RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 09 Octobre 2012
(n° 09 , 05 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/10754
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris section commerce RG n° 09/08279
APPELANTE
SARL NOVATO prise en la personne de M. [H] [B], gérant
[Adresse 3]
[Adresse 3]
en présence de M. [H] [B], gérant
assistée de Me Christian CHARRIERE, avocat au barreau de VAL D'OISE, toque : 189
INTIMÉ
Monsieur [C] [D]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
comparant en personne
assisté de Me Delphine LOPEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : C1616
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Septembre 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Madame Dominique LEFEBVRE LIGNEUL, Conseillère
Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Caroline CHAKELIAN, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La Cour est saisie de l'appel interjeté par la Sarl NOVATO du jugement du Conseil des Prud'hommes de PARIS, section Commerce - Chambre 3, rendu le 2 Juillet 2010 qui l'a condamnée à payer à Monsieur [C] [D] les sommes de :
15 153.95 € à titre de rappel de salaire plus congés payés afférents
800 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile
et ordonné la remise des documents conformes.
FAITS ET PROCÉDURE
La Sarl NOVATO exploite un parc de véhicules confiés chaque jour à des chauffeurs.
Monsieur [C] [D] né le [Date naissance 1] 1978, de nationalité française a été engagé par la Sarl NOVATO suivant contrat à durée indéterminée en date du 10 novembre 2007 en qualité de conducteur de taxi ; il était prévu au titre de la rémunération le versement d'un salaire calculé selon les termes de la convention collective des taxis parisiens salariés ; la durée quotidienne de travail effectif est fixée à 6h40 soit une durée hebdomadaire de travail effectif variant de 33 à 40h selon le nombre de jours travaillés par semaine dans la limite de 153h1/3 dans le mois, le retour du véhicule au garage devant s'effectuer 10h maximum après son départ ; le contrat stipule encore que les jours de travail se répartiront à raison de 6 jours de travail consécutifs suivis de 2 jours de repos et que la répartition hebdomadaire ou mensuelle de la durée du travail pourra être modifiée en fonction des nécessités liées au bon fonctionnement de l'entreprise et que le salarié pourra être amené à faire des heures supplémentaires à la demande de l'employeur.
Suivant lettre reçue par la Sarl NOVATO le 17 février 2009 intitulé « lettre de démission » Monsieur [C] [D] a indiqué donner sa démission après respect de son préavis contractuel. Le 16 Mars 2009 il a écrit à son employeur en lui communiquant le nom de son avocat et en lui rappelant qu'il ne l'avait employé « qu'à mi-temps ou plutôt tiers temps en moyenne alors que vous deviez me faire travailler à plein temps. Ainsi vous avez méprisé beaucoup de mes droits.. » ajoutant « vous n'aviez pas le droit de me refuser de travailler pendant la durée de mon préavis contractuel. En conséquence, ma prise d'acte de la rupture de mon contrat en date du 17 février 2009 sera prochainement soumise à l'examen du Conseil des Prud'hommes (...) » ;
Dans un courrier de six pages daté du 26 Mars 2009 en réponse à la lettre de son employeur du 19 Mars 2009 et alors qu'il n'avait pas encore saisi le Conseil des Prud'hommes, le salarié conteste encore le fait que ce soit à sa demande qu'il n'a pas été employé à plein temps en indiquant « malgré mes revendications répétées à obtenir mon contrat de travail honoré, vous m'avez méprisé en vous complaisant à m'utiliser comme bouche trou (...) » ;
L'entreprise emploie une vingtaine de salariés.
Monsieur [C] [D] a saisi le Conseil des Prud'hommes le 23 Juin 2009.
La Sarl NOVATO demande à la Cour d'infirmer le jugement en ce qui concerne les condamnations prononcées par le Conseil des Prud'hommes et de rejeter les demandes de Monsieur [C] [D].
Monsieur [C] [D] demande la confirmation du jugement en ce qui concerne les condamnations qui ont été prononcées à son profit et par conclusions d'appel incident, de l'infirmer pour le surplus en condamnant la Sarl NOVATO à lui payer les sommes de :
1 596.17 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de préavis et subsidiairement la somme de 746.24 € bruts
159.61 € bruts à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents et subsidiairement 74.62 € bruts
5 000 € à titre de dommages intérêts pour non paiement des salaires
431.85 € à titre d'indemnité de licenciement ou subsidiairement 201.90 €
10 000 € pour rupture abusive
3 200 € à titre de dommages intérêts pour remise tardive de l'attestation ASSEDIC
2 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure Civile
il sollicite par ailleurs la remise sous astreinte de 20 € par jour et par document du certificat de travail, de l'attestation pôle emploi et du bulletin de salaire mentionnant le préavis et les congés payés et demande enfin la remise des bulletins de salaire de novembre 2007 à Février 2009 mentionnant un salaire correspondant à 153,53h par mois sous astreinte de 20 € par jour et document.
SUR CE
Il est expressément fait référence aux explications et conclusions des parties visées à l'audience et soutenues oralement à la barre.
L'appelante soutient que Monsieur [C] [D] travaillait en tant que salarié remplaçant à sa demande expresse, que ses jours de travail étaient le samedi et le dimanche et qu'en Septembre 2008 quand il a demandé à travailler davantage elle a accédé à sa requête ;
Il ressort des bulletins de salaire que dès son embauche jusqu'en Octobre 2008, Monsieur [C] [D] n'a été rémunéré que pour un nombre d'heures oscillant entre 26h 64 et 60h 60 pour atteindre à partir d'Octobre 2008 : 113h 22 en Octobre, 119h 88 en novembre et 99 h 90 en Décembre ;
Le contrat de travail stipulait une durée de travail hebdomadaire variant entre 33 et 40 heures dans la limite de 153h 1/3 ; si l'organisation du temps de travail est laissée à l'appréciation du chauffeur, le contrat qui fait la loi des parties mentionne que les jours de travail se répartissent à raison de 6 jours consécutifs de travail suivis de deux jours de repos ; les attestations versées aux débats par l'employeur de salariés de la société indiquant que Monsieur [C] [D] travaillait à temps partiel ou à sa demande et les plannings non signés par Monsieur [C] [D] sont inopérants pour établir que c'est à la demande du salarié qui le conteste que l'employeur ne lui donnait du travail qu'un nombre d'heures et de jours inférieurs au temps prévu par le contrat ;
L'absence de revendication écrite du salarié au reçu de ses bulletins de salaire de la date de son embauche jusqu'au mois d'Octobre 2008 où le nombre d'heures de travail a atteint ou passé les 100 h sur le mois sans toutefois jamais atteindre les 33 heures de travail hebdomadaire est sans conséquence sur le fait que l'employeur devait exécuter le contrat de travail tel que signé par les parties à défaut d'avoir fait signer un avenant correspondant à la situation exacte des parties notamment concernant les mentions obligatoires face à un contrat à temps partiel concernant la répartition des planches horaires et journalières de travail ;
La durée hebdomadaire minimum effective du temps de travail à laquelle le salarié pouvait contractuellement prétendre était de 33 h soit 146h19 par mois, en conséquence de quoi la somme de 14128.03 € lui sera allouée à titre de rappel de salaire correspondant à la différence entre la somme qu'il a reçue figurant sur ses bulletins de salaire et la somme qu'il aurait dû recevoir en exécution du contrat de travail plus 1 412.80 € pour congés payés afférents ;
En application du principe de l'unicité de l'instance résultant de l'article R1452-6 du Code du Travail applicable au procès prud'homal, Monsieur [C] [D] est recevable en son appel incident formulé par conclusions remises à la Cour, les demandes présentées ayant au surplus déjà été présentées devant le Conseil des Prud'hommes ;
Eu égard aux manquements fautifs de l'employeur dans l'exécution loyale du contrat de travail, la décision du salarié de remettre sa démission le 17 février 2009 à son retour de congés ne procède pas d'une volonté claire et non équivoque, elle a été de surcroît explicitée et motivée dans un délai très court les 16 et 26 Mars suivants et suivie de la saisine du Conseil des Prud'hommes et de la communication du nom de l'avocat en charge des intérêts du salarié de sorte que la Cour considère que la décision du salarié de mettre un terme à la relation contractuelle s'analyse en fait en une prise d'acte de rupture qui produit les effets d'un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse qui, le salarié ayant moins de deux ans d'ancienneté dans la société doit être qualifié d'abusif ;
Il s'ensuit que le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis correspondant à un mois de salaire soit 1 521.83 € conformément à l'article 21 de la convention collective au regard de l'ancienneté du salarié supérieure à 6 mois plus les congés payés soit 152.18 € ainsi qu'à une indemnité de licenciement de 1/5ème par année de présence soit en l'espèce 401.72 € ;
Eu égard au préjudice subi caractérisé par la difficulté à retrouver un emploi, au fait qu'il a perçu le RSA, qu'il a dû rembourser une prime à l'emploi qu'il avait perçue lors de son embauche en raison d'une activité inférieure à 78h par mois, au fait qu'il a repris une activité de chauffeur de taxi indépendant locataire, la Cour a les éléments utiles pour fixer son préjudice à la somme de 4 000 € en application de l'article L 1235-5 du Code du Travail ;
La somme de 1000 € sera allouée à Monsieur [C] [D] à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail outre la somme de 100€ pour remise tardive de l'attestation ASSEDIC laquelle a nécessairement causé un préjudice au salarié ;
Il y a lieu d'ordonner la remise des documents conformes à la présente décision (certificat de travail, attestation pôle emploi et bulletins de salaire de novembre 2007 à février 2009) sans qu'il y ait lieu à astreinte ;
La somme de 2 000 € sera allouée à Monsieur [C] [D] au titre des frais irrépétibles d'instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Déclare recevable Monsieur [C] [D] en son appel incident
Infirme le jugement et statuant à nouveau :
Condamne la Sarl NOVATO à payer à Monsieur [C] [D] la somme de 14 128.03 € à titre de rappel de salaire plus 1 412.80 € pour congés payés afférents
Dit que la démission s'analyse en une prise d'acte de rupture et a les effets d'un licenciement abusif
En conséquence :
Condamne la Sarl NOVATO à payer à Monsieur [C] [D] les sommes de :
1 521.83 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis plus les congés payés afférents soit 152.18 €
401.72 € à titre d'indemnité de licenciement
4 000 € à titre de dommages intérêts pour licenciement abusif
1 000 € à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
100 € à titre de dommages intérêts pour remise tardive de l'attestation ASSEDIC
Rejette toutes autres demandes des parties
Condamne la Sarl NOVATO aux entiers dépens et à payer à Monsieur [C] [D] la somme de 2 000 € au titre des frais irrépétibles d'instance et d'appel.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT