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11/10/2012 | FRANCE | N°11/20657

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 11 octobre 2012, 11/20657


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2012



(n° , 11 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 11/20657



Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Octobre 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2010077547





APPELANTE



SARL RESPECTONS LA TERRE MARINE agissant poursuites et diligences en la personne de son Gérant domicilié en cet

te qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998



Assistée de Me Jean-François DALY, avocat ...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRÊT DU 11 OCTOBRE 2012

(n° , 11 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 11/20657

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Octobre 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2010077547

APPELANTE

SARL RESPECTONS LA TERRE MARINE agissant poursuites et diligences en la personne de son Gérant domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Frédéric BURET, avocat au barreau de PARIS, toque : D1998

Assistée de Me Jean-François DALY, avocat au barreau d'ANNECY, plaidant pour le cabinet JURISOPHIA SAVOIE, et substituant Me Anne CROSNIER-MARTEL, avocat au barreau de CHAMBÉRY

INTIMÉE

Société CLIPPER VENTURES PLC

[Adresse 1]

P0121 Royaume-Uni

Représentée par la SCP VILLENEAU ROHART SIMON ET ASSOCIES en la personne de Me Benoît PINCEMIN, avocats au barreau de PARIS, toque : P0160

Assistée de Me Bertrand COSTE, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant pour la SCP VILLENEAU ROBERT SIMON

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 juillet 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente, chargée d'instruire l'affaire et Madame Patricia POMONTI, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Patricia POMONTI, Conseillère

Madame Irène LUC, Conseillère désignée par ordonnance de Monsieur le Premier Président de la cour d'appel de Paris en vertu de l'article R 312-3 du code de l'organisation judiciaire pour compléter la chambre.

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE

La société Clipper Ventures P.L.C (société Clipper) est une société de droit anglais, qui organise tous les quatre ans une course de voilier en solitaire autour du monde « Velux 5 Ocean », au départ de [Localité 9].

Elle a signé le 11 mai 2010 un contrat de financement avec la société Respectons la Terre Marine, propriétaire d'un navire, qui devait permettre la participation de cette société à la course, en contrepartie d'un certain nombre de conditions, parmi lesquelles celle de faire concourir comme skipper [M] [P].

En vertu de cet accord, la société Clipper a avancé à la société Respectons la Terre Marine la somme de 70.000 euros, et s'est engagée à l'aider à trouver des sponsors afin de financer le reste de l'opération, dont le coût total était estimé à 170.000 euros.

La société Respectons la Terre Marine s'était quant à elle engagée à rembourser la somme en cas de non participation du skipper [M] [P] à la course.

Le navire n'a finalement pas pris le départ après que le skipper [M] [P] s'est désisté, et que les parties n'ont pu parvenir à trouver un accord sur un nouveau projet de participation.

La société Clipper a demandé à la société Respectons la Terre Marine le remboursement de la somme qu'elle lui avait avancée.

La société Respectons la Terre Marine s'y est opposée.

Le 7 octobre 2010, le Tribunal de commerce de La Rochelle a autorisé la saisie conservatoire du navire, au profit de la société Clipper, la mainlevée a ensuite été accordée contre la constitution d'une garantie bancaire.

Le 5 novembre 2010, la société Clipper Ventures a assigné la société Respectons la Terre Marine devant le Tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir le remboursement de sa créance de 70.000 euros.

Le 6 décembre 2010, la société Respectons la Terre Marine a assigné la société Clipper devant le Tribunal de commerce de La Rochelle afin qu'elle soit notamment condamnée au paiement de dommages et intérêts.

La même demande a été formulée par la société Respectons la Terre Marine dans le cadre de l'instance pendante contre elle devant le Tribunal de commerce de Paris.

Par jugement du 19 octobre 2011 le Tribunal de commerce de Paris a  :

-condamné la société Respectons la Terre Marine à rembourser à la société Clipper la somme de 70.000 euros que cette dernière lui avait avancée, assortie des intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2010 avec anatocisme, et a débouté la société Respectons la Terre Marine de l'ensemble de ses demandes,

-condamné la société Respectons la Terre Marine à payer à la société Clipper la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et l'a déboutée du surplus de sa demande.

Vu l'appel de ce jugement interjeté par la société Respectons la Terre Marine le 18 novembre 2011.

Vu les dernières conclusions de la société Respectons la Terre Marine, signifiées le 27 juin 2012, par lesquelles il est demandé à la Cour :

- de dire que la présence de Monsieur [M] [P] comme skipper du bateau l'Atlantica ne constituait pas un élément déterminant de l'accord du 11 mai 2010 ;

- en conséquence, d'infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 19 octobre 2010 ;

- de constater l'inexécution de ses obligations contractuelles par la société Clipper Ventures ;

- de dire que la société Respectons la Terre Marine n'a pas d'obligation contractuelle de restituer la somme de 70.000 euros ;

- de rejeter l'ensemble des demandes de la société Clipper Ventures ;

- de condamner la société Clipper Ventures à verser à la société Respectons la Terre Marine la somme de 70.000 euros en réparation de son préjudice d'image ;

- de condamner la société Clipper Ventures à payer à la société Respectons la Terre Marine la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Respectons la Terre Marine prétend que la présence du skipper [M] [P] n'était pas une condition essentielle de l'accord du 11 mai 2010, et que la société Clipper ayant renoncé à voir Monsieur [M] [P] se présenter, elle ne pourrait pas aujourd'hui prétendre que sa présence était une condition déterminante de l'accord, en application du principe de l'estoppel et du droit anglais auquel serait soumis le contrat.

De plus, elle fait valoir que la société Clipper aurait manqué à ses obligations contractuelles en ne l'aidant pas dans la recherche de sponsors, alors que cette aide avait été déterminante de son consentement. En droit anglais, une telle inexécution de son obligation contractuelle entraînerait la rupture du contrat et l'allocation à son profit de dommages et intérêts.

En outre, la condition tenant à la présentation du skipper sur la ligne de départ serait une condition potestative : la décision de qualification du skipper relevait du seul pouvoir discrétionnaire de la société Clipper laquelle était à la fois le cocontractant de la société Respectons la Terre Marine, et l'organisateur de la course. Or, les conditions potestatives sont nulles, tant en droit français qu'en droit anglais, de sorte que la société Respectons la Terre Marine n'aurait aucune obligation de restituer la somme de 70.000 euros.

La société Clipper ne pourrait pas quant à elle se prévaloir des règles anglaises de résolution pour inexécution car la société Respectons la Terre Marine aurait tout mis en 'uvre pour présenter un skipper.

La société Respectons la Terre Marine prétend avoir subi un préjudice d'image et fait valoir que le fait de la condamner à restituer la somme de 70.000 euros serait inéquitable et déséquilibré car cela conduirait à lui faire entièrement supporter les frais liés à l'impossibilité de concourir.

 

Vu les dernières conclusions de la société Clipper, signifiées le 04 juin 2012, par lesquelles il est demandé à la Cour :

-de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions, et en conséquence :

-de constater qu'en application du droit anglais applicable au contrat, Clipper Ventures est titulaire d'une créance de remboursement de la somme de 70.000 euros contre la société Respectons la Terre Marine, et de condamner en conséquence cette dernière au paiement de cette somme, outre les intérêts a taux légal à compter du 8 octobre 2010.

-d'ordonner, par application de l'article 1154 du code civil, la capitalisation des intérêts

-de débouter la société Respectons la Terre Marine en toutes ses demandes,

- de la condamner au paiement de la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Clipper fait valoir que la société Respectons la Terre Marine a détourné le navire « Atlantica » en organisant sa vente fictive à une société afin de soustraire son seul élément d'actif du gage de ses créanciers, et a détourné les fonds prêtés en vue de la participation à la course.

Selon l'intimée, les contestations de la société Respectons la Terre Marine seraient irrecevables au regard du droit anglais des contrats puisque la société Clipper Ventures a respecté son obligation qui n'était pas de résultat.

En revanche, la créance de remboursement de l'avance consentie par la société Clipper Ventures serait bien fondée, puisque la société Respectons la Terre Marine aurait manqué à ses obligations contractuelles à trois égards : en ne parvenant pas à conserver le skipper initial ; en ne prenant pas le départ de la course ; et en renonçant au contrat avant le départ de la course.

L'inscription de la société Respectons la Terre Marine n'aurait donc pas été annulée de façon discrétionnaire mais en raison de ces manquements et en particulier de l'inexécution du voyage qualificatif de 2500 miles nautiques. Par conséquent, le caractère potestatif de la condition, selon laquelle [M] [P] devait participer à la course, ne serait pas fondé.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur la loi applicable au litige :

Considérant que l'article 8.1 du contrat conclu par les parties le 11 mai 2010 stipule que l' «  accord est régi et sera interprété selon les lois anglaises », que par application de l'article 3.1 du règlement CE du 17 juin 2008 n°593/2008 les parties ont la liberté de choisir la loi applicable à leur convention.

Considérant qu'en l'espèce les parties ont valablement convenu de soumettre l'intégralité des dispositions du contrat, objet du litige, à la loi anglaise, qu'il conviendra d'en faire application.

Sur le cadre contractuel :

Considérant qu'il est constant que le 11 mai 2010 la société Clipper a conclu avec la société Respectons la Terre Marine un contrat en vue de favoriser la participation de cette dernière à la course « Velux 5 Ocean », dont la validité n'est pas contestée.

Considérant qu'à cette fin la société Clipper s'est engagée, aux termes de cet accord, à fournir une avance de fonds de 70.000 euros à l'association Respectons la Terre Marine (article 3.1 du contrat), à veiller à la non divulgation de cet accord (article 3.2 du contrat) et à aider dans la recherche de sponsors pour financer cette campagne (article 3.3 du contrat) afin de compléter le budget global estimé à la somme de 170.000 euros.

Considérant qu'en contrepartie la société Respectons la Terre Marine s'est obligée à engager [M] [P] comme skipper du Bateau nommé Respectons la Terre pour toute la durée de l'événement (article 4.1 du contrat) , à travailler avec Clipper à l'annonce de la participation du skipper et de ses partenaires à l'événement (article 4.2 du contrat), à mettre en 'uvre ses meilleurs moyens afin que le skipper prenne le départ de l'Evénement et finisse la course (article 4.4 du contrat), à rembourser Clipper de tous les fonds engagés en cas de non présentation du skipper sur la ligne de départ de l'événement (article 4.5 du contrat).

Qu'en outre, elle s'est engagée à rembourser la société Clipper de l'avance de 70.000 euros à hauteur de la différence entre le montant du financement obtenu de la part d'éventuels sponsors, trouvés par ses soins ou par le skipper, et le budget restant à obtenir pour la société Respectons la Terre Marine, défini à hauteur de 100 000 euros (article 4.10 du contrat) ; que l'appelante a également consenti, si un ou plusieurs sponsors étaient trouvés par la société Clipper et dans le cas où le montant du financement obtenu dépasserait le budget défini à 100 000 euros, à ce que la société Clipper conserve l'excédent en remboursement de l'avance de 70 000 euros( article 4.11 du contrat).

Considérant que la société Respectons la Terre Marine s'est également engagée à rembourser l'avance consentie par la société Clipper, sur les gains éventuels obtenus par le skipper au cours de l'événement et à hauteur de l'avance restante (article 4.12 du contrat).

Considérant que le contrat prévoit que l'obligation de remboursement cessera si tout ou partie de l'avance n'est pas remboursée au 1er juillet 2011 (article 4.13 du contrat).

Et considérant que la société Respectons la Terre Marine s'est également engagée à veiller à la non divulgation de l'accord (article 4.14 du contrat).

Considérant que la société Respectons la Terre Marine soutient que la société Clipper en acceptant qu'elle présente un autre skipper que [M] [P] a modifié le contenu du contrat, qu'en particulier elle a renoncé à l'article 4.5 du contrat selon lequel la société Respectons la Terre Marine s'oblige à rembourser l'avance de 70.000 euros en cas de non présentation du skipper [M] [P] sur la ligne de départ de la course, ceci en application du principe de l'estoppel et du droit anglais.

Mais considérant que si le droit anglais admet, tout comme le droit français, que des obligations contractuelles naissent d'un accord non écrit, qu'a fortiori il est loisible aux parties de modifier le contenu d'un contrat par un accord modificatif ultérieur ; encore faut-il que les deux parties aient réellement consenti à cette modification.

Qu'il ressort des courriels, produits aux débats, et invoqués par la société Respectons la Terre Marine que si la société Clipper a accepté de voir l'appelante présenter un autre skipper que [M] [P] sur la ligne de départ, elle n'a pas pour autant renoncé à se prévaloir de l'intégralité des dispositions du contrat, qu'en particulier dans un courriel du 11 juin 2012, adressé à la société Respectons la Terre Marine, la société Clipper, si elle dit ne pas vouloir empêcher la participation de l'appelante à la course, déclare que « les conditions de [l'] accord semblent changer », que la société Clipper précise même qu'il « va sans dire que l'ambiguïté actuelle fait que Clipper a l'option de réclamer le remboursement de l'avance et peut être que, à court terme, ce serait un geste de coopération de votre part, jusqu'à ce que les choses soient décidées et qu'un nouveau plan soit mis au point ».

Que dans un courriel du 15 juin 2010, la société Clipper précise sa position : « Cela soulève le point (la non participation de [M] [P]) que nous avons prêté de l'argent à la condition que [M] [P] soit le skipper, et si ce n'est pas le cas , et si les fonds sont sur votre compte, nous devons revoir la situation et la validité du prêt ».

Considérant qu'il ressort clairement de ces échanges que la société Clipper n'a, à aucun moment, renoncé à l'application de l'ensemble des dispositions du contrat, en particulier à l'article 4.5 de la convention du 11 mai 2010, qu'elle n'a pas varié dans sa position, que dès lors la société Respectons la Terre Marine ne saurait valablement invoquer la notion britannique, ou même française, d'estoppel, que le recours à la théorie anglaise des clauses implicites n'est pas plus fondé.

Sur le remboursement de l'avance consentie par la société Clipper :

Considérant que l'article 4.1 du contrat du 11 mai 2010 stipule que la société Respectons la Terre Marine est d'accord pour « engager [M] [P] comme skipper du bateau nommé respectons la Terre et pour toute la durée de l 'événement », que l'article 4.5 prévoit que l'appelante s'engage également à « rembourser Clipper de tous les fonds engagés en cas de non présentation du Skipper sur la ligne de départ de l'événement ».

Considérant qu'il ressort de ces stipulations que les parties avaient érigé en condition résolutoire du prêt de 70.000 euros, la participation du skipper [M] [P] à la course sous les couleurs de la société Respectons la Terre Marine.

Considérant que néanmoins la société Respectons la Terre Marine soutient que ces clauses constituent une condition potestative, la décision de qualification du skipper relevant du seul pouvoir discrétionnaire de la société Clipper, laquelle était à la fois le cocontractant de la société Respectons la Terre Marine et l'organisateur de la course, que ces clauses encourent de ce chef la nullité tant en vertu du droit anglais que du droit français; que l'appelant soutient qu'en l'espèce la décision de la société Clipper d'annuler l'inscription de l'équipe à la course, notifiée par courriel du 28 septembre 2010, relève de la mise en 'uvre d'un pouvoir discrétionnaire de l'intimée, débitrice de l'avance de 70.000 euros.

Mais considérant que si en effet, tant en droit français qu'en droit anglais, la clause qui permet à un débiteur de se dégager unilatéralement et arbitrairement de son obligation encourt la nullité, la faculté pour la société Clipper de refuser la présentation d'un skipper à la course ne relevait pas de sa seule volonté ; que cette faculté était en réalité subordonnée à la constatation de manquements objectifs du participant aux obligations de sécurité, de préparation et de formalités administratives prévues par le règlement de la course « Velux 5 Ocean », accepté par l'appelante lors de son inscription, qui renvoie en particulier aux règles de course à la voile 2009-2012 de la Fédération Française de Voile, et qui prévoit que l'autorité organisatrice peut rejeter ou annuler l'inscription d'un bateau avant le départ en précisant le motif invoqué.

Considérant qu'en l'espèce la société Clipper, organisatrice de la course, a pu valablement annuler l'inscription de l'appelante aux motifs que le skipper de cette dernière n'avait pas accompli le voyage qualificatif de 2500 miles nautiques, exigé par le règlement de la course, qu'en outre l'organisatrice a constaté que l'impétrant n'avait pas produit de justificatif de l'assurance du navire, de déclaration d'assurance responsabilité civile, de justificatif d'exécution d'une formation médicale, de justificatif d'un stage de survie et d'un certificat médical, que le manquement à ces conditions objectives d'inscription ne permet pas de regarder l'annulation d'inscription comme la mise en 'uvre d'une condition résolutoire potestative.

Qu'il n'était pas dans l'intérêt de la société Clipper, qui souhaitait accroitre le nombre de concurrents à sa course par le biais du contrat du 11 mai 2010, de refuser l'inscription de l'appelante, les conditions de participation à la course ne visaient qu'à garantir le bon déroulement de l'épreuve et non à permettre à la société organisatrice de se désengager par une décision unilatérale.

Qu'en toute hypothèse, l'annulation de la candidature de la société Respectons la Terre Marine et de son skipper d'alors Monsieur [B], notifiée par le mail du 28 septembre 2010, ne rentre pas dans le domaine d'application de la convention du 11 mai 2010, qui envisageait exclusivement le financement d'une équipe ayant comme skipper [M] [P].

Et considérant que la seule application de la clause 4.5, par laquelle la société Respectons la Terre s'est engagée à l'égard de l'intimée à la « rembourser de tous les fonds engagés en cas de non présentation du Skipper sur la ligne de départ de l'événement » fonde la créance de restitution de l'avance de 70.000 euros

Qu'il n'est pas contesté que le skipper [M] [P] n'a pas participé à la course sous les couleurs de la société Respectons la Terre, que l'équipe de cette société n'a même pas pris le départ de la course, que le non respect de cette clause suffit à fonder les prétentions de la société Clipper, sans qu'il soit nécessaire d'examiner le moyen tiré de ce que les parties contractantes ont stipulé un terme implicite de renonciation au bénéfice du contrat, par application des règles anglaises d'interprétation des conventions.

Sur les manquements contractuels de la société Clipper :

Considérant que le droit anglais des contrats permet au débiteur de faire valoir, à titre de moyen de défense, que le créancier l'a empêché de se conformer à ses obligations par une inexécution fautive entrainant la rupture du contrat et qui ouvre droit au versement de dommages et intérêts.

Considérant qu'à ce titre la société Respectons la Terre marine soutient que la société Clipper a manqué à ses obligations contractuelles, qu'en ne l'aidant pas dans la recherche de sponsors, ceci en violation de l'article 3.3 du contrat, elle l'a empêché de se conformer aux diverses obligations s'imposant à elle lui permettant d'être présente sur la ligne de départ, en particulier la participation du skipper [M] [P].

Que l'appelante fait valoir, au soutien de cette argumentation, que l'obligation de rechercher et de trouver des sponsors, pesant sur la société Clipper, était une obligation de résultat et non une obligation de moyen qu'ignore le droit anglais, qu'en outre elle avance que l'intimée ne produit aucun élément de nature à établir un commencement d'exécution de son obligation, alors que, par un courriel du 17 juillet 2010, elle lui avait rappelé ce devoir d'assistance dans la recherche de sponsors.

Considérant qu'en effet, le droit anglais ignore la distinction entre obligation de moyen et obligation de résultat, mais qu'il n'en va ainsi que dans le cadre du pouvoir d'interprétation des clauses contractuelles et dans la détermination de leur signification, que la clause 3.3 du contrat du 11 mai 2010, par laquelle la société Clipper s'engage à « aider (la société Respectons la Terre) dans la recherche de sponsors pour financer cette Campagne (la course) », est claire et précise et ne saurait donner lieu à une quelconque interprétation judiciaire.

Que la société Clipper, par cette clause, ne s'est pas engagée à trouver effectivement des sponsors à la société Respectons la Terre Marine, mais à assister celle-ci dans la recherche desdits sponsors, ce qui supposait une collaboration mutuelle entre les deux parties.

Considérant que la société Clipper, dans le cadre de cette obligation d'assistance, a notamment réalisé une plaquette, destinée à promouvoir le tandem entre [M] [P] et la société Respectons la Terre Marine ; qu'elle a communiqué ce document à un sponsor éventuel, la société DHL,par mail du 19 mai 2010 ; qu'une réunion destinée à concevoir la promotion de cette équipe auprès de sponsors a eu lieu, à l'initiative de l'appelante, à laquelle la société Clipper a participé et au cours de laquelle elle a présenté une contribution au plan de communication, comme en atteste un mail en date du 8 juillet 2010 ; qu'enfin dans un courriel du 15 juillet 2010 la société Clipper rend compte à l'appelante des recherches de sponsors entreprises et des désistements de ces derniers en l'absence d'un projet suffisamment sérieux et abouti, en particulier de la non confirmation de la participation du skipper [M] [P].

Que ces éléments satisfont à l'obligation d'assistance dans la recherche de sponsors contractée par la société Clipper.

Et considérant que la société Respectons la Terre Marine se contente de produire aux débats une liste des sociétés qu'elle aurait prospectées et rencontrées en rendez-vous, pour établir les efforts accomplis pour remplir son obligation de participation active à la recherche de sponsors.

Que cette seule pièce, à supposer qu'elle n'ait pas été établie pour les seuls besoins de la cause, ne permet pas de faire cette preuve ; qu'en l'absence d'autres éléments concordants, qui ne devraient pas manquer s'agissant de la prospection de 49 sociétés différentes rencontrées chacune en rendez-vous, l'appelante n'établit pas avoir mis en 'uvre les moyens nécessaires à la recherche des sponsors.

Considérant, en conséquence, que la société Clipper a rempli son obligation d'assistance dans la recherche de sponsors à l'égard de l'appelante qui n'a pas été empêchée de remplir les obligations qu'elle avait contractées, en particulier, celle de présenter le skipper [M] [P], que l'absence de sponsors ne saurait lui être imputée et ne saurait valablement constituer un moyen de défense, pour la débitrice de l'obligation de restitution de l'avance de la somme de 70.000 euros, justifiant l'allocation de dommages et intérêts en réparation de son préjudice, consistant dans les coûts de participation à la course.

Sur le préjudice d'image de la société Respectons la Terre Marine :

Considérant que l'intimée soutient avoir subi un préjudice d'image du fait de sa non participation à la course, lié à une perte de crédibilité vis-à -vis de futurs sponsors.

Mais considérant que ce préjudice, à supposer qu'il soit effectif, n'est pas imputable à la société Clipper qui n'a commis aucun manquement contractuel, que la non participation de la société Respectons la Terre Marine est due à ses propres manquements aux obligations qui s'imposaient à elle pour concourir.

Qu'il y a lieu de confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté cette demande ;

Sur les intérêts moratoires :

Considérant que le jugement a condamné la société Respectons la Terre Marine à rembourser la société Clipper la somme de 70.000 euros portera intérêts au taux légal à compter du 8 octobre 2010, date d'exécution de la saisie conservatoire du navire de l'appelante, et a ordonné la capitalisation des intérêts ;

Qu'il y a lieu de confirmer le jugement entrepris ;

Sur les frais irrépétibles :

Considérant que l'équité commande d'allouer à la société Clipper une indemnité de 5000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Et, adoptant ceux non contraires des Premiers Juges,

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré,

CONDAMNE la société SARL la Terre Marine à payer à la société PLC Clipper Ventures la somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société SARL Respectons la Terre Marine aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La GreffièreLa Présidente

E. DAMAREYC. PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 11/20657
Date de la décision : 11/10/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°11/20657 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-11;11.20657 ?
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