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09/10/2012 | FRANCE | N°12/13345

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 1 - chambre 3, 09 octobre 2012, 12/13345


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 1 - Chambre 3



ARRET DU 09 OCTOBRE 2012



(n° 515 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 12/13345



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Juillet 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/55300





APPELANTES



SAS IMMO INVEST

prise au nom de son représentant légal domicilié en cette qual

ité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]



SAS AQUILA ASSET MANAGEMENT

prise au nom de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]



Représ...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 3

ARRET DU 09 OCTOBRE 2012

(n° 515 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 12/13345

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 12 Juillet 2012 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 12/55300

APPELANTES

SAS IMMO INVEST

prise au nom de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 6]

SAS AQUILA ASSET MANAGEMENT

prise au nom de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 6]

Représentée par la AARPI OHANA ZERHAT Cabinet d'Avocats (Me Sandra OHANA avocat au barreau de PARIS, toque : C1050)

Assistée de Me Dominique COHEN-TRUMER (avocat au barreau de Paris, toque : A0009)

INTIMEE

Cabinet SHEARMAN & STERLING LLP pris en la personne de son représentant légal en FRANCE dûment habilité Me Emmanuel GAILLARD

ayant son siège [Adresse 5]

[Localité 9]

exerçant

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représenté par Me Alain FISSELIER de la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY (avocat au barreau de PARIS, toque : L0044)

Assisté de Me Sabine KUNTZ plaidant pour le Cabinet SHEARMAN & STERLING LLP (avocat au barreau de Paris, toque : D214)

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Septembre 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Joëlle BOURQUARD, Présidente de chambre

Madame Martine TAILLANDIER-THOMAS, Conseillère

Madame Sylvie MAUNAND, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mme Sonia DAIRAIN

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Joëlle BOURQUARD, président et par Mme Véronique COUVET, greffier.

Suivant acte sous seing privé du 2 août 2006, la société civile immobilière du [Adresse 2] aux droits de laquelle se trouve la SAS IMMO INVEST a donné à bail professionnel au cabinet d'avocats SHEARMAN & STERLING LLP des locaux à usage de bureaux dépendant de cet immeuble répartis entre les 2ème et 6ème étages ainsi que des emplacements de stationnement. Le bail a pris effet le 15 décembre 2006 pour une durée de 9 années. Le même jour, il a été signé un second bail portant sur un appartement situé aux 6ème et 7 étages pour la même durée.

Suivant avenant du 3 septembre 2007, la surface louée a été étendue.

Le cabinet a signé le 12 septembre 2011, un bail avec la SAS PONTEGADEA FRANCE, portant sur des locaux sis [Adresse 3].

Le cabinet SHEARMAN & STERLING LLP (SHEARMAN) a fait assigner la société IMMO INVEST et la SAS AQUILA ASSET MANAGEMENT ( AQUILA) aux fins de se voir autoriser à effectuer des ouvertures entre l'immeuble appartenant à la société IMMO INVEST et l'immeuble voisin à deux étages distincts invoquant un refus abusif de sa bailleresse, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris qui, par ordonnance du 12 juillet 2012 a :

- dit recevable la mise en cause de la SAS AQUILA ASSET MANAGEMENT ;

- autorisé, à défaut de meilleur accord des parties, le cabinet SHEARMAN & STERLING LLP à faire exécuter les travaux décrits dans l'étude de structure de la société CAP STRUCTURE en date du 6 septembre 2011 soit le percement au 2ème étage à deux endroits et au 6ème étage à deux endroits pendant l'été 2012 ;

- rappelé que le cabinet SHEARMAN & STERLING LLP a l'obligation de faire respecter les règles de l'art, les normes et réglementations en vigueur et qu'il devra remettre les lieux en l'état à l'issue de la période contractuelle ;

- constaté l'engagement du cabinet SHEARMAN & STERLING LLP sur ce point ;

- dit qu'il lui en sera référé en cas de difficulté ;

- rejeté les demandes d'indemnité de procédure de chacune des parties ;

- condamné la SAS IMMO INVEST aux dépens.

Les sociétés IMMO INVEST et AQUILA ont interjeté appel de la décision le 16 juillet 2012.

Elles ont obtenu le 20 juillet 2012 du délégataire du Premier Président de la cour d'appel, l'autorisation d'assigner le cabinet SHEARMAN & STERLING LLP à jour fixe pour l'audience du 10 septembre 2012.

Elles ont fait assigner, par acte du 8 août 2012, le cabinet SHEARMAN & STERLING LLP et demandent à la cour d'infirmer l'ordonnance entreprise, de mettre hors de cause la société AQUILA, de constater l'absence de trouble manifestement illicite et de rejeter les demandes adverses présentées sur le fondement de l'article 809 du code de procédure civile, de constater l'absence d'urgence et l'existence d'une contestation sérieuse justifiant le débouté des demandes adverses sur le fondement de l'article 808 du code de procédure civile.

A titre subsidiaire, il est sollicité de la cour qu'elle constate l'existence d'un motif légitime justifiant que la bailleresse s'oppose aux travaux envisagés par sa locataire. Elles réclament chacune l'allocation d'une somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelantes ont déposé des conclusions le 10 septembre 2012 reprenant les demandes d'infirmation de l'ordonnance entreprise, de mise hors de cause de la société AQUILA, de constat de l'absence de trouble manifestement illicite et d'urgence et à titre subsidiaire de l'existence d'un motif légitime de s'opposer aux travaux mais ajoutent une demande de remise en état des lieux en l'état initial et sous la responsabilité de la locataire dans le délai d'un mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir et sollicitent la condamnation de l'intimée à leur verser la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles.

Le cabinet SHEARMAN & STERLING LLP, par conclusions déposées le 10 septembre 2012 et soutenues à l'audience, souhaite voir constater que la demande de remise en état ne figurait pas dans la requête tendant à obtenir l'autorisation d'assigner à jour fixe et donc de déclarer irrecevable cette demande et de rejeter les conclusions en réplique qui lui ont été signifiées le 7 septembre 2012. Elle sollicite la confirmation de l'ordonnance et le débouté des appelantes ainsi que leur condamnation solidaire au règlement de la somme de 10.000 euros au titre des frais irrépétibles.

SUR CE, LA COUR

Sur la recevabilité de la demande de remise en état des lieux en leur état d'origine et le rejet des dernières conclusions des appelantes :

Considérant que l'intimée invoque les dispositions de l'article 918 du code de procédure civile pour soutenir que les appelantes ne peuvent pas présenter des prétentions non visées dans la requête présentée au magistrat ayant autorisé le jour fixe ; qu'elle estime qu'il appartenait à ces dernières de faire une demande de remise en état des lieux dès l'origine ;

Considérant que les sociétés IMMO INVEST et AQUILA exposent avoir présenté leur requête en ignorant que les travaux étaient en cours de réalisation ; qu'elles ajoutent que la demande de remise en état n'est que la conséquence de l'information donnée par leur adversaire qui a communiqué au soutien de ses conclusions, un procès-verbal de constat en date du 3 septembre 2012 mentionnant que les percements litigieux étaient effectués ;

Considérant que l'article 918 du code de procédure civile dispose que ' la requête doit exposer la nature du péril, contenir les conclusions sur le fond et viser les pièces justificatives...' ;

Considérant que la requête aux fins d'autorisation d'assigner à jour fixe a été présentée le 20 juillet 2012 accompagnée du projet d'assignation et de conclusions qui ne sollicitaient effectivement pas la remise en état des lieux ;

Considérant que, si les dispositions de ce texte n'interdisent pas à celui qui demande une assignation à jour fixe de déposer des conclusions en réponse à celles de son adversaire, de telles conclusions sont irrecevables si elles contiennent des prétentions et des moyens non contenus dans la requête ;

Considérant qu'en l'espèce, les sociétés IMMO INVEST et AQUILA n'ont pas présenté dans la requête initiale et dans l'assignation, de demande tendant à obtenir la condamnation de leur adversaire à reboucher les percements réalisés entre les immeubles des 114 et 116 avenue des champs Elysées et à remettre en l'état initial, à ses frais et sous sa responsabilité, dans le délai du mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

Considérant que les conclusions de ces deux sociétés sont donc irrecevables en ce qu'elles formulent une telle demande ; qu'elles ne sauraient se retrancher derrière le fait qu'elles auraient appris que les travaux avaient été exécutés au cours de l'été par la production d'un procès-verbal de constat communiqué par leur adversaire ; qu'il leur appartenait alors que l'ordonnance de référé dont elles ont interjeté appel et qui avait autorisé les travaux, était exécutoire par provision d'anticiper ces éventuels travaux dont elles savaient que la locataire entendait les faire pendant les congés et de demander dès la requête, la remise en état dans l'éventualité de leur exécution ;

Sur la mise hors de cause de la société AQUILA ASSET MANAGEMENT :

Considérant que les appelantes sollicitent la mise hors de cause de la société AQUILA, celle-ci n'ayant aucun lien de droit avec la locataire et n'étant que la mandataire de la société IMMO INVEST ;

Considérant que la société SHEARMAN maintient sa demande de mise en cause de la société AQUILA ASSET dès lors qu'elle n'a eu aucun contact avec la société IMMO INVEST et n'a négocié qu'avec cette société AQUILA ; qu'elle estime que celle-ci n'a aucune raison d'insister à être mise hors de cause dès lors qu'aucune demande n'est formée contre elle ;

Considérant que la cour constate que, par un courrier du 12 février 2010, un cabinet CBRE se présentant comme le mandataire du propriétaire du [Adresse 2] a informé la société SHEARMAN de ce que l'immeuble avait été partagé entre les deux associés de la société civile immobilière du [Adresse 2] et que la société IMMO INVEST était devenue aux termes de l'acte notarié du 5 février 2010, propriétaire des locaux dont elle était locataire ( pièce 2); que ce cabinet est intervenu encore comme mandataire de la société IMMO INVEST en juillet 2011 (pièce 8) et ensuite des courriers ont été adressés à la société SHEARMAN par le cabinet [M] et [N] en 2011 et 2012 (pièces 9 et 11) dont on ignore la qualité exacte mais qui intervient manifestement dans la cadre des discussions sur les travaux pour représenter le propriétaire du [Adresse 2] ; que la société SHEARMAN produit une seule lettre de la société AQUILA en date du 30 mai 2012 mentionnant sa qualité de représentante de la société IMMO INVEST et faisant part du refus d'autorisation de travaux ;

Considérant que cette seule lettre n'établit pas que la société AQUILA serait la bailleresse et n'interviendrait pas en qualité de mandataire de cette dernière ; qu'au surplus, au vu des documents fournis, la démonstration de ce qu'elle aurait été la seule interlocutrice de la société SHEARMAN n'est pas avérée ; qu'aucun motif juridique ne justifie dès lors qu'elle soit maintenue dans la cause alors même qu'au surplus, aucune demande n'est formée à son encontre ; que l'ordonnance sera infirmée de ce chef ;

Sur la demande au principal :

Considérant que la bailleresse estime qu'il n'existe pas de trouble manifestement illicite ; qu'elle relève que sa locataire ne rapporte pas la preuve du trouble que lui cause le fait de devoir passer par la rue pour accéder aux locaux de l'un et l'autre immeuble ; qu'elle ajoute qu'il n'existe pas d'illicéité manifeste pour elle à s'opposer à des travaux demandés par la locataire touchant à la structure et à la nature de l'immeuble et aboutissant à faire communiquer son immeuble avec un immeuble mitoyen ne lui appartenant pas ; qu'elle souligne qu'il n'est pas demandé une mesure conservatoire ou de remise en état qui sont seules autorisées par la loi ;

Considérant que sur le fondement de l'article 808 du code de procédure civile, elle considère qu'il n'existe pas d'urgence dès lors que les travaux devaient être réalisés cet été et que la locataire a attendu le mois de juin pour saisir le juge des référés ; qu'en outre, elle soutient qu'il existe une contestation sérieuse tenant aux stipulations du bail et notamment l'article 5.3.1, notamment en ce que le preneur ne peut effectuer des travaux affectant la solidité de l'immeuble ; qu'elle conteste tout abus de droit de sa part et relève que la locataire a passé deux années à négocier pour obtenir l'autorisation sur ce projet si elle était sure de son droit ; qu'elle ajoute avoir un motif légitime de refuser dès lors que le cabinet va nécessairement libérer les locaux en 2015, aucun accord n'étant possible sur l'établissement d'un bail commercial à l'issue du bail professionnel, que, dès lors, elle peut estimer qu'il n'y a pas lieu à percement pour deux années ;

Considérant que l'intimée estime que le refus opposé par sa bailleresse d'autoriser les travaux est constitutif d'un abus de droit établissant le trouble manifestement illicite, que cette position de la société IMMO INVEST la trouble dans sa jouissance des locaux et son projet de centralisation des équipes et qu'elle souligne que la bailleresse des locaux du [Adresse 3] l'a autorisée à faire les travaux ; qu'elle ajoute que la mesure peut être ordonnée par le juge des référés qui dispose d'une certaine liberté dans les mesures qu'il ordonne ;

Considérant qu'elle estime qu'il n'existe pas de contestation sérieuse sur le fondement de l'article 808 du code de procédure civile ; qu'elle précise que ce point est démontré par la transmission du dossier de faisabilité des travaux ; qu'elle ajoute que la bailleresse n'a jamais indiqué pendant les discussions son intention de ne pas donner son accord d'où la saisine en juin seulement du juge des référés ; qu'elle précise qu'un accord précontractuel existait qui a été noté par le premier juge ;

Considérant qu'elle déclare être dans l'urgence dès lors que les travaux devaient être faits pendant la période estivale où les bureaux sont moins occupés ; qu'elle indique que les travaux de percement son achevés et qu'il était important que le projet aboutisse pour donner une nouvelle dynamique à ses équipes ;

Considérant que les demandes ont été présentées par la société SHEARMAN sur le fondement des articles 808 et 809 du code de procédure civile ;

Considérant que l'article 808 du code de procédure civile dispose que ' dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal de grande instance peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend ' ;

Considérant que la locataire prétend qu'il y avait urgence à obtenir l'autorisation d'exécuter les travaux dès lors que ceux-ci étaient planifiés pour l'été ; qu'il ressort des pièces versées aux débats que sa demande de percement des murs entre le 114 et le 116 remonte au mois de janvier 2010 ; qu'elle produit elle-même des courriers échangés en 2011 et 2012 ; qu'il ressort de cette chronologie qu'elle pouvait si elle considérait que l'autorisation tardait à être donnée et qu'elle entendait planifier ses travaux au cours de l'été, saisir la juridiction antérieurement à la procédure de référé d'heure à heure engagée en juillet 2012 ; qu'elle ne peut pas plus prétendre qu'il existait une urgence au regard de l'organisation du cabinet dès lors qu'elle a négocié pendant deux années cette autorisation et que chacun des immeubles disposait d'une entrée permettant l'accès à leurs bureaux pour ses collaborateurs ; que l'urgence n'est donc pas avérée et que l'article 808 n'a pas lieu de s'appliquer ;

Considérant que l'article 809 alinéa 1er énonce que ' le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent soit pour prévenir un dommage imminent soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ;

Considérant que le dommage imminent s'entend du « dommage qui n'est pas encore réalisé, mais qui se produira sûrement si la situation présente doit se perpétuer » et le trouble manifestement illicite résulte de « toute perturbation résultant d'un fait qui directement ou indirectement constitue une violation évidente de la règle de droit » ;

Considérant qu'il s'ensuit que pour que la mesure sollicitée soit prononcée, il doit nécessairement être constaté, à la date à laquelle la cour statue et avec l'évidence qui s'impose à la juridiction des référés, l'imminence d'un dommage, d'un préjudice ou la méconnaissance d'un droit, sur le point de se réaliser et dont la survenance et la réalité sont certaines, qu'un dommage purement éventuel ne saurait donc être retenu pour fonder l'intervention du juge des référés ; que la constatation de l'imminence du dommage suffit à caractériser l'urgence afin d'en éviter les effets ;

Considérant que la cour constate qu'il ne saurait y avoir de dommage imminent pour la locataire dès lors que le percement sollicité est demandé pour des besoins d'organisation du cabinet SHERMAN et afin de faciliter les échanges entre les différents espaces du cabinet mais que la communication entre ceux-ci existait auparavant certes moins facile puisqu'elle obligeait les collaborateurs à sortir du 114 pour aller au 116 mais réelle ; que le refus d'autoriser de tels travaux ne constitue pas un dommage imminent ;

Considérant que le trouble manifestement illicite est visé ;

Considérant qu'il ressort de l'article 5-3-1 des conditions générales du bail conclu en 2006 pour les locaux du 114 avenue des [Localité 7]-Elysées stipule que le preneur ne peut faire aucune modification, procéder à aucune démolition, percement de murs ou de cloisons, sans le consentement exprès préalable et par écrit du bailleur ; qu'il est prévu que, pour obtenir le consentement du bailleur, le preneur communique à ce dernier, un dossier technique des travaux envisagés comportant plans, descriptifs et notes techniques ;

Considérant qu'il n'est pas contesté que la locataire a fourni un rapport de faisabilité pour la réalisation des percements à R+2 et R+6 à la bailleresse ; que l'étude de structure a été communiquée le 4 avril 2012 ; qu'il résulte de la lettre de la société AQUILA en date du 30 mai 2012 que l'autorisation n'était pas donnée ;

Considérant que le refus de la bailleresse d'autoriser le preneur d'effectuer des travaux peut constituer un abus de droit si ce refus n'a pas de motif sérieux et légitime et se révèle donc fautif ;

Considérant que l'abus de droit pour constituer un trouble manifestement illicite doit être évident, que la juridiction des référés ne saurait sans excéder ses pouvoirs, se prononcer sur l'appréciation d'une faute éventuellement commise par le bailleur dans l'exercice de son droit de refus, ladite appréciation relevant de la seule juridiction du fond ;

Considérant que, si la lettre du 30 mai 2012 émanant de la bailleresse ne comporte pas de motif précis de refus, elle fait référence à des discussions et à l'état du dossier et indique que la bailleresse espère revenir vers elle pour envisager ensemble les bases d'un accord global à intervenir ;

Considérant que les termes des discussions intervenues entre les parties sont ignorées de la cour ; que la bailleresse a précisé néanmoins devant le juge des référés et devant la cour que le fait que le bail venait à échéance en 2015 et qu'elle ne pouvait accepter de voir son immeuble percé pour deux ans et de devoir subir alors à nouveau des travaux de remise en état lors du départ de la locataire, le tout avec le risque inhérent à de tels travaux ;

Considérant que le caractère manifestement illicite du refus d'autoriser les travaux au regard des stipulations du bail qui prévoient notamment que le preneur ne peut effectuer des travaux de nature à nuire à la solidité de l'immeuble, du fait que les travaux visent le percement entre deux immeubles mitoyens, des discussions intervenues pendant près de deux années entre la bailleresse et la preneuse et des motifs fournis pour le justifier n'est pas établi ;

Considérant que ce caractère manifestement illicite ne saurait, par ailleurs, être déduit de la supposition que le refus de la bailleresse ne pourrait s'expliquer que par une volonté d'obtenir des avantages dans la négociation en cours entre les parties sur les conditions financières et juridiques du renouvellement du bail en l'absence de tout élément de nature à le démontrer ;

Considérant qu'il convient donc d'infirmer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

Considérant que l'équité commande de faire droit à la demande des appelantes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; que l'intimée est condamnée à leur verser de ce chef, la somme visée au dispositif de la présente décision ;

Considérant que la société SHEARMAN succombant, ne saurait prétendre à l'allocation d'une somme au titre des frais irrépétibles et doit supporter les dépens;

PAR CES MOTIFS

Déclare les conclusions des sociétés IMMO INVEST et AQUILA ASSET MANAGEMENT en date du 10 septembre 2012 irrecevables en leur demande tendant à voir condamner le cabinet SHEARMAN & STERLING LLP à reboucher les percements effectués entre les immeubles des 114 et [Adresse 3] et à remettre en état les lieux en l'état initial, à ses frais et sous sa responsabilité dans le délai du mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir ;

Infirme l'ordonnance entreprise ;

Statuant à nouveau

Met hors de cause la société AQUILA ASSET MANAGEMENT ;

Rejette les demandes de la société SHEARMAN & STERLING LLP et dit n'y avoir lieu à référé ;

Rejette la demande de la société SHEARMAN & STERLING LLP présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société SHEARMAN & STERLING LLP à payer à la société IMMO INVEST et à la société AQUILA ASSET MANAGEMENT la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société SHEARMAN & STERLING LLP aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER,

LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 1 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 12/13345
Date de la décision : 09/10/2012

Références :

Cour d'appel de Paris A3, arrêt n°12/13345 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-10-09;12.13345 ?
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