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13/09/2012 | FRANCE | N°10/08937

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 13 septembre 2012, 10/08937


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 13 Septembre 2012

(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/08937

S 12/01644



Décision déférée à la Cour : jugements rendus les 24 Janvier 2008 et 22 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL





APPELANTE

Madame [X] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparante en personne,

assistée de Me Jean-Luc TISSOT, a

vocat au barreau de VERSAILLES



INTIMEES

MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE D'ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Christophe RAMOGNINO, avocat au barreau de PARIS, toque ...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 13 Septembre 2012

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/08937

S 12/01644

Décision déférée à la Cour : jugements rendus les 24 Janvier 2008 et 22 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de CRETEIL

APPELANTE

Madame [X] [T]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparante en personne,

assistée de Me Jean-Luc TISSOT, avocat au barreau de VERSAILLES

INTIMEES

MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE D'ILE DE FRANCE

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Christophe RAMOGNINO, avocat au barreau de PARIS, toque : P0380 substitué par Me Pauline MORDACQ, avocat au barreau de PARIS

MONSIEUR LE PREFET DE REGION EN SON SERVICE MAECOPSA aux lieu et place de MONSIEUR LE PREFET DE REGION EN SON SERVICE SRITEPSA

[Adresse 7]

[Adresse 7]

[Localité 4]

non comparant

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 07 Juin 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président

Monsieur Bruno BLANC, Conseiller

Monsieur Christian FAUQUÉ, Conseiller placé sur ordonnance du Premier Président en date du 11 avril 2012

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats

ARRET :

- RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président, et par Melle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Par contrat à durée déterminée d'une année en date du 2 novembre 1993, Mme [X] [T] a été engagée par la Mutualité Sociale Agricole d'île-de-France (MSA) en qualité de médecin du travail. La relation contractuelle s'est poursuivie, par la suite, sous la forme d'un contrat à durée indéterminée à compter du 1er juillet 1994.

La salariée a saisi le 19 mai 2006 le conseil de prud'hommes de Créteil aux fins d'entendre prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de la MSA.

Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 16 juin 2006, Mme [X] [T] a pris acte de la rupture de son contrat de travail aux torts de la MSA.

La cour statue sur l'appel régulièrement interjeté par Mme [X] [T] du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil le 24 janvier 2008 à la suite de la procédure initiée par cette dernière.

L'appel a été enregistré sous le numéro de répertoire général 08/1748. Cette procédure a fait l'objet d'une radiation administrative à l'audience du 5 novembre 2009.

Par ailleurs, le 28 septembre 2008, la salariée saisissait le conseil de prud'hommes de Créteil de demandes identiques à celles ayant fait l'objet de la saisine du 19 mai 2006.

La cour statue également sur l'appel régulièrement interjeté par Mme [X] [T] du jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Créteil le 22 juin 2010 qui a accueilli la fin de non recevoir soulevée par la MSA Île-de-France tirée du principe de l'unicité de l'instance. Cette procédure a été enregistrée sous le numéro de répertoire général 10/8937.

L'instance introduite sous le numéro 08/1748 a été ré-enrolée, après radiation, au numéro de répertoire général 12/0644.

Les deux procédures ont été examinées à l'audience de la cour du 7 juin 2012.

Vu les conclusions en date du 7 juin 2012 au soutien de ses observations orales, par lesquelles Mme [X] [T] demande à la cour :

d'ordonner la jonction des procédures,

d'infirmer le jugement du 22 juin 2010 en ce qu'il a accueilli la MSA Île-de-France en sa fin de non recevoir tirée du principe de l'unicité de l'instance,

Vu l'arrêt rendu le 16 novembre 2010 par la chambre sociale de la Cour de Cassation,

Vu l'absence de jugement sur le fond,

d'infirmer les deux jugements entrepris,

de juger que la rupture du contrat de travail incombe à la MSA IDF,

de condamner la MAS IDF à lui payer les sommes suivantes:

* 206'400 € à titre d'indemnité pour violation du statut protecteur en application des articles L 241-6-2 et L 425-3 anciens du code du travail devenus L4623-4 et L 2422-1 du code du travail,

* 20'640 € au titre des congés payés sur l'indemnité de violation du statut protecteur,

* 41'280 € à titre d'indemnité de préavis,

* 4128 € au titre des congés payés sur préavis

* 178'880 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 123'840 € à titre de dommages-intérêts pour rupture à l'initiative de l'employeur,

à titre subsidiaire:

41'280 € en application de l'article L 1235-3 du code du travail,

en tout état de cause, 6000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Vu les conclusions en date du 7 juin 2012 au soutien de ses observations orales, par lesquelles la MSA IDE FRANCE demande à la cour:

A titre principal :

de confirmer le jugement rendu le 24 janvier 2008 par le conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a prononcé la nullité de la procédure introduite par Mme [T] pour défaut d'accomplissement d'une formalité substantielle, à savoir la mise en cause d'une autorité de tutelle,

de confirmer le jugement rendu le 22 juin 2010 par le conseil de prud'hommes de Créteil en ce qu'il a accueilli la MSA en sa fin de non-recevoir tirée de l'unicité de l'instance,

A titre subsidiaire:

statuant pour la première fois au fond:

de débouter Madame [T] de l'intégralité de ses demandes,

de condamner Mme [T] à lui payer la somme de 5000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

Régulièrement convoqué, Monsieur le préfet de région du chef du service SRITPESA n'a pas comparu,

SUR CE :

Considérant qu'il est de l'intérêt d'une bonne administration de la justice d'instruire et de juger ensemble des appels enregistrés sous le numéro de répertoire général 10/8937 et 12/1644; que la procédure sera désormais suivie sous le seul numéro de répertoire général 10/08937;

Sur la recevabilité des demandes présentées par Mme [T] :

Considérant que le conseil de prud'hommes de Créteil n'a pas statué sur le fond dans son jugement du 24 janvier 2008;

Considérant que le principe de l'unicité de l'instance ne peut être opposé à un salarié dès lors qu'aucune décision sur le fond n'a été rendue ; que par voie de conséquence le conseil de prud'hommes de Créteil ne pouvait, dans son jugement du 22 juin 2010, retenir le principe de l'unicité de l'instance à titre de fin de non recevoir ;

Considérant que, depuis les jugement intervenus, la mise en cause de l'autorité de tutelle, à savoir le préfet de région en son service MAECOPSA venant aux droits du service SRITEPSA n'est plus obligatoire ; que par ailleurs, l'autorité de tutelle, régulièrement convoquée ne s'est pas présentée et n'a fait connaître aucune observation;

Considérant, en conséquence, qu'il convient d'infirmer les jugements déférés et de statuer sur le fond,

Sur la rupture du contrat de travail:

Considérant que, postérieurement à sa saisine du conseil de prud'hommes le 19 mai 2006 tendant à voir prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur, Mme [T] a réitéré son intention de mettre fin au contrat de travail par un courrier en date du 16 juin 2006 par lequel elle indique prendre acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de la MSA;

Considérant que la salariée, pour poursuivre la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur, fait grief à son employeur :

- d'avoir remis en cause le périmètre de son poste,

- d'avoir exercé des pressions pour tenter de la déstabiliser;

- d'avoir manifesté une volonté de saper son autorité auprès de ses collaborateurs et d'amoindrir son image au sein de la MSA en rendant largement publique ses critiques et en laissant libre cours,voire en encourageant , les manifestations d'hostilité à son égard ,

- de l'avoir, plus largement, harcelée depuis juin 2003;

Considérant que l'article L 1152-1 du code du travail défini le harcèlement moral comme des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel';

Considérant que le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement;

Qu'en effet les pièces versées aux débats permettent d'établir que, le 26 juin 2003, M. [Y] [J] directeur général de la MSA, adressait au Dr [T] une lettre de cadrage de cinq pages dans laquelle il marque sa forte insatisfaction tenant à ce que les objectifs fixés n'ont pas été atteints sans préciser pour autant ni dans cette lettre, ni sans que la MSA s'explique devant la cour, sur les objectifs en question; que par ailleurs, il est fait état dans ce courrier d'un bilan d'échec complet de la salariée sur le plan du pilotage et du management; que ce courrier procède par voie d'affirmation pour mettre en cause la qualité globale de la collaboration de Mme [T] sans pour autant illustrer le propos de quelconque exemple ; qu'il est enjoint à Mme [T] de modifier son comportement, de compléter ses compétences notamment dans le secteur du relationnel, de développer des pratiques nouvelles, d'atteindre sans délai les principaux objectifs sans pour autant illustrer les carences de la salariée de quelque manière que ce soit ou expliciter concrètement les attentes mentionnées dans le courrier de recadrage;

Considérant qu'un tel courrier, en l'absence de tout cadre disciplinaire, est de nature à déstabiliser, sans apporter une aide quelconque, une salariée dont le directeur général ne pouvait ignorer la fragilité de son état de santé en raison de l'arrêt pour accident du travail survenu le 5 juin 2002 ; que ce courrier excède l'impulsion légitimement admissible que se doit de délivrer un directeur général cherchant à améliorer le fonctionnement de ses services;

Considérant, par ailleurs, que l'audit réalisé à la suite de l'ordre de mission du 21 avril 2004, a été réalisé en interne et sous l'impulsion du directeur général; que ce rapport pointe un climat général prétendu; qu'il relève que «' les tensions ne permettent pas en l'état actuel de favoriser la coopération interne et les liens de solidarité nécessaire entre les acteurs pour remplir de manière satisfaisante la mission et atteindre les objectifs fixés'»; que contrairement à ce qu'il annonce l'audit ne rend pas compte de l'interview du médecin chef responsable administratif, en l'espèce Mme [T];

Que, si comme le prétend l'employeur, les conclusions du rapport étaient «' accablantes à l'égard du management de Mme [T], chef de service'», il n'a néanmoins pas tiré d'autres conclusions quant à la poursuite de la relation contractuelle;

Considérant, en outre, qu'à la suite de l'arrêt de travail de la salariée pour accident du travail, le conseil d'administration de la MSA, sur proposition du directeur général, a exprimé à l'unanimité le souhait «' que toute disposition soit prise par le directeur général pour éviter d'une part, la persistance des difficultés exprimées, et d'autre part, la dégradation du fonctionnement général du service de santé sécurité au travail, dont a la charge Mme le docteur [T], en favorisant toute mesure de non retour dans l'exercice de sa fonction de médecin chef de service au sein de la caisse d'Île-de-France'»;

Que la MSA ne conteste pas le compte rendu du conseil d'administration et le fait que ces orientations aient été adoptées sur la base des seules informations unilatéralement fournies par le directeur général et sans que la salariée n'ait été amenée, d'une façon quelconque, à pouvoir s'exprimer sur la situation;

Considérant que la salariée verse aux débats une attestation de Mme [N] [S], docteur en psychologie, expert auprès de la cour d'appel de Versailles et spécialiste de la souffrance au travail qui affirme dans son attestation du 5 décembre 2006, après avoir reçu la salariée en consultation le 30 novembre 2006 ,«' le docteur ([T]) présente actuellement des signes cliniques spécifiques aux situations cliniques de harcèlement moral » ; que le praticien conclut également à la nécessité de la rupture du lien avec la MSA présentant une urgence psychologique;

Considérant qu'il résulte des documents médicaux produits que l'état de santé du docteur [T] s'est dégradé progressivement de 2003 à 2006 ;

Considérant, en conséquence, au vu des documents produits par Mme [T] que l'employeur ne rapporte pas la preuve que ses agissements aient été justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement moral; qu'ils ont eu pour effet de dégrader les conditions de travail et de porter atteinte à l'état de santé de la salariée ;

Considérant que le harcèlement moral justifie la résiliation du contrat de travail aux torts exclusifs de l'employeur ; que cette résiliation produira les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Considérant qu'il n'est pas contesté par l'employeur que la convention collective de la MSA institue un préavis de six mois aux termes de l'article 41 de cette convention; qu'en conséquence, et à défaut de toute contestation du décompte présenté par la salariée, il est dû la somme de 41'280 € outre les congés payés; qu'il n'est pas non plus contesté que la convention collective prévoit , dans son article 42, une indemnité de licenciement égale à deux mois d'appointements par année d'ancienneté ; que compte tenu de l'ancienneté de 12 ans acquise par la salariée, celle-ci est fondée à obtenir une indemnité de 178'880 € ;

Considérant que compte tenu de l'effectif du personnel de l'entreprise, de l'ancienneté (12 ans) et de l'âge de la salariée ainsi que des conséquences matérielles et morales du licenciement à son égard, telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, il lui sera alloué, en application de l'article'L'1235-3, une somme de 43 000'€ à titre de dommages-intérêts';

Considérant que le harcèlement , étranger aux fonctions de médecin du travail exercées, ne justifie pas le versement d'une indemnité spécifique faute, de surcroit, d'établir un préjudice particulier qui serait lié à une violation quelconque du statut protecteur du médecin du travail;

Considérant que l'équité et la situation économique respective des parties justifient qu'il soit fait application de l'article 700 du code de procédure civile dans la mesure énoncée au dispositif';

PAR CES MOTIFS:

ORDONNE la jonction des affaires enrôlées sous les numéros de répertoire général 10/8937 et 12/1644 sous le seul numéro 10/8937,

INFIRME les jugements entrepris,

Et statuant à nouveau :

PRONONCE la résiliation du contrat de travail de Mme [X] [T] aux torts exclusifs de la MUTUALITE SOCIALE AGRICOLE (MSA) D'ILE DE FRANCE avec effet à la date du 19 mai 2006,

CONDAMNE la MSA ILE DE FRANCE à payer à Mme [X] [T]:

41 280 € à titre d'indemnité de préavis,

4 128 € au titre des congés payés afférents à l'indemnité de préavis avec intérêts au taux légal à compter de la date de la réception par l'employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation,

178 880 € au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

43 000 '€ à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

avec intérêts au taux légal à compter à compter du présent arrêt

CONDAMNE la MSA ILE DE FRANCE à payer à Mme [X] [T] 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes,

CONDAMNE la MSA ILE DE FRANCE aux entiers dépens de première instance et d'appel,

LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 10/08937
Date de la décision : 13/09/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°10/08937 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-09-13;10.08937 ?
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