RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 7
ARRÊT DU 20 Septembre 2012
(n° , 7 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 09/08462
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Septembre 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Encadrement RG n° 07/11556
APPELANTE
SARL ETUDE DU THEATRE
[Adresse 7]
[Adresse 7]
représentée par Me Serge MAREC, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEE
Madame [O] [G]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Michèle UZAN FALLOT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1095
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 14 Juin 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président
Madame Laurence GUIBERT, Vice-Présidente placée sur ordonnance du Premier Président en date du 20 janvier 2012
Monsieur Christian FAUQUÉ, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Madame [O] [G] exerçait les fonctions de gestionnaire d'immeuble dans l'agence immobilière COMPAGNIE IMMOBILIERE DE LA MADELEINE (CIM ) depuis 1980.
Alors que l'agence, mise en liquidation judiciaire, était cédée , le 26 juillet 2007 , à la société ETUDE DU THEATRE , le contrat de travail de Mme [G] était repris par le nouveau dirigeant .
A la suite d'un rapport d'audit comptable du 31 août 2007 , Mme [G] se voyait notifier , le 21 septembre 2007 , pour des faits de détournements de fonds, une mise à pied conservatoire puis , le 8 octobre 2007 , un licenciement pour faute grave .
Elle saisissait le Conseil de prud'hommes de Paris , le 29 octobre 2007 , en contestation de la mesure de licenciement en exposant que les faits qui lui étaient reprochés étaient prescrits et , compte tenu de ses fonctions , ne lui étaient pas imputables .
Elle formulait les demandes suivantes':
- indemnité conventionnelle de licenciement': 26.429,17 euros';
- indemnité compensatrice de préavis': 11700 euros';
- indemnité compensatrice de congés payés sur préavis': 1170 euros';
- 13ème mois': 796,76 euros';
- congés payés sur 13 ème mois': 79,67 euros';
- salaire de mise à pied': 2080 euros';
- congés payés afférents': 208 euros';
- heures supplémentaires': 228,66 euros';
- congés payés afférents': 22,86 euros';
- dommages - intérêts pour licenciement abusif': 93600 euros';
- indemnité pour non respect de la procédure de licenciement': 3900 euros';
- indemnité de transport': 69,50 euros';
- article 700 du CPC': 2000 euros';
Par un jugement du 11 septembre 2009 , le conseil de prud'hommes':
- a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse';
- a condamné la société ETUDE DU THEATRE à verser à Mme [G]':
* 26.429,17 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement';
* 11700 euros d'indemnité compensatrice de préavis';
* 1170 euros au titre des congés payés afférents';
* 2080 euros de rappel de salaire durant la période de mise à pied';
* 208 euros au titre des congés payés afférents';
* 796,76 euros à titre de rappel de salaire pour le 13 ème mois';
* 69,50 euros de rappel de salaire en matière d'indemnité de transport';
* 228,66 euros de rappel de salaire en matière d'heures supplémentaires';
* 22,86 euros au titre des congés payés afférents';
- a condamné la société à verser à Mme [G] 50.000 euros d'indemnité de licenciement abusif';
- a condamné la société à verser 1000 euros au titre de l'article 700 du CPC'.
La société ETUDE DU THEATRE a régulièrement interjeté appel de cette décision .
Vu ses conclusions écrites du 14 juin 2012 , au soutien de ses observations orales , par lesquelles elle demande à la cour':
- de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que les faits n'étaient pas prescrits et pouvaient être invoqués à l'appui du licenciement';
- de l'infirmer en déclarant que le licenciement a respecté la procédure légale et est justifié par une faute grave';
- de débouter Mme [G] de l'ensemble de ses demandes';
- de la condamner à verser 3500 euros au titre du CPC'et aux entiers dépens';
- subsidiairement d'ordonner un sursis à statuer dans l'attente du résultat de l'instruction pénale en cours sur les faits reprochés à Mme [G] .
Vu les conclusions écrites du 14 juin 2012 , au soutien de ses observations orales , par lesquelles Mme [G] demande à la cour':
- de dire que les faits qui lui sont reprochés sont prescrits et de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse';
- en tout état de cause , de déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse et ce en tant que de besoin en faisant application des dispositions de l'article L 1235-1 du Code du travail';
- en conséquence de débouter la société ETUDE DU THEATRE de l'ensemble de ses demandes';
- de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société à verser':
* 26.429,17 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement';
* 11700 euros d'indemnité compensatrice de préavis';
* 1170 euros de congés payés sur préavis';
* 796,76 euros au titre du 13ème mois ( 2/12ème)
* 2080 euros à titre de salaire sur mise à pied';
* 208 euros de congés payés afférents';
* 228,66 euros au titre d'heures supplémentaires ( tenue d'assemblées générales de copropriété )';
* 22,86 euros de congés payés afférents';
* 69,50 euros d'indemnité de transport';
* 1000 euros au titre de l'article 700 du CPC';
- de dire que les condamnations produiront intérêt au taux légal à compter à compter du 5 novembre 2007';
- d'ordonner la capitalisation des intérêts
- de réformer le jugement quant au quantum des sommes allouées au titre de l'article L 1235-5 du Code du travail .
MOTIFS DE LA DECISION
- Sur la prescription':
Attendu qu'en application des dispositions de l'article L 1332-4 du Code du travail , aucun fait fautif ne peut donner lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance'; que Mme [G] fait valoir que les faits de détournements de fonds et les irrégularités comptables qui lui sont reprochés sont prescrits dans la mesure où ils étaient connus par son ancien employeur , lui - même mis en cause pour ces faits';
Attendu cependant que ceux - ci , qui ne pouvaient être sanctionnés par l'ancien employeur lui - même impliqué , M. [J] , ne sont pas prescrits pour la société ETUDE DU THEATRE , repreneur de l'entreprise , un délai de moins de deux mois s'étant écoulé entre le dépôt du rapport d'audit du cabinet CANNAC , le 31 août 2007 , et le licenciement de Mme [G] prononcé le 8 octobre 2007'; que l'exception de prescription soulevée doit être rejetée';
- Sur la rupture du contrat de travail':
Attendu que la faute grave résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise';
Qu'il appartient à l'employeur qui allègue une telle faute d'en rapporter la preuve';
Que la lettre de licenciement , qui fixe les termes du litige , mentionnait':
«' ' Il est très rapidement apparu que la situation des comptes de mandants gérés par l'agence était caractérisée par une non représentation massive des fonds inscrits dans la comptabilité .
«' Nous avons donc fait réaliser un audit comptable par le cabinet CANNAC spécialisé dans les professions de syndic et de gérant de biens .
«' Celui - ci a mené sa mission le 29 août 2007 et nous a fourni un rapport le 3 septembre suivant .
«' Lors de l'entretien préalable nous vous avons interrogé sur les griefs comptables et administratifs concernant vos fonctions de gérant d'immeubles au sein de l'agence de la COMPAGNIE IMMOBILIERE DE LA MADELEINE .
«' Les réponses que vous nous avez fournies ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet et c'est pourquoi nous vous confirmons notre décision de vous licencier pour faute grave'aux motifs suivants':
«' S'agissant de l'activité syndic de copropriété , l'expert indique qu'il a pu travailler à partir de balances individuelles par immeuble et de la balance consolidée qui mettent en évidence trois séries d'anomalies':
- des prélèvements anticipés d'honoraires regroupés sous le chapitre «' charges sociales'» représentant un montant débiteur de tous immeubles confondus de 334.802,25 euros'.
- des comptes bancaires fictifs sous les racines de comptes portant les numéros 5110, 5140, 5180 à 5580 dont le total s'élève à la somme de 316.461,36 euros .
- un compte d'immeuble fictif numéro 800 .
«'Pour expliquer ces montants , l'expert fait mention d'honoraires trop élevés de l'ordre de 50.000 euros pour certains immeubles et indique que des écritures comptables fictives souvent par contrepartie banque ou fournisseurs étaient passées par l'agence avant les assemblées annuelles pour effacer le solde du compte «' honoraires'» . Après établissement des documents destinés aux copropriétaires , ces écritures étaient contre-passées pour rétablir en interne la vérité comptable et cela depuis plusieurs années .
«' A titre d'exemple , je vous ai cité lors de notre entretien les cas suivants':
- immeuble du [Adresse 6] , qui présente un montant d'honoraire trop perçu de 21.726,13 euros';
- immeuble du [Adresse 4] , qui présente un montant d'honoraires trop perçu de 24.149,64 euros';
- immeuble du [Adresse 1] qui présente un montant d'honoraire trop perçu de 29.876,26 euros';
- immeuble du [Adresse 5] qui présente un montant d'honoraires trop perçu de 31.000 euros';
- immeuble du [Adresse 3] qui présente un montant d'honoraires trop perçu de 34.143 euros';
«' L'expert évalue ainsi l'insuffisance financière concernant l'activité de gestion des copropriétés à une somme comprise entre 650.000 euros et 750.000 euros .
«'Vous ne pouvez pas contester que vos fonctions de gérante d'immeubles vous ont amené depuis de nombreuses années non seulement à assumer la responsabilité de la présentation des comptes annuels en assemblée générale devant les copropriétaires mais aussi à assurer la tenue de la comptabilité de l'ensemble des copropriétés gérées par l'agence . Vos fonctions , votre ancienneté et votre statut cadre confirment cette analyse';
«' Ces faits sont extrêmement graves et nous imposent en qualité de repreneur des mandats d'en gérer les conséquences administratives et juridiques auprès des mandants et du garant financier de la société IMMOBILIERE DE LA MADELEINE'.»
Attendu qu'il ressort du compte rendu de l'entretien préalable au licenciement et de différents procès - verbaux au dossier ( pièces 78 et 79 notamment ) que MME [G] a accepté , en suivant les consignes de son employeur , de présenter de fausses situations de trésorerie à des assemblée générales de copropriétaires':
«' C'est moi qui passais toutes les écritures comptables au sein de la Compagnie immobilière de la Madeleine , pour tous les immeubles , même celles des immeubles de M. [J]'»';
«' Pour présenter la comptabilité aux copropriétaires en fin d'exercice , nous regroupions les comptes non soldés en un seul compte'( ' ) C'était la seule façon de présenter des comptes qui tenaient la route'( ' ) Cela camouflait les écritures douteuses au moment des assemblées générales , je le dis honnêtement . Les écritures relatives aux avances d'honoraires étaient regroupées avec les comptes bancaires non soldés'» .
Attendu cependant qu'il apparaît que madame [G] a , en commettant les irrégularités rappelées dans la lettre de licenciement , exécuté les ordres de son ancien employeur', M. [J] , et qu'elle ne s'est pas , en favorisant des détournements de fonds , enrichie personnellement'; qu'il y a lieu de requalifier le licenciement prononcé à son encontre , pour faute grave , en licenciement pour cause réelle et sérieuse';
- Sur les demandes indemnitaires':
- Sur l'indemnité conventionnelle de licenciement':
Attendu que Mme [G] fait valoir qu'elle était depuis près de 27 ans dans l'entreprise', que son salaire brut mensuel contractuel s'élevait à 3900 euros et qu'aux termes des dispositions de l'article 33 de la convention collective de l'immobilier , l'indemnité de licenciement qui lui est due doit correspondre à un quart par année de service dans l'entreprise de ce salaire brut mensuel'; que cette indemnité doit ainsi être évaluée':
3900 euros /4': 975 euros
975 x 26 années = 25.350 euros';
975 euros x 282 /365 jours = 753,28 euros pour l'année 2007';
975 euros x 122/365 jours = 325,89 euros pour l'année 2006 ( de septembre à décembre )
soit un montant global de 26.429,17 euros';
Attendu que cette évaluation est justifiée et qu'il y a lieu , en confirmant la décision du conseil de prud'hommes , de condamner la société ETUDE DU THEATRE à verser cette somme à Mme [G]';
- Sur l'indemnité pour licenciement'abusif':
Attendu que le licenciement de Mme [G] étant justifié , il n'y a pas lieu de condamner la société ETUDE DU THEATRE à lui verser une indemnité pour licenciement abusif';
- Sur l'indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents':
Attendu qu'aux termes de l'article 32 de la convention collective Mme [G] devait percevoir une indemnité compensatrice de préavis égale à trois mois de salaire';
Qu'il y a lieu , en confirmant la décision du conseil de prud'hommes , de condamner la société ETUDE DU THEATRE à lui verser la somme de 11700 euros ainsi que 1170 euros au titre des congés payés afférents';
- Sur le rappel de salaire durant la mise à pied':
Attendu que Mme [G] a été mise à pied du 24 septembre au 9 octobre 2007 et privée de son salaire durant cette période';
Qu'il y a lieu , en confirmant la décision du conseil de prud'hommes , de condamner la société ETUDE DU THEATRE à lui la somme de 2080 euros ( 3900 euros x 16/30 jours ) ainsi que celle de 208 euros au titre des congés payés afférents';
- Sur le rappel de salaire au titre du 13 ème mois':
Attendu que la société ETUDE DU THEATRE n'a pas réglé à Mme [G] son 13ème mois relatif à la période du 27 juillet au 9 octobre 2007';
Que le montant de ce 13ème mois peut s'établir ainsi qu'il suit':
3900 euros /12': 325 euros';
Du 27 au 31 juillet 2007': 5/31 x 325 euros = 52,41 euros
Du 1er au 31 août 2007': 325 euros';
Du 1er au 30 septembre'2007 : 325 euros';
Du 1err au 9 octobre 2007': 9/31 x 325 euros = 94,35 euros
Soit un montant global de 796,76 euros';
Qu'il y a lieu , en confirmant la décision du conseil de prud'hommes , de condamner la société ETUDE DU THEATRE à verser cette somme à Mme [G]';
- Sur le rappel de salaire à titre d'heures supplémentaires':
Attendu que Mme [G] réclame une somme de 228,66 euros correspondant à six heures de travail supplémentaires';
Qu'il y a lieu , en adoptant la motivation du conseil de prud'hommes , de condamner la société ETUDE DU THEATRE à lui verser cette somme ainsi que 22,86 euros au titre des congés payés afférents';
- Sur l'indemnité de frais de transport':
Attendu que Mme [G] demande 69,50 euros d'indemnité de frais de transport';
Qu'il y a lieu de condamner la société ETUDE DU THEATRE , qui ne conteste pas cette réclamation , à verser cette somme à Mme [G]';
- Sur l'article 700 du CPC et les dépens':
Attendu qu'il n'y a pas lieu de faire droit aux demandes des parties en cause d'appel au titre de l'article 700 du Code de procédure civile';
Que Mme [G] qui succombe doit supporter les dépens';
PAR CES MOTIFS':
La cour , statuant publiquement , par arrêt contradictoire mis à disposition des parties au greffe';
CONFIRME le jugement du Conseil de prud'hommes de Paris en ce qu'il a dit que les faits reprochés dans la lettre de licenciement de Madame [O] [G] n'étaient pas prescrits et lui a alloué une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
L'INFIRME en ce qu'il a déclaré que le licenciement était injustifié';
REQUALIFIE le licenciement pour faute grave en licenciement pour cause réelle et sérieuse';
CONDAMNE le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qu'il a condamné la SARL ETUDE DU THEATRE à verser à Mme [G]':
- 26.429,17 euros d'indemnité conventionnelle de licenciement';
- 11700 euros d'indemnité compensatrice de préavis';
- 1170 euros au titre des congés payés afférents';
- 2080 euros à titre de rappel de salaire durant la mise à pied';
- 208 euros au titre des congés payés afférents';
- 796,76 euros à titre de rappel de salaire pour le 13 ème mois';
- 69,50 euros à titre de rappel de salaire en matière d'indemnité de transport';
- 228,66 euros à titre de rappel de salaire en matière d'heures supplémentaires';
- 22,86 euros au titre des congés payés afférents';
ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt pour les montants à caractère indemnitaire et à compter du jour où l'employeur a eu connaissance de leur demande en l'espèce le 5 novembre 2007 , pour les sommes à caractère salarial';
ORDONNE la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l'article 1154 du Code civil';
DÉBOUTE Mme [G] de sa demande d'indemnité pour licenciement abusif';
REJETTE les demandes des parties en cause d'appel au titre de l'article 700 du Code de procédure civile';
LA CONDAMNE aux dépens.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT