RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 4
ARRÊT DU 11 Septembre 2012
(n° 06 , 04 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09919
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 10 Septembre 2010 par le conseil de prud'hommes d'EVRY Commerce RG n° 09/01091
APPELANT
Monsieur [C] [P]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant en personne, assisté de Me Pierre-robert AKAOUI, avocat au barreau de PARIS, toque : C0673 substitué par Me Valérie-ann LAFOY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1701
INTIMÉE
Société LR SERVICES
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par M. [M] [J] (Responsable des Etudes Sociale) en vertu d'un pouvoir général
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 Juin 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Dominique LEFEBVRE-LIGNEUL, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente
Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère
Madame Dominique LEFEBVRE LIGNEUL, Conseillère
Greffier : Véronique LAYEMAR, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.
- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Caroline CHAKELIAN, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
M. [C] [P] a été engagé par la société LR SERVICES, suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 13 novembre 2000 prenant effet à cette date, en qualité de chauffeur livreur, moyennant une rémunération brute annuelle qui s'est élevée en 2007 à 28 111, 67 € (moyenne mensuelle de 2 342, 53 €) et à 17 880, 15 € (moyenne mensuelle de 2 235 € ) durant les huit premiers mois de l'année 2008, les relations contractuelles étant soumises à la convention collective nationale des transports routiers et l'entreprise occupant à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture du contrat de travail.
Après convocation par lettre du 6 octobre 2008 à un entretien préalable fixé au 24, M. [C] [P] s'est vu notifier son licenciement pour cause réelle et sérieuse par lettre recommandée du 18 novembre 2008.
Contestant ce licenciement, M. [C] [P] a saisi le 19 octobre 2009 le conseil de prud'hommes d'Evry, section commerce, qui, par jugement rendu le 10 septembre 2010, l'a débouté de toutes ses demandes en rejetant la demande reconventionnelle formée par la société LR SERVICES.
La cour est saisie de l'appel de cette décision, interjeté le 5 novembre 2010 par M. [C] [P].
Par conclusions développées oralement à l'audience du 13 juin 2012 et visées le jour même par le greffier, M. [C] [P] sollicite l'infirmation du jugement et demande à la cour :
* de dire que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse,
* de condamner la société LR SERVICES à lui verser la somme de 20 354, 88 € avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ainsi que celle de 2 000 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
La société LR SERVICES a, lors de cette même audience, développé oralement ses conclusions visées le jour même par le greffier, aux termes desquelles elle demande à la cour de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes le 10 septembre 2010, de débouter M. [C] [P] de toutes ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 3 000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie, pour un plus ample exposé des moyens des parties, aux conclusions qu'elles ont déposées.
SUR CE
Sur le licenciement
Dans la lettre de licenciement pour cause réelle et sérieuse datée du 18 novembre 2008, qui fixe les limites du débat judiciaire, la société LR SERVICES, après avoir rappelé les fonctions de conducteur routier de M. [C] [P], lui indique :
«Lors de cet entretien (entretien préalable du 24 octobre 2008) vous nous avez confirmé vos propos tenus dans vos courriers des 17 août et 1er septembre 2008. Vous nous avez ainsi expliqué être actuellement incarcéré pour consommation et détention de produits illicites. Vous avez ainsi précisé consommer ce type de produit depuis plusieurs années.
Nous vous rappelons que lorsque vous avez signé votre contrat de travail vous vous étiez notamment engagé (conformément à l'article 6 de ce même document ) « à respecter toutes obligations et règles de discipline en vigueur dans l'entreprise et notamment celles qui résultent du règlement intérieur, des notes de services...).
De plus vous aviez notamment assisté le 24 septembre 2007 à une formation dispensée dans l'entreprise sur les risques Alcool et Drogues. Cette formation s'étant accompagnée sur toutes l''année 2007 et 2008 de communication et d'information sur ces risques. Vous étiez donc pleinement informé des risques que vous preniez et que vous faisiez prendre aux autres (collègue, risques routiers...).
Nous ne pouvons accepter cette attitude. Ceci constitue une mise en danger d'autrui et constitue un trouble caractérisé au sein de l'entreprise. Il nous est donc impossible de vous garder au sein de notre entreprise».
S'il est exact que M. [P] devait, aux termes de son contrat de travail, respecter les dispositions tant du code de la route sanctionnant toute personne conduisant un véhicule en ayant fait usage de stupéfiants que celles du règlement intérieur interdisant d'introduire, de consommer ou de distribuer dans les locaux de travail et de la drogue ou toute autre substance dangereuse ou prohibée par la loi, la seule lettre du 17 août 2008 versée aux débats dans laquelle M. [P] écrit : «Bien le bonjour, [T], Comme tu as dû le comprendre, je suis incarcéré à [Localité 5] pour avoir fait pousser de l' «herbe» sur mon balcon. Je tiens à m'excuser de cette absence injustifiée», ne permet d'établir que celui-ci aurait contrevenu à ces règles de sécurité en se présentant sur son lieu de travail ou en conduisant alors qu'il était sous l'emprise de substances illicites.
Il convient de rappeler que M. [P] a été interpellé pour infraction à la législation sur les stupéfiants le 15 août 2008 en dehors de son temps de travail et que la société LR SERVICES ne lui reproche nullement d'avoir consommé des stupéfiants pendant son temps de travail ni n'évoque d'éventuelles répercutions que pourrait avoir la consommation de cannabis hors du temps de travail sur le comportement de son salarié lorsqu'il est en fonction, étant précisé que les fiches d'aptitude établies lors des visites des services de la médecine du travail ne font état d'aucun symptôme lié à une telle consommation.
Compte tenu de ces éléments, il convient d'infirmer le jugement déféré et de retenir que le licenciement notifié le 18 novembre 2008 à M. [C] [P] est sans cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Aux termes des dispositions de l'article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis, ou en cas de refus par l'une ou l'autre des parties, allouer au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois d'activité complète.
Compte tenu notamment de l'effectif de l'entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à M. [C] [P], de son âge (50 ans), de son ancienneté dans l'entreprise (8 ans), de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu'ils résultent des pièces et des explications fournies, il y a lieu de lui allouer, en application de l'article L.1235-3 du code du travail, une somme de 16 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur le remboursement des indemnités de chômage aux organismes concernés
Conformément aux dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail, il convient d'ordonner le remboursement des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, à compter du jour du licenciement dans la limite de six mois.
Sur les frais et dépens
Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile étant réunies au bénéfice M. [C] [P], il convient de condamner la société LR SERVICES, à lui payer la somme de 2 000 € à ce titre, en sus de celle allouée par les premiers juges.
La société LR SERVICES sera déboutée de sa demande formée à ce titre et condamnée aux dépens de première instance et d'appel.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et ajoutant
Condamne la société LR SERVICES à payer à M. [C] [P] les sommes suivantes :
- 16 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
- 2 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Ordonne le remboursement des indemnités de chômage payées au salarié par les organismes concernés, à compter du jour du licenciement dans la limite de six mois.
Déboute M. [P] du surplus de sa demande,
Rejette la demande de la société LR SERVICES faite à ce titre et la condamne aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT