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05/07/2012 | FRANCE | N°10/09672

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 05 juillet 2012, 10/09672


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 05 Juillet 2012

(n° 17 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09672



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Septembre 2010 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY RG n° 09/02193





APPELANT

Monsieur [W] [V] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Olivier GANEM, avocat au barreau de PARIS, toque :

D1404







INTIMÉE

SA CEDEC (CENTRE EUROPÉEN D'EVOLUTION ECONOMIQUE)

[Adresse 6]

[Localité 2] - BELGIQUE

représentée par Me Laurent CALONNE, avocat au barreau de LIL...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 05 Juillet 2012

(n° 17 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09672

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 22 Septembre 2010 par le conseil de prud'hommes de BOBIGNY RG n° 09/02193

APPELANT

Monsieur [W] [V] [I]

[Adresse 1]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Olivier GANEM, avocat au barreau de PARIS, toque : D1404

INTIMÉE

SA CEDEC (CENTRE EUROPÉEN D'EVOLUTION ECONOMIQUE)

[Adresse 6]

[Localité 2] - BELGIQUE

représentée par Me Laurent CALONNE, avocat au barreau de LILLE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er juin 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, Madame Anne DESMURE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère

Madame Anne DESMURE, Conseillère

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, greffier à laquelle la minute de la décision a té remise par le magistrat signataire.

M. [I] est entré le 15 novembre 1999, en qualité de 'chargé de relations', au service de la société anonyme de droit belge Centre européen d'évolution économique (Cedec).

M. [I] avait pour fonction de démarcher des PME et PMI afin de leur vendre un 'diagnostic performances', ensuite réalisé par d'autres salariés de l'entreprise.

La rémunération de M. [I] était composée d'une partie fixe, en son dernier état de 362,50 euros hebdomadaires, et d'une part variable, dépendante de sa performance personnelle.

La convention collective applicable était celle des bureaux d'études techniques dite 'Syntec'.

Par lettre datée du 4 juin 2009, l'employeur a convoqué M. [I] à un entretien préalable à une mesure de licenciement.

Le 25 juin 2009, M. [I] a saisi le Conseil de prud'hommes de Bobigny afin, pour l'essentiel, d'obtenir la résolution du contrat de travail aux torts de Cedec.

A la suite de l'entretien préalable qui s'est tenu le 26 juin 2009, et par lettre recommandée du 6 juillet 2009, M. [I] a été licencié pour insuffisance professionnelle et dispensé de l'exécution de son préavis d'une durée de trois mois.

Ajoutant à ses prétentions initiales, M. [I] a, alors, subsidiairement, demandé à la juridiction prud'homale de juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 22 septembre 2010, le Conseil de prud'hommes ne s'est pas prononcé sur la demande de résiliation, a estimé que le licenciement pour insuffisance professionnelle était justifié, a rejeté, en conséquence, la demande d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse, a condamné l'employeur à verser à M. [I] la somme de 2 900,16 euros à titre de prime de vacances sur les 5 dernières années, outre celle de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

Régulièrement appelant, M. [I] a saisi la Cour d'appel d'un appel limité à la demande de résiliation judiciaire et à la contestation du licenciement.

Aux termes des écritures qu'il a déposées et soutenues oralement à l'audience du 1er juin 2012, il demande à la Cour de dire justifiée sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de Cedec dont il sollicite la condamnation au paiement de la somme de 59 400 euros à titre de dommages-intérêts.

Subsidiairement, il demande que le licenciement soit jugé sans cause réelle et sérieuse et Cedec condamnée au paiement de la même somme de 59 400 euros.

M. [I] réclame en tout état de cause qu'il soit enjoint à Cedec d'avoir à lui remettre des bulletins de paie, de janvier 2005 à juin 2009, conformes au droit français, sous peine d'une astreinte de 50 euros par jour et par document, ainsi qu'une indemnité de 4 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Intimé, Cedec requiert la Cour, aux termes de ses écritures déposées et soutenues oralement à l'audience du 1er juin 2012, de confirmer le jugement déféré et condamner M. [I] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile.

MOTIFS:

Considérant que lors de sa saisine du Conseil de prud'hommes de Bobigny, le 25 juin 2009, M. [I] a complété le formulaire pré-imprimé de saisine de cette juridiction sur lequel figurait le terme 'résolution judiciaire du contrat de travail'; que c'est pourquoi Cedec ne pouvait utilement dénier à la juridiction prud'homale, et désormais à la Cour, l'examen de la demande de résiliation judiciaire, au prétexte que cette prétention aurait été formulée pour la première fois par M. [I] postérieurement à son licenciement;

Considérant que lorsque, tel en l'espèce, un salarié saisit la juridiction prud'homale d'une demande de résiliation du contrat de travail aux torts de son employeur, préalablement à la notification de son licenciement, le juge doit, d'abord, apprécier le bien fondé de la demande de résiliation judiciaire;

Considérant que pour prétendre que sa demande de résiliation judiciaire était justifiée, M. [I] soutient que Cedec a manqué à son obligation d'exécuter de bonne foi le contrat de travail en réduisant la qualité et le nombre de rendez-vous Télémarketing, en le privant du soutien du 'group manager', et en lui imposant une diminution de son secteur géographique;

Que pour contester avoir commis le moindre manquement à ses obligations, Cedec répond:

- que 'M. [I] tente de démontrer que la seule méthode de vente valable au sein de Cedec serait le rendez-vous pris par le télémarketing et la signature sur place par le chargé de relations auprès des prospects conditionnés', alors que l'assistance télémarketing ne le dispensait pas de la nécessité de la prospection directe ; que M. [I] a toujours obtenu un soutien télémarketing supérieur à la moyenne de ses collègues, a refusé d'appliquer la nouvelle méthode dite SC pour secrétariat commercial, et 'attendait tout' du télémarketing ;

- que c'est M. [I] lui-même qui a demandé la suspension de l'accompagnement de

M. [C], son 'group manager',

- qu'aucun territoire fixe n'était contractuellement fixé, et que les secteurs attribués à M. [I] ont toujours été d'une taille suffisante pour lui permettre de réaliser ses objectifs;  

Considérant cependant que, des éléments constants du débat, il résulte que le montant de la rémunération de M. [I] était pour une grande part dépendante de sa performance individuelle, puisque la partie fixe en était limitée à 362,50 euros hebdomadaires au dernier état de la relation contractuelle, de sorte que le nombre de 'diagnostics performances' vendus par M. [I], et sur lequel était assise la part variable de son salaire, était déterminant dans le montant de sa rémunération ; que dés lors, l'employeur ne pouvait, sans justification ou contrepartie, réduire les moyens qu'il avait mis à sa disposition pour lui permettre d'atteindre les objectifs sur lesquels était fondée sa rémunération ;

Or considérant d'abord qu'au cours de l'année 2008, M. [I] a vu son secteur amputé d'un des cinq départements qui constituaient son secteur d'activité depuis son embauche, en l'occurrence le département de Seine et Marne, sans que la perte de ce département, attribué à un salarié nouvellement recruté, ne soit l'objet d'une quelconque compensation; que la Cour observe au demeurant que Cedec, que la circonstance que les départements confiés à M. [I] n'avaient pas été précisés dans le contrat de travail ne dispensait pas d'une exécution loyale du contrat, ne justifie, ni même n'allègue, d'un motif légitimant cet amoindrissement du secteur de son salarié, et ne dément par ailleurs pas M. [I] lorsqu'il prétend que le salarié qui l'a remplacé sur le département de Seine et Marne a réalisé 14 ventes de 'diagnostics performances' sur ce département en février 2009 ;

Qu'ensuite, c'est par la voie de la seule affirmation que Cedec procède lorsqu'elle soutient que M. [I] a demandé à n'être plus accompagné de M. [C], son 'group manager', et les pièces produites établissent qu'en vérité, après avoir, par lettre du 4 mai 2007, incité M. [C] à ne plus accompagner M. [I] lors des entretiens obtenus auprès des chefs d'entreprise, ce dont témoignent notamment les termes suivants: 'Faut-il encore brûler votre énergie à accompagner M. [I]' N'auriez-vous pas mieux à faire en accompagnant un autre collaborateur'', Cedec lui a, par lettre du 3 octobre 2007, enjoint de priver M. [I] de son concours: '.... nous avons convenu d'isoler M. [I] de votre équipe. .....vous devez rompre tout contact avec ce collaborateur et vous consacrer à Mlle [H] dans un premier temps';

Qu'enfin, M. [I] justifie du retrait du soutien du service télémarketing par la production de plannings prévisionnels hebdomadaires de rendez-vous faisant apparaître qu'il bénéficiait d'environ 4 à 5 rendez-vous journaliers en 2005 grâce à ce service, ainsi que d'une attestation de M. [F], chargé de relations de 1999 à 2008, lequel témoigne de ce que le service de télémarketing a fonctionné avec une efficacité diminuant d'année en année pour être 'pratiquement réduit à zéro en 2007";

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Cedec a, dans les mois qui ont précédé l'engagement de la procédure de licenciement de M. [I], retiré à ce dernier les moyens qu'elle avait mis à sa disposition pour lui permettre de réaliser les objectifs qu'elle lui avait assignés; qu'en privant, ainsi, son salarié des moyens techniques et humains nécessaires à la réalisation de ses objectifs, Cedec a manqué à son obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail; qu'il s'ensuit que la demande de résiliation judiciaire engagée par M. [I] avant que son licenciement ne lui soit notifié était justifiée ; que la rupture est intervenue le 6 juillet 2009, date de l'envoi de la lettre de licenciement, lequel s'analyse dés lors en un licenciement sans cause réelle et sérieuse; que le jugement déféré sera, par conséquent, infirmé sur ce point ;

Considérant qu'eu égard à son ancienneté et à son âge lors de la rupture, à son préjudice matériel pris de ce qu'il n'a pas retrouvé d'emploi à ce jour, à l'indéniable préjudice moral qu'il a subi, M. [I] sera indemnisé de son entier préjudice par l'allocation d'une somme de 38 000 euros;

Considérant que M. [I] n'explicite en rien sa prétention fondée sur l'article R.3243-1 du Code du travail; que la Cour restant ainsi dans l'ignorance des prescriptions légales auxquelles ses bulletins de paie ne répondraient pas, il ne sera pas fait droit à sa demande;

PAR CES MOTIFS:

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a dit que le licenciement de M. [I] reposait sur une cause réelle et sérieuse et débouté M. [I] de sa demande de dommages-intérêts,

Statuant à nouveau sur ce point ;

Dit que l'action engagée, le 25 juin 2009, par M. [I], aux fins de résiliation judiciaire était justifiée,

Constate que la rupture de la relation contractuelle a ensuite pris effet le 6 juillet 2009, par l'envoi de la lettre de licenciement,

Dit que cette rupture produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SA CENTRE EUROPÉEN D'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE à payer à M. [I] la somme de 38 000 euros à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Déboute M. [I] de sa demande fondée sur l'article R.3243-1 du Code du travail,

Y ajoutant,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile:

Condamne la SA CENTRE EUROPÉEN D'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE à verser à M. [I] la somme de 2 500 euros en indemnisation de ses frais irrépétibles en cause d'appel et la déboute de sa demande formée sur le même fondement juridique,

Condamne la SA CENTRE EUROPÉEN D'ÉVOLUTION ÉCONOMIQUE aux dépens d'appel.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/09672
Date de la décision : 05/07/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°10/09672 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-07-05;10.09672 ?
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