RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 03 Juillet 2012
(n° 13 , 4 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/09582
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 28 Juin 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section commerce RG n° 08/06600
APPELANTE
SAS RUE DES MARQUES PARIS
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Annabelle PAVON SUDRES, avocat au barreau de PARIS, toque : A0149
INTIME
Monsieur [S] [R]
[Adresse 1]
[Localité 5]
comparant en personne, assisté de Me Stéphane KADRI, avocat au barreau de PARIS, toque : B0316 substitué par Me Ivan MASANOVIC, avocat au barreau de PARIS, toque : B0316
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 30 Mai 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Catherine COSSON, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, président
Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller
Madame Catherine COSSON, conseiller
Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Marie-Aleth TRAPET, Conseiller le plus ancien en remplacement du Président empêchée,
- signé par Madame Marie-Aleth TRAPET, Conseiller en remplacement du Président empêchée et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.
Monsieur [S] [R] a été engagé en tant que vendeur à temps partiel à compter du 2 mars 2002 avec reprise de l'ancienneté au 2 février 2002, par la société [J] [G] ([L] [N] [G]). Le contrat de travail prévoyait qu'il était affecté au magasin [L] [N] situé [Adresse 7], cette affectation ne constituant pas un élément essentiel du contrat de travail. Il était expressément convenu qu'il pouvait être amené à se déplacer vers d'autres boutiques de la société.
En janvier 2008, il travaillait pour la SAS Rue des Marques Paris anciennement [L] [N] [I], dans son magasin de la [Adresse 10].
Par lettre du 29 janvier 2008, Monsieur [R] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement et il lui a été notifié une mise à pied conservatoire.
Par lettre du 15 février 2008, il a été licencié pour faute grave pour les motifs suivants :
Par courrier recommandé du 16 janvier, nous vous avons demandé de vous présenter à la boutique sis [Adresse 3] ' dans le cadre d'une mise à disposition temporaire afin d'y accomplir vos missions habituelles. En effet, la boutique à laquelle vous êtes habituellement affecté ([Adresse 10]) devait subir des travaux d'embellissement, information qui vous avait été transmise, dans un premier temps, par [F] [E], animateur du réseau.
Par courrier recommandé du 22 janvier, toujours sans nouvelle de votre part, nous vous avons demandé de justifier vos absences dans les plus brefs délais.
Par courrier recommandé daté du 21 janvier, reçu le 29 janvier, vous nous faites part de votre refus d'aller travailler sur une autre boutique que celle à laquelle vous êtes affecté habituellement.
Votre refus d'accomplir vos missions habituelles, temporairement sur une autre de nos boutiques et vos absences injustifiées du 17 janvier au 30 janvier 2008 inclus constituent un manquement grave à vos obligations.
Par jugement du 28 juin 2010, le conseil de Prud'hommes de Paris a condamné la SAS Rue des Marques à payer à Monsieur [R] :
- 268,78 € à titre de rappel de salaires,
- 26,88 € au titre des congés payés afférents,
- 1.383,85 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 138,38 € à titre de congés payés afférents,
- 622,73 € à titre d'indemnité de licenciement,
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la réception de la convocation pour le bureau de conciliation par la partie défenderesse,
- 5.528 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement,
- 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- les dépens.
Le 27 octobre 2010, la SAS Rue des Marques Paris a interjeté appel.
Elle sollicite l'infirmation de la décision et le débouté de Monsieur [R]. A titre subsidiaire, elle demande à la cour au visa de l'article L 1235-3 du code du travail de cantonner le montant de l'indemnité mise à sa charge à la somme de 5.022,49 €. En tout état de cause, elle réclame le paiement de la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [R] demande la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions et la condamnation de la société Rue des Marques Paris aux dépens en ce compris les frais d'exécution et à lui payer la somme de 1.500 € en cause d'appel au titre de ses frais irrépétibles.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.
SUR QUOI, LA COUR
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier et explications des parties que :
- le 8 janvier 2008, les salariés de la boutique de la [Adresse 10] ont été informés par téléphone que leur magasin fermait le jour même pour travaux,
- les 9 et 10 janvier, ils ont préparé le déménagement,
- le 10 janvier, par téléphone, ils ont été prévenus de ce qu'un avenant de mise à disposition était prêt au siège de la société, [Adresse 9],
- par lettre du 11 janvier, il leur a été reproché de ne pas s'être présentés le jour même pour signer ce document et ils ont été convoqués au service des ressources humaines le 16 janvier,
- ils ne se sont pas présentés à ce rendez-vous,
- par lettre du 16 janvier 2008, leur employeur leur a indiqué que la durée prévisionnelle des travaux de la boutique de la [Adresse 10] était de 20 jours, que pendant cette période, ils étaient temporairement mis à disposition de la société EK Boutiques, appartenant au groupe et exploitant une boutique de l'avenue [Adresse 3], qu'ils resteraient rémunérés par la société Rue des Marques Paris dans les conditions habituelles, la mise à disposition n'impliquant aucun changement d'un élément essentiel du contrat de travail,
- il leur était demandé de préciser les raisons de leur absence injustifiée et de se présenter à réception du courrier [Adresse 3],
- un rappel était effectué par courrier du 22 janvier ;
Considérant que par lettre envoyée en recommandé le 23 janvier, Monsieur [R] a rappelé à son employeur qu'avant la lettre du 16 janvier, il n'avait reçu aucune explication sur la durée des travaux, sur son avenir professionnel et sur le maintien de sa rémunération et qu'il ne pouvait accepter les méthodes utilisées ; qu'il lui a fait part de ce que son contrat de travail ne pouvait être transféré au profit d'une autre société sans son consentement ; qu'il a demandé dans quel délai, il serait en mesure de reprendre la poursuite de son activité au sein de l'entreprise ; que c'est dans ces conditions, ce courrier ayant été reçu le 29 janvier, qu'il a été convoqué, par lettre du même jour, à l'entretien préalable au licenciement ;
Considérant que la société Rue des Marques Paris fait valoir qu'en 2007, la marque [N] a été cédée au Groupe Royer lequel a développé sous l'enseigne Artychalk un nouveau concept de boutiques multimarques de vente de chaussures et maroquinerie de luxe et que c'est dans ce cadre que des travaux ont été réalisés dans le magasin de la [Adresse 10]; que la boutique de l'avenue [Adresse 3] faisait partie du réseau de distribution [N] ; que la mise à disposition reste une simple modalité d'exécution du contrat de travail dès lors que le salarié continue de dépendre de son employeur et que ni sa qualification, ni sa rémunération, ni la durée de son travail ne sont modifiées, qu'elle relève du pouvoir de direction de l'employeur et s'impose au salarié qui en la refusant commet une faute qui peut être sanctionnée par le licenciement :
Considérant cependant qu'il appartenait à la société Rue des Marques Paris d'informer ses salariés préalablement à leur affectation temporaire des circonstances justifiant celle-ci et des modalités et conséquences de cette mise à disposition ;
Considérant qu'en l'espèce, la société a agi de façon expéditive et a attendu plus de 10 jours pour fournir à ses employés, de façon sommaire, les explications qui s'imposaient, générant ainsi chez eux des craintes légitimes ; que ces craintes pouvaient apparaître d'autant plus fondées que l'UES [L] [N] connaissait des difficultés économiques considérables; que ces salariés étaient en droit de s'interroger sur les conséquences de leur mise à disposition de la société EK Boutiques dont il leur était dit qu'elle appartenait au Groupe ce qui n'a été démontré ni en janvier 2008, ni devant la cour ; qu'il existe en effet une discordance entre la pièce 19 de la société Rue des Marques Paris qui liste parmi les points de vente de [L] [N] [I] le magasin de l'avenue [Adresse 3] et la pièce 36 des intimés (PV de la réunion extraordinaire du comité d'établissement SKM du 13.11.06) dans laquelle il est indiqué que le magasin de Serbie ne fait pas partie de [J] [I]; que la société EK Boutiques n'est mentionnée dans aucun des documents communiqués relatifs à l'UES [N] ; qu'il n'est produit ni K-Bis ni organigramme du Groupe ; que le fait qu'un magasin distribue une marque n'implique pas que ce magasin appartient au Groupe détenant la marque ; u'au surplus l'avenant au contrat de travail n'a pas été produit par l'employeur ;
Considérant que les salariés concernés qui n'ont pas refusé leur affectation temporaire mais demandaient des explications, ont reçu pour seule réponse la lettre de convocation à l'entretien préalable au licenciement ;
Considérant que c'est en conséquence à raison que le conseil de Prud'hommes a estimé que la société Rue des Marques Paris avait fait preuve de légèreté blâmable ; que le jugement qui a dit le licenciement sans cause réelle et sérieuse est confirmé ;
Considérant en application de l'article L 1235-3 du code du travail qu'à la date du licenciement Monsieur [R] percevait une rémunération mensuelle moyenne brute de 691,92 €, était âgé de 24 ans et bénéficiait d'une ancienneté de 6 ans ; qu'il ne produit aucun justificatif relatif à sa situation professionnelle postérieure au licenciement ; que le jugement qui lui a alloué la somme de 5.528 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse mérite confirmation ;
Considérant que le surplus de la décision n'étant pas subsidiairement critiqué, est confirmé;
Considérant que la société Rue des Marques Paris est condamnée aux dépens de l'instance d'appel sans qu'il y ait lieu de dire que seront compris d'éventuels frais d'exécution et à payer à l'intimé la somme de 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que sa demande présentée du même chef est rejetée ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Rejette la demande présentée par la SAS Rue des Marques Paris au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Rue des Marques Paris aux dépens d'appel et à payer à Monsieur [S] [R] la somme de 1.500,00 (mille cinq cents) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER P/ LA PRÉSIDENTE