RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 12
ARRÊT DU 06 Septembre 2012
(n° , pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/03285 JD
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 18 Septembre 2007 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'EVRY section RG n° 20400577EV
APPELANTE
UNION POUR LE RECOUVREMENT DES COTISATIONS DE SÉCURITÉ SOCIALE ET D'ALLOCATIONS FAMILIALES DE PARIS ET DE LA RÉGION PARISIENNE (URSSAF 75)
[Adresse 27]
[Adresse 27]
[Localité 18]
représentée par Mme [W] en vertu d'un pouvoir général
INTIMES
S.A.R.L. EGIP
[Adresse 28]
[Adresse 28]
[Localité 17]
représentée par Me Guy LESCURE, avocat au barreau de PARIS, toque : B0522 substitué par Me Gérard ORSINI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2047
Monsieur [O] [I]
[Adresse 8]
[Localité 16]
représenté par Me Eric LUNEAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C2047
Monsieur [Z] [U]
[Adresse 1]
[Localité 14]
représenté par Me Gérard ORSINI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2047
Monsieur [P] [U]
[Adresse 5]
[Localité 20]
représenté par Me Gérard ORSINI, avocat au barreau de PARIS, toque : C2047
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE - CPAM 94-
[Adresse 2]
[Localité 19]
représentée par Melle [D] en vertu d'un pouvoir général
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE L'ESSONNE -CPAM91-
[Adresse 21]
[Adresse 21]
[Localité 15]
représentée par Mme [Y] en vertu d'un pouvoir général
[Adresse 9]
[Adresse 9]
[Localité 12]
défaillante
CAISSE REGIME SOCIAL DES INDEPENDANTS ILE DE FRANCE EST
[Adresse 4]
[Localité 13]
défaillante
Monsieur le Ministre chargé de la sécurité sociale
[Adresse 6]
[Localité 11]
non représenté
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 07 Juin 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Jeannine DEPOMMIER, Président
Monsieur Louis-Marie DABOSVILLE, Conseiller
Monsieur Luc LEBLANC, Conseiller
qui en ont délibéré
Greffier : Mlle Nora YOUSFI, lors des débats
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Jeannine DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Nora YOUSFI, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
********
FAITS, PROCÉDURE, PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Ayant reçu un signalement de l'administration fiscale par lettre datée du 22 novembre 2002, l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de Paris et de la Région Parisienne, ci après désignée l'URSSAF, a opéré en 2003 un contrôle au sein de la société EGIP, SARL, sur la période du 1er mars 2001 au 31 décembre 2002 aboutissant à une lettre d'observations du 10 novembre 2003 retenant 10 chefs de redressement pour un montant total de cotisations de 207'464 euros.
La société EGIP, par lettre recommandée postée le 16 mars 2004, a contesté devant la commission de recours amiable de l'URSSAF la mise en demeure datée du 13 février précédent, précisant accepter les 9 premiers chefs de la lettre d'observations et ne critiquer que le point n°10 portant sur un montant de cotisations de 200'710 euros.
Elle a saisi par courrier recommandé avec avis de réception en date du 28 mai 2004 le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Évry d'un recours contre la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable, [laquelle a décidé de manière explicite de confirmer le redressement le 22 mars 2005] et cette juridiction par jugement réputé contradictoire du 18 septembre 2007 a :
* déclaré irrecevables les conclusions adressées par la caisse RSI Île de France Est et la caisse RSI Île de France Centre,
* écarté des débats la note en délibéré en date du 5 juillet 2007 adressée par la société EGIP,
* annulé le redressement sur le chef des rémunérations non déclarées,
* débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,
* dit n'y avoir lieu à exécution provisoire,
* rejeté les demandes formulées au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par lettre recommandée postée le 29 octobre 2007, l'URSSAF a régulièrement interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 3 précédent.
Par arrêt réputé contradictoire du 22 mai 2008, la cour de ce siège a confirmé le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Sur le pourvoi formé par l'URSSAF, la Cour de Cassation a, le 24 septembre 2009, cassé et annulé en toutes ses dispositions la décision du 22 mai 2008 avant de renvoyer la cause et les parties devant la cour d'appel de Paris autrement composée ; elle reproche au juge d'appel d'avoir retenu « pour annuler le redressement, .......que l'inspecteur du recouvrement n'ayant procédé à aucune vérification sur place et ne produisant aucun document tangible à l'appui de son argumentation, la preuve n'est pas rapportée que des sous-traitants agissaient dans un rapport de subordination à l'égard de leur donneur d'ordre » et violé les articles L. 243-7 du code de la sécurité sociale et 1315 du Code civil «en statuant ainsi, en inversant la charge de la preuve et en méconnaissant la valeur probante du procès-verbal de l'inspecteur du recouvrement, qui mentionnait, notamment, que la société assure les frais professionnels des trois personnes représentant les sociétés sous-traitantes, que celles-ci n'ont aucune autre activité que celle de sous-traitants auprès de la société et que leurs représentants n'ont aucune autre responsabilité que celle de fournir leur travail d'ouvrier du bâtiment ».
L'URSSAF a régulièrement saisi la cour d'appel de Paris en qualité de cour de renvoi par lettre recommandée postée le 12 novembre 2009.
À l'audience du 7 juin 2012, l'URSSAF fait soutenir oralement par sa représentante les conclusions déposées demandant à la cour de :
* la déclarer recevable et bien fondée en son appel,
* réformer le jugement du 18 septembre 2007,
* confirmer la décision de la commission de recours amiable du 22 mars 2005,
* condamner la société EGIP au paiement de la somme de 207'464 euros au titre des cotisations et 20'747 euros au titre des majorations de retard provisoires sous réserve des majorations de retard qui continuent à courir jusqu'au complet paiement des cotisations pour la période du 1er mars 2001 au 31 décembre 2002,
* en tout état de cause, condamner la société EGIP au paiement de la somme de 6 754 euros de cotisations et de 676 euros de majorations de retard provisoires correspondant aux 9 chefs de redressement non contestés,
* condamner la société EGIP à lui payer 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle explique que le point n°10 du redressement a consisté à réintégrer dans l'assiette des cotisations les sommes payées à trois sociétés de droit britannique ayant leur siège social en Grande-Bretagne mais dont l'activité s'exerçait exclusivement en France au sein d'un établissement stable, toutes 3 n'ayant qu'un seul "associé - gérant - salarié" à savoir JADE ISOLATION Ltd représentée par M. [Z] [U], GENIA ISOLATION Ltd représentée par M. [P] [U] et la société LAVERA ISOL Ltd représentée par M. [O] [I].
Selon elle, le reproche fait par les premiers juges de méconnaissance du principe du contradictoire pour n'avoir pas produit dans le cadre de la procédure de redressement des pièces d'origine fiscale est injustifié dans la mesure où le redressement a été opéré dans le cadre de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale avec une lettre d'observations du 10 novembre 2003 faisant état clairement des informations communiquées par l'administration fiscale [- rappelées dans sa réponse du 21 décembre 2003-] et l'octroi d'un délai de 30 jours à l'employeur pour présenter ses observations ; elle ajoute que l'intimée était bien en possession de celles-ci puisqu'elle les a jointes sous les numéros 13 à 18 à sa saisine de la commission de recours amiable le 10 février 2004 ainsi qu'à sa requête introductive d'instance devant la juridiction des affaires de sécurité sociale.
Au fond, elle considère que la société EGIP a, sous les apparences d'un contrat de sous-traitance avec trois sociétés étrangères nouvellement constituées pour les besoins de la cause, continué de donner le même travail à ses trois anciens salariés sans avoir à payer des charges sociales ; elle en veut pour preuve la disparition des dites trois sociétés avec leur radiation en date du 30 avril 2003, une fois le stratagème connu.
Elle fait valoir que :
- les trois sociétés sont en réalité trois personnes physiques, anciens salariés de la société EGIP, domiciliées en France, n'exerçant leur activité qu'au seul profit et sous la direction de la société EGIP qui assure en outre les frais professionnels,
- elles ne supportaient aucun risque financier et n'avaient pas d'autre responsabilité que celle de fournir le travail d'ouvrier du bâtiment, les devis et contrats étant démarchés uniquement par la société EGIP laquelle réglait une rémunération mensuelle fixe,
- toutes trois immatriculées au registre du commerce et des sociétés de [Localité 19] ou de [Localité 12] ont fixé leur siège social à la même adresse à [Localité 25] et une adresse pour leur principal établissement au domicile du responsable pour deux d'entre elles et dans une société de domiciliation pour la troisième,
- les trois sociétés ne disposent d'aucun élément corporel ou incorporel nécessaire à l'exercice de leur activité, leur effectif se limite à une seule personne et l'examen de leur comptabilité ne fait apparaître aucune incorporation de bénéfices au capital ni aucune constitution de réserve,
- l'emploi en qualité de sous-traitants est identique à l'activité de plâtrier exercé auparavant en qualité de salariés et la rémunération présente des caractères de fixité, de régularité empruntée au statut de salarié,
- les contrats qui se décomposent en un contrat de sous-traitance de prestations de services auparavant réalisés par un salarié et un contrat de sous-traitance de management portant sur la coordination des travaux des divers corps d'état du bâtiment, ne comportent que des clauses réduites voire inexistantes quant aux obligations et responsabilités réciproques des co-contractants,
- les trois gérants ne justifient pas d'une inscription à une caisse d'assurances sociales des non-salariés.
Elle estime que l' agent chargé du contrôle, assermenté et agréé conformément à l'article L. 243-7 et R 243-59 du code de la sécurité sociale, a effectué des constatations suffisamment précises et matérielles justifiant le redressement dont il fait état dans le procès-verbal de contrôle et la lettre d'observations lesquels font foi jusqu'à preuve du contraire ce que ne rapporte pas l'intimée.
Enfin elle souligne que seul le chef de redressement n°10 était contesté par la société EGIP de sorte que les premiers juges ont violé les dispositions des articles 4 et 455 du code de procédure civile en la déboutant de la totalité de sa demande en paiement y compris en ce qu'elle portait sur les 9 chefs non critiqués.
La société EGIP fait plaider par son conseil les conclusions déposées aux fins à titre principal d'annulation de la mise en demeure en ce qui concerne la somme de 220'781 euros représentant le point n°10 de la lettre d'observations pour non-respect des règles du contradictoire par l'URSSAF qui ne lui a pas communiqué les informations venues des services fiscaux figurant dans le signalement ; elle soutient qu'à ce moment, elle ne disposait pas de la copie des documents remis par les sociétés sous-traitantes et qu'en tout état de cause la remise par un tiers ne justifiait pas la rétention de l'URSSAF.
À titre subsidiaire, elle conclut à l'annulation de la mise en demeure de payer la somme de 220'781 euros en l'absence de preuve d'un lien direct de subordination juridique entre les dirigeants des trois sociétés de droit britannique et elle-même ; elle reproche à la vérificatrice de ne pas s'être rendue sur les chantiers et d'avoir limité son contrôle à un examen sur pièces dans ses bureaux sans même procéder à l'audition des sous-traitants.
Selon elle, la vérificatrice ne démontre pas que les sociétés seraient fictives en ce qu'elles ne respecteraient pas le droit britannique ou que le siège social ne serait pas en Grande-Bretagne alors même que le contrôleur fiscal n'a pas contesté leur existence effective et que l'article L.120-3 du code du travail instaure une présomption d'absence de lien des salariés de la sous-traitante avec le donneur d'ouvrage. Elle fait valoir que tous les contrats de sous-traitance sont identiques en la forme et qu'en ce qui concerne les sociétés JADE ISOLATION LIMITED et GENIA ISOLATION LIMITED la seule particularité tient au fait qu'elles ont pour gérant deux frères qui essaient de travailler sur les mêmes chantiers pour s'entraider et se remplacer facilement. Elle ajoute que l'avenant du 18 février 2002 avec son additif du 25 suivant ne transforme pas le gérant de la troisième société sous-traitante en salarié puisqu'il précise que l'intéressé conserve toute liberté quant aux moyens d'exécution de la tâche.
Selon elle, les affirmations de la vérificatrice sans preuve que les sociétés JADE ISOLATION LIMITED et GENIA ISOLATION LIMITED exerceraient leur activité uniquement pour EGIP, qu'elle-même prendrait en charge les frais professionnels des sous-traitants ou encore que les gérants de trois sociétés effectueraient leur travail sous la responsabilité directe du dirigeant de la société EGIP, qu'ils n'ont aucune autre responsabilité que de fournir leur travail d'ouvrier du bâtiment sont sans portée et doivent être écartées des débats. Elle veut pour preuve de ce qu'elle ne prend pas en charge les débours exposés par la société LAVERA ISOL LIMITED sa pièce numéro 41 ; enfin elle soutient que l'affirmation selon laquelle les gérants des sociétés JADE ISOLATION LIMITED et GENIA ISOLATION LIMITED ont un travail identique à l'activité salariée antérieure manque de précision et elle ajoute que ces deux sociétés continuent à exister respectivement sous les noms de SIPI SOUSA et CS ISOLATION, ayant pris un statut de droit français.
Elle réclame la condamnation de l'URSSAF à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 code de procédure civile.
Messieurs [Z] et [P] [U], mentionnant comme profession "entrepreneur" font soutenir par leur conseil les conclusions communes déposées demandant la confirmation du jugement du 18 septembre 2007 en ce qu'il a annulé le redressement sur le chef de rémunérations non déclarées et la condamnation de l'URSSAF à leur payer à chacun 1 500 euros d'indemnité pour frais irrépétibles.
Ils déclarent n'avoir jamais rencontré le vérificateur de recouvrement et se reporter aux conclusions de la société EGIP en ce qui concerne leur qualité d'entrepreneur indépendant ; il arguent de ce que le premier d'entre eux n'est pas un ancien salarié de la société EGIP, de ce que l'activité de leurs deux sociétés a été vérifiée sur le territoire national et soutiennent que les modalités d'exploitation ne caractérisent pas l'existence d'un rapport salarial effectif, que les services fiscaux ont reconnu aux flux financiers entre leurs sociétés et la société EGIP le caractère de bénéfices commerciaux imposables en tant que tels à l'impôt sur les sociétés en France et qu'elles continuent leur activité.
Ils ne produisent strictement aucune pièce à l'appui de leurs écritures.
M. [O] [I]-[B], aux termes de ses conclusions déposées, développées oralement par son avocat, conclut également à la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a constaté l'absence de lien de subordination entre lui-même et la société EGIP et donc l'absence d'assujettissement au régime général des travailleurs salariés ; il sollicite la condamnation solidaire de l'URSSAF et de la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de l'Essonne à lui payer 1 500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Selon lui, l'URSSAF ne prouve pas l'existence d'un strict contrôle de l'exécution de son travail, d'ordres donnés, de directives précises, de sanctions et souligne que l'inspecteur de l'URSSAF ne s'est jamais rendu sur un chantier. En réponse à la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de l'Essonne, il fait valoir que la société LAVERA ISOL était inscrite à l'URSSAF ainsi qu'au registre du commerce et des sociétés et que lui-même avant son installation a suivi un stage préalable organisé par la chambre des métiers de l'Essonne.
Pour lui, le siège social d'une entreprise n'est pas un critère des modalités d'exercice de son activité ni de la qualification de salariés, le contrat de sous-traitance n'apporte pas la preuve d'un quelconque lien de subordination entre les parties, la rémunération, contrepartie de la prestation rendue par la société conformément au contrat de sous-traitance était variable. Enfin, il considère que l'absence d'activité avec d'autres sociétés ne caractérise pas un lien de subordination et que la société s'exposait au risque de perte du marché si le donneur d'ordre mettait fin à ses commandes. Il ajoute que les sommes perçues de la société EGIP ont été soumises à l'impôt sur les sociétés.
La Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de l'Essonne, par la voix de sa représentante, soutient oralement les conclusions déposées demandant à la cour de la déclarer recevable en son appel incident, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement du 18 septembre 2007 et de juger qu'elle a, à bon droit, assujetti M. [O] [I]-[B] au régime général de la sécurité sociale pour la période du 1er mars 2001 au 31 décembre 2002. Selon elle, ce dernier n'était pas en situation de travailleur indépendant pour les motifs déjà exposés par l'URSSAF.
La Caisse Primaire d'Assurance-Maladie du Val-de-Marne fait développer par sa représentante les écritures déposées, abandonnant sa demande de donner acte et précisant ne pas avoir d'observation particulière à présenter, son service "Immatriculation-Affiliation" n'ayant pas eu à connaître de la situation de Messieurs [Z] et [P] [U] ; elle demande que l'arrêt à intervenir soit déclaré commun à l'URSSAF ainsi qu'à elle-même.
Les caisses du régime social des indépendants d'Île de France Centre et Est, bien que régulièrement convoquées par lettre recommandée avec avis de réception signé les 17 et 18 janvier 2011, ne comparaissent pas ni ne se font représenter.
Il est fait référence aux écritures ainsi déposées de part et d'autre pour un plus ample exposé des moyens proposés par les parties au soutien de leurs prétentions.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
À titre liminaire, la cour constate que le recours de la société EGIP devant la commission de recours amiable comme devant le premier juge, ne portait que sur le chef numéro 10 du redressement et que l'URSSAF réclamait le paiement de 207'464 euros au titre des cotisations outre 20'747 euros au titre des majorations de retard, correspondant à la totalité des sommes redressées. Le premier juge ne pouvait donc pas comme il l'a fait après avoir annulé le redressement sur le chef des rémunérations non déclarées, débouter les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le jugement sur ce débouté de la demande correspondante aux neuf chefs de redressement non contestés doit être infirmé.
Sur le défaut de respect du principe du contradictoire allégué,
Il n'est pas contestable ni d'ailleurs contesté que l'URSSAF a effectué un contrôle systématique d'assiette après réception d'une simple lettre de signalement des services fiscaux mais celle-ci n'avait aucune obligation de la communiquer préalablement à ses opérations au sein de la société EGIP. En effet, ce contrôle a abouti à un redressement qui a été opéré dans le cadre de l'article R 243-59 du code de la sécurité sociale : l'inspectrice du recouvrement de l'URSSAF a rédigé une lettre d'observations le 10 novembre 2003 consignant ses constatations après analyse de documents qu'elle a énumérés en page 2, a laissé à la société EGIP un délai de 30 jours pour présenter ses observations, a répondu le 21 décembre 2003 à la réplique de cette dernière en maintenant le redressement qui s'est poursuivi avec la mise en demeure du 13 février 2004.
Vainement, la société EGIP reproche à l'URSSAF de « n' avoir joint aucune pièce d'origine fiscale à l'appui de sa lettre d'observations » alors que cette dernière ne faisait état en page 15 que des « informations communiquées par les services fiscaux sur les sociétés litigieuses » et non pas de documents écrits de nature fiscale. L'inspectrice a d'ailleurs dans sa réponse du 21 décembre 2003 résumé ces informations en écrivant : « concernant le dernier redressement, je vous rappelle que le contrôle de société est dû à un signalement de la Direction Générale des Impôts, qui nous avisait que les trois entreprises litigieuses n'étaient pas en situation de vrais travailleurs indépendants ».
Il s'ensuit que le grief de non-respect du principe du contradictoire n'est pas fondé.
Sur le chef de redressement numéro 10,
Vu l'article L.242-1 du code de la sécurité sociale,
L'inspectrice du recouvrement a analysé tous les contrats de sous-traitance passés par la société EGIP (cf les explications données dans sa note destinée à la commission de recours amiable le 1er juin 2004 et les contrats de sous-traitance visés dans les liste des documents consultés de la lettre d'observations). Elle a constaté concernant ceux passés avec les trois sociétés JADE ISOLATION LIMITED, GENIA ISOLATION LIMITED et LAVERA ISOL LIMITED que :
* toutes trois avaient leur siège social en Grande-Bretagne sans exercer d'activité dans ce pays,
* les deux premières ont pour représentant un ancien salarié de la société EGIP et la troisième, le concubin de la gérante de la société EGIP ; en ce qui concerne cette dernière information, elle précise :
- dans sa réponse du 21 décembre 2003 à la gérante de la société EGIP, Mme [G], qu'il s'agit non pas d'intervention dans sa vie privée mais uniquement de l'énonciation de fait expliquant les relations des trois sociétés avec sa propre entreprise,
- dans son procès-verbal du contrôle du 22 décembre 2003 (page 14) « en 1992 et 1993 M. [I] est conducteur de travaux de la société EGIP (cf rapport de contrôle 423 882 du 13 février 1995)
en 1995, 1996 et 1997, -il- est toujours salarié de la société EGIP (cf rapport de contrôle 800 118 du 15 juin 1998),
d'après les services fiscaux M. [I] est le réel dirigeant de la société,
-il- a son domicile personnel à la même adresse que Mme [K] [G] et leur fils,
les héritiers désignés par Mme [G] à l'adhésion de son contrat [F] en cas de décès sont [V] [A] né le [Date naissance 10] 1981, fils de Mme [G] et de M. [O] [I], à défaut son père M. [O] [A] né en 1946 »
- et dans sa note du 1er juin 2004 faisant suite à la contestation devant la commission de recours amiable (page 4), M. [I] selon les rapports des précédents contrôles URSSAF des 13 février 1995 et 15 juin 1998 est salarié de la société EGIP en 1992 et 1993 (conducteur de travaux) en 1995, 1996 et 1997, il réside à la même adresse que Mme « (cf annuaire téléphonique et boîte aux lettres) .... Sur le contrat de tontine pris en charge par la société EGIP au profit de Madame [G]... les héritiers en cas de décès de cette dernière sont * son fils M. [V] né de.... [O] [R] [A] et de Mme [K] [G], * à défaut son père Monsieur [O] [A] né le [Date naissance 3] 1946 à... »,
* le représentant de chacune de ces trois sociétés en est également l'unique salarié,
* les deux premières sociétés sont installées au domicile de leur unique représentant et la troisième utilise une société de domiciliation,
* les trois sociétés ne travaillent que pour EGIP selon des contrats démarchés uniquement par cette dernière,
* les trois contrats de sous-traitance sont identiques dans un premier temps jusqu'à l'avenant du 18 février 2002 avec la société LAVERA ISOL, qui transforme le contrat de « prestation de services » en contrat d'entreprise pour « coordination et suivi de chantier » attribuant à M. [I] des fonctions de responsable des travaux du début à la fin payées en 2002 à raison de 406,53 euros hors taxes par jour sur une base de 8 heures par jour, les frais professionnels étant assumés par la société EGIP,
* les représentants des deux autres sociétés travaillent sur les mêmes chantiers, sont rémunérés pareillement et mensuellement, leurs frais professionnels étant remboursés par la société EGIP qui met à leur disposition l'outillage et le matériel,
* les trois sociétés ne sont inscrites à aucune caisse d'allocations familiales, de maladie et de vieillesse des non-salariés,
* les représentants de ces trois sociétés n'ont aucune autre responsabilité que celle de fournir leur travail d'ouvrier du bâtiment.
Ces constatations, basées sur l'analyse précise et approfondie des documents présentés à l'inspectrice du recouvrement par la société EGIP constituent un faisceau suffisant d'éléments lui permettant de conclure que les responsables des trois sociétés exécutaient le travail confié à ces dernières qualifiées de sous-traitantes à l'identique de l'activité salariée antérieure, et il ne lui était pas nécessaire de se déplacer sur les chantiers ni même de « procéder à une vérification » des trois sociétés concernées par la sous-traitance ainsi remise en cause.
Le procès-verbal dressé par l'inspectrice du recouvrement fait foi jusqu'à preuve contraire laquelle n'est pas apportée par la société EGIP pas plus que par Messieurs [O] [I]-[B], [Z] et [P] [U].
En effet, l'argument tiré de l'absence de preuve du caractère fictif de manière générale hors de la relation avec la société EGIP des trois sociétés litigieuses n'est pas pertinent, la seule constatation d'une fausse sous-traitance dans ce cadre précis suffisant à réintégrer dans l'assiette de cotisations les sommes versées au titre de celle-ci, peu importe la fictivité ou non des dites sociétés ou encore le fait que la vérificatrice fiscale qui n'a pas eu, contrairement à celle de l'URSSAF, accès à l'ensemble des contrats de sous-traitance, n'ait pas contesté l'existence effective de celles-ci ; sur ce point, la cour rappelle l'autonomie du droit de la sécurité sociale par rapport au droit fiscal.
Le certificat de travail établi le 30 décembre 1998 par la société VILLIERS CONSTRUCTIONS concernant l'emploi en qualité de "plaquiste" de M. [Z] [X], né le [Date naissance 7] 1969 [c'est-à-dire âgé de 31 ans et demi au début de la période contrôlée] pour la période du 1er septembre 1997 au 30 décembre 98, soit une durée de 16 mois seulement, ne contredit pas utilement les constatations de l'inspectrice du recouvrement quant à la qualité d'ancien salarié de la société EGIP eu égard à la durée de formation d'un plâtrier (pièce numéro 39 et 42 de la société EGIP). De même les pièces rassemblées sous le numéro 40 s'agissant des extraits du grand livre de clôture - comptes généraux et compte fournisseurs- ne sont pas probantes en l'absence des pièces justificatives des dépenses qui y sont mentionnées, de surcroît de manière très elliptiques.
L'argument selon lequel les frères [Z] et [P] [U], s'entraident et se remplacent l'un l'autre sur les chantiers, n'est pas incompatible avec la qualité de salariés dès lors que cette méthode de travail convient à l'employeur et l' obligation de résultat alléguée n'apparaît être dans les 3 conventions de sous-traitance litigieuses qu'une pure clause de style dans la mesure où toutes les garanties habituelles prises par le donneur d'ordre telles que la retenue de garantie, la caution, l'acte juridique de la réception des travaux, la police d'assurance sont exclues. L'inspectrice du recouvrement était donc fondée à considérer que les représentants des sociétés litigieuses n'avaient aucune autre responsabilité que celle de fournir leur propre main-d'oeuvre sans prise de risque.
Le fait que Messieurs [O] [I]-[B], [Z] et [P] [U] aient fait immatriculer chacun une nouvelle société au registre du commerce et des sociétés du tribunal de commerce de Versailles en août et mai 2003 sous la dénomination de BATICOR, C.S ISOLATION EURL, S.I.P.I. SOUSA dont au demeurant les statuts ne sont pas produits, ne contredit nullement la mention dans la lettre d'observations du 10 novembre 2003 page 15 selon laquelle à la suite des contrôles fiscaux les sociétés JADE et GENIA ont cessé toute activité en 2003.
L'affirmation selon laquelle « le handicap invalidant de Mme [G] » aurait conduit à conclure l'avenant du 18 février 2002 et l'additif du 25 février 2002 ne convainc pas la cour au regard des explications complémentaires écrites par l'inspectrice de l'URSSAF le 1er juin 2004 pour la commission de recours amiable à la page quatre, paragraphe 3 et 4 selon lesquelles elle a pu constater elle-même comme le lui avaient indiqué les inspecteurs de la direction générale des impôts de [Localité 26] que Mme [G] a des fonctions purement administratives et que le réel dirigeant de l'entreprise est M. [O] [I].
La société EGIP conteste la mention de la lettre d'observations selon laquelle les sociétés GENIA et JADE n'exerçaient leur activité que pour elle mais ne produit strictement aucune pièce pour démontrer qu'elles auraient eu d'autres cocontractants sur la période considérée ; Messieurs [Z] et [P] [U] font de même.
M. [O] [I]-[B] reconnaît qu'il n'était pas inscrit à une caisse de travailleurs indépendants et sa pièce numéro 2 concernant l'affiliation de la société LAVERA ISOL à l'URSSAF à la date du 17 décembre 2001 seulement sans autre pièce justificative n'a pas de caractère probant d'une réelle activité de sous-traitance ; de même, les termes employés dans l'avenant du 18 février 2002 ne combattent pas utilement l'ensemble des constatations effectuées par l'inspectrice du recouvrement.
Il convient en conséquence d'infirmer le jugement entrepris en ses dispositions critiquées par l'URSSAF, de confirmer la décision de la commission de recours amiable de l'URSSAF en date du 22 mars 2005 et de condamner la SARL EGIP à payer pour la période du 1er mars 2001 au 31 décembre 2002 les sommes de 207'464 euros au titre des cotisations et de 20 747 euros au titre des majorations provisoires sous réserve des majorations de retard qui continuent à courir jusqu'au complet paiement des cotisations.Dès lors c'est à juste titre que la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de l'Essonne a décidé d'assujettir au régime général de la sécurité sociale M. [O] [I]-[B] pour la période du 1er mars 2001 au 31 décembre 2002.
L'URSSAF comme la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie du Val-de-Marne sont parties à la présente instance d'appel ; le présent arrêt leur est nécessairement commun.
Il convient de rappeler qu'en application de l'article R 144-10 du code de la sécurité sociale, la procédure devant une juridiction des affaires de sécurité sociale est gratuite et sans frais ; la demande de la société EGIP aux fins de condamnation de l'URSSAF aux dépens est en conséquence sans fondement.
L'indemnité qu'il convient de mettre à la charge de la société EGIP en application de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés par l'URSSAF sera équitablement fixée à la somme de 2 000 euros. Les demandes présentées sur le même fondement par la société EGIP ainsi que par Messieurs [O] [I]-[B], [Z] et [P] [U] sont rejetées.
PAR CES MOTIFS :
LA COUR,
Vu l'arrêt rendu le 24 septembre 2009 par la Cour de Cassation, deuxième chambre civile,
Déclare l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de Paris et de la Région Parisienne recevable et bien fondée en son appel ;
En conséquence,
Infirme le jugement rendu le 18 septembre 2007 par le tribunal des affaires de sécurité sociale d'Évry,
Statuant à nouveau,
Confirme la décision rendue le 22 mars 2005 par la commission de recours amiable de l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de Paris et de la Région Parisienne rejetant le recours de la société EGIP ;
Condamne la société EGIP à payer à l'Union de Recouvrement des Cotisations de Sécurité Sociale et d'Allocations Familiales de Paris et de la Région Parisienne
1° les sommes de 207'464 euros au titre des cotisations et de 20'747 euros au titre des majorations provisoires outre celles qui continuent à courir jusqu'à complet paiement des cotisations pour la période du 1er mars 2001 au 31 décembre 2002,
2° une indemnité de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Juge qu'à bon droit la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie de l'Essonne a décidé d'assujettir au régime général de la sécurité sociale M. [O] [I]-[B] pour la période du 1er mars 2000 au 31 décembre 2002 ;
Rejette toutes les autres demandes.
Le Greffier, Le Président,