Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 4
ARRET DU 26 SEPTEMBRE 2012
(n° 241 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 11/06404
Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Février 2011 -Tribunal de Commerce de PARIS - 7ème Chambre - RG n° 2009048632
APPELANTE
SAS MT2A, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux
Ayant son siège social
[Adresse 8]
[Localité 2]
Représentée par la SELARL HANDS Société d'Avocats , Me Luc COUTURIER, avocats au barreau de PARIS, toque L0061
Assistée de Me Valérie MOINE plaidant pour SELARL Valérie MOINE, avocat au barreau du MANS, toque 53
INTIMEE
SAS L'ATELIER DES COMPAGNONS, prise en la personne de ses représentants légaux
Ayant son siège social
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par la SCP DUBOSCQ-PELLERIN , avocats au barreau de PARIS, toque L0018
Assistée de Me Barbara de BAUDRY D'ASSON plaidant pour cabinet AARPI BGB, avocat au barreau de PARIS, toque P 0030
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Juin 2012 , en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Monsieur VERT, conseiller faisant fonction de président chargé d'instruire l'affaire et Madame LUC, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. ROCHE, Président
M. VERT, Conseiller
Mme LUC, Conseiller
Greffier, lors des débats : Madame Véronique GAUCI
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur ROCHE, président et par Madame Véronique GAUCI, greffier auquel la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
*****
Vu le jugement rendu le 16 février 2011 par le tribunal de commerce de PARIS.
Vu l'appel et les conclusions du 10 avril 2012 de la société MT2 A ;
Vu les conclusions de la société L'ATELIER DES COMPAGNONS du 23 Mars 2012.
SUR CE
Considérant qu'il ressort des pièces versées aux débats que la société MT2 A, créée en 1995, exerce l'activité d'agencement et de fabrication de mobilier sur mesure tous corps d'état ; qu'en novembre 2008 et janvier 2009, deux collaborateurs de cette société, M [M], chef de projet, et M [B], assistant chargé d'affaires, ont respectivement quitté celle-ci pour rejoindre la société L'ATELIER DES COMPAGNONS, société créée en 1985 qui exerce l'activité de fabrication et réparation, tous corps d'état ;
Considérant que c'est dans ces conditions que la société MT2 A reproche à la société L'ATELIER DES COMPAGNONS d'avoir commis à son préjudice des actes de concurrence déloyale et de parasitisme ;
Considérant qu'il convient liminairement de rappeler que l'action en concurrence déloyale, qui a pour fondement non une présomption de responsabilité qui repose sur l'article 1384 du Code civil mais une faute engageant la responsabilité civile délictuelle de son auteur au sens des articles 1382 et 1383 du Code civil, suppose l'accomplissement d'actes positifs dont la preuve, selon les modalités de l'article 1315 du Code civil, incombe à celui qui s'en déclare victime ; que, par ailleurs, le parasitisme se définit comme l'ensemble des comportements par lequel un agent économique s'immisce dans le sillage d'un autre afin de tirer profit de ses efforts et de son savoir-faire et s'approprie ainsi une valeur économique individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'une recherche et d'un travail de conception spécifique ; que, par suite, la concurrence déloyale par parasitisme suppose que celui en excipant puisse démontrer, d'une part, que son concurrent a procédé de façon illicite à la reproduction de données ou d'informations qui caractérisent son entreprise par la notoriété et l'originalité s'y attachant, elles-mêmes résultant d'un travail intellectuel et d'un investissement propre, d'autre part, qu'un risque de confusion puisse en résulter dans l'esprit de la clientèle potentielle ; qu'en effet et sauf à méconnaître directement le principe de la liberté du commerce et de l'industrie ainsi que la règle de la libre concurrence en découlant, le simple fait de copier la prestation d'autrui n'est nullement fautif dès lors qu'il s'agit d'éléments usuels communs à toute une profession ou à tout un secteur d'activité particulier et pour lesquels il n'est pas justifié de droits de propriété intellectuelle ou d'un effort créatif ou organisationnel dans la mise en 'uvre de données caractérisant l'originalité de l''uvre ;
Considérant qu'en premier lieu la société MT2 A demande à la cour d'annuler le jugement entrepris au motif que les premiers juges ont statué après avoir examiné des pièces non débattues contradictoirement en violation du principe du contradictoire ;
Considérant qu'il ressort de la lecture du jugement entrepris que les premiers juges ont statué en tenant compte de pièces non communiquées contradictoirement aux parties ; qu'il s'ensuit que les premiers juges ont ainsi violé le principe du contradictoire et que le jugement entrepris sera donc annulé ;
Considérant en second lieu que la société MT2 A demande à la cour d'ordonner en tant que de besoin à Me [U] de communiquer à son conseil l'ensemble des éléments par lui séquestrés dans le cadre de l'exécution de sa mission et d'enjoindre à la société L'ATELIER DES COMPAGNONS de communiquer 214 mails ;
Mais considérant qu'il convient de relever que c'est à la société MT2 A de rapporter la preuve des actes de concurrence déloyale et de parasitisme dont elle excipe à l'encontre de la société L'ATELIER DES COMPAGNONS ; que le juge du fond n'a pas à palier la carence d'une partie dans l'administration de la preuve qui lui incombe en ordonnant des mesures d'instruction ; qu'en l'espèce les mesures sollicitées ne sont pas suffisamment précises et s'apparenteraient si elles étaient ordonnées à une mesure d'investigation générale sur l'activité de la société L'ATELIER DES COMPAGNONS ; qu'il convient donc de rejeter les demandes susvisées ;
Considérant sur le fond, qu'il convient de relever que le fait que les deux sociétés litigieuses aient des clients communs n'est pas en soi constitutif d'acte de concurrence déloyale ; que le fait que deux anciens salariés de la société MT2 A aient rejoint la société L'ATELIER DES COMPAGNONS n'est pas davantage constitutif d'un acte de concurrence déloyale dès lors qu'aucune clause de non concurrence ne l'interdisait et dès lors qu'il n'est nullement démontré que ces départs s'inscrivaient dans le cadre d'un débauchage systématique ou déloyal des salariés de la société MT2 A par la société L'ATELIER DES COMPAGNONS ni que ces départs aient désorganisé l'activité de la société MT2 A ; que les pièces versées aux débats ne permettent pas non plus d'établir que lesdits salariés aient collaboré avec la société L'ATELIER DES COMPAGNONS lorsqu'ils étaient embauchés par la société MT2 A ; que le fait que la société MT2 A ait perdu des clients ou des chantiers suite à ces départs n'est pas davantage constitutif d'actes de concurrence déloyal dès lors qu'elle ne rapporte pas la preuve , au vu des pièces versées aux débats, que ces faits sont la résultante de man'uvres déloyales de l'intimée ou d'un transfert d'informations confidentielles ; que la société MT2 A procède essentiellement par voie d'affirmation dans ses écritures , invoquant « des indices sérieux de parasitisme commercial et plus largement de concurrence déloyale » sans rapporter la preuve de faits précis d'actes de concurrence déloyale ; qu'elle sera donc, au vu de ces éléments, déboutée de ce chef de demande ;
Considérant en ce qui concerne les faits de parasitisme reprochés, il convient de relever que le fait que les deux sociétés aient une activité de même nature n'est pas en soi constitutif d'acte de parasitisme ; qu'en l'espèce, dans ses écritures, la société MT2 A après avoir détaillé la jurisprudence en la matière, ne caractérise aucun fait de nature à permettre à la cour de retenir un acte de parasitisme tel que défini ci-dessus ; que la demande formée de ce chef sera également rejetée ;
Considérant que la preuve de la mauvaise foi ou de l'intention de nuire de la société MT2 A n'étant pas rapportée, la demande en dommages et intérêts pour procédure abusive formée à son encontre sera rejetée ;
Considérant que l'équité commande d'allouer la somme de 10 000 euros à la société L'ATELIER DES COMPAGNONS sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
- ANNULE le jugement entrepris.
Statuant de nouveau
- DÉBOUTE la société MT2 A de l'ensemble de ses demandes.
- DÉBOUTE la société L'ATELIER DES COMPAGNONS de sa demande en dommages et intérêts pour procédure abusive.
- CONDAMNE la société MT2 A au paiement des dépens avec recouvrement conformément à l'article 699 du Code de procédure civile et à payer à la société L'ATELIER DES COMPAGNONS la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT