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26/09/2012 | FRANCE | N°10/10180

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 9, 26 septembre 2012, 10/10180


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9



ARRÊT DU 26 Septembre 2012

(n° , pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/10180



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Septembre 2010 par le conseil de prud'hommes de Bobigny, section activités diverses, RG n° 08/01353







APPELANT

Monsieur [G] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne,

assisté de Me FrÃ

©déric GABET, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : BOB139 substitué par Me Clément RENARD, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : 139







INTIMÉE

SA ATOS ORIGIN INFOGERA...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 9

ARRÊT DU 26 Septembre 2012

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/10180

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Septembre 2010 par le conseil de prud'hommes de Bobigny, section activités diverses, RG n° 08/01353

APPELANT

Monsieur [G] [W]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne,

assisté de Me Frédéric GABET, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : BOB139 substitué par Me Clément RENARD, avocat au barreau de SEINE SAINT DENIS, toque : 139

INTIMÉE

SA ATOS ORIGIN INFOGERANCE

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Christine LECOMTE, avocat au barreau de PARIS, toque : A0837

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 27 Juin 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Christine ROSTAND, Présidente

Monsieur Benoît HOLLEAUX, Conseiller

Madame Monique MAUMUS, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier : Mme Caroline CHAKELIAN, lors des débats

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Christine ROSTAND, Présidente et par Monsieur Philippe ZIMERIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

M. [G] [W] a été engagé selon contrat à durée indéterminée à temps partiel hebdomadaire de 24 heures par la société Sema group en qualité de technicien d'exploitation à compter du 2 avril 2001.

Ses horaires de travail étaient le samedi et le dimanche de 6 h à 18 h et de 18 h à 6 h en alternance, étant précisé que ces horaires donnaient lieu au versement d'indemnités kilométriques, aux termes d'un accord d'entreprise du 1er mars 2006 prévoyant que 'les collaborateurs postés, ou en horaires décalés, amenés à prendre leur poste avant 6 h30 ou après 21 h, et qui doivent prendre leur véhicule personnel pour se rendre sur le lieu de travail (....) perçoivent des indemnités kilométriques.'.

A la suite de l'intégration des activités de cette société au sein de la société Atos Origin, il est devenu salarié de cette dernière à compter du 1er novembre 2004, puis de la société Atos Origin Infogérance à compter du 1er mai 2005.

Le pôle au sein duquel il travaillait étant supprimé lors d'une réorganisation, il était affecté sur le site d'[Localité 4].

Après divers échanges et propositions sur les horaires de travail du salarié, l'employeur l'informait par courrier du 26 mars 2007, que ses horaires de travail seraient le samedi et le dimanche de 7 h à 19 h et de 19 h à 7 h.

Par courrier du 25 avril 2007, le salarié indiquait qu'après avoir fait temporairement ces horaires, il reprenait les anciens n'ayant pas eu l'accord de la société sur sa demande de congé individuel de formation pour la période du 1er septembre 2007 au 31 août 2008.

L'employeur confirmait par lettre du 26 avril 2007 que les horaires étaient le samedi et le dimanche de 7 h à 19 h et de 19 h à 7 h.

Par lettre du 27 avril 2007, la société répondait favorablement à la demande de congé individuel de formation.

Par courrier du 30 août 2007, le salarié informait la société que son congé individuel était reporté à la prochaine session et n'aurait pas lieu en septembre 2007 et qu'il allait reprendre ses anciens horaires.

La société lui proposait alors un autre poste que M. [W] refusait au motif qu'il était incompatible avec les études supérieures qu'il suivait en semaine.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 10 décembre 2007 il était licencié pour avoir refusé le changement de ses horaires de travail.

Le conseil de prud'hommes de Bobigny saisi par le salarié qui contestait son licenciement et formulait d'autres demandes accessoires, l'a débouté de l'intégralité de ses demandes par jugement du 30 septembre 2010.

M. [W] a fait appel de cette décision et aux termes de ses écritures visées par le greffier le 27 juin 2012 et soutenues oralement à l'audience, demande à la cour d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions et statuant à nouveau de :

- condamner la société Atos Origin Infogérance à lui payer les sommes de :

- 54 242,64 € à titre de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 13 560,66 € pour licenciement abusif et vexatoire,

- 2 260,11 € à titre de dommages intérêts pour absence de mention du droit au DIF dans la lettre de licenciement,

- 13 560,66 € à titre de dommages intérêts en réparation de l'annulation du congé individuel de formation du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 13 560,66 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant du dépassement de la durée légale de travail,

- assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud'hommes,

- ordonner l'exécution provisoire de la décision,

- condamner la société Atos Origin Infogérance à lui payer la somme de 3 827,20 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure.

Aux termes de ses écritures visées par le greffier le 27 juin 2012 et soutenues oralement à l'audience, la société Atos Origin Infogérance demande à la cour de confirmer le jugement du conseil de prud'hommes en toutes ses dispositions, de débouter M. [W] de l'intégralité de se demandes et de le condamner aux dépens.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

M. [W] soutient qu'en application de l'article L.3123- 24 du code du travail, son refus d'accepter le changement d'horaire n'est pas constitutif d'une faute ou d'un motif de licenciement, son contrat de travail ne prévoyant pas la possibilité d'une telle modification ; que même en présence d'une clause de variation d'horaire, le refus de changement d'horaire n'est pas fautif dès lors que ce changement n'est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses ou avec le suivi d'un enseignement ; que tel était le cas puisqu'il suivait un enseignement supérieur et devait également s'occuper seul de son enfant et de sa mère handicapée ; qu'en outre, le changement d'horaire proposé donnait lieu à une modification importante de sa rémunération en ce qu'il le privait du bénéfice de l'indemnité kilométrique, d'un montant mensuel de l'ordre de 300 € net d'impôt.

La société intimée expose que les partenaires sociaux ont été informés de la suppression des postes et de la réorganisation mise en oeuvre et qu'elle justifie donc du motif lié à la réorganisation de l'entreprise engendrant une modification du lieu de travail de M. [W] ainsi que le décalage d'une heure de ses horaires dus à des impératifs de production et d'harmonisation de l'organisation au sein de l'équipe ; que l'indemnité kilométrique n'est pas contractuelle mais inhérente aux fonctions de sujétion prévues par les accords d'entreprise.

En appel, M. [W] ne formule pas d'opposition sur le changement de son lieu de travail de [Localité 8] à [Localité 4].

Le contrat de travail initial stipule :

'votre lieu de travail sera celui où s'exerceront vos missions sous réserve des articles 4 et 5 des clauses sus-citées. Vous serez rattaché administrativement au centre de [Localité 8].'.

Le changement de lieu de travail qui n'augmentait pas mais diminuait légèrement (de 56 à 48 km) l'éloignement entre son domicile de l'époque et son lieu de travail était donc sans effet sur les conditions de travail de M. [W].

En ce qui concerne les horaires de travail le salarié se prévaut des dispositions de l'article L.3123- 24 du code du travail aux termes duquel :

'Lorsque l'employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail, alors que le contrat de travail n'a pas prévu les cas et la nature de telles modifications, le refus du salarié d'accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement.

Lorsque l'employeur demande au salarié de changer la répartition de sa durée du travail dans un des cas et selon les modalités préalablement définis dans le contrat de travail, le refus du salarié d'accepter ce changement ne constitue pas une faute ou un motif de licenciement dès lors que ce changement n'est pas compatible avec des obligations familiales impérieuses, avec le suivi d'un enseignement scolaire ou supérieur, avec une période d'activité fixée chez un autre employeur ou avec une activité professionnelle non salariée. Il en va de même en cas de changement des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée qui figurent dans le document écrit communiqué au salarié en vertu du 3° de l'article L. 3123-14.'.

En l'espèce, le changement contesté ne porte pas sur une modification portant sur la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois mais sur le changement des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée.

Le contrat initial ne prévoit pas les cas et la nature des modifications de la répartition de la durée du travail que ce soit sur la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ou sur le changement des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée.

Il ne peut toutefois s'en inférer que toute modification des horaires de travail au sein de chaque journée travaillée serait exclue.

Il convient d'analyser concrètement si le changement proposé par l'employeur ne porte pas une atteinte au droit du salarié à une vie personnelle et familiale, si cette atteinte peut être justifiée par la tâche à accomplir et proportionnée au but recherché et si la modification des horaires journaliers est compatible avec les obligations familiales ou les obligations relatives aux études du salarié.

Le décalage d'une heure des horaires a été justifié par l'employeur par des impératifs de production et d'harmonisation de l'organisation au sein de l'équipe, impératifs qui n'ont pas été contestés par M. [W] qui n'a fait aucune observation sur l'opportunité de ce décalage par rapport à la tâche à accomplir.

M. [W] justifie de son inscription en faculté pour l'année 2007/2008 et du fait que sa mère qui a fait l'objet d'une décision de la commission COTOREP a besoin de lui pour sa vie quotidienne (pièces 82 et 83) mais il ne justifie pas ni même n'explique, en quoi le passage de ses horaires de 7 h à 19 h et de 19 h à 7 h au lieu de 6 h à 18 h et de 18 h à 6 h, serait incompatible avec ses obligations familiales ou avec le suivi de ses études.

En outre, le versement des indemnités kilométriques en application de l'accord d'entreprise du 1er mars 2006 est prévu dans certaines conditions stipulées aux termes de cet accord.

Si le salarié ne remplit plus ces conditions, le non-versement de l'indemnité prévue pour compenser une sujétion particulière, en l'espèce la prise de fonction à certaines heures, ne peut être considéré comme une modification de la rémunération.

En conséquence, le refus du changement d'horaire consistant en un décalage modéré de la prise et de la fin de fonction, et ce en l'absence de justification et d'explication du salarié sur l'incompatibilité de cette modification avec ses obligations familiales ou ses obligations relatives à ses études, constitue une cause réelle et sérieuse justifiant le licenciement du salarié.

Le conseil de prud'hommes qui en a jugé ainsi et qui a débouté le salarié de sa demande de dommages intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et pour réparation de l'annulation du congé individuel de formation du fait du licenciement sans cause réelle et sérieuse doit donc être confirmé.

Il en sera de même de la demande de dommages intérêts pour licenciement abusif et vexatoire, la rupture des relations contractuelles entre les parties ne revêtant nullement un aspect abusif et vexatoire.

Sur le DIF

La lettre de licenciement ne portant pas la mention du droit au DIF du salarié, ce dernier est fondé dans sa demande.

La somme octroyée à ce titre sera toutefois limitée au montant calculé par l'employeur, soit 228,08 €, ce calcul n'ayant fait l'objet d'aucune critique.

Sur la demande au titre du dépassement de la durée légale du travail

M. [W] expose que la durée journalière du travail était de 12 h sans qu'il soit fait mention d'aucun temps de pause et qu'il est fondé à solliciter des dommages intérêts en réparation du stress ainsi que d'une fatigue importante tout au long de l'exécution de son contrat de travail.

La société intimée soutient qu'il bénéficiait de deux heures de pause qui lui étaient rémunérées et qu'en outre l'accord du 1er mars 2006 sur le temps de travail prévoit que la durée du temps de travail peut être portée à 12 heures.

Aucun élément versé aux débats ne permet de conclure à l'existence d'une pause de deux heures.

Si aux termes de l'article 3.3.3.3.1 de l'accord susvisé la durée de travail des salariés en équipes de suppléance reposant sur un contrat à temps partiel sera de 12 heures maximum et si les dispositions légales autorisent une durée au maximum de 12 heures de la durée journalière du travail en cas d'accord collectif en ce sens, il n'en demeure pas moins que des temps de pause doivent être prévus en application de l'article L.3121-33 du code du travail (ancien article L.220-2).

S'il est vraisemblable que, notamment pendant le travail de nuit, M. [W] bénéficiait de fait, de périodes de pause, aucun élément n'est produit sur l'organisation du travail du salarié lorsqu'il travaillait de 6 heures à 18 heures.

L'absence de prévision de périodes de pause bien délimitées pendant lesquelles le salarié peut se détendre et relâcher sa vigilance en toute légitimité, cause un préjudice certain au salarié.

En réparation de ce dommage subi pendant plusieurs années, la société intimée devra verser à l'appelant la somme de 3 000 € à titre de dommages intérêts.

Des considérations tenant à l'équité commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Confirme le jugement du conseil de prud'hommes de Bobigny du 30 septembre 2010 sauf en ce qui concerne la demande au titre du DIF,

statuant à nouveau de ce chef et y ajoutant,

Condamne la société Atos Origin Infogérance à payer à M. [W] les sommes de :

- 228,08 € au titre du Dif avec intérêts au taux légal à compter du 3 juin 2008,

- 3 000 € à titre de dommages intérêts avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens.

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 9
Numéro d'arrêt : 10/10180
Date de la décision : 26/09/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K9, arrêt n°10/10180 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-26;10.10180 ?
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