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11/10/2012 | FRANCE | N°10/01995

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 5, 11 octobre 2012, 10/01995


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5



ARRET DU 11 OCTOBRE 2012



(n° , 14 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/01995



Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Décembre 2009 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2007F00171





APPELANTE



S.A.S. DSV AIR & SEA anciennement dénommée ABX LOGISTICS AIR &SEA (France) agissant poursuites et diligences

en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 7]



Représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC en la personne de Me P...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 5

ARRET DU 11 OCTOBRE 2012

(n° , 14 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/01995

Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Décembre 2009 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY - RG n° 2007F00171

APPELANTE

S.A.S. DSV AIR & SEA anciennement dénommée ABX LOGISTICS AIR &SEA (France) agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social

[Adresse 11]

[Adresse 11]

[Localité 7]

Représentée par la SCP MONIN - D'AURIAC en la personne de Me Patrice MONIN, avocats au barreau de PARIS, toque : J071

Assistée de Me Olivier DECOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : R 259, plaidant pour la AARPI GODIN CITRON'ASSOCIES

INTIMEES

S.A. AXA FRANCE IARD prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social

[Adresse 2]

[Localité 6]

S.A. CUMMINS DIESEL prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social

[Adresse 3]

[Localité 5]

Représentées par la SCP GRAPPOTTE-BENETREAU-JUMEL en la personne de Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU, avocats au barreau de PARIS, toque : K0111

Assistées de Me Thierry PETEL, avocat au barreau de PARIS, toque : C003, plaidant pour la SELARL PETEL

Société CNAN GROUP SPA prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social

[Adresse 4]

[Localité 1] - ALGERIE

Représentée par Me Jean-Loup PEYTAVI, avocat au barreau de PARIS, toque : B1106

Assistée de Me Eric TEISSERENC, avocat au barreau de PARIS, toque : D1609

S.A.S SOCOMAN prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social

[Adresse 14]

[Adresse 14]

[Localité 15]

Société SOCOMAN Société COMMERCIALE DE MANUTENTION prise en la personne de ses représentants légaux

Ayant son siège social

[Adresse 19]

[Adresse 19]

[Localité 15]

Représentées par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY en la personne de Me Alain FISSELIER, avocats au barreau de PARIS, toque : L0044

Assistées de Me Axelle JOUVE, avocat au barreau de MARSEILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 06 septembre 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Colette PERRIN, Présidente, Madame Patricia POMONTI, Conseillère chargée d'instruire l'affaire et Madame Valérie MICHEL-AMSELLEM, Conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Colette PERRIN, Présidente

Madame Patricia POMONTI, Conseillère

Madame Valérie MICHEL- AMSELLEM, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY

ARRÊT :

- contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Colette PERRIN, Présidente et par Mademoiselle Emmanuelle DAMAREY, Greffier des services judiciaires auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

FAITS CONSTANTS ET PROCÉDURE

La société Cummins Diesel a confié à la société ABX Logistics l'organisation du transport de cinquante-sept caisses contenant des pièces de moteur diesel destinées à la société SNVI, localisée en Algérie. La société ABX Logistics, en sa qualité de commissionnaire de transport, s'est substituée le transporteur Fromont SA pour acheminer les marchandises jusqu'au port de [Localité 15], ce dernier les ayant remises à l'acconier du transporteur maritime Cnan Group Spa, la société Socoman.

Le 13 janvier 2006, deux caisses ont chuté sur les quais du port de [Localité 15], ce qui a endommagé les moteurs. La société Cnan Group Spa a émis un connaissement net de réserve.

Le litige porte sur les conséquences financières et la responsabilité de la détérioration du contenu des deux caisses.

Par acte du 9 janvier 2007, les sociétés Axa France Iard et Cummins Diesel ont assigné les sociétés ABX Logistics, Cnan Group Spa et Socoman aux fins de condamnation conjointe et solidaire à leur payer les sommes de 41.366,61 € et 3.942,12€.

Le 30 janvier 2007, la société ABX Logistics a assigné en garantie la société Cnan Group Spa au cas où une condamnation serait mise à sa charge.

Les 1er et 9 février 2007, la société Cnan Group Spa a assigné en garantie la société Socoman au cas où elle serait condamnée au profit d'ABX, ou d'Axa et Cummins.

Par jugement du 22 décembre 2009, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de commerce de Bobigny a :

Avant-dire droit,

- rejeté la demande de la société Cnan visant à donner injonction à la société Cummins Diesel de produire sans délais tous justificatifs attestant de l'exécution du crédit documentaire, alternativement et le cas échéant les preuves certaines et datées de l'encaissement du prix des matériels.

- déclaré recevables et partiellement fondées les demandes des sociétés Axa France Iard et Cummins.

Au fond,

- condamné la société ABX Logistics à payer à la société Axa France Iard la somme de 38.366,61 €

- condamné la société ABX Logistics à payer à la société Cummins Diesel la somme de 6942,12€

- dit que les sommes mises à la charge de la société ABX Logistics porteront intérêt au taux légal à compter d l'assignation, soit le 9 janvier 2007.

- reçu l'appel en garantie de la société ABX Logistics à l'encontre de la société Cnan, condamné la société Cnan à garantir la société ABX Logistics à hauteur de 4880 DTS.

- reçu l'appel en garantie de la société Cnan à l'encontre de la société Socoman, rejeté l'appel en garantie de la société ABX Logistics à l'encontre de la société Socoman, condamné la société Socoman à garantir la société Cnan à hauteur de 4.880 DTS

- dit que la société Axa France Iard et la société Cummins Diesel sont chacune recevables et bien fondées à solliciter le bénéfice de l'anatocisme dans les conditions prévues par l'article 1154 du code civil, ordonné en conséquence la capitalisation des intérêts dus pour au moins une année entière.

- dit n'y avoir lieu à prononcer la solidarité des condamnations demandées par la société Axa France Iard et la société Cummins Diesl

- débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au dispositif.

- condamné chacune des société ABX Logistics, Cnan et Socoman à payer à la société Axa France Iard la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté la société Axa France Iard du surplus de sa demande de ce chef.

- condamné chacune des sociétés ABX Logistics, Cnan et Socoman à payer à la société Cummins Diesel la somme de 1.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, débouté la société Cummins Diesel du surplus de sa demande de ce chef.

- condamné les sociétés ABX Logistics, Cnan et Socoman à supporter chacune pour un tiers le montant des entiers dépens de l'instance.

Vu l'appel interjeté le 3 février 2010 par la société DSV Air & Sea.

Vu les dernières conclusions signifiées le 5 juillet 2012 par lesquelles la société DSV Air & Sea, venant aux droits de la société ABX Logistics, demande à la Cour de:

- annuler et au besoin infirmer le jugement entrepris.

Et statuant à nouveau,

- dire et déclarer Axa France Iard et la société Cummins Diesel irrecevables et subsidiairement mal fondées en leur demande dirigée contre la société DSV Air & Sea.

Les en débouter.

- s'entendre Axa France Iard et la société Cummins Diesel condamner à payer à la société DSV Air & Sea la somme de 8.000€ en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

Très subsidiairement,

- dire et juger que l'indemnité qui pourrait être mise à la charge de la société DSV Air & Sea ne saurait excéder la contre valeur en euros de 4.880 DTS.

- débouter Axa France Iard et Cummins Diesel du surplus de leurs demandes.

- adjuger à la société DSV Air & Sea le bénéfice de son appel en garantie.

- s'entendre Cnan Group Spa condamner à relever et garantir la société DSV Air & Sea et à lui payer une indemnité de 3.000€ en application des dispositions de l'article 700 du nouveau code de procédure civile.

La société DSV Air & Sea soutient que le jugement entrepris est nul en application des dispositions des articles 455 et 458 du code de procédure civile car il n'est pas motivé.

La société DSV Air & Sea affirme que la demande de la société Cummins et de son assureur Axa est irrecevable dès lors que la première n'a pas intérêt à agir car, n'étant pas cessionnaire des droits de l'acheteur, elle ne peut agir contre les intervenants au transport et que le second n'a pas qualité pour agir puisqu'il n'établit pas avoir été contractuellement tenu d'indemniser la société Cummins, alors que les dommages se trouvaient aux risques de l'acheteur SNVI. Elle ajoute que, quand bien même Axa serait subrogée dans les droits de Cummins, elle tiendrait son action d'une personne dépourvue d'intérêt et de qualité pour agir.

Subsidiairement, la société DSV Air & Sea fait valoir qu'elle ne peut être tenue pour responsable des dégâts subis par les deux caisses car ses obligations et sa responsabilité ont pris fin à la remise des moteurs à la société Socoman.

Par ailleurs, elle rappelle qu'elle est un commissionnaire de transports qui se caractérise par le libre choix des voies et des moyens, cette liberté impliquant que le commissionnaire soit garant des substitués et, qu'a contrario, il ne répond pas des faits d'un sous-traitant qui lui a été imposé par son donneur d'ordres.

Très subsidiairement, la DSV Air & Sea soutient que sa responsabilité doit être limitée conformément à l'article 4 alinéa 5 a) de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 modifiée.

Vu les dernières conclusions signifiées le 8 septembre 2011 par lesquelles la société Cnan Group Spa demandent à la Cour de :

- recevoir la société Cnan Group Spa en son appel incident et l'y déclarer fondée.

- réformer pour partie le jugement attaqué et statuant à nouveau :

- dire et juger que l'action des sociétés Axa France Iard et Cummins Diesel est irrecevable et le recours de la société DSV Air & Sea sans objet.

- condamner in solidum les sociétés Axa France Iard, Cummins Diesel et DSV Air & Sea au paiement de la somme de 8.000€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Subsidiairement, condamner la société Socoman à relever et garantir la société Cnan Group Spa, en principal, intérêts et frais, de toutes les condamnations, dans quelque proportion que ce soit, susceptibles d'être prononcées à son encontre au profit de la société DSV Air & Sea et/ou des sociétés Axa France Iard et Cummins Diesel.

- la condamner alors encore au paiement de la somme de 8.000€ par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

- Plus subsidiairement, limiter à la contrevaleur en euros au jour du paiement de la somme de 4.880 DTS l'obligation de réparation de la société Cnan Group Spa.

La société Cnan Group Spa prétend que la demande de la société Cummins est irrecevable dans la mesure où elle est privée d'un intérêt légitime à agir car elle ne justifie pas des circonstances exactes dans lesquelles les marchandises litigieuses lui ont été payées.

La société Cnan Group Spa soutient que la demande de la société Axa est également irrecevable au motif qu'elle ne peut être admise au bénéfice de la subrogation légale puisque l'indemnité versée à la société Cummins ne l'a pas été en exécution stricte des termes et conditions de la police « Intérêt du vendeur » et qu'elle ne peut invoquer la subrogation conventionnelle en raison du principe de l'estoppel et du fait que les conditions pour invoquer cette subrogation ne sont pas réunies. Elle ajoute que Axa se prévaut vainement de la théorie de l'enrichissement sans cause.

La société Cnan Group Spa estime que les dommages sont imputables au chargeur et au manutentionnaire et que, si elle répond de la responsabilité de la société Socoman, elle dispose d'un recours contre elle afin d'être intégralement relevée et garantie des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre.

La société Cnan Group Spa considère qu'elle n'a commis aucune faute engageant sa responsabilité personnelle en émettant un connaissement sans réserve puisque rien ne prouve que son agent ait eu connaissance de l'existence des caisses endommagées.

Très subsidiairement, la société Cnan Group Spa appelle le bénéfice de la limitation de sa propre responsabilité sur le fondement de la Convention de Bruxelles de 1924 amendée en 1968 et 1979.

Vu les dernières conclusions signifiées le 28 juin 2012 par lesquelles les sociétés Axa France Iard et Cummins Diesel France demandent à la Cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il n'a pas retenu l'existence d'une faute inexcusable commise par le transporteur maritime Cnan Group Spa et ce faisant de:

Vu les pièces versées au débat,

Vu les article L.132-4 et suivants du code de commerce,

Vu la convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée,

Vu l'article 515 du code de procédure civile,

- dire et juger les demandes des sociétés Axa France Iard et Cummins Diesel recevables et bien fondées.

- dire et juger que le commissionnaire de transport DSV Air & Sea anciennement ABX Logistics a commis une faute personnelle

- dire et juger que le transporteur maritime Cnan Group Spa a commis une faute inexcusable.

En conséquence,

- condamner solidairement les sociétés DSV Air & Sea anciennement ABX Logistics, Cnan Group Spa et Socoman à payer à la compagnie Axa France Iard et à la société Cummins Diesel les sommes respectives de 38.366,61 € et 6.942,12 € avec intérêts calculés au taux légal à compter de la date de délivrance de l'assignation avec capitalisation des intérêts par année entière.

- condamner solidairement les sociétés DSV Air & Sea anciennement dénommée ABX Logistics, Cnan Group Spa et Socoman à payer à la compagnie Axa France Iard et à la société Cummins Diesel la somme de 5.000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Axa France Iard et Cummins Diesel soutiennent que leurs demandes formées à l'encontre des sociétés ABX Logistics, Cnan Group Spa et Socoman sont recevables, la société Cummins Diesel ayant supporté seule le préjudice résultant de la faute de manutention commise par la société Socoman puisqu'elle a dû procéder à un envoi de remplacement de deux caisses complémentaires à son client, la société SNVI..

De plus, la société Axa France Iard affirme être subrogée tant légalement que conventionnellement dans les droits de la société Cummins, et donc avoir intérêt et qualité à agir, puisqu'elle a indemnisé la société Cummins Diesel en application des clauses de la police d'assurance. Elle ajoute que, même si la subrogation n'est pas reconnue, son action devrait être reconnue valable sur le fondement de l'enrichissement injuste.

Les sociétés Axa France Iard et Cummins Diesel font également valoir que leurs demandes sont bien fondées en leur principe, la responsabilité de la société ABX Logistics, qui ne s'est pas vue imposer le choix d'un transporteur en tant que commissionnaire de transport, devant être engagée du fait de ses substitués au cours du chargement des caisses sur le fondement de l'article L.132-4 du code de commerce et de l'article 4 alinéa 2 de la Convention de Bruxelles, sa mission n'étant pas encore achevée à ce moment-là.

De plus, elles considèrent que la société ABX Logistics est responsable à titre personnel du non respect de l'obligation de surveillance et de suivi de marchandises imposée par les articles L.132-1 et L.132-5 du code de commerce puisqu'elle ne s'est pas assurée que les caisses étaient bien embarquées et arrivées à destination.

Les sociétés Axa France Iard et Cummins Diesel estiment que le transporteur maritime Cnan Group Spa a commis une faute inexcusable pour avoir émis un connaissement sans réserve portant la mention « clean on board » alors qu'il savait que deux caisses avaient été endommagées.

Les sociétés Axa France Iard et Cummins Diesel avancent que, par contre, la société Cummins Diesel n'a commis aucune faute puisque les sociétés Cnan Group Spa et Socoman ne rapportent pas la preuve que les dommages auraient pour origine un défaut d'emballage qui lui serait imputable.

Enfin, les sociétés Axa France Iard et Cummins Diesel contestent l'application d'une quelconque limitation de responsabilité, et donc d'indemnité, au profit du transporteur CNAN et du commissionnaire ABX Logistics.

Vu les dernières conclusions signifiées le 3 février 2011 par lesquelles la société Socoman demande à la Cour de :

Vu l'article L 172-29 du code des assurances,

Vu la loi du 18 juin 1966 en ses articles 52, 53 et 54,

- dire et juger que les assureurs ne justifient pas de la subrogation légale,

- dire et juger qu'ils n'ont pas qualité et intérêts pour agir,

- dire et juger que Cumins Diesel SA ne justifie pas de son intérêt à agir,

En conséquence,

- infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny en ce qu'il a déclaré les demandeurs principaux recevables,

- dire et juger l'action irrecevable,

Subsidiairement et sur le fond,

- constater le défaut d'emballage,

En toute hypothèse,

- faire droit aux limitations de responsabilité dont bénéficie Socoman,

- confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny en ce qu'il a retenu l'application des limitations de responsabilité de la société Socoman,

- dire et juger que Socoman ne peut être condamnée au-delà de la contre-valeur en euros de 4.880 DTS,

- condamner celui à l'encontre de qui le mieux compètera au paiement de 2.000€ en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Selon la société Socoman, les assureurs ne démontrent pas qu'ils peuvent bénéficier de la subrogation légale, car ils n'ont pas réglé dans le cadre de la garantie mais seulement à titre commercial.

Elle estime qu'ils ne peuvent pas plus se prévaloir de la subrogation conventionnelle car ils ont fondé leur règlement sur la police d'assurance.

Elle considère par ailleurs que, si la société Cummins Diesel a qualité pour agir, elle n'a pas intérêt à agir car elle ne justifie pas avoir subi un préjudice.

Elle affirme qu'en tout état de cause les caisses n'étaient pas adaptées au chargement et qu'en conséquence le dommage ne lui est pas imputable.

Très subsidairement, elle réclame le bénéfice de la limitation de sa responsabilité sur le fondement de l'article 54 de la loi du 18 juin 1966 qui prévoit une indemnité de 2 DTS par kg de matériel sinistré.

La Cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits et prétentions initiales des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

-Sur la nullité du jugement dont appel :

La société DSV Air & Sea ne peut pas sérieusement soutenir que le jugement ne serait pas motivé, ce qui justifierait son annulation, alors qu'il analyse sur trois pages et demi les moyens des parties et y répond point par point, y compris en ce qui concerne la responsabilité de la société DSV Air & Sea sur le fondement de l'article L 132-5 du code de commerce.

Il convient donc de débouter la société DSV Air & Sea de sa demande de nullité du jugement.

-Sur la recevabilité de l'action de la société Cummins Diesel :

Il est soutenu par les autres parties au litige que la société Cummins Diesel serait irrecevable en son action, pour défaut d'intérêt à agir, au motif qu'elle n'aurait pas subi de préjudice puisqu'elle a nécessairement été payée du prix de l'ensemble des moteurs, y compris les deux moteurs endommagés.

Il convient cependant de rappeler que le transport confié au commissionnaire DSV Air & Sea portait sur 57 caisses contenant 57 moteurs et que, suite à la chute de deux caisses le 13 janvier 2006 lors des opérations de chargement sur le navire au port de [Localité 15] et à l'endommagement consécutif des moteurs, seules 55 caisses ont été embarquées et livrées au destinataire de sorte que, en exécution de ses obligations contractuelles à l'égard de l'acheteur, la société Cummins Diesel a procédé à l'expédition de deux nouveaux moteurs à destination de la société SNVI.

Le transport de ces deux caisses contenant des moteurs de remplacement a été effectué par le transporteur Cnan selon connaissement n° 367373 le 15 décembre 2006, ce nouvel envoi ayant été effectué sous couvert du même crédit documentaire n° 641CR36603 et au titre du même contrat de vente n° 2162/2300/600/05.

Ces références sont mentionnées tant sur le connaissement n° 304124 émis par le transporteur Cnan au titre du premier envoi que sur le connaissement n° 367373 émis par le transporteur Cnan au titre du second envoi correspondant aux deux caisses/moteurs de remplacement.

C'est donc bien la société Cummins Diesel qui a pris à sa charge le coût des deux caisses/moteurs de remplacement, puisqu'elle a livré un total de 59 caisses/moteurs alors qu'elle n'a été payée par le destinataire final, la société SNVI, que pour 57 caisses/moteurs, de sorte qu'elle a incontestablement subi un préjudice.

Elle démontre donc son intérêt à agir et la recevabilité de son action.

Surabondamment, il convient de rappeler le principe de l'indépendance du contrat de vente et du contrat de transport, qui implique que tant le commissionnaire de transport que le transporteur ne peuvent se prévaloir des effets de la vente, à laquelle ils ne sont pas parties, quant aux droits et obligations du vendeur ou de l'acheteur, pour soutenir que ces derniers seraient dépourvus d'intérêt à agir contre lui.

-Sur la recevabilité de l'action de la société Axa France Iard :

Il est soutenu par les autres parties au litige que la société Axa France Iard ne serait pas régulièrement subrogée dans les droits de son assurée, la société Cummins Diesel.

La société Axa France Iard, assureur ad valorem des marchandises transportées, a procédé, en application des clauses et conditions de sa police n° 82 045 931, au règlement à hauteur de la somme de 41.366,61 €, déduction faite de la franchise contractuelle de 3.000 € restant à la charge de l'assuré, selon quittance de règlement dûment régularisée le 5 décembre 2006.

Elle verse aux débats :

-la police d'assurance n° 82 045 931 et l'avenant du 17 janvier 2006 à effet du 11 janvier 2006 concernant le transport des 57 moteurs litigieux à destination de la société SNVI en Algérie,

-la quittance de règlement d'une somme de 41.366,61 €, se rapportant au sinistre du 13 janvier 2006, signée par le bénéficiaire, la société Cummins Diesel, le 5 décembre 2006

-le chèque de 38.366,61 € (41.366,61 € - la franchise de 3.000 €) émis par la société Axa France Iard le 15 décembre 2006 au bénéfice de la société Cummins Diesel.

La preuve du paiement de l'indemnité d'assurance est donc rapportée.

La subrogation légale de l'assureur suppose également que l'indemnité versée l'a été en exécution des termes et conditions de la police d'assurance.

Les autres parties au litige soutiennent que la compagnie Axa aurait indemnisé la société Cummins Diesel alors qu'elle n'y était pas contractuellement tenue dans la mesure où l'indemnisation serait intervenue au titre de la garantie 'intérêt du vendeur' alors que cette dernière affirme avoir indemnisé son assuré au titre de la garantie ordinaire de la police.

Le tribunal a, à juste titre et par des motifs que la Cour adopte, retenu que l'indemnisation par la compagnie Axa était intervenue au titre de la garantie des machines et non au titre de la garantie 'intérêt du vendeur', de sorte que l'assureur s'est trouvé légalement subrogé dans les droits de son assuré en application de l'article L 172-29 du code des assurances et qu'il est donc recevable à agir.

Il apparaît en effet que les caisses/moteurs restaient au titre du contrat de vente sous la responsabilité du vendeur, lequel avait confié un certain nombre de prestations à la société ABX Logistics, devenue DSV Air & Sea, qui ne conteste plus sérieusement être intervenue en qualité de commissionnaire de transport.

Il importe peu que la vente des caisses/moteurs litigieuses ait été faite sous conditions FOB, dès lors que les prestations confiées à la société ABX Logistics incluaient la manutention au port de [Localité 15] et qu'elle demeurait responsable des marchandises à l'égard de son commettant jusqu'à son chargement à bord du navire.

Or, il est constant que c'est au cours des opérations de manutention avant leur chargement effectif à bord du navire que les deux caisses ont été endommagées par le substitué du commissionnaire ABX Logistics, ce qui n'est contesté ni par le transporteur Cnan, ni par le manutentionnaire Socoman.

Même si les expertises sont contradictoires sur le fait que les caisses aient chuté dans le navire ou sur les quais, elles affirment toutes que c'est pendant les opérations d'embarquement qu'elles ont chuté.

Ainsi, le rapport d'expertise de Monsieur [M] [W] du 6 novembre 2006 indique: 'Incident de manutention lors du chargement des caisses sur navire (chute de caisses et coups de fourche)'.

La société d'études et d'expertise Nahon de l'Ecotais, dans son rapport de l'expertise du 18 mai 2006 précise : 'La chute des deux caisses.....semble au demeurant imputable, au moins pour partie, à une fausse manoeuvre commise par le chauffeur docker, préposé de l'assuré (Socoman), qui procédait aux opérations de manutention à bord du navire 'Tablat' le 13 janvier 2006".

Le rapport de chargement du cabinet E-Surveys.com du 13 janvier 2006 mentionne dans la rubrique 'Dommages en cours de chargement' : 'Caisses disloquées pendant la manutention'.

Enfin, l'expert [K] [J], dans son rapport du 18 décembre 2006 conclut que 'les avaries survenues sur les deux moteurs de la marque Cummins Diesel SA n° 21673306 et n° 21674611 ont été causées par un accident de manutention, alors que les moteurs étaient sous la garde et la responsabilité de la compagnie maritime et/ou de la manutention portuaire'.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments que la société Axa France Iard est intervenue au titre de la clause 'garantie des machines' qui stipule :

'En cas d'avaries particulières mettant en jeu la garantie de la présente police et portant sur des machines ou ensembles mécaniques, les assureurs ne seront tenus qu'aux frais de réparation de la (ou les) pièce(s) endommagée(s) à l'exclusion de toute réclamation pour dépréciation ou diminution de valeur.

Si tout ou partie des pièces endommagées ne peut être réparée et doit être remplacée, les assureurs rembourseront dans ce cas, outre le prix d'achat de la (ou les) pièce(s) remplacée(s), les frais de transport ainsi que les frais de démontage et de remontage.'

La société Axa France Iard a fait une stricte application de ces dispositions en fixant le montant de l'indemnité, pour le moteur n° 21673306 dont le montant des réparations était inférieur au prix d'achat, au coût des réparations (9.240,35 €) et des pièces détachées (8.376,48 €) et pour le moteur n° 21674611 dont le montant des réparations était supérieur au prix d'achat (21.328 €) et aux frais de transport (2.421,78€).

Le montant total de cette indemnité de 41.366,61 € ne correspond pas à une indemnisation faite à titre commercial mais à l'application des clauses du contrat.

La société Axa France Iard est donc régulièrement subrogée légalement dans les droits de son assurée, la société Cummins Diesel et, en conséquence, son action est recevable.

Dès lors, il est inutile d'examiner les développements des parties relatifs à la subrogation conventionnelle.

-Sur la responsabilité du dommage :

Les parties n'ont présenté sur ce point en appel aucun moyen nouveau de droit ou de fait qui justifie de remettre en cause le jugement attaqué, lequel repose sur des motifs pertinents, non contraires à l'ordre public, résultant d'une analyse correcte des éléments de la procédure, notamment des pièces contractuelles et de la juste application de la loi et des principes régissant la matière.

Selon les articles L 132-4 et suivants du code de commerce, le commissionnaire de transport, tenu d'une obligation de résultat, est responsable de plein droit des dommages survenus à la marchandise, depuis sa prise en charge jusqu'à sa livraison, de son propre fait ou du fait de ses substitués.

Selon l'article 4 alinéa 2 de la convention de Bruxelles du 25 août 1924 amendée, également applicable aux contrats de transport internationaux de marchandises par mer, le transporteur est présumé responsable de tous dommages, pertes ou avaries survenus à la marchandise entre sa prise en charge et sa livraison, sauf à démontrer l'existence d'une cause d'exonération.

Comme cela a déjà été souligné plus haut, le fait que la vente des caisses/moteurs litigieuses ait été faite sous conditions FOB, n'empêche pas que les prestations confiées à la société ABX Logistics incluaient la manutention au port de [Localité 15] et qu'elle demeurait responsable des marchandises à l'égard de son commettant jusqu'à son chargement à bord du navire.

Or, comme cela a déjà été souligné ci-dessus, tous les experts sont d'accord pour dire que c'est un accident de manutention lors du chargement des caisses sur le navire qui est à l'origine de la détérioration des marchandises qui ont chuté sur le quai, de sorte que les emballages ont éclaté et que les moteurs, gravement endommagés, se sont retrouvés sur le sol.

Même si la société ABX Logistics, en sa qualité de commissionnaire de transport, s'est substituée le transporteur maritime Cnan pour effectuer le transport des caisses/moteurs de [Localité 15] à [Localité 1], qui a lui-même confié leur chargement à l'acconier Socoman, elle a conservé une obligation de surveillance et de suivi des marchandises qui lui ont été confiées.

La société ABX Logistics a commis une faute personnelle en ne s'assurant pas que les 57 caisses qui lui avaient été confiées avaient bien été embarquées sur le navire Tablat et étaient bien arrivées à destination.

En effet, ce n'est qu'à la livraison qu'il a été constaté par le transitaire du destinataire que seules 55 caisses avaient été embarquées et c'est par la société SNVI que la société Cummins Diesel a été avertie de ces manquants et cette dernière ayant répercuté l'information à la société ABX Logistics qui ignorait que les deux caisses/moteurs litigieuses avaient été endommagées et l'endroit où elles se trouvaient.

Contrairement à ce que soutient la société DSV Air & Sea, la société Cummins Diesel n'a pas pu lui imposer un transporteur puisque le transporteur Cnan est le seul à opérer du port de [Localité 15] vers l'Algérie, en port dû.

Force est de constater que la société DSV Air & Sea ne justifie pas des instructions qu'elle aurait reçues concernant le choix du mode de transport et elle ne saurait tirer argument de la lettre de réserve de la société Cummins Diesel du 13 avril 2006 qui est postérieure à l'intervention du sinistre.

Le transporteur maritime Cnan est, quant à lui présumé responsable des dommages survenus au cours des opérations de chargement et de déchargement de la marchandise.

Il n'est pas sérieusement contestable que la cause des dommages réside dans une faute commise par le manutentionnaire, la société Socoman, au cours des opérations de chargement, ce que même son expert d'assurance reconnaît dans son rapport puisqu'il indique : 'la chute des deux caisses...semble au demeurant imputable, au moins pour partie, à une fausse manoeuvre commise par le chauffeur [D], préposé de l'assuré, qui procédait aux opérations de manutention à bord du navire 'Tablat' le 13 janvier 2006".

Le transporteur maritime, en émettant un connaissement sans réserve portant la mention erronée 'clean on bord' pour 57 caisses/moteurs alors qu'il savait que deux de ces caisses avaient été endommagées lors des opérations de chargement effectuées sous sa responsabilité et n'avaient pas été chargées à bord du navire et en cachant ainsi l'existence du sinistre à la société Cummins Diesel, a également commis une faute mais qui n'a pas concouru au dommage.

La société Cnan ne saurait s'exonérer de sa responsabilité en alléguant un défaut d'emballage et de marquage qui n'est nullement démontré. La société Socoman, qui a effectué le chargement, n'a formulé aucune réserve sur le conditionnement des marchandises avant les opérations de manutention et le transporteur Cnan a émis un connaissement net de réserve au titre de la prise en charge des marchandises, de sorte qu'elles ne peuvent se prévaloir d'une quelconque faute d'emballage imputable à la société Cummins Diesel.

De plus, l'emballage des 57 caisses étant identique, si ce dernier n'avait pas été suffisant, c'est l'ensemble des caisses/moteurs qui aurait subi des dommages, ce qui n'a pas été le cas, seule la chute des deux caisses litigieuses étant manifestement à l'origine des détériorations.

Ainsi la responsabilité de chacun des intervenants aux opérations de transport est établie.

Par contre, les sociétés Axa France Iard et Cummins Diesel n'établissent pas l'existence d'une faute inexcusable de la société Cnan ou de la société Socoman à l'origine du dommage qui les empêcherait de se prévaloir de la limitation légale de responsabilité.

En effet, une simple erreur de manipulation des caisses au cours des opérations de chargement, sans que soit démontrée l'existence d'une manoeuvre particulièrement anormale dans ce genre d'opération, ne saurait être qualifiée de faute inexcusable.

Le montant des dommages s'établit à dire d'expert à la somme de 45.308,73 €, la compagnie Axa ayant réglé à son assuré la somme de 38.366,61 € et celle de 6.942,12 € étant restée à la charge de la société Cummins Diesel.

Il convient donc de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a condamné la société DSV Air & Sea à payer ces montants assortis des intérêts au taux légal à compter du 9 janvier 2007 et avec anatocisme respectivement à la société Axa France Iard et à la société Cummins Diesel.

Compte tenu des responsabilités telles qu'elles ont été déterminées ci-dessus, c'est à juste titre et par des motifs que la Cour adopte que les premiers juges ont fait droit aux appels en garantie de la société DSV Air & Sea à l'encontre de la société Cnan Groupe Spa et de celle-ci à l'encontre de la société Socoman.

Il doit également être confirmé en ce qu'il a retenu une limitation de responsabilité pour le transporteur et l'acconier, compte tenu de l'absence de faute inexcusable à l'origine du dommage des sociétés Cnan ou Socoman.

-Sur les autres demandes :

Le jugement dont appel doit être confirmé sur les montants alloués au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'équité commande en outre d'allouer à chacune des sociétés Axa France Iard et Cummins Diesel une indemnité de 4.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,

CONFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,

DEBOUTE les parties de leurs plus amples demandes,

CONDAMNE solidairement les sociétés DSV Air & Sea, Cnan Groupe Spa et Socoman à payer à chacune des sociétés Axa France Iard et Cummins Diesel une indemnité de 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE solidairement les sociétés DSV Air & Sea, Cnan Groupe Spa et Socoman aux dépens d'appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

La GreffièreLa Présidente

E. DAMAREYC. PERRIN


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/01995
Date de la décision : 11/10/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I5, arrêt n°10/01995 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-11;10.01995 ?
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