Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 11
ARRET DU 06 JUILLET 2012
(n°222, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : 12/00091
sur requete à jour fixe à l'encontre d'un jugement de la 4ème chambre du Tribunal de commerce d'EVRY rendu le 23 février 2012 (RG n°2011F00171)
APPELANTES
S.A.S. ITS FABRY, agissant en la personne de son président domicilié en cette qualité au siège social situé
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 4]
S.C.P. [O] ET DECLERCQ, représentée par Me [D] [O], agissant en sa qualité d'administrateur judiciaire de la S.A.S. ITS FABRY
[Adresse 3]
[Localité 5]
Me [J] [S], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire de la S.A.S. ITS FABRY
[Adresse 3]
[Localité 5]
représentées par Me Olivier BERNABE, avocat au barreau de PARIS, toque B 753
assistées de Me Hubert SOLAND plaidant pour la SCP SOLAND & ASSOCIES, avocat au barreau de LILLE
INTIMEE
S.A.S. CARREFOUR HYPERMARCHES, exerçant sous l'enseigne carrefour, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Stéphane FERTIER de AARPI JRF AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque L 0075
assistée de Me Thibaud d'ALES plaidant pour le Cabinet CLIFFORD CHANCE EUROPE LLP, avocat au barreau de PARIS, toque K 112
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 7 juin 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Renaud BOULY de LESDAIN, Président, chargé d'instruire l'affaire, lequel a préalablement été entendu en son rapport, en présence de Françoise CHANDELON, Conseiller
Renaud BOULY de LESDAIN et Françoise CHANDELON ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Renaud BOULY de LESDAIN, Président
Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseiller, désignée par ordonnance du Premier Président en remplacement de Bernard SCHNEIDER, Conseiller, empêché
Françoise CHANDELON, Conseiller
Greffier lors des débats : Carole TREJAUT
ARRET :
Contradictoire
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile
Signé par Renaud BOULY de LESDAIN, Président, et par Carole TREJAUT, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Considérant que la société ITS FABRY a régulièrement relevé appel d'un jugement le 23 février 2012 par le tribunal de commerce d'EVRY qui a :
- constaté que les relations commerciales entre la société CARREFOUR IMPORT et la société ITS FABRY, d'une part, et la société ITS FABRY et la société CARREFOUR HYPERMARCHES, d'autre part, s'inscrivent dans le cadre d'une opération économique globale,
- constaté l'existence de la connexité entre les dettes et les créances nées des conventions mêmes informelles passées dans le cadre de l'opération économique globale liant les trois sociétés,
- ordonné l'application d'une compensation entre les dettes et les créances nées des conventions passées dans le cadre de l'opération économique globale liant les trois sociétés,
- ordonné une mesure d'expertise pour permettre l'apurement des comptes entre les parties ;
Considérant qu'après avoir été autorisée à assigner son adversaire à jour fixe, la société ITS FABRY et les organes de la procédure collective demandent à la Cour de condamner la société CARREFOUR HYPERMARCHES à lui payer la somme de 2 272 869,80 € (subsidiairement 2 026 432,41 € et encore plus subsidiairement 1 745 285,30 €) en règlement de factures impayées ;
Considérant que la société ITS FABRY et les organes de la procédure collective font valoir, en résumé, que la société CARREFOUR HYPERMARCHES n'est titulaire d'aucune créance à son encontre à la date de son redressement judiciaire, qu'il ne peut y avoir connexité entre trois sociétés distinctes, que la connexité ne se présume pas et doit exister au jour du redressement judiciaire, qu'une cession de créance ne saurait créer une connexité a posteriori ni porter atteinte au principe d'égalité entre les créanciers d'une société en procédure collective, que s'il y avait eu véritablement une connexité et une compensation possible, la société CARREFOUR IMPORT n'aurait pas procédé à un acte de cession de créance, qu'enfin, la compensation pour dettes connexes suppose que les créances réciproques nées de l'ensemble contractuel unique (ce qui n'est pas le cas) soient détenues par une même partie ;
Considérant que la société CARREFOUR HYPERMARCHES conclut à la confirmation du jugement déféré en faisant valoir qu'il n'est pas nécessaire que les dettes soient issues d'un seul et même contrat pourvu que les créances respectives s'inscrivent dans le cadre d'une opération économique globale ou d'une relation d'affaires constante, régulière et suivie comme en l'espèce ;
SUR CE
Considérant qu'en application de l'article 918 du code de procédure civile, il doit être fait droit à la demande de la société CARREFOUR HYPERMARCHES d'écarter les conclusions et les pièces communiquées le 7 juin 2012 par la société ITS FABRY ;
Considérant que le 20 janvier 2009, une convention de partenariat était signée entre, d'une part, la société CARREFOUR HYPERMARCHES «ou toute société du groupe Carrefour détenue à 100 % qu'elle substituerait» ci-après dénommée CARREFOUR et la société ITS FABRY, ci-après dénommée «le fournisseur» ;
Considérant que cette convention stipulait notamment :
«le fournisseur autorise CARREFOUR à opérer une compensation entre les sommes dues par le fournisseur à l'ensemble des entités juridiques exploitant des magasins ou entrepôts aux enseignes du groupe et les sommes dont les entités juridiques du groupe CARREFOUR sont redevables envers le fournisseur ou tout cessionnaire de factures, et ceux à quelque titre que ce soit (')» ;
Considérant qu'en exécution de cette convention des relations commerciales s'établissaient entre la société ITS FABRY et la société CARREFOUR IMPORT, d'une part, et la société ITS FABRY et la SAS CARREFOUR HYPERMARCHES, d'autre part, de sorte que, dans leurs rapports entre elles, chaque société se trouvait en permanence créancière et/ou débitrice réciproquement l'une de l'autre ;
Considérant que lorsque la société ITS FABRY qui avait été placée le 13 décembre 2010 en redressement judiciaire par le tribunal de commerce de Valenciennes poursuivait le 11 juillet 2011 devant ce même tribunal la condamnation de la société CARREFOUR HYPERMARCHES à lui payer la somme de 2 272 869,80 € (subsidiairement 2 026 432,41 € et encore plus subsidiairement 1 745 285,30 €) en règlement de factures, la SAS CARREFOUR HYPERMARCHES excipait d'une cession de créance qu'elle tenait de la société CARREFOUR IMPORT à l'encontre de la société ITS FABRY et demandait - avec succès - au tribunal de constater que les dettes réciproques entre elle-même et la société anonyme procédaient d'un ensemble économique global et qu'elles s'étaient trouvées éteintes par le jeu de la compensation ;
Considérant qu'il n'est nullement démontré cependant qu'entre les trois parties, la convention elle-même ou son application ait établi des relations triangulaires entre elles sur le plan économique ou juridique puisqu'au contraire, la stipulation de compensation précitée ne jouait qu'en faveur de CARREFOUR et que, d'ailleurs, la société CARREFOUR HYPERMARCHES indique dans ses conclusions devant la Cour (page 17), subsidiairement, sur le quantum des demandes de la société ITS FABRY : «il est demandé à la cour de rejeter la demande de condamnation formée par ITS FABRY, CARREFOUR HYPERMARCHES ne pouvant être condamné à payer des factures émises à l'ordre d'autres personnes morales du groupe CARREFOUR» ;
Qu'il doit donc être, au contraire, considéré que les relations entre les parties sont restées parallèles les unes par rapport aux autres même si deux d'entre elles appartiennent au même groupe ;
Considérant, dans ces conditions, que la cour ne peut reconnaître l'existence, en l'espèce, d'une «opération économique globale» qui permettrait par le jeu d'une cession de créance de créer la connexité nécessaire à la compensation sollicitée par la société CARREFOUR HYPERMARCHES dans le seul but avoué de faire échec au principe de l'égalité des créanciers d'une société en procédure collective ;
Considérant qu'en devenant cessionnaire de la créance de la société CARREFOUR IMPORT pour un montant de 1 910 632,59 € TTC sur la société ITS FABRY, soit exactement la somme réclamée par cette société dans son action en paiement contre elle, la société CARREFOUR HYPERMARCHES s'est, de ce seul fait, reconnue débitrice de cette même somme à l'égard de la société ITS FABRY dont la demande sera donc acceptée à concurrence de ce montant ;
Considérant que la société ITS FABRY qui ne motive pas sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive doit en être déboutée ;
PAR CES MOTIFS
En application de l'article 918 du code de procédure civile, rejette les conclusions et les pièces 23 à 25 signifiées et communiquées le 7 juin 2012 par la société ITS FABRY et les organes de la procédure ;
Réforme le jugement déféré en ses dispositions relatives à la compensation des créances et des dettes entre les parties ;
Dit qu'il n'y a pas d'opération économique globale entre les parties et qu'il n'y a pas de connexité entre les dettes et les créances des unes et des autres ;
Condamne la société CARREFOUR HYPERMARCHES à payer à la société ITS FABRY la somme d'1 910 632,59 € avec intérêts de retard au taux d'intérêt contractuel outre la capitalisation des intérêts ;
Déboute la société ITS FABRY de sa demande de dommages intérêts pour résistance abusive ;
Condamne la société CARREFOUR HYPERMARCHES à payer à la société ITS FABRY la somme de 10 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société CARREFOUR HYPERMARCHES aux dépens qui pourront être recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.
Le Greffier Le Président