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27/09/2012 | FRANCE | N°10/09957

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 27 septembre 2012, 10/09957


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 27 Septembre 2012

(n° 5 , 13 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09957



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Septembre 2010 par le conseil de prud'hommes de MEAUX RG n° 08/01117





APPELANTS

Monsieur [C] [M]

[Adresse 28]

[Localité 15]

représenté par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002



Monsieur [L] [S]

[Adresse 7]

[Adresse 25]

[Localité 22]

représenté par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002



Monsieur [R] [Y]

[Adresse 11]

[Localité 2...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 27 Septembre 2012

(n° 5 , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09957

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 24 Septembre 2010 par le conseil de prud'hommes de MEAUX RG n° 08/01117

APPELANTS

Monsieur [C] [M]

[Adresse 28]

[Localité 15]

représenté par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

Monsieur [L] [S]

[Adresse 7]

[Adresse 25]

[Localité 22]

représenté par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

Monsieur [R] [Y]

[Adresse 11]

[Localité 23]

représenté par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

Monsieur [P] [G]

[Adresse 2]

[Localité 12]

représenté par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

Monsieur [D] [O]

[Adresse 20]

[Localité 14]

représenté par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

Madame [B] [K]

[Adresse 19]

[Localité 8]

représentée par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

Monsieur [A] [H]

[Adresse 5]

[Localité 10]

représenté par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

Monsieur [N] [W]

[Adresse 13]

[Localité 21]

comparant en personne, assisté de Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

Madame [F] [Z]

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

Monsieur [U] [J]

[Adresse 9]

[Localité 17]

comparant en personne, assisté de Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

Le Syndicat CGT de l'Administration Centrale et des Services des Ministères Economiques et Financiers et du Premier Ministre

[Adresse 4]

[Adresse 24]

[Localité 16]

représentée par Me Savine BERNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : C2002

INTIMÉE

L'UGAP (UNION DE GROUPEMENT DES ACHATS PUBLICS)

[Adresse 1]

[Adresse 26]

[Localité 18]

représentée par Philippe HALIMI ( Juriste), muni d'un pouvoir, daté du 08 juin 2012, assisté par Me Grégory CHASTAGNOL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0107

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 21 Juin 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Renaud BLANQUART, président, et Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère , chargés d'instruire l'affaire.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère

Madame Anne DESMURE, Conseillère

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRÊT :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

L'Union du groupement des achats publics (l'Ugap) est un établissement public industriel et commercial (Epic) qui constitue une centrale d'achat public.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [C] [M] a été engagé par l'UGAP, à compter du 1er septembre 1998, l'interréssé exerçant en dernier lieu les fonctions de responsable du département technique pédagogique de la Dierction des achats.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [L] [S] a été engagé par l'UGAP, à compter du 1er mars 1992, l'interréssé exerçant en dernier lieu les fonctions de chargé de clientèle.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [R] [Y] a été engagé par l'UGAP, à compter du 1er mai 1995, l'interréssé exerçant en dernier lieu les fonctions de chargé de clientèle.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [P] [G] a été engagé par l'UGAP, à compter du 2 juin 1986, l'interréssé exerçant en dernier lieu les fonctions de chargé de responsable régional de distribution.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [D] [O] a été engagé par l'UGAP, à compter du 28 juillet 1986, l'interréssé exerçant en dernier lieu les fonctions de chargé de responsable de distribution.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, Madame [B] [K] a été engagée par l'UGAP, à compter du 1er décembre 1994, l'interréssée exerçant en dernier lieu les fonctions de chef de mission de maîtrise d'ouvrage des systèmes d'information.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [A] [H] a été engagé par l'UGAP, à compter du 1er décembre 1988, l'interréssé exerçant en dernier lieu les fonctions de chargé de responsable régional de distribution.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [N] [W] a été engagé par l'UGAP, à compter du 20 août 1973, l'interréssé exerçant en dernier lieu les fonctions de chargé de responsable de distribution.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, Madame [F] [Z] a été engagée par l'UGAP, à compter du 30 mars 1992, l'interréssée exerçant en dernier lieu les fonctions de chargé de responsable de distribution.

Suivant contrat de travail à durée indéterminée, Monsieur [U] [J] a été engagée par l'UGAP, à compter du 4 février 2002, l'interréssé exerçant en dernier lieu les fonctions d'acheteur.

En 2005, l'Ugap a soumis au comité d'entreprise un plan de réorganisation accompagné d'un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE) aux termes duquel était envisagé le regroupement des activités logistiques sur un seul site, entraînant, par voie de conséquence, la suppression de 40 postes et la modification de 35 contrats de travail . Ce plan de sauvegarde, pour lequel le comité d'entreprise avait rendu un avis défavorable en date du 10 août 2005, a été annulé par jugement du TGI de Meaux en date du 19 janvier 2006, confirmé par la Cour d'appel, par arrêt du 11 janvier 2007.

Sur quoi, le comité d'entreprise a été informé et consulté sur deux projets d'actes :

- un projet de protocole d'accord transactionnel permettant de mettre un terme aux différends les opposant sur le PSE. Le comité d'entreprise a approuvé cet accord le 22 juin 2007.

- un projet d'accord collectif d'entreprise 'portant amélioration du PSE' qui a été signé par les syndicats CFDT et FO le 27 juin 2007, la CGT et la CFE-CGC ne signant pas cet acte. Cet accord s'appliquait aux salariés supplémentaires à ceux concernés par le précédent PSE et à d'autres.

Le lendemain, 28 juin 2007, l'Ugap et le comité d'entreprise ont signé un protocole d'accord transactionnel intégrant le PSE et aux termes duquel il était convenu notamment, que l'Ugap et le comité d'entreprise renonçaient à tout recours contre l'arrêt précité rendu par la Cour d'appel de Paris et constataient 'l'extinction de toute action et de toute instance relative au plan de sauvegarde de l'emploi et à la procédure d'information et de consultation du comité d'entreprise au titre des dispositions du livre 3 du code du travail.'

Suivant lettres recommandées avec accusés de réception en date des 25 et 28 septembre, 29 octobre, 10 et 11 décembre 2007, il a été mis fin aux contrats de travail des intéressés.

Contestant les conditions de cette rupture, ces 10 salariés ont saisi le Conseil des Prud'Hommes de Meaux d'une demande de dommages et intérêts pour nullité du licenciement, subsidiairement, par licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile. Certains des salariés ont réclamé, par ailleurs, des dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail ( M.[S], M.[Y], M.[G], M.[O], M.[H], M.[W], et M.[Z]).

Intervenant volontairement à l'instance, le syndicat CGT de l'Administration centrale et des services du ministère de l'économie et du Premier ministre, a réclamé le paiement de dommages et intérêts en application de l'article L2132-3 du code du travail et d'une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Par décision en date du 24 septembre 2010, le Conseil des Prud'Hommes, en sa formation de départage, a notamment :

- déclaré recevable l'intervention volontaire du syndicat CGT,

- débouté les salariés ainsi que le syndicat CGT de toutes leurs demandes,

- rejeté la demande de l'Ugap au titre de l' application de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamné les demandeurs aux dépens.

Arguant du caractère non réel et sérieux de leurs licenciements , subsidiairement de leur nullité, les salariés, ainsi que le syndicat CGT, ont fait appel de cette décision dont ils sollicitent l'infirmation. Leurs demandent s'expriment de la manière qui suit :

I - POUR LES CINQ RESPONSABLES DISTRIBUTION

1/ CONDAMNER L'UGAP à verser Madame [Z] :

- à titre principal : 97.020 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (36 mois de salaire) ;

- à titre subsidiaire : 97.020 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de

licenciement sur le fondement de l'article L1 23 5-10 du Code du Travail (36 mois de salaire) ;

- en tout état de cause :

o 48.510 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L1222- 1 du Code du travail ;

o 5390 euros (deux mois de salaire) à titre de dommages intérêts pour non respect de la date minimale de notification du licenciement ;

o 3000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

o intérêts au taux légal avec anatocisme ;

- aux dépens.

2/ CONDAMNER L'UGAP à verser à Monsieur [H] :

- à titre principal : 96.588 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (36 mois de salaire) ;

- à titre subsidiaire : 96.588 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de

licenciement sur le fondement de l'article L1 23 5-10 du Code du Travail (36 mois de salaire) ;

- en tout état de cause :

o 32.196 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L1222- 1 du Code du travail ;

o 3000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

o intérêts au taux légal avec anatocisme ainsi qu'aux dépens.

3/ CONDAMNER L'UGAP à verser à Monsieur [G] :

- à titre principal : 102.996 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (36 mois de salaire) ;

- à titre subsidiaire : 102.996 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de

licenciement sur le fondement de l'article L1 23 5-10 du Code du Travail (36 mois de salaire) ;

- en tout état de cause :

o 34.332 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L1222-1 du Code du travail ;

o 5722 euros (deux mois de salaire) à titre de dommages intérêts pour non respect de la date minimale de notification du licenciement ;

o 3000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

o intérêts au taux légal avec anatocisme ainsi qu'aux dépens.

 

4/ CONDAMNER L'UGAP à verser à Monsieur [O] :

- à titre principal : 102.744 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (36 mois de salaire) ;

- à titre subsidiaire : 102.744 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de

licenciement sur le fondement de l'article L1 23 5-10 du Code du Travail (36 mois de salaire) ;

- en tout état de cause :

o 34.248 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L1222- 1 du Code du travail ;

o 5708 euros (deux mois de salaire) à titre de dommages intérêts pour non respect de la date minimale de notification du licenciement ;

o 3000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

o intérêts au taux légal avec anatocisme ainsi qu'aux dépens.

5/ CONDAMNER L'UGAP à verser à Monsieur [W]

- à titre principal : 131.940 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (36 mois de salaire) ;

- à titre subsidiaire : 131.940 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de

licenciement sur le fondement de l'article L1 23 5-10 du Code du Travail (36 mois de salaire) ;

- en tout état de cause :

o 43.980 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L1222- 1 du Code du travail ;

o 7330 euros (deux mois de salaire) à titre de dommages intérêts pour non respect de la date minimale de notification du licenciement ;

o 3000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

o intérêts au taux légal avec anatocisme ainsi qu'aux dépens.

II - POUR LES DEUX CHARGES DE CLIENTELE

6/ CONDAMNER L'UGAP à verser à Monsieur [S] :

- à titre principal : 79.668 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 mois de salaire) ;

- à titre subsidiaire : 79.668 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de

licenciement sur le fondement de l'article L1 23 5-10 du Code du Travail (24 mois de salaire) ;

- en tout état de cause :

o 39.834 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L1222- 1 du Code du travail ;

o 3000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

o intérêts au taux légal avec anatocisme;

o aux dépens.

7/ CONDAMNER L'UGAP à verser à Monsieur [Y] :

- à titre principal : 87.696 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 mois de salaire) ;

- à titre subsidiaire : 87.696 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de

licenciement sur le fondement de l'article L1 23 5-10 du Code du Travail (24 mois de salaire) ;

- en tout état de cause :

o 43.848 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L1222- 1 du Code du travail ;

o 3000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

o intérêts au taux légal avec anatocisme;

o aux dépens.

IIII - SUR LES TROIS AUTRES SALARIES

8/ CONDAMNER L'UGAP à verser à Madame [K] :

- à titre principal : 57.960 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (18 mois de salaire) ;

- à titre subsidiaire : 57.960 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de

licenciement sur le fondement de l'article L1 23 5-10 du Code du Travail (18 mois de salaire) ;

- en tout état de cause :

o 3000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

o intérêts au taux légal avec anatocisme;

o aux dépens.

9/ CONDAMNER L'UGAP à verser à Monsieur [M] :

- à titre principal : 173988 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (36 mois de salaire) ;

- à titre subsidiaire : 173988 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de

licenciement sur le fondement de l'article L1 23 5-10 du Code du Travail (36 mois de salaire) ;

- en tout état de cause :

o 4833 € à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l'article L1222- 1 du Code du travail ;

o 3000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

o intérêts au taux légal avec anatocisme;

o aux dépens.

10/ CONDAMNER L'UGAP à verser à Monsieur [J] :

- à titre principal : 91032 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (24 mois de salaire) ;

- à titre subsidiaire : 91032 € à titre de dommages et intérêts pour nullité de

licenciement sur le fondement de l'article L1 23 5-10 du Code du Travail (24 mois de salaire) ;

- 3000 euros en application de l'article 4 du protocole transactionnel signé avec le comité d'entreprise.

- 3000 € au titre de l'article 700 du CPC ;

- intérêts au taux légal avec anatocisme;

11/ RECEVOIR la CGT dans son intervention volontaire.

CONDAMNER L'UGAP à lui verser 6000 € sur le fondement de l'article L2132-3 du Code du Travail et 2000 € au titre de l'article 700 du CPC.

L'Ugap ( l'Union de Groupement des achats publics) conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation solidaire des appelants à lui payer la somme de 4 500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile et à supporter les dépens.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 21 juin 2012, reprises et complétées lors de l'audience.

Motivation

I. Sur la qualification de la rupture

Il résulte des débats que l'employeur a adressé à chacun des salariés en cause un courrier en recommandé avec accusé de réception, lui notifiant son licenciement. Cette lettre précise la raison économique du licenciement, en l'occurrence la sauvegarde de la compétitivité, et en explicite les tenants et les aboutissants, ainsi que ses conséquences sur l'emploi des salariés en indiquant qu'il est supprimé ou transformé.

La rupture dont ont ainsi été l'objet ces salariés, à l'initiative de l'employeur, s'analyse bien en un licenciement, et non pas, comme le soutient vainement l'Ugap, en un départ volontaire, au motif que ces salariés auraient adhéré volontairement à une mesure de mobilité externe.

Par ailleurs, indépendamment de la question de la validité d'un PSE, et nonobstant l'adhésion des salariés à un tel plan, ce qui est le cas en l'espèce, pour bon nombre d'entre eux ( MM.[O], [M], [G], [W], [H], Mmes [P], [K]), ceux-ci conservent le droit de contester le motif économique invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement.

En application des articles L 1233-3 et 4 du code du travail, ' le licenciement économique comporte des motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment à des difficultés économiques ou à des mutations technologiques. Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel appartient l'entreprise. Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises '.

Il résulte de ces textes que le licenciement pour motif économique ne peut intervenir que si :

- les difficultés économiques ou les mutations technologiques avérées ont abouti à la suppression de l'emploi du salarié ou à une modification substantielle de son contrat de travail qu'il n'a pas acceptée ;

- le reclassement du salarié est impossible.

En cas de contestations, il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité du motif économique allégué et de ce qu'il a satisfait à l'obligation de reclassement lui incombant.

A défaut d'établir un seul de ces éléments, le licenciement est sans cause réelle et sérieuse.

En outre, en application de l'article L1233-16 du Code du travail, la lettre de licenciement doit énoncer les motifs économiques invoqués par l'employeur.

La lettre de licenciement fixe les limites du litige.

En l'espèce, les salariés, outre qu'ils estiment insuffisante, au regard de l'exigence des textes, la motivation de la lettre de licenciement, contestent la réalité du motif économique allégué ainsi que le respect par l'employeur de son obligation de reclassement. Ils ajoutent qu'aucun salarié ne s'est porté volontaire à son départ, ni l'accord d'entreprise ni l'accord transactionnel n'évoquant cette modalité de départ.

Les lettres de licenciement des 25 et 28 septembre, 29 octobre, 10 et 11 décembre 2007, fondent le licenciement prononcé pour motif économique sur les mêmes raisons, en l'occurrence, les tendances à la baisse de l'activité de l'Ugap à partir de 1996, puis ses pertes d'exploitation en 2003, en 2004 et en 2005, chiffrées cette année-là, à plus de 50 millions d'euros en 2005, lesquelles ont motivé la mise en oeuvre d'une stratégie d'augmentation du taux de marge, pendant deux années, à laquelle, pour assurer la pérennité de l'entreprise, devait succéder une stratégie de 'développement' de son chiffre d'affaires.

Ces lettres se poursuivent en ces termes : ' les contraintes fortes pesant sur la compétitivité économique de l'Etablissement, à savoir d'une part, l'impossibilité d'augmenter, sinon de façon circonstancielle, le taux de marge, et l'obligation de développer son chiffre d'affaires, d'autre part, tout en procédant à une réduction des coûts, impliquent la mise en place d'une organisation plus efficace', laquelle s'est traduite, selon les termes de ces courriers, par une profonde réorganisation de l'entreprise impliquant, soit la suppression des emplois en cause ( MM.[Y], [S] et [J]), soit une transformation des emplois concernant tous les autres salariés et que ceux-ci ont refusée.

En premier lieu, il convient de constater, que la lettre de licenciement qui précise la raison économique du licenciement, en l'occurrence la sauvegarde de la compétitivité, et en explicite les tenants et les aboutissants, ainsi que ses conséquences sur l'emploi des salariés en indiquant qu'il est supprimé ou transformé, répond aux exigences de motivation posée par l'article L1233-16 précité.

Les motifs invoqués dans la lettre de licenciement sont matériellement vérifiables.

Contrairement à ce que soutiennent les salariés, la sauvegarde de compétitivité d'une entreprise est d'une nature différente de celle relevant de difficultés économiques, de sorte que la pertinence de la sauvegarde invoquée peut résulter d'éléments chiffrés ou non, et la référence, comme en l'espèce, à des résultats d'exploitation négatifs survenus dans le passé, est pertinente pour expliquer le recours à cette mesure.

A cet égard, il ressort des débats et en particulier du rapport d'audit de l'inspection générale des Finances en date du mois de juillet 2004, qu'en dépit d'un dynamisme commercial que mettent également en exergue les salariés, l'Ugap connaît des déficits d'exploitation, compensés en puisant dans ses réserves, ce qui conduit les membres de l'audit à conclure qu'à terme, les réserves se réduisant, l'établissement est 'mortel' , qu'il disparaîtra s'il ne rééquilibre pas ses comptes et que pour ce faire 'une réorganisation à plus ou moins long terme est incontournable'.

Il ressort de cette analyse, dont le sérieux n'est pas contesté, le caractère indispensable de la réorganisation de l'Ugap pour améliorer sa compétitivité et assurer sa survie.

Cependant, les licenciements intervenant sept ans après cet audit, au dernier trimestre 2007, date à laquelle s'apprécie le caractère réel et sérieux du motif économique qui les fondent, il convient de prendre en compte les éléments versés aux débats par les salariés, sur la situation économique de l'entreprise :

- un flash infos de l'Ugap n° 1 en date du 20 décembre 2006, aux termes duquel il est expliqué que 'dans les trois années écoulées, l'Ugap vient de presque doubler son chiffres grâce aux efforts de tous....l'afflux de commandes, depuis quelques semaines en est la démonstration éclatante, ..ce quasi doublement marque une étape : notre établissement est sorti des difficultés dont chacun se souvient. Il convient maintenant, tout en consolidant cet acquis, d'entamer une nouvelle étape de croissance'. Celle-ci aura deux objectifs, notamment moderniser les moyens et les procédures, la poursuite de ces objectifs pour la réalisation desquels autorisation a été reçue de porter le nombre d'EQTP (équivalent temps plein) de 805 à 834.

- le discours du président de l'Ugap en date du 23 janvier 2007 (cérémonie des voeux) selon lequel les objectifs de croissance continue de l'activité et d'amélioration de la qualité seront servis, certes par la baisse des taux de marge, mais également par l'accroissement des effectifs.

- un flash infos n°24 sur la politique salariale qui souligne l'existence d'une augmentation des salaires au plan général et individuel en 2007, outre une attribution de 500 € à tous les salariés, avec un taux d'augmentation de 3% contre 1,77% en 2004 et 2,30% en 2005.

- un communiqué de l'Ugap en date du 25 avril 2008, accompagné de l'arrêté du ministre fixant le montant du dividende à verser à l'Etat, précise que 'les résultats de l'établissement, positifs depuis 2005, ont conduit l'Etat à considérer que l'Ugap, comme les autres établissements publics dans une situation comparable, était en mesure de verser un dividende à son actionnaire unique.' Ce dividende s'est élevé à la somme de 12 M€ précision étant faite dans ce même communiqué que ce prélèvement ' n'est de nature à fragiliser ni la situation financière de l'établissement ni ses capacités de développement futures'.

- une communication au conseil d'administration du 2 octobre 2008 qui précise qu'au 31 décembre 2007, l'Ugap comptait 891 salariés avec une poursuite en 2007 d'une dynamique de recrutement qui s'est traduite par une augmentation de 25 % des embauches en contrat à durée indéterminée par rapport à 2006.

Concernant des chiffres plus récents, le site de l'Ugap précise qu'au 31 août 2011, 1000 salariés sont employés à l'Ugap et que celle-ci confirme 'cette année encore sa croissance d'activité'.

Il ressort de l'ensemble de ces éléments qu'à compter de la fin de 2006, l'établissement est sorti de ses difficultés, amorçant une nouvelle étape de croissance et de modernisation accompagnée par une augmentation de ses effectifs. Cette amélioration se traduit également par une augmentation des résultats financiers permettant l'augmentation des salaires en 2007, outre le versement à chaque salarié de la somme de 500 € et à l'Etat d'un dividende de 12 M €. Ce mouvement de croissance se confirme encore en 2011.

Il se déduit de ces éléments que sorti de ses difficultés, fin 2006 , l'Ugap connaît par la suite une nouvelle phase de croissance, tout en poursuivant sa modernisation. Ce faisant, à partir de la fin 2006/ début 2007, la question de la réorganisation de l'entreprise impliquant la suppression de postes n'apparaît plus d'actualité et bien au contraire, l'on constate une augmentation des effectifs. Or, pendant cette période les salariés en cause sont toujours en poste à l'Ugap.

Les éléments produits aux débats par l'Ugap, en l'espèce le contrat d'objectifs Etat/Ugap conclu en 2007 et les tableaux de résultats, parfois obsolètes (pour les années 2005-2006), ne démentent

pas la réalité du renouveau constaté.

Il s'ensuit que les éléments produits aux débats n'établissent pas que le licenciement des salariés en cause est intervenu dans le cadre d'une réorganisation nécessitée par la sauvegarde de la compétitivité de l'entreprise, qui n'apparaissait plus à l'ordre du jour au dernier trimestre 2007.

Les licenciements litigieux sont, donc, dépourvus de cause réelle et sérieuse.

Cette situation donne droit aux salariés à percevoir une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, qu'il convient d'évaluer individuellement.

Compte-tenu des éléments produits aux débats concernant la situation personnelle de chacun des salariés en cause, et notamment de leur ancienneté, des difficultés éventuelles qu'ils ont eues à retrouver du travail, de leur âge au moment du licenciement, la cour est en mesure de fixer aux montants suivants l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse qui leur est due en application de l'article L1235-3 du Code du travail :

- Mme [P] : 54 000 €,

- M.[H] : 61 000 €,

- M.[G] : 68 000 €,

- M.[O] : 68 000 €,

- M.[W] : 88 000 €,

- M.[S] : 66 000 €,

- M.[Y] : 60 000 €,

- Mme [K] : 54 000 €,

- M.[M] : 110 000 €,

- M.[J] : 37 930 €.

II. Sur les autres demandes pécuniaires des salariés

1. Les responsables de clientèles qui déplorent, aux termes du PSE, la perte de la responsabilité de la 'satisfaction clientèle' désormais regroupée autour d'un autre emploi, ne justifient pas, cependant, invoquant leur 'mise au placard', que ladite modification s'analyse en une modification illicite de leur contrat de travail, l'attribution contestée ne leur apparaissant pas contractuellement confiée.

Les responsables de clientèles, qui invoquent, sans le démontrer, la mauvaise foi de l'employeur, ne peuvent donc qu'être déboutés de leur demande de ce chef fondée sur l'article L1222-1 du Code du travail.

2. Le licenciement notifié avant la date minimale prévue par le PSE

Il ressort des débats que MM. [O], [G], [W] et [M] et Mme [P] ont été licenciés les 25, et 28 septembre et le 29 octobre 2009, soit avant la date du 30 novembre 2007 prévu au plan de sauvegarde pour l'emploi, qui définit un calendrier prévisionnel des licenciements précisant que 'la date minimale' de notification des licenciements est fixée au 30 novembre 2007.

Au vu des termes clairs de cet accord, l'Ugap ne peut soutenir comme elle le fait, que le calendrier des licenciements étant prévisionnel, il l'autorisait à licencier avant la date prévue du 30 novembre 2007, cet accord stipulant de façon ferme que les licenciements pouvaient intervenir après, mais pas avant, la date minimale du 30 novembre 2007.

Il se déduit de cette rupture anticipée, eu égard à ce qu'ils étaient en droit d'attendre, compte-tenu des éléments communiqués à eux par l'employeur, que ces salariés ont subi un préjudice, que la Cour, au vu des éléments produits aux débats est en mesure d'évaluer pour chacun d'eux à la somme de 1 000 €.

3. Sur la modification du contrat de travail dès janvier 2006, concernant les chargés de clientèle

MM.[Y] et [S], font valoir, sans le démontrer, compte-tenu des termes de leur contrat de travail, qui ne comporte pas de précision quant au détail de leurs attributions, qu'ils ont subi une modification unilatérale de leur contrat de travail, dès janvier 2006. Au contraire, il apparaît que ceux-ci sont demeurés chargés de clientèle pour la Guadeloupe (M.[S]) et en Nouvelle-Calédonie (M.[Y]), conformément aux termes de leur lettre d'embauche. Les vaines sollicitations de M.[S] pour se rendre notamment en Martinique et en Guyane en octobre et novembre 2006, dont celui-ci se prévaut, ne permettent pas de démontrer le bien fondé de ses allégations. Quant à M.[Y], aucun moyen ni argument n'est articulé au soutien de ses affirmations.

Il résulte de ce qui précède que ces deux salariés ne peuvent qu'être déboutés de leur demande de ce chef.

4. Sur le non respect de l'article 4 du protocole transactionnel

Se prévalant de l'article 4 du protocole transactionnel, M.[J] réclame la somme de 3 000 €, qui a, aux termes du même dispositif été payée à M.[M] au titre de l'application des critères d'ordre des licenciements. L'Ugap soutient avoir réglé le montant litigieux en produisant le bulletin de salaire de M.[J] du mois de juin 2008 qui fait mention de la somme litigieuse.

M.[J] contestant avoir reçu cette somme, il appartient à l'Ugap, qui s'en prévaut, de rapporter la preuve de sa libération, que ne suffit pas à établir le bulletin de salaire produit.

L'Ugap ne peut donc qu'être condamnée à payer à M.[J] la somme de 3 000 € en application du protocole d'accord précité.

III. Sur la demande du Syndicat

Compte-tenu de ce qui précède, il apparaît que l'intérêt collectif représenté par le syndicat a subi une atteinte qu'il convient de réparer par l'allocation d'une indemnité de 2 000 € au syndicat Cgt.

Le jugement déféré est, en conséquence, infirmé.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

Infirme le jugement déféré,

Statuant à nouveau :

Dit que le licenciement des salariés en cause est dépourvu de cause réelle et sérieuse,

En conséquence, condamne L'UGAP à payer les sommes suivantes, en application de l'article L1235-3 du code du travail, à :

- MME [Z] : 54 000 €,

- M.[H] : 61 000 €,

- M.[G] : 68 000 €,

- M.[O] : 68 000 €,

- M.[W] : 88 000 €,

- M.[S] : 66 000 €,

- M.[Y] : 60 000 €,

- MME [K] : 54 000 €,

- M.[M] : 110 000 €,

- M.[J] : 37 930 €,

Condamne, en outre, L'UGAP à payer la somme de 1 000 € à chacun des salariés suivants : MM. [O], [G], [W] et [M] et MME [Z],

Condamne L'UGAP à payer au SYNDICAT CGT la somme de 2 000 € en application de l'article L 2132-3 du Code du travail,

Dit que ces sommes portent intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Condamne L'UGAP à payer la somme de 3 000 € à M.[J], outre les intérêts au taux légal à compter de la convocation de l'Ugap devant le bureau de conciliation du Conseil de prud'hommes,

Déboute les parties pour le surplus,

Condamne L'UGAP aux dépens de première instance,

Y ajoutant,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamne L'UGAP à payer à chacun des 10 salariés en cause et au SYNDICAT CGT la somme de 500 €

Déboute L'UGAP de sa demande de ce chef.

Condamne L'UGAP aux dépens d'appel;

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/09957
Date de la décision : 27/09/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°10/09957 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-27;10.09957 ?
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