdits vases avec une présentation fallacieuse destinée à masquer l'avantage exceptionnel accordé à la MARLBOROUGH GALLERY, présentée comme «'le galeriste chez lequel les 'uvres sont en dépôt'», alors que ses 40 vases étaient destinés à être vendus,

-d'avoir ainsi commis de graves atteintes au jeu normal de la concurrence,

En ce qui concerne le Musée [9] de constater ':

-qu'il ne communique aucune pièce permettant de soutenir l'incompétence alléguée

-qu'il lui est reproché par les intimés':

.d'avoir toléré que le projet céramique de l'entreprise privée étrangère MARLBOROUGH GALLERY avec l'artiste [U] ait été engagé à la [7] grâce à l'intervention de M.[J] lequel a accompagné, assisté et participé pendant plus de deux années à sa réalisation, puis à sa promotion, toutes ces diligences étant intervenues avec la présentation récurrente de sa qualité de Conservateur en Chef au Musée [9],

.d'avoir anormalement fait bénéficier la MARLBOROUGH GALLERY propriétaire de 40 vases sur les 56 d'avantages exceptionnels en organisant de juin à septembre 2009 une exposition prestigieuse de toute la série, et contribuant ainsi à lui conférer une valorisation hors norme,

.d'avoir signé à l'occasion de cette exposition un contrat qui ne fait pas apparaître le nom de MARLBOROUGH GALLERY au titre de co-contractant, mais mentionne seulement que les 'uvres sont entreposées chez un galeriste qu'il ne nomme pas, cette présentation fallacieuse étant destinée à masquer l'avantage exceptionnel accordé à ladite galerie par le fait d'exposer ses 40 vases dans le cadre prestigieux dudit musée, ce qui est venu encore accroître les atteintes au jeu normal de la concurrence,

-que les agissements reprochés au Musée [9] par les intimés visent des actes de nature à avoir faussé le jeu normal de la concurrence,

-que ceux reprochés tant à la [7] qu'au musée [9] ont trait à des activités économiques et ne constituent en aucun cas des mesures relatives à l'organisation du service public,

-que, également, l'E P [7] et le Musée [9] n'apportent aucune preuve tangible que les agissements poursuivis pourraient être considérés comme ayant mis en 'uvre des prérogatives de puissance publique puisqu'il n'est pas possible d'y trouver une manifestation «'du pouvoir de contrainte que détient l'administration en vue de la satisfaction de l'intérêt général'» ainsi que l'a rappelé le juge de la mise en état,

-déclarer que c'est donc à juste titre que l'ordonnance du 1er juillet 2011 a considéré qu'il apparaît que tant la [7] que l'E P à caractère national qu'est le Musée [9] se sont comportés comme des opérateurs économiques pour procéder à des actes n'ayant aucun rapport, ni avec l'organisation du service public, ni avec la mise en 'uvre des prérogatives de puissance publique,

En conséquence':

-confirmer l'ordonnance entreprise et dire que les juridictions judiciaires sont compétentes pour juger de leurs demandes,

-rejeter les exceptions d'incompétence soulevées par l'E P [7] et Musée [9],

-condamner l'EP [7] et le Musée [9] à leur payer à chacun 10000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

SUR QUOI LA COUR,

Considérant que les juridictions administratives sont compétentes pour connaître des litiges concernant les actes ou opérations accomplis par une personne publique dans le cadre de sa mission de service public et qui relèvent de la mise en 'uvre de prérogatives de puissance publique';

Considérant par ailleurs que selon l'article L410-1 du code de commerce «'les règles définies au présent livre s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de conventions de délégation de service public'» et qu' au sens du droit communautaire, constitue une activité économique toute activité consistant à offrir des biens ou des services sur un marché donné';

Considérant que les dispositions relatives à la liberté des prix et de la concurrence, s'appliquent à toutes les activités de production, de distribution et de services, y compris celles qui sont le fait de personnes publiques, notamment dans le cadre de délégations de service public';

Que dans la mesure où elles exercent de telles activités et sauf en ce qui concerne les décisions ou actes portant sur l'organisation du service public ou mettant en cause des prérogatives de puissance publiques, les personnes publiques peuvent être sanctionnées par l'Autorité de la Concurrence agissant sous le contrôle de l'autorité judiciaire';

Considérant que ne sont pas contestées, en l'espèce, les conditions de réalisation des 'uvres en cause, en partenariat avec la MALBOROUGH GALLERY, l'artiste [U], le Musée [9] et la Manufacture du Musée de [7], ci-dessus rappelées, ni le fait qu'au terme du partenariat mis en place, la plupart des vases sont devenus propriété de la galerie américaine privée MALBOROUGH GALLERY et se retrouvent ainsi sur le marché de l'art';

Considérant que les intimés font valoir que les actes en cause relèvent bien de la compétence du juge judiciaire et que la commission de tout acte anticoncurrentiel fonde la compétence de principe du juge judiciaire, sans qu'il soit besoin de distinguer les activités de service public administratif et de service industriel et commercial, et que si la juridiction administrative est compétente pour connaître des seuls actes anticoncurrentiels se rattachant à l'exercice de prérogatives de puissance publique ou ayant pour but l'organisation du service public, tel n'est pas le cas en l'espèce';

Considérant que pour soutenir la compétence des juridictions de l'ordre administratif, le Musée [9] invoque pour sa part sa mission de service public, définie à l'article 2 du décret du 26 décembre 2003 qui a créé son établissement public, selon lequel «'dans le cadre de son projet scientifique et culturel l'établissement des arts asiatiques [9] a pour missions':

1-de présenter au public, en les situant dans leur perspective historique, les 'uvres représentatives des arts de l'Asie (')

3-de contribuer à l'enrichissement des collections nationales par l'acquisition de biens culturels pour le compte de l'Etat, à titre onéreux ou gratuit,

4-d'assurer dans les musées qu'il regroupe, et par tout moyen approprié, l'accueil le plus large, d'en développer la fréquentation, de favoriser la connaissance de leurs collections, de concevoir et mettre en 'uvre les actions d'éducation et de diffusion visant à assurer l'égal accès de tous à la culture (')

6-de concourir à l'éducation, la formation et la recherche dans le domaine de l'archéologie, de l'histoire de l'art et de la muséographie (')

8-[qu']il peut apporter son concours scientifique et technique à des musées, à des institutions culturelles, à des collectivités territoriales et à des établissements publics'» ;

Considérant qu'il convient en l'espèce de rechercher si les actes présentés comme ayant porté atteinte à une saine et libre concurrence ont pu concerner l'organisation du service public ou la mise en 'uvre de prérogatives de puissance publique';

Considérant qu'à cet égard, par motifs pertinents qu'il convient d'adopter, le premier juge a retenu que' si les faits reprochés, à savoir pour le Musée [9] la présentation d''uvres d'art destinées à être vendues, et pour la [7], la passation et l'exécution d'un contrat relatif à la réalisation, entrent effectivement dans les missions de ces deux personnes de droit public, et ont trait à des activités au moins en partie économiques, elles ne constituent en revanche en aucun cas des mesures relatives à l'organisation du service public';

Qu'il a pu relever à bon droit, d'une part que l'organisation d'une exposition et l'offre à la vente de céramiques ne traduisent pas, à l'évidence, la mise en 'uvre d'un pouvoir hiérarchique, et n'ont aucune portée réglementaire, critères caractérisant une telle organisation, d'autre part que ces actions ne peuvent davantage être considérées comme mettant en 'uvre les prérogatives de puissance publique, lesquelles se rapportent selon une définition communément admise à un pouvoir de contrainte détenu par l'administration en vue de la satisfaction de l'intérêt général, et qui ne renvoie nullement au cas d'espèce';

Considérant en effet que, nonobstant l'intérêt artistique certain de faire connaître au grand public un artiste de renommée internationale, le contenu de cette manifestation a consisté à produire des 'uvres artistiques de grande valeur dont la plus grande partie était destinée au marché privé de l'art, puisqu'attribuée en pleine propriété à la galerie partenaire de l'opération, 'uvres ayant été réalisées par un établissement public, la [7]';

Que cette opération est en tout état de cause intervenue en 2007 et jusqu'au 7 septembre 2009 (date de la fin de l'exposition) soit avant le décret 2009-1643 du 24 décembre 2009 ayant créé l'EP regroupant la [7] et le [7], qui a notamment prévu au terme de son article 4 que cet établissement peut':

.s'associer avec des organismes qui contribuent à la réalisation de ses missions et au développement de ses ressources et de ses activités, en concluant toute convention afin, notamme nt, de fixer les modalités dans lesquelles les activités de ces divers organismes sont coordonnées,

.réaliser des opérations commerciales et assurer des prestations à titre onéreux,

.organiser des manifestations culturelles ou concourir à leur organisation, en exploiter les droits directs et dérivés y afférents,

.de façon générale accomplir tous actes juridiques utiles à l'exécution de ses missions ;

Considérant que sommés par les intimés de communiquer divers documents et renseignements (sommations et réponses pièces 10 et suivantes) les appelants ont':

-soit répondu que (pièce 13)les éléments dont la communication était demandée, notamment les contrats et les éléments financiers, «'n'éclairaient pas les débats au stade de l'incident de compétence'» ou encore ne «'pouvaient être communiqués au public lorsque par leur nature ou par leur objet ils entraient dans l'une des catégories fixées dans l'arrêté du ministre de la culture et de la communication publié le 13 novembre 1980 en application de la loi n°78-753 du 17 juillet 1978,

-soit répondu (le Musée [9] pièce 10) qu'il n'existait aucun contrat entre ce Musée et la Malbrough Gallery ;

Considérant que faute pour les appelants de verser aux débats le contrat de partenariat ou toute convention ayant déterminé les obligations respectives des parties, sur lequel a été construite l'économie de cette opération, au regard de l'intérêt général, force est de constater, que tant la fabrication des vases que la promotion de cette 'uvre ont été assurées par la [7] et le Musée [9] moyennant une contrepartie substantielle au bénéfice d'une galerie privée, sans qu'il ne soit justifié de l'intérêt public';

Qu'en effet 40 vases sur 57 créés soit 70% de la production réalisée et promue avec les moyens de service public, notion distincte de celle de prérogative de puissance publique (et 84% si l'on intègre les 'uvres laissées en pleine propriété à l'artiste lui-même) ont eu ainsi une destination purement commerciale au bénéfice d'intérêts privés ;

Considérant enfin que c'est également à bon droit que le premier juge a, dès lors, écarté le moyen de la [7] tiré du caractère alternatif ou cumulatif des critères de compétence du juge administratif';

Considérant que les intimés demandent qu'il leur soit donné acte de ce qu'ils se réservent le droit d'adapter aux circonstances procédurales leurs demandes intermédiaires à l'encontre de l'EP de [7] et du Musée [9] qu'ils persistent à considérer comme responsables des préjudices dont ils ont été victimes du fait de leurs agissements anticoncurrentiels respectifs';

Considérant cependant que « donner acte » d'un fait ou d'un acte à une partie (ou le refus de donner acte) ne peut consacrer la reconnaissance d'un droit mais constitue une simple mesure d'administration judiciaire laissant intacts les droits de la partie qui l'a réclamé ; qu'il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande dont l'utilité n'apparaît pas avec l'évidence suffisante';

Considérant qu'il serait contraire à l'équité de laisser à la charge de la SARL Galerie [G] et M.[Z] [G] les frais irrépétibles ; qu'il leur sera alloué la somme visée au dispositif ;

Considérant que les dépens seront supportés in solidum par l'établissement public administratif [7] et l'établissement public[9], avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile';

PAR CES MOTIFS

CONFIRME l'ordonnance entreprise,

Y ajoutant,

DIT n'y avoir lieu à donner acte,

CONDAMNE IN SOLIDUM l'établissement public administratif [7] et l'établissement public [9] à payer à la SARL Galerie [G] et à M.[Z] [G] la somme de 1500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE IN SOLIDUM l'établissement public administratif [7] et l'établissement public [9] aux dépens et en autorise le recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LE CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 2
Numéro d'arrêt : 11/13069
Date de la décision : 18/10/2012

Références :

Cour d'appel de Paris A2, arrêt n°11/13069 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-18;11.13069 ?
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