RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 11
ARRÊT DU 13 Septembre 2012
(n° , 10 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/08274
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Mai 2010 par le conseil de prud'hommes de MELUN RG n° 07/00428
APPELANTS
Monsieur [FB] [U]
[Adresse 7]
Madame [E] [KG]
[Adresse 13]
Madame [SF] [I]
[Adresse 9]
Madame [T] [GC]
[Adresse 3]
Madame [MS] [W]
[Adresse 10]
Madame [G] [Z]
[Adresse 16]
Madame [M] [O] [Y]
[Adresse 2]
Monsieur [R] [K]
[Adresse 1]
Monsieur [EA] [J]
[Adresse 6]
Madame [A] [TY]
[Adresse 4]
Monsieur [YL] [RW]
[Adresse 17]
Monsieur [D] [OU]
[Adresse 14]
Tous représentés par Me Léopold MENDES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0618
INTIMEES
Me [L] [N] - Administrateur judiciaire de la SAS LIR FRANCE DEVENUE LIR PACKAGING
[Adresse 12]
non comparant, ni représenté
Me [DR] [S] - Mandataire liquidateur de la SAS LIR FRANCE DEVENUE LIR PACKAGING
[Adresse 23]
[Adresse 15]
représenté par Me Elisabeth MEYER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0686
SAS ALCAN FRANCE devenue RIO TINTO FRANCE SAS
[Adresse 11]
[Adresse 21]
représentée par Me Florence AUBONNET, avocat au barreau de PARIS, toque : P0461
SAS MAHI PLASTICS GROUP
[Adresse 5]
représentée par Me Elisabeth MEYER, avocat au barreau de PARIS, toque : A0686
AGS CGEA IDF EST
[Adresse 8]
représenté par Me Claude-marc BENOIT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1953 substitué par Me Thomas BOTHNER, avocat au barreau de PARIS, toque : D0375
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 10 Mai 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président
Madame Evelyne GIL, Conseillère
Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère
qui en ont délibéré
Greffier : Madame Claire CHESNEAU, lors des débats
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Vu l'appel régulièrement interjeté par Mmes [FB] [U], [E] [KG], [SF] [I], [T] [GC], [MS] [W], [G] [Z], [M] [O] [Y], [A] [TY] et MM. [R] [K], [EA] [J], [YL] [RW], [D] [OU] à l'encontre d'un jugement prononcé le 28 mai 2010 par le conseil de prud'hommes de Melun ayant statué sur le litige qui les oppose à Me [N], administrateur judiciaire de la société LIR FRANCE, devenue LIR PACKAGING, Me [S], mandataire judiciaire de la société LIR FRANCE devenue LIR PACKAGING, la société ALCAN FRANCE, la société MAHI PLASTICS GROUP sur leurs demandes relatives à la rupture de leur contrat de travail.
Vu le jugement déféré qui
- a ordonné la jonction des dossiers RG 428/07, 429/07, 430/07, 431/07, 432/07, 433/07, 434/07, 435/07, 436/07, 463/07, 464/07 et 465/07 sous le n° RG 428/07,
- a dit que le conseil de prud'hommes était compétent,
- a mis hors de cause les sociétés ALCAN FRANCE et MAHI PLASTIC GROUPE,
- a dit que le licenciement des salariés avait une cause réelle et sérieuse,
- en conséquence, les a déboutés de l'ensemble de leurs demandes,
- a déclaré la décision opposable à l'UNEDIC AGS CGEA IDF EST,
- a rejeté les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile présentées par les sociétés LIR PACKAGING, MAHI PLASTIC GROUPE et Mes [N] et [S], ès qualités.
Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :
Mmes [FB] [U], [E] [KG], [SF] [I], [T] [GC], [MS] [W], [G] [Z], [M] [O] [Y], [A] [TY] et MM. [R] [K], [EA] [J], [YL] [RW], [D] [OU] , appelants, poursuivant l'infirmation du jugement déféré, demandent à la cour
- de dire que leur licenciement, dépourvu de cause réelle et sérieuse, est frauduleux,
- de dire que l'AGS doit garantir le montant des créances dues aux salariés,
- de condamner in solidum la société LIR FRANCE, devenue LIR PACKAGING, et le groupe ALCAN et/ou la société APVS à payer à titre d'indemnité (36 mois de salaire) pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, les sommes suivantes :
- à Mme [FB] [U], 56 304 €,
- à Mme [E] [KG], 58 500 €,
- à Mme [SF] [I], 61 920 €,
- à Mme [T] [GC], 74 016 €,
- à Mme [MS] [W], 78 372 €,
- à Mme [G] [Z], 51 840 €,
- à Mme [M] [O] [Y], 60 480 €,
- à Mme [A] [TY], 54 476 €,
- à M. [R] [K], 70 344 €,
- à M. [EA] [J], 77 004 €,
- à M. [YL] [RW], 73 362 €,
- à M. [D] [OU], 71 460 €,
- de dire que l'arrêt sera opposable dans toutes ses dispositions à Mes [S], [N] ainsi qu'à l'AGS,
- de condamner in solidum la société LIR FRANCE, devenue LIR PACKAGING, et le groupe ALCAN et/ou la société APVS à payer à chacun des demandeurs la somme de 2 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La société MAHI PLASTICS GROUP, intimée, demande à la cour de déclarer les appelants irrecevables dans leurs demandes dirigées contre elle, de confirmer le jugement qui l'a mise hors de cause et de condamner chacun des appelants à lui verser, à elle et Me [S] ès qualités, une somme de 100 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Me [S], liquidateur judiciaire de la société LIR PACKAGING, intimé, conclut à la confirmation du jugement, au débouté des appelants de l'intégralité de leurs demandes et à la condamnation de chacun à lui payer, à lui et à la société MAHI PLASTICS GROUP, une somme de 100 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
La société ALCAN FRANCE, devenue RIO TINTO FRANCE, intimée, conclut
- à titre principal, à sa mise hors de cause,
- à titre subsidiaire, au débouté des appelants de leurs demandes,
- en tout état de cause,
- à l'irrecevabilité des demandes de MM. [J] et [OU],
- au rejet de la demande des appelants fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
L'UNEDIC AGS CGEA IDF EST, intimée, conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement déféré et, à titre subsidiaire, à la limitation à de plus justes proportions du montant des indemnisations demandées. Elle rappelle les limites de sa garantie, en l'espèce le plafond 6, et sollicite le rejet de la demande d'intérêts légaux.
Me [N], ès qualités d'administrateur judiciaire de la société LIR PACKAGING, intimé, régulièrement convoqué à l'audience du 10 mai 2012 par lettre recommandée dont l'avis de réception a été signé le 17 décembre 2010, ne comparaît pas ni personne pour lui.
CELA ÉTANT EXPOSÉ
Mmes [FB] [U], [E] [KG], [SF] [I], [T] [GC], [MS] [W], [G] [Z], [M] [O] [Y], [A] [TY] et MM. [R] [K], [EA] [J], [YL] [RW], [D] [OU] étaient salariés de la société LIR FRANCE, en qualité d'agent d'exploitation.
La société LIR FRANCE, devenue LIR PACKAGING en août 2007, est spécialisée dans la fabrication d'emballages en matière plastique principalement dédiés à l'industrie du soin et de la cosmétique.
Jusqu'en juin 2006, la société était détenue par la société ALCAN PACKAGING BEAUTY SERVICES (APBS), elle-même appartenant au groupe ALCAN.
Le 9 juin 2006, la société LIR FRANCE était cédée à la société MAHI PLASTICS GROUP dont la filiale, la société PLASTICS 2000, fabriquait des pièces en matière plastique données en sous-traitance par LIR FRANCE.
En novembre 2006, la société LIR FRANCE, invoquant des difficultés économiques, décidait une restructuration comprenant la suppression de 57 postes et mettait en place un plan de sauvegarde de l'emploi (PSE).
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 9 janvier 2007, les salariés précités faisaient l'objet d'un licenciement pour motif économique.
Le 11 juin 2007, ils saisissaient le conseil de prud'hommes qui a rendu le jugement déféré.
Par jugement du 19 octobre 2009 du tribunal de commerce de Melun, la société LIR FRANCE, devenue LIR PACKAGING en août 2007, était placée en redressement judiciaire et la SCP [S] désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 18 janvier 2012 du tribunal de commerce de Melun, une procédure de liquidation judiciaire était ouverte et la SCP [S] désignée en qualité de liquidateur judiciaire. La poursuite de l'activité était autorisée jusqu'au 19 mars 2012.
Par jugement du 19 mars 2012, le tribunal de commerce de Melun arrêtait un plan de cession de la société LIR PACKAGING.
SUR CE
Sur la recevabilité des actions de MM. [J] et [OU]
Les intimés soutiennent que MM. [J] et [OU] sont irrecevables à contester leur licenciement dès lors que ces deux salariés protégés ont été licenciés sur autorisation de l'inspection du travail qu'ils n'ont pas contestée.
Mais les appelants soutiennent à juste raison que, nonobstant l'autorisation de licenciement délivrée par l'inspection du travail, les salariés protégés conservent la possibilité de contester devant le juge judiciaire la validité du plan de sauvegarde de l'emploi et de lui demander de tirer les conséquences, notamment indemnitaires, du défaut de validité dudit plan, cette contestation, qui ne concerne pas le bien-fondé de la décision administrative ayant autorisé le licenciement, ne portant pas atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.
L'exception d'irrecevabilité sera donc écartée.
Sur les mises hors de cause
En ce qui concerne la société ALCAN FRANCE (devenue RIO TINTO FRANCE)
Les appelants critiquent le jugement de première instance en ce qu'il a mis hors de cause la société ALCAN. Ils soutiennent, en premier lieu, que le groupe ALCAN était co-employeur avec LIR PACKAGING dès lors qu'il a toujours existé entre le groupe et sa filiale LIR une confusion d'intérêts, d'activités et de direction, que LIR n'avait aucune autonomie de gestion financière et sociale. Ils prétendent, en second lieu, que 'le groupe ALCAN et/ou sa filiale APBS' et la société MAHI PLASTICS GROUP ont commis une fraude afin d'éluder l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail qui imposait aux premiers de reprendre les contrats de travail des salariés de LIR PACKAGING dès lors que, selon les termes mêmes de la lettre de licenciement, il y a eu transfert de l'activité de LIR PACKAGING à d'autres filiales du groupe ALCAN.
La société ALCAN FRANCE, devenue RIO TINTO FRANCE, répond, sur le premier point, qu'elle n'est pas l'actionnaire de LIR PACKAGING et que n'est nullement établie son intervention dans la cession de LIR PACKAGING à MAHI PLASTICS GROUP ; qu'elle n'a jamais eu la qualité de co-employeur. Sur le second point, elle observe que les conditions d'application de l'article L. 1224-1 du code du travail ne se trouvent pas réunies.
Sur le co-emploi
C'est à juste raison que la société RIO TINTO FRANCE soutient que sa qualité de co-employeur, qui supposerait qu'il ait existé entre elle et la société LIR une confusion d'intérêts, d'activité et de direction, ne résulte pas des éléments du dossier, la simple appartenance à un même groupe ou la détention de 100 % du capital d'une société par une autre ne suffisant pas à établir le co-emploi.
En l'espèce, le fait, souligné par les appelants, que la lettre de licenciement mentionne le 'transfert de la fabrication de produits de parfumerie/soins dans les filiales du groupe ALCAN, perte de sous-traitance en vernissage et laquage réalisées précédemment pour les filiales d'ALCAN, arrêt de la fabrication en sous-traitance des boîtiers 'C2' pour le compte d'ALCAN' comme des facteurs de la détérioration des perspectives de chiffre d'affaires de la société LIR PACKAGING ne permet pas d'établir le co-emploi allégué.
Les appelants font aussi valoir que l'activité économique de la société LIR dépendait entièrement du groupe ALCAN qui absorbait 100 % de sa production et fixait ses prix. Mais cette affirmation n'est pas confirmée par les pièces au dossier, notamment le document d'information et de consultation des représentants du personnel sur le projet de restructuration qui indique que LIR FRANCE réalise environ 75 % de son chiffre d'affaires avec 8 principaux clients parmi lesquels les grandes marques de la cosmétique et de la parfumerie (Estée Lauder, L'Oréal, LVMH, Shiseido...). Aucun élément ne vient corroborer l'affirmation selon laquelle LIR FRANCE ne fixait pas ses prix de façon autonome.
Par ailleurs, s'il est constant que LIR FRANCE assurait la fabrication de boîtiers en qualité de sous traitant de différentes sociétés du groupe ALCAN et si, au moment de la cession de la société à MAHI PLASTICS GROUP, il a été décidé que cette sous traitance se poursuivrait un certain temps pour la fabrication de certains boîtiers, cette circonstance ne caractérise pas davantage une situation de co-emploi avec ALCAN.
Les appelants arguent encore de la recapitalisation de LIR FRANCE par ALCAN avant la cession à MAHI PLASTICS GROUP, qui manifesterait l'intervention du groupe dans la gestion financière et sociale de la filiale. Toutefois, la recapitalisation par l'actionnaire APBS (13,8 millions d'euros, soit 9,8 millions correspondant à un abandon de créance par APBS et 4 millions d'euros de versement en numéraire), qui s'imposait sous peine de dissolution de la société et de cessation de l'activité, comme en atteste le rapport en date du 4 décembre 2006 de M. [B], expert comptable, au comité d'entreprise, a permis l'apurement des dettes de LIR FRANCE à l'égard d'APBS, son associé unique, et à la société de disposer d'une capacité financière de 4 millions d'euros destinés à couvrir des créances nées ou à naître (incluant notamment le coût d'un PSE), des dépenses d'environnement et de sécurité et le coût lié à l'augmentation des accidents du travail et maladies professionnelles. Ces éléments ne permettent pas non plus d'accréditer la thèse alléguée du co-emploi.
Enfin, aucun élément ne montre qu'après la cession de LIR PACKAGING à MAHI PLASTICS GROUP en juin 2006, APBS soit intervenu dans les choix effectués par le nouvel actionnaire.
Sur l'application de l'article L. 1224-1 du code du travail
Les dispositions de l'article L.1224-1 du code du travail s'appliquent en cas de cession d'une entité économique autonome conservant son identité dont l'activité est poursuivie ou reprise. Le transfert doit porter sur un ensemble organisé de personnes et d'éléments corporels ou incorporels permettant l'exercice d'une activité économique qui poursuit une activité propre.
Dans ces conditions, les appelants ne peuvent soutenir, sans plus de précision, notamment quant au caractère autonome de l'entité économique prétendument cédée et au lien entre leurs emplois et cette entité, que leur contrat de travail aurait dû se poursuivre avec une ou plusieurs entités du groupe ALCAN, au seul motif que la lettre de licenciement mentionne, comme l'un des facteurs de la détérioration des perspectives de chiffre d'affaires de la société LIR PACKAGING, le 'transfert de la fabrication de produits de parfumerie/soins dans les filiales du groupe ALCAN (...)'.
Par ailleurs, l'évocation par la société MAHI PLASTICS GROUP, dans des courriers adressés en février 2006 au comité d'entreprise de LIR FRANCE pour répondre aux inquiétudes des salariés quant à la future cession de leur entreprise, de la façon dont seraient gérés d'éventuels licenciements collectifs futurs pour motif économique, ne suffit pas à démontrer que les licenciements avaient été décidés à l'avance par la société cédante APBS et la société cessionnaire avant la cession et à établir le concert frauduleux allégué, les courriers montrant au demeurant que la société cessionnaire escomptait une relance de l'activité.
Dans ces conditions, il y a lieu de mettre la société RIO TINTO FRANCE (ALCAN) hors de cause et de confirmer le jugement de première instance sur ce point.
En ce qui concerne la société MAHI PLASTICS GROUP
La société MAHI PLASTICS GROUP demande sa mise hors de cause, faisant valoir qu'il n'existe pas de lien de subordination entre elle et les appelants.
Il est constant que la société LIR PACKAGING, en suite de son acquisition par la société MAHI PLASTICS GROUP en juin 2006, a continué d'exister en tant qu'entité économique et qu'elle est demeurée employeur des salariés jusqu'au licenciement.
La fraude alléguée entre 'le groupe ALCAN et/ou sa filiale APBS' et la société MAHI PLASTICS GROUP n'étant, par ailleurs, nullement démontrée comme il vient d'être dit, il y a lieu de mettre hors de cause la société MAHI PLASTICS GROUP et de confirmer le jugement de première instance sur ce point également.
Sur la qualification des licenciements
Sur le motif économique
Les appelants contestent la réalité du motif économique invoqué, faisant valoir que la lettre de licenciement révèle que les 57 emplois ont été supprimés en raison du transfert d'une grande partie de l'activité de l'entreprise dans d'autres filiales du groupe ALCAN - 'la société MT PACKAGING et d'autres filiales asiatiques' - sans que les contrats de travail aient été repris conformément à l'article L. 1224-1 du code du travail ; que les licenciements étaient prévus entre ALCAN/APBS et MAHI PLASTICS GROUP avant même la cession de l'entreprise et ont été financés par ALCAN dans le cadre de la recapitalisation de LIR, ce qui caractérise le concert frauduleux et rend les licenciements sans cause réelle et sérieuse.
Les lettres de licenciement indiquent : 'Depuis l'année 2000 et en dépit d'une première restructuration intervenue en 2003, la société LIR France doit faire face à de très graves difficultés économiques susceptibles de menacer son existence. Ces graves difficultés économiques se sont traduites par une baisse considérable du chiffre d'affaires ainsi que par les déficits financiers consécutifs suivants :
Année Chiffre d'affaires (millions d'euros) Résultat (millions d'euros)
2000 23 (- 0,8)
(6 mois)
2001 43 (- 3,1)
2002 35 (- 10,0)
2003 20,2 (- 27,4)
2004 12,6 (- 1,4)
2005 15,1 (- 6,4)
Cette dégradation s'est poursuivie durant l'année 2006 qui enregistrera une perte financière de l'ordre de 2.2 millions d'euros pour un chiffre d'affaires d'environ 12,5 millions d'euros.
Depuis la cession de LIR France par ALCAN en juin 2006, les perspectives de chiffre d'affaires se sont à nouveau détériorées du fait de plusieurs facteurs : transfert de la fabrication de produits de parfumerie/soins dans les filiales du groupe ALCAN, perte de sous-traitance en vernissage et laquage réalisées précédemment pour les filiales d'ALCAN, arrêt de la fabrication en sous-traitance des boîtiers 'C2' pour le compte d'ALCAN et accroissement de la concurrence sur les sticks en Chine et en Tchéquie.
Compte tenu de cette situation économique très dégradée, une restructuration de la société est apparue inévitable afin de sauvegarder sa pérennité et de retrouver sa compétitivité.'
Ainsi que l'a relevé le premier juge, M. [B], expert comptable mandaté en vue de l'information du comité d'entreprise, a constaté en décembre 2006 la réalité des difficultés économiques de la société LIR FRANCE : pertes récurrentes au niveau des résultats opérationnels et résultats nets comptables dans un contexte de baisse de chiffre d'affaires prononcée ; importante dégradation de la situation financière entre 2003 et 2005, les capitaux propres étant devenus négatifs suite aux pertes cumulées (plus de 35 millions d'euros en 3 ans) ; résultat net de - 27 426 K€ en 2003, de - 1 415 K€ en 2004, de - 6 435 K€ en 2005 ; retour à l'équilibre en 2006 grâce notamment à la recapitalisation effectuée par APBS mais déficit persistant du résultat d'exploitation. Selon l'expert comptable, ces difficultés s'expliquent par la conjonction de plusieurs facteurs dont une concurrence accrue des pays asiatiques ('le boîtier Dior '5 couleurs' revient à 3,70 € fabriqué chez LIR contre 0,80 € en Chine'), le transfert de la fabrication de produits de parfumerie-soins dans des filiales du groupe ALCAN, la perte de la sous-traitance de certaines prestations.
Ces difficultés économiques avaient été également constatées par le cabinet ALPHA, désigné en février par le comité d'entreprise.
Comme il a été exposé supra, le transfert de la fabrication de produits de parfumerie/soins dans les filiales du groupe ALCAN n'est que l'une des causes des difficultés rencontrées par LIR et la thèse du concert frauduleux entre ALCAN/APBS et MAHI PLASTICS GROUP pour faire échec à l'application de 1'article L. 1224-1 du code du travail ne peut être retenue.
Dans ces conditions, la réalité des difficultés économiques invoquées à l'appui des licenciements peut être tenue pour établie.
Sur le Plan de Sauvegarde de l'Emploi
Les appelants soutiennent que le PSE encourt la nullité, faute de précision sur la durée des offres de reclassement en interne ; que l'ensemble des autres propositions, dès lors qu'elles ne tendaient pas à la réinsertion professionnelle des salariés, ne pouvaient être retenues pour apprécier l'effectivité et le sérieux des mesures contenues dans le plan social ; qu'aucun salarié n'a d'ailleurs été reclassé ; que le plan est donc nécessairement insuffisant.
Le PSE doit comporter un plan de reclassement comprenant des mesures de nature à éviter les licenciements ou à en limiter le nombre. Ces mesures doivent être précises et concrètes. Ne répond pas aux exigences de la loi, le PSE qui, en ce qui concerne le reclassement interne des salariés, ne comporte aucune indication sur le nombre, la nature et la localisation des emplois pouvant être proposés à l'intérieur du groupe.
La pertinence du PSE doit être appréciée en fonction des moyens dont dispose l'entreprise et le groupe auquel elle est intégrée.
En l'espèce, il est constant que le groupe MAHI PLASTICS GROUP est composé de 3 sociétés :
- LIR PACKAGING (168 salariés),
- PLASTICS 2000 (13 salariés dont 8 opérateurs)
- MAHI PLASTICS GROUP (5 salariés cadres).
Le plan de sauvegarde de l'emploi établi, dans sa version définitive, le 21 décembre 2006 mentionne 4 postes offerts en reclassement interne pour lesquels l'intitulé, la localisation, le service d'affectation et la catégorie professionnelle sont précisés. Le plan définit les modalités des mesures de reclassement interne (procédure, modalités de mutation (délai de réflexion, pluralité de candidatures pour un même poste, période d'adaptation, formation),
incidences sur le contrat de travail et indemnité de mobilité) et prévoit des mesures visant à favoriser la mobilité géographique en cas de reclassement interne (voyages de reconnaissance, frais de déménagement, aide au logement). Le délai de réflexion pour accepter ou refuser la proposition écrite de l'employeur étant expressément fixé à 15 jours à compter de sa réception, délai rappelé dans les lettres personnalisées qui ont été adressées aux salariés, l'argumentation des appelants sur ce point s'avère non fondée.
Le PSE mis en place par LIR PACKAGING comprend également des mesures destinées à faciliter le reclassement en externe (départ volontaire anticipé, CRP, convention d'allocation temporaire dégressive, aide à la création d'entreprise, cellule d'accompagnement) et à atténuer les conséquences du licenciement.
Le PSE a été approuvé par le comité d'entreprise et n'a fait l'objet d'aucune contestation.
Le fait qu'aucun des appelants n'a bénéficié d'un reclassement ne constitue pas la démonstration du caractère insuffisant du PSE, étant précisé que 7 des appelants (Mmes [U], [KG], [I], [W], [Z], [Y], [TY]) ont accepté un départ volontaire dans le cadre du PSE.
Les pièces au dossier montrent qu'un suivi 'Relais Emploi Mobilité' a été mis en place avec le cabinet ALTEDIA auprès des salariés licenciés et que ces derniers ont, dans ce cadre, bénéficié d'un accompagnement personnalisé et régulier, certains salariés ayant renoncé à cet accompagnement (Mmes [TY], [Z], [U]).
Dans ces conditions, le PSE n'encourant pas les reproches formulés par les appelants, il n'y a pas lieu à son annulation.
Sur le reclassement
Les appelants soutiennent que l'employeur a manqué à son obligation de reclassement au sein de l'entreprise et du groupe dès lors qu'il n'a pas adressé, antérieurement au licenciement, d'offre écrite, précise et personnalisée aux salariés concernés ; qu'en outre, il a procédé, immédiatement après le licenciement, à leur remplacement par des intérimaires.
Le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque le reclassement de l'intéressé ne peut être opéré dans l'entreprise ou dans les entreprises du groupe auquel l'entreprise appartient. Il appartient à l'employeur de rechercher s'il existe des possibilités de reclassement, prévues ou non dans le plan social, et de les proposer aux salariés dont le licenciement est envisagé, les offres devant être écrites et précises.
En l'espèce, sur les 57 postes supprimés, 46 étaient des postes d'opérateurs et 11 des postes d'ouvriers qualifiés et d'agents de maîtrise de production ou des services annexes ou des services administratifs. Compte tenu de la taille des sociétés PLASTICS 2000 et MAHI PLASTICS GROUP, de la nature des emplois existant au sein de cette dernière et du type d'emplois occupés par les appelants (opérateurs), la société LIR justifie qu'il n'a pas été possible d'envisager leur reclassement au sein de ces deux entités. En ce qui concerne les reclassements en interne, la société LIR ne pouvait proposer que des postes correspondant à des emplois qualifiés et il est établi que des offres de reclassement personnalisées et précises correspondant à ce type de poste ont été adressées à des salariés présentant le profil requis (MM. [V], [X], [WJ], Mmes [P] et [C]), Mmes [P] et M. [WJ] ayant d'ailleurs accepté ces propositions.
Par une lettre en date du 25 janvier 2007, six salariés, membres titulaires de la représentation unique, dénonçaient à l'inspection du travail l'embauche d'intérimaires en lieu et place de 46 opérateurs licenciés sans que les représentants du personnel aient été informés.
Il est toutefois justifié que le recours aux intérimaires à cette époque a été nécessaire pour remplacer des salariés absents (pour maladie ou congés).
L'entreprise a fait de nouveau appel à des intérimaires en mars 2007 pour faire face à un surcroît d'activité lié à une commande imprévisible et exceptionnelle de 300 000 boîtiers nécessitant le recours à 19 intérimaires sur 3 mois et que les délégués du personnel constituant la délégation unique ont été informés et consultés, ainsi qu'en atteste le procès-verbal de la réunion extraordinaire de la délégation unique daté du 27 mars 2007 qui indique que les représentants du personnel ont demandé que ces missions d'intérim soient proposées aux anciens salariés ayant quitté l'entreprise dans le cadre du PSE, ce qui a été accepté par la direction. Par suite, les contrats d'intérim ont été proposés à certains des salariés licenciés qui avaient demandé à bénéficier de la priorité de réembauchage (Mmes [H], [GC], [UH], [F], cette dernière ayant accepté la proposition).
Dans ces conditions, il n'apparaît pas que l'employeur ait manqué à son obligation de reclassement.
De tout ce qui précède, il résulte que les licenciements pour motif économique reposent sur une cause réelle et sérieuse. Les appelants seront déboutés de leurs demandes et le jugement de première instance confirmé en toutes ses dispositions.
Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens
Succombant en leur recours, les appelants seront condamnés aux dépens d'appel et garderont à leur charge les frais non compris dans les dépens qu'ils ont exposés à l'occasion de la présente procédure, les dispositions prises sur les dépens et les frais irrépétibles de première instance étant confirmées.
Il y a lieu, en équité, de laisser à la société MAHI PLASTICS GROUP et à Me [S], ès qualités, la charge de leurs frais non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne Mmes [FB] [U], [E] [KG], [SF] [I], [T] [GC], [MS] [W], [G] [Z], [M] [O] [Y], [A] [TY] et MM. [R] [K], [EA] [J], [YL] [RW], [D] [OU] aux dépens d'appel,
Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la société MAHI PLASTICS GROUP et de Me [S], mandataire judiciaire de la société LIR PACKAGING.
Le Greffier,Le Président,