RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 11 Septembre 2012
(n° 9 , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/06194
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 02 Février 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section activités diverses RG n° 08/14788
APPELANTE
Madame [V] [R]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Katia BITTON, avocat au barreau de PARIS, toque : B0569
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2012/4204 du 10/02/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉE
CILGERE venant aux droits du SERVICE D'AIDE AU LOGEMENT FAMILIAL (SALF)
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Jean-Jacques RECOULES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0081
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 16 Mai 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller
Madame Catherine COSSON, conseiller
Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, Présidente et par Madame Chantal HUTEAU, greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [V] [R] a été engagée par l'Association Service d'Aide au Logement Familial ' dite SALF ', aux droits de laquelle se trouve aujourd'hui l'association CILGERE, par contrat à durée indéterminée ayant pris effet le 20 juin 1989, en qualité d'aide-comptable. Elle avait auparavant travaillé au SALF dans le cadre de contrats à durée déterminée, le contrat initial signé le 19 août 1988 ayant été renouvelé trois fois. Elle a bénéficié de promotions et bénéficie du statut de « chargée de clientèle locatif ».
Madame [R], invoquant un harcèlement moral de la part de son supérieur hiérarchique direct, Monsieur [T] [O], à compter de l'embauche de celui-ci par le SALF, a saisi le conseil de prud'hommes de Paris le 11 décembre 2008 d'une demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail.
Par jugement du 2 février 2010, le conseil de prud'hommes de Paris, en sa section Activités diverses, a débouté Madame [R] de toutes ses demandes.
Cette décision a été frappée d'appel par la salariée.
Madame [R] demande à la cour de prononcer l'annulation de l'avertissement du 26 décembre 2007 et de le déclarer nul et non avenu, de constater qu'elle est victime de harcèlement moral, de prononcer en conséquence la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et de condamner l'association CILGERE à lui payer, avec intérêts au taux légal au jour de la saisine et capitalisation des intérêts :
81 788,40 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
36 005,07 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
4 543,80 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents,
9 372,78 € à titre de rappel de salaires pour l'année 2008, outre congés payés afférents,
6 147,78 € à titre de appel de salaire pour l'année 2009, outre congés payés afférents,
2 726,27 € à titre d'indemnité compensatrice de congés payés pour 2008,
627,20 € au titre du droit individuel à la formation,
20 000 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Madame [R] demande encore à l'employeur de justifier du paiement de l'intéressement et de la participation sous astreinte de 100 € par jour de retard et jusqu'à la satisfaction et la remise des documents justificatifs entre les mains d'un huissier, de lui remettre en deniers ou quittance des indemnités perçues de l'organisme de prévoyance et non versées sous astreinte de 100 € par jour de retard, de lui remettre des bulletins de paie, un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conforme sous astreinte de 50 € par jour et document, outre 3 500 € sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
L'association CILGERE conclut à la confirmation du jugement entrepris.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.
SUR QUOI, LA COUR,
Sur la demande d'annulation de l'avertissement du 26 décembre 2007
Le SALF a notifié à Madame [R] un avertissement, exigeant qu'elle le signe contre décharge. L'avertissement était ainsi rédigé :
« Lors de la constitution du dossier de la famille [K], il vous a été donné des instructions claires et précises sur la procédure à suivre. Vous deviez en outre vous rapprocher de notre conseillère sociale sur la confidentialité des pièces à joindre ou non au dossier.
Vous n'avez pas tenu compte de ces instructions et vous avez joint au dossier de candidature des documents strictement confidentiels en provenance du dossier social et qui ne devaient pas être communiqués. En revanche, vous avez omis de joindre le "rapport social en vue d'un relogement" établi par l'assistante sociale de la famille. Compte tenu de ces faits qui constituent des négligences évidentes et graves, nous nous voyons dans l'obligation de vous délivrer un avertissement en vous invitant à l'avenir à davantage d'attention et de coopération ».
Par courrier en date du 17 janvier 2008, Madame [R] a contesté l'avertissement en ces termes : « Pour la constitution de ce dossier, aucune instruction particulière ne m'a été donnée et j'ai suivi la procédure habituelle comme je le fais depuis plus de 19 ans maintenant ». Elle sollicite aujourd'hui de la cour son annulation.
Considérant que les éléments du dossier permettent de constater que les faits dénoncés ' qualifiés par l'employeur lui-même d'erreur ponctuelle ne remettant pas en cause les qualités réelles reconnues de Madame [R] et dont le SALF reconnaît qu'ils n'ont entraîné aucune conséquence pour Madame [B] [K] qui en a elle-même témoigné ' ne sont pas établis ; que Madame [R] ayant respecté les procédures applicables ' qu'elle maîtrisait en effet alors depuis près de vingt ans ; que la sanction prononcée était injustifiée ; qu'il y a lieu, infirmant le jugement entrepris sur ce point, d'annuler l'avertissement du 26 décembre 2007 et de le déclarer nul et non avenu ;
Sur le harcèlement moral invoqué
Considérant qu'aux termes de l'article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel;
Considérant que, selon l'article L. 1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés ;
Considérant que l'article L.1154-1 du même code prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et qu'il incombe alors à l'employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ;
Considérant qu'en l'espèce, Madame [R] invoque les faits suivants :
la dépression nerveuse dont elle souffre depuis plusieurs années est consécutive à des pratiques de harcèlement subies depuis de nombreuses années au sein du SALF,
son chef de service ' en la personne de Monsieur [T] [O] ' n'a eu cesse de la rabaisser, de la discréditer, de la dévaloriser ou de l'humilier, Monsieur [O] l'ayant dès 1995 accusée du vol d'une machine à écrire appartenant au SALF alors qu'elle l'avait achetée à son employeur comme elle en justifie,
l'attitude de Monsieur [O] choquait son entourage au point que l'ancien directeur général du SALF, Monsieur [W] [I], ayant exercé ses fonctions de 1993 à 1999 était intervenu auprès du chef de service pour lui rappeler les règles élémentaires du respect envers le personnel et lui demander de ne pas imputer ses erreurs de jugement sur le travail de ses collaborateurs, comme il le précise dans l'attestation régulièrement versée aux débats,
ce harcèlement a provoqué des arrêts de travail, suivis de mi-temps thérapeutiques, les derniers agissements dénoncés ' survenus consécutivement à la notification d'un avertissement le 26 décembre 2007 ' ayant entraîné un arrêt de travail ininterrompu depuis cette date ;
Considérant que, pour étayer ses affirmations, Madame [R] produit notamment des documents médicaux et plusieurs attestations émanant notamment d'anciens collègues de travail ;
Considérant que Madame [R] établit ainsi l'existence matérielle de faits précis et concordants, qui ' pris dans leur ensemble ' permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral à son encontre ;
Considérant que l'employeur fait valoir :
que l'avertissement notifié à la salariée le 26 décembre 2007 était justifié,
que Monsieur [T] [O] est injustement présenté comme manifestant des signes de racisme alors que la preuve est rapportée de ce qu'il ne fait nullement acception de personnes dans son comportement professionnel,
que les documents médicaux ne font que refléter les doléances et affirmations de la personne en faveur desquels ils ont été établis,
que les attestations produites font état de faits anciens ou insuffisamment précis pour justifier de l'existence d'un harcèlement moral invoqué plusieurs années plus tard,
que Madame [R] n'a jamais alerté avant décembre 2007 un délégué syndical, un délégué du personnel, le médecine du travail ou encore l'inspection du travail, alors que les faits dénoncés se seraient inscrits dans la répétition,
que les affirmations de la salariée sont en totale contradiction avec les régulières augmentations de salaires et l'octroi de primes exceptionnelles dont elle a bénéficié au long de sa carrière, comme avec les formations de qualité qu'elle a pu suivre au sein du SALF,
que le SALF entretenait les meilleures relations avec Madame [R] et sa famille, comme cela résulte des documents produits et du fait que Monsieur [O] lui-même avait été invité au mariage de la fille de Madame [R],
que la cour d'appel de Paris a infirmé la décision qui avait consacré la faute inexcusable de l'employeur en jugeant que la décision de la caisse primaire d'assurance maladie de Paris reconnaissant l'accident du travail du 26 décembre 2007 était inopposable au service d'aide au logement familial devenu CILGERE ;
Considérant que l'employeur produit des documents justifiant ses allégations, établissant notamment que le SALF a manifesté à plusieurs occasions un comportement généreux à l'égard de la famille de Madame [R] :
en cédant un véhicule d'entreprise à son fils en janvier 2007,
en employant sa fille étudiante durant ses vacances, entre 2002 et 2007,
en attribuant à Madame [R] des logements sociaux,
en avançant à Madame [R] le coût de billets d'avion pour Alger lui permettant ainsi de se rendre aux obsèques de sa s'ur en juillet 2006 ;
Considérant qu'il est également justifié que Madame [R] a dansé avec Monsieur [O] lors d'un séminaire en septembre 2006 et que la fille de Madame [R] ' qui exerçait des fonctions d'hôtesse d'accueil au SALF durant ses vacances ' a bien invité le supérieur hiérarchique de sa mère à son propre mariage ;
Considérant cependant que Madame [R] vise exclusivement l'attitude de son supérieur hiérarchique direct, Monsieur [O], reprochant au SALF d'avoir manqué à son obligation de sécurité résultat en n'ayant jamais pris l'initiative de diligenter une enquête contradictoire ou de saisir la médecine du travail pour solliciter son avis sur sa situation ;
Considérant que Madame [N], encore au service du SALF, atteste que lors d'une conversation téléphonique concernant sa collègue [V] [R], Monsieur [O] lui a dit : "Tu sais, ta [V] est une voleuse", avant de rappeler des faits anciens, alors que Madame [R] établit qu'en effet, l'employeur avait annulé la vente d'une machine à écrire acquise auprès de lui en octobre 2005, excluant la suspicion de vol qui avait déjà affecté la salariée ;
Considérant que Madame [U] [L], salariée au SALF de 1992 à 2000 au sein du service locatif géré par Monsieur [O], expose que durant des années elle a pu constater que celui-ci lui reprochait d'appliquer les consignes que lui-même avait données et disait : "je ne vous ai jamais dit ça, vous êtes une menteuse" ; que Madame [L] précise encore que durant les absences de Madame [R], Monsieur [O] s'installait à son poste de travail et contrôlait les dossiers qu'elle suivait ;
Considérant que Madame [H] [A], attachée commerciale au SALF de 1992-1998, atteste que, dès son arrivée, elle a constaté que Monsieur [O] n'était pas spécialement agréable avec Madame [R], que très vite, elle l'a entendu la critiquer, qu'elle avait constaté à plusieurs reprises que Madame [R] était stressée, très triste et au bord des larmes, que Madame [R] avait fait l'objet de plusieurs reproches dans son travail qui après vérification s'étaient avérés inexacts, qu'au cours de diverses conversations, Madame [A] avait constaté des allusions à mots couverts sur Madame [R], laquelle était le plus souvent dévalorisée au yeux du personnel et ne bénéficiait pas d'augmentation de salaires comme ses autres collègues ou alors inférieures ;
Considérant que Monsieur [Y] indique : « suite à l'entretien que j'ai eu avec l'inspecteur M. [X] de la sécurité sociale, Madame [R] est sortie de mon bureau en pleurs. J'ai constaté qu'elle était stressée et angoissée » ; que si la date des faits n'est pas précisée par le témoin, elle peut être déduite par l'employeur de faits qu'il avait provoqués en contestant l'existence de l'accident du travail invoqué par la salariée ;
Considérant que les témoignages des collègues de Madame [R] permettent d'expliquer la dépression subie par une salariée qui avait toujours accompli son travail avec une grande conscience professionnelle et une compétence reconnue comme en fait foi l'entretien d'appréciation du 22 février 1990 duquel il résulte que « malgré la charge de travail intense, cette collaboratrice fait preuve d'initiative, de disponibilité, de persévérance dans les tâches qui lui sont confiées » ; que dix-sept années plus tard, dans un contexte conflictuel né de la contestation par Madame [R] de l'avertissement litigieux, l'employeur de Madame [R] lui écrivait encore : « Toutefois, cette erreur ponctuelle ne remet évidemment pas en cause vos réelles qualités qui sont reconnues. Votre intégrité professionnelle n'est donc absolument pas en cause »;
Considérant que l'injustice dont elle venait d'être victime le lendemain de Noël 2007 a entraîné, chez une salariée fragilisée par les accusations et pressions subies de la part de son supérieur, une dépression reconnue comme accident du travail, même si la cour d'appel de Paris a jugé que cet accident n'était pas opposable à l'employeur à défaut de pouvoir retenir un fait générateur de l'accident, en l'absence de lien direct entre les symptômes mentionnés par le Docteur [C] dans son arrêt de travail du 27 décembre 2007 ' insomnie, pleurs, angoisse, harcèlement au travail, dépression ' et les faits de la veille ;
Considérant que le Docteur [Z], le Docteur [P], psychiatre, et le Docteur [D] de l'unité de psychothérapie et de psychopathologie du travail de l'Institut Paul Sivadon, ont établi postérieurement à ces faits des certificats attribuant à des « problèmes professionnels » l'important syndrome dépressif réactionnel dont souffre encore Madame [R] ;
Considérant que le comportement du SALF à l'égard de Madame [R] s'est poursuivi postérieurement au 26 décembre 2007 par des supputations sur l'excellence de l'état de santé de la salariée ; que l'employeur lui adressait le 28 décembre 2007 un courrier rédigé en des termes blessants : « Votre arrêt de travail intervient trop à point après le récent entretien de mise au point que nous avons eu, pour n'être pas suspect. Vous savez par ailleurs que l'un de vos collègues est actuellement en congé et que l'autre prend en charge le standard et le courrier pendant quelques jours. Je trouve cette manière d'agir tout à fait légère d'autant qu'hier votre santé semblait excellente » ;
Considérant que l'envoi à son domicile, le 11 janvier 2008, d'un médecin contrôleur qui a au demeurant reconnu que l'arrêt de travail litigieux était fondé, a constitué une nouvelle offense, atteignant injustement Madame [R] dans son honneur professionnel et sa dignité ; que le SALF renouvelait pourtant ses tentatives de culpabilisation de la salariée le 22 janvier 2008 en insistant sur les conséquences de son absence pour ses collègues de travail et les candidats aux logements ;
Considérant que l'employeur de Madame [R], plutôt que de vérifier les causes de la dépression de la salariée pour prendre le cas échéant les mesures qui s'imposaient pour les faire cesser, n'a fait que suspecter et mettre en doute le harcèlement moral dénoncé ;
Considérant que l'employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par Madame [R] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement ; que le harcèlement moral est établi ; que le jugement est infirmé sur ce point;
Considérant que, compte tenu des circonstances du harcèlement subi, de sa durée et des conséquences dommageables qu'il a entraîné pour Madame [R] telles qu'elles ressortent des pièces et des explications fournies et notamment de la détérioration de son état de santé, le préjudice en résultant pour la salariée doit être réparé par l'allocation de la somme de 18 000 € à titre de dommages-intérêts ;
Considérant que l'existence d'agissements répétés caractérisant un harcèlement moral étant établie, il convient de prononcer la résiliation du contrat de travail aux torts de l'employeur qui produit, en conséquence, les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse ; que la résiliation judiciaire du contrat de travail prend effet au jour du prononcé du présent arrêt;
Considérant qu'il y a lieu d'allouer à Madame [R] les indemnités de rupture dont le montant n'est pas subsidiairement contesté par l'employeur ; que l'employeur s'oppose au règlement du préavis en invoquant le fait que la salariée ne serait pas en mesure de l'exécuter ; considérant cependant que, dans la mesure où c'est du fait de l'employeur que le préavis ne peut être exécuté, l'état de santé de Madame [R] étant consécutif au harcèlement moral dont elle a été victime, il appartient au SALF de payer l'indemnité compensatrice de préavis ;
Considérant que la rupture du contrat de travail intervient alors que Madame [R] est âgée de cinquante-huit ans et qu'elle bénéficie d'une ancienneté de vingt-trois ans au service de l'association ; qu'au regard de ces éléments, d'un salaire de référence brut de 1 826 € par mois, ainsi que des conséquences matérielles et morales de la rupture du contrat de travail à son égard, telles qu'elles résultent des pièces produites et des débats, en tenant notamment compte du fait que Madame [R] doit compter sur l'aide de ses enfants, étant privée de sa mutuelle et des aides dont elle avait pu bénéficier par l'intermédiaire des délégués du personnel, il lui est alloué, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, une somme de 30 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Sur la perte du droit individuel à la formation
Madame [R] demande le paiement d'une somme de 1 627,20 €, soit 120 heures x 13,56 €, à titre de dommages-intérêts au titre de la perte du droit individuel à la formation.
Considérant que la salariée se trouvant placée, par le fait de l'employeur, dans l'impossibilité d'exercer son droit individuel à la formation, il y a lieu de lui allouer, en réparation de la privation d'exercer cette faculté, une somme de 400 € à titre de dommages-intérêts ;
Sur les sommes réclamées au titre de l'obligation de maintien de salaires pour les années 2008 et 2009
Madame [R] réclame pour l'année 2008 une somme de 9 372,78 € (soit : 27 262,77 ' 12 919,80 ' 4 970,19) et pour l'année 2009, une somme de 6 147,78 € (soit : 27 262,77/2) ' 7 483,60). Elle fonde sa demande sur les dispositions de l'article 56 de la convention collective nationale de la banque.
L'employeur s'oppose à cette demande, soutenant qu'il a fait une juste application des dispositions de l'article 54.1 de la convention collective et qu'au surplus, Madame [R] opère une confusion entre son salaire brut et son salaire net pour calculer les sommes dont elle se prétend débitrice.
Considérant que les dispositions de l'article 56 de la convention collective n'ont vocation à s'appliquer qu'en cas « de maladie de longue durée prise en charge par la sécurité sociale, dans le cadre de l'article L. 322-3 3° ou 4° du code de la sécurité sociale » ; que Madame [R] ne justifie pas se trouver dans cette situation ;
Considérant que les premiers juges ont constaté que le SALF avait strictement appliqué les dispositions de l'article 54.1 qui prévoit la durée et les modalités d'indemnisation d'un salarié « en cas d'absence pour accident, maladie [...] donnant lieu au versement d'indemnités journalières de la sécurité sociale », en tenant compte de l'ancienneté de Madame [R] ; que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont débouté Madame [R] de ces chefs de demande ;
Sur l'indemnité compensatrice de congés payés
Madame [R] fait valoir qu'elle a droit à des congés payés représentant 10 % des sommes qu'elle aurait perçues en 2008. Elle chiffre sa demande à la somme de 2 726,27 €, en tenant compte des salaires perçus en brut pour l'année 2007 (soit : 27 262,77 €).
Considérant que si les périodes pendant lesquelles l'exécution du contrat de travail est suspendue pour cause d'accident du travail sont considérées comme des périodes de travail effectif pour la détermination de la durée du congé, dans la limite d'un an, ces périodes n'entrent pas en compte pour l'ouverture du droit à congé ; que Madame [R] est en conséquence déboutée de ce chef de demande ;
Sur les sommes réclamées au titre de la prévoyance
Madame [R] indique qu'elle a appris par l'intermédiaire de son assistante sociale que le SALF aurait perçu de l'organisme de prévoyance auquel il a adhéré des sommes qui lui revenaient et qui pourtant ne lui avaient pas été versées. L'organisme de prévoyance aurait pourtant refusé d'adresser à Madame [R] les relevés de versement afin de vérifier ce qui lui serait éventuellement dû.
L'employeur précise que la convention passée avec la société PRO BTP prévoit bien que le SALF reverse un pourcentage de 74 % des sommes perçues par lui au titre des indemnités journalières complémentaires. A ce titre, il a reçu de la société PRO BTP une somme de 6 745,40 € pour Madame [R]. Il lui a ainsi reversé, en octobre 2009, une somme de 5 096,89 € correspondant à ces 74 %, pour la période du 27 octobre 2008 au 31 juillet 2009.
Considérant que les premiers juges ont constaté que le SALF avait respecté la convention passée avec la société PRO BTP ; que l'ensemble des justifications ont été régulièrement communiquées encore devant la cour ; que c'est par des motifs pertinents que la cour adopte que les premiers juges ont débouté Madame [R] de ce chef de demande ;
Sur la demande de remise de documents sociaux
Madame [R] indique qu'elle n'a pas reçu ses bulletins de paie de novembre 2008 et de janvier 2009 à janvier 2010, alors qu'elle est toujours salariée du SALF.
Considérant que la demande de remise des bulletins de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle emploi conformes à la présente décision est légitime ; qu'il y a lieu d'y faire droit mais de rejeter la demande d'astreinte formulée par la salariée ;
Sur la demande présentée sur le fondement de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991
Considérant que la référence à l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 est inexacte, en l'état de la formulation des écritures. En effet, ce texte vise la demande formulée par l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle et non par le bénéficiaire lui-même ;
Considérant qu'en application de l'article 12 du code de procédure civile, il convient de rétablir l'exact fondement juridique de cette demande qui est l'article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ; que les conditions d'application de cet article sont réunies en cause d'appel ; qu'il est fait droit à la demande dans les termes du dispositif ci-après ;
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté les demandes de Madame [R] portant sur les sommes réclamées au titre de l'obligation de maintien de salaires pour les années 2008 et 2009 et de la prévoyance ;
STATUANT À NOUVEAU,
ANNULE l'avertissement prononcé à l'encontre de Madame [R] le 26 décembre 2007 ;
CONDAMNE l'association CILGERE, venant aux droits du SALF, à payer à Madame [R] :
30 000,00 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
36 005,07 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
4 543,80 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents,
400,00 € au titre du droit individuel à la formation,
18 000,00 € à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.
Condamne l'association CILGERE à remettre à Madame [R], dans un délai de trente jours à compter de la notification du présent arrêt, des bulletins de salaire, un certificat de travail et une attestation destinée à Pôle emploi conformes à la présente décision ;
DEBOUTE Madame [R] du surplus de ses demandes ;
CONDAMNE l'association CILGERE, venant aux droits du SALF, à payer à Madame [R] une somme de 3 000 € sur le fondement de l'article 75 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
CONDAMNE l'association CILGERE aux dépens.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE