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27/06/2012 | FRANCE | N°10/18278

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 10, 27 juin 2012, 10/18278


Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS







Pôle 5 - Chambre 10









ARRET DU 27 JUIN 2012



(n° , 13 pages)









Numéro d'inscription au répertoire général : 10/18278





sur renvoi après cassation, par arrêt de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation rendu le 23 mars 2010 (pourvois n°U 08-20.427 et B 08-21.768), d'un arrê

t de la 1ère chambre section A de la Cour d'appel de PARIS rendu le 30 septembre 2008 (RG n°06/21874) sur appel d'un jugement de l'audience spéciale de la 1ère chambre A du Tribunal de commerce de PARIS re...

Grosses délivrées REPUBLIQUE FRANCAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 10

ARRET DU 27 JUIN 2012

(n° , 13 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/18278

sur renvoi après cassation, par arrêt de la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de Cassation rendu le 23 mars 2010 (pourvois n°U 08-20.427 et B 08-21.768), d'un arrêt de la 1ère chambre section A de la Cour d'appel de PARIS rendu le 30 septembre 2008 (RG n°06/21874) sur appel d'un jugement de l'audience spéciale de la 1ère chambre A du Tribunal de commerce de PARIS rendu le 5 janvier 1994 (RG n°92/082099)

DEMANDEURS A LA SAISINE

S.E.L.A.R.L. DE BOIS-HERBAUT, représentée par Me [S] [I], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A. GROUPADRESS

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Me [F] [N], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de la S.A. LECTIEL

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

Représentés par Me François TEYTAUD, avocat au barreau de PARIS, toque J 125

Assistés de Me Ron SOFFER, avocat au barreau de PARIS, toque C 2110

DEFENDERESSE A LA SAISINE

S.A. FRANCE TELECOM, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social situé

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Jacques PELLERIN de la SCP DUBOSCQ-PELLERIN, avocat au barreau de PARIS, toque L 0018

Assistée de Me Bertrand POTOT plaidant pour le Cabinet DS AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque T 700

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 février 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Fabrice JACOMET, Conseiller, Faisant Fonction de Président, chargé d'instruire l'affaire, lequel a préalablement été entendu en son rapport et Madame Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseillère

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Fabrice JACOMET, Conseiller, Faisant Fonction de Président

Monsieur Bernard SCHNEIDER, Conseiller, désigné par ordonnance de Monsieur

le Premier Président de la cour d'appel de Paris en vertu de l'article R312-3 du code de l'organisation judiciaire pour compléter la chambre

Madame Dominique SAINT-SCHROEDER, Conseillère

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Véronique GAUCI

ARRÊT :

- contradictoire

- prononcé solennellement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

- signé par Monsieur Fabrice JACOMET, Conseiller, Faisant Fonction de Président, et par Madame Emmanuelle DAMAREY, Greffier, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

La cour a été saisie le 13 juillet 2010 par Maître [S] [I], ès qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Groupadress et Maître [F] [N], ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation des biens de la société Lectiel, après renvoi devant la cour d'appel de Paris prononcé par la cour de cassation le 23 mars 2010, cassant partiellement l'arrêt rendu par la cour d'appel de Paris le 30 septembre 2008, sur appel d'un jugement rendu le 5 janvier 1994 par le tribunal de commerce de Paris.

Les sociétés Lectiel et Groupadress avaient pour activité la commercialisation, la mise à jour et l'enrichissement de fichiers en vue d'opérations de publipostage ou de télémarketing. Elles commercialisaient notamment les données contenues dans la base annuaire de la société France Télécom qu'elles avaient téléchargée et exploitaient un site proposant l'accès à ses fichiers.

Lectiel et France Télécom se sont opposées au sujet de l'accès à la liste 'orange' des abonnés de la société France Télécom, à savoir les personnes qui se sont spécialement inscrites pour ne pas recevoir de propositions commerciales. Lectiel a mis en demeure France Télécom le 6 décembre 1991 de lui remettre la liste des personnes inscrites afin de ne pas leur adresser de sollicitation commerciale, ce que France Télécom a refusé par lettre du 23 décembre 1991 au motif qu'il lui était interdit de communiquer les identités concernées et qu'elle disposait d'un service spécifique payant utilisable par toutes les entreprises qui souhaitaient pouvoir disposer des données expurgées de son annuaire intitulé Marketis.

Lectiel a saisi, en référé, le président du tribunal de commerce de Paris qui par ordonnance du 10 novembre 1992 a rejeté sa demande de remise sous astreinte de la liste. Le 17 novembre 1992 Lectiel a assigné France Télécom devant le tribunal de commerce de Paris au motif que France Télécom en imposant à ses concurrents de recourir à l'un de ses services payants abusait de sa position dominante lui causant ainsi un préjudice. Elle a demandé au tribunal d'ordonner à France Télécom sous astreinte de mettre à sa disposition la liste orange ou d'aligner le tarif Marketis sur celui de l'annuaire électronique ou de soustraire les personnes concernées de ses fichiers à un tarif raisonnable et d'ordonner une expertise pour évaluer son préjudice. Lectiel a été déboutée de ses demandes par jugement du 5 janvier 1994 qui déboutait également France Télécom de sa demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour téléchargement illicite.

Le 17 novembre 1992, parallèlement, Lectiel a saisi de la question de l'abus de position dominante le conseil de la concurrence. Une décision a été rendue le 29 septembre 1998. Puis la cour d'appel de Paris par arrêt du 29 juin 1999 a sanctionné France Télécom d'une amende de 10 millions de francs pour ses pratiques contraires aux dispositions des articles 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986 et 86 du traité de Rome, lui a enjoint de fournir à tout demandeur dans des conditions identiques, la liste des informations contenues dans l'annuaire universel et de proposer un service permettant aux tiers de se mettre en conformité avec la liste orange des abonnés, le tout dans des conditions objectives, transparentes et non discriminatoires et à un prix orienté vers les coûts liés aux opération techniques nécessaires. Le pourvoi formé contre cet arrêt a été rejeté le 4 décembre 2001.

France Télécom a proposé le 4 octobre 1999 à Lectiel de lui remettre une liste expurgée en précisant que cette remise se faisait en exécution de l'arrêt et sous réserve de l'issue de divers contentieux en cours l'opposant à plusieurs sociétés et en ajoutant que la base de données annuaire concernée est protégée par les dispositions de loi du 1er juillet 1998 et ne peut faire l'objet d'un certain nombre de traitements, 'l'utilisation, le traitement et l'exploitation ultérieure des données' étant subordonnés à ces limitations. France Télécom a ajouté qu'elle conférait ainsi un'droit d'usage' sur les dites données dont elle indiquait les éléments de facturation. Cette offre a été refusée par Lectiel.

Pendant le cours de la procédure menée devant les autorités de la concurrence, France Télécom avait déposé plainte contre Lectiel mettant en cause la licéité de ses pratiques de télédéchargement et par arrêt devenu définitif de la cour d'appel de Versailles en date du 2 juillet 1997 Lectiel et son représentant légal ont été reconnus coupables du délit de traitement d'informations nominatives concernant des personnes physiques, malgré leur opposition légitime; par jugement devenu également définitif du 21 février 2001 France Télécom a été relaxée des fins de la poursuite intentée sur plainte avec constitution de partie civile de Lectiel pour détournement de la finalité du fichier'orange'.

Saisie de l'appel du jugement du tribunal de commerce du 5 janvier 1994 la présente cour a par arrêt avant dire droit du 13 juin 2001 invité les parties à se prononcer sur la portée à leur égard de l'arrêt du 29 juin 1999 en ce que les sanction et injonction ont été posées sans qu'il soit besoin de prendre parti sur le bien fondé de la prétention à la titularité des droits de propriété intellectuelle mise en avant par France Télécom, invité les parties à présenter leurs observations sur le lien entre le coût lié aux opération techniques de transfert des données et la rémunération des droits de propriété intellectuelle réclamée dont l'intégration éventuelle dans ces coûts doit être discutée, ordonné une expertise confiée à M [C] avec pour mission de : décrire la teneur des informations contenues dans l'annuaire électronique, le comparer à l'annuaire universel et rechercher les similitudes et les différences, décrire le contenu de la base de données de l'annuaire électronique, évaluer l'investissement afférent et les recettes perçues du fait de son exploitation et du service des renseignements, dire s'il s'agit d'un ensemble organisé et structuré d'informations comportant un apport intellectuel et le caractériser, rechercher et évaluer le surcoût éventuel des opérations d'extraction, évaluer le coût des opérations nécessaires à la fourniture de la liste des informations contenues dans l'annuaire universel sous réserve des droits des personnes et de la mise en conformité des fichiers de tiers contenant des données nominatives avec la liste'orange'.

L'expert a déposé son rapport le 20 décembre 2004.

Il en ressort que :

- l'annuaire universel ne regroupe que des informations afférentes à la dénomination, l'adresse, la profession, le numéro de téléphone et l'adresse électronique des abonnés qui le souhaitent tandis que la base de données correspondant à ' l'annuaire électronique' qui est une réalisation remarquable sur le plan technique, documente 32 millions d'abonnés, avec des informations fournies par le public lui- même auxquelles sont adjointes des informations fournies par des tiers et des informations créées par France Télecom même pour ses besoins propres, cette base de donnée étant constamment mise à jour pour être fiable à l'aide de logiciels qui n'ont pas été élaborés par elle mais pour lesquels elle peut revendiquer la définition et la conception de l'ensemble des opérations techniques qu'il faut accomplir et la mise au point de programmes de saisie, de transmission, de contrôle et de mise à jour qu'elle utilise pour gérer et exploiter la dite base de données et a constitué un ensemble structuré qu' elle a exploité de manière spécifique,

- l'expert a évalué à 703 hommes /mois de travail le coût de l'investissement de 1992 à 2000 pour la constitution et le maintien de la base de données sans pouvoir chiffrer, faute de renseignements suffisants, la dépense afférente à l'exploitation des cinq centres informatiques ; a estimé à 9,78 millions d'euros annuels le coût global de l'établissement, du maintien et de l'élaboration de la base de données dont 4,4 dus aux nécessités du 'SI Annuaires'; il mentionne pour 64 millions € le coût de production des annuaires papier et 22 millions € celui des annuaires électroniques pour 2002 sans pouvoir vérifier ces sommes énoncées par France Télecom mais non contestées ; il conclut à des revenus issus de l'exploitation de la base à hauteur de 180,03 millions € pour cette même année,

- l'expert a précisé que l'abonnement conclu par la société Lectiel consistait à louer 110 lignes auprès de la société France Télécom et à brancher des micro- ordinateurs chargés d'interroger la base de données pour récupérer, selon les procédures contractuelles, les informations dont elle avait besoin mais que Lectiel avait effectué aurait effectué 14460 appels journaliers d'une durée de 141 secondes chacun soit 5 heures 10 par jour, aucune facturation n'étant faite avant la troisième minute ce qui correspond à une utilisation du 21,5 % du temps disponible et conclut au titre de cet abonnement en écartant la possibilité d'un surcoût d'exploitation pour la société France Télécom,

- sur la fourniture de la liste consolidée sous réserve du droit des personnes ou du service permettant la mise en conformité de fichiers nominatifs tiers avec la liste' orange', l'expert indique que les opérations nécessaires sont très proches de celles déjà effectuées, la base de données existant pour la première et les interventions techniques appropriées étant simples pour la seconde en ce que la difficulté ne tient qu'aux différences éventuelles de format de support et de structure entre le fichier et la base de données, ce qui le conduit à estimer très faible le coût engendré au cas particulier puisqu'il n'y a pas de différence, le fichier étant issu de la base, et la procédure pouvant être la même que celle pour la liste 'safran' ; il l'évalue à moins de 1000 € pour un fichier de quelques milliers d'enregistrements et à moins de 10 000 € pour un gros fichier de quelques centaines de milliers d'enregistrement,

- Groupadress, mise en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Nanterre le 19 décembre 2001, puis en liquidation judiciaire le 23 janvier 2002, est intervenue volontairement, se prévalant de la qualité de locataire gérant du fonds exploité par Lectiel depuis août 1998, par l'intermédiaire de Me [I] son mandataire liquidateur.

Par son arrêt du 30 septembre 2008, la cour d'appel de Paris a confirmé le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 5 janvier 1994 sauf en ce qu'il avait débouté la société France Télécom de ses demandes, statuant à nouveau de ce chef, entériné le rapport d'expertise de M [C], condamné la société Lectiel à payer à la société France Télécom la somme de 3.870.000 € à titre de dommages et intérêts, fixé à cette même somme sa créance à l'encontre de la société Groupadress, interdit à la société Lectiel et à la société Groupadress toute extraction sous quelque forme que ce soit et réutilisation de cette base de données à des fins commerciales, sans autorisation, sous astreinte de 100.000 € par jour d'extraction constaté, rejeté toute autre demande, condamné la société Lectiel et Me [I], ès qualités, aux dépens.

La société Lectiel a été mise en redressement judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Fort de France le 17 avril 2001. Un plan de continuation a été homologué puis, à la suite de l'arrêt du 30 septembre 2008, résolu, entraînant sa mise en liquidation judiciaire avec effet au 25 novembre 2008, M° [N] étant désigné liquidateur judiciaire.

La société Lectiel a formé un pourvoi à l'encontre de l'arrêt du 30 septembre 2008 puis Me [N] en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Lectiel a repris l'instance. Me [I] prise en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Groupadress a formé pourvoi également contre ce même arrêt, joint au premier.

Le 23 mars 2010, la cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt rendu le 30 septembre 2008 mais seulement en ce qu'il avait confirmé le jugement ayant rejeté la demande de dommages-intérêts formée par les sociétés Lectiel et Groupadress à l'encontre de la société France Télécom; la cause et les parties sur ce point ont été remises dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et la cour de cassation les a renvoyées devant la cour d'appel de Paris autrement composée pour être fait droit.

Au soutien de sa décision, elle a retenu, d'une part, que, pour rejeter les demandes en dommages-intérêts formées par les sociétés Lectiel et Groupadress à l'encontre de la société France Telecom à raison des pratiques d'abus de position dominante sanctionnées par la cour d'appel de Paris dans un arrêt précédemment rendu le 29 juin 1999, la cour d'appel de Paris par l'arrêt du 30 septembre 2008 a retenu que la question de l'abus de position dominante ayant été tranchée, elle n'a plus dans l'instance en cause à sanctionner le comportement tel que dénoncé, mais à rechercher si la société France Telecom s'est conformée à la décision en question et, dans la négative, si elle a commis une faute ouvrant droit à réparation sur le fondement de l'article 1382 du code civil, d'autre part, qu'en se déterminant ainsi, sans rechercher si une faute de la société France Telecom, génératrice d'un préjudice pour les sociétés Lectiel et Groupadress, résultait des pratiques retenues comme constitutives d'abus de position dominante par la cour d'appel dans son arrêt du 29 juin 1999, la cour d'appel avait privé de base légale sa décision.

Maître [S] [I], ès qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Groupadress, et Maître [F] [N], ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation des biens de la société Lectiel, ont saisi le 13 juillet 2010 la présente cour désignée comme juridiction de renvoi.

Par leurs dernières conclusions signifiées le 10 octobre 2011 par M° [N], ès qualité de mandataire liquidateur à la liquidation de la SA Lectiel venant aux droits de la société Filetech (SARL puis SA), et de la Selarl [I] Herbaut, ès qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA Groupadress, locataire gérant du fonds de commerce de Lectiel SA, demandent à la cour, de :

vu l'article 1382 du code civil, les articles 455 et 463 du code de procédure civile:

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Filetech de l'ensemble de ses demandes,

- dire que la décision n°98-D-60 du conseil de la concurrence du 29 septembre 1998, l'arrêt de la 1ère chambre section H de la cour d'appel de Paris du 29 juin 1999, l'arrêt de la chambre commerciale de la cour de cassation du 4 décembre 2001 ont autorité de la chose jugée,

- dire que les constatations en fait et en droit de ces décisions de justice ont une valeur et une portée contraignante dans le cadre du présent litige et qu'elles lient en conséquence la cour,

- dire que les pratiques anticoncurrentielles de France Télécom sont constitutives d'une faute,

- condamner France Télécom à leur payer, faisant leur affaire de la répartition entre les sociétés Lectiel et Groupadress, la somme de 260.173.642 € à titre de dommages et intérêts pour la période de 1987 à 2008, montant majoré des intérêts au taux légal avec anatocisme à compter de sa demande devant le tribunal de commerce de Paris le 17 novembre 1992,

- condamner France Télécom à leur payer, faisant leur affaire de la répartition entre les sociétés Lectiel et Groupadress, la somme de 95.467.891€ à titre de dommages et intérêts pour la période de 2009 à 2011, montant majoré des intérêts au taux légal avec anatocisme à compter de sa demande devant le tribunal de commerce de Paris le 17 novembre 1992,

- condamner France Télécom à leur payer, faisant leur affaire de la répartition entre les sociétés Lectiel et Groupadress, la somme de 195.366.282 € à titre de dommages et intérêts au titre de la reconquête du marché, montant majoré des intérêts au taux légal à compter de l'introduction de sa demande devant le tribunal de commerce de Paris le 17 novembre 1992

sur la demande reconventionnelle de France Télécom,

vu l'article 480 du code de procédure civile et 1351 du code civil, de:

- dire France Télécom irrecevable à invoquer ou solliciter un droit de propriété intellectuelle sur les données de l'annuaire,

- dire France Télécom irrecevable et subsidiairement mal fondée à solliciter une indemnisation au titre d'une prétendue violation de son droit de producteur de base de données et de contrefaçon de son droit d'auteur,

- débouter France Télécom de l'ensemble de ses demandes,

- condamner France Télécom à leur payer, faisant leur affaire de la répartition entre elles, la somme de 100.000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamner France Télécom aux entiers dépens.

Par ses dernières conclusions signifiées le 2 décembre 2011, la SA France Télécom demande à la cour de :

vu l'article 1382 du code civil, les articles L342-1 et suivants et L112-3 du code de la propriété intellectuelle,

- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés Lectiel et Groupadress de l'ensemble de leurs demandes fins et conclusions,

- ordonner l'inscription au passif de chacune des sociétés Lectiel et Groupadress représentées par Maître [N] et [I] ès qualités de mandataires liquidateurs de la somme de 4.000.000 € au titre du versement d'une redevance pour droit d'auteur et en réparation du préjudice subi par elle au titre de la violation de son droit de producteur de base et de la contrefaçon de son droit d'auteur par lesdites sociétés,

- condamner Maître [N] et Maître [I] ès qualités de mandataires liquidateurs des sociétés Lectiel et Groupadress à lui verser la somme de 150.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,

- condamner solidairement Maître [N] et Maître [I] ès qualités de mandataires liquidateurs des sociétés Lectiel et Groupadress en tous les dépens.

SUR CE

Considérant que Maître [N] ès qualité de mandataire liquidateur à la liquidation de la SA Lectiel venant aux droits de la société Filetech (SARL puis SA) et la Selarl [I] Herbaut ès qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA Groupadress, afin de voir indemnisé le préjudice qu'ils ont subi en raison des pratiques anticoncurrentielles commises par France Télécom, en application de l'article 1382 du code civil prétendent que :

- les pratiques anticoncurrentielles de France Télécom en relation avec l'annuaire et la liste orange auxquels s'est livrée France Télécom sans discontinuer depuis plus de vingt ans constituent des fautes au sens de l'article 1382 du code civil ; ces fautes sont caractérisées car elles résultent des décisions rendues par le conseil de la concurrence le 29 septembre 1998, par la 1ère chambre H de la cour d'appel de Paris le 29 juin 1999 et enfin par la chambre commerciale de la cour de cassation le 4 décembre 2001qui ont l'autorité de la chose jugée ; ces décisions dégagent bien en outre le lien de causalité entre le fait dommageable et le préjudice subi, en relevant que France Télécom a systématiquement exploité abusivement sa position dominante sur le marché connexe de fichiers de prospection ce qui a eu pour effet de restreindre l'accès à ce marché pour de nouveaux concurrents,

- il a été jugé que France Télécom commettait un abus de position dominante grave ; les données figurant dans l'annuaire constituaient une facilité essentielle ; France Télécom devait permettre à ses concurrents sur le marché du marketing direct d'accéder aux données de l'annuaire pour un prix correspondant au seul coût technique nécessaire pour répondre à la demande de communication de ces données ; le droit de la concurrence primant sur le droit de la propriété intellectuelle ce coût technique ne pouvait pas intégrer un droit de redevance en contrepartie de l'usage d'un éventuel droit de propriété intellectuelle si tant était qu'il en existait un,

- le comportement fautif a continué malgré le prononcé de ces décisions ; pour tenter de nier l'évidence, France Télécom présente une défense trompeuse mais inopérante ; elle n'a pas rencontré de difficultés pour appliquer ce qui n'est qu'un type de coût classique pour un économiste ou un comptable, mais a bien au contraire fait le choix délibéré de continuer à pratiquer des coûts prohibitifs en violation de la loi et des décisions rendues ; France Télécom n'a pas respecté les injonctions prononcées contre elle en ne remettant qu'à trois reprises les données de l'annuaire, ne permettant pas aux appelantes d'avoir les mises à jour quotidiennes de l'annuaire et de bénéficier ainsi de données exhaustives dans les mêmes conditions que les départements puis les filiales de France Télécom qui lui faisaient de la concurrence ; France Télécom a bien compris la teneur de ses obligations à savoir transmettre des données annuaire sous forme de fichier à plat et cette transmission était possible puisqu'elle y a procédé trois fois ; France Télécom fait état d'une prétendue activité illicite des sociétés Lectiel et Groupadress alors qu' un non lieu a été prononcé sur le grief du piratage ; France Télécom est irrecevable à se prévaloir d'un quelconque droit de propriété intellectuel sur l'annuaire qu'il s'agisse d'un droit sui generis ou d'un droit d'auteur en effet la cour saisie de la reconnaissance de ce droit n'a pas statué sur cette question et France Télécom n'a pas sollicité la rectification de l'omission de statuer, sur ce point la situation juridique est devenue en conséquence définitive et en tout état de cause l'existence ou non d'un droit de propriété intellectuelle de France Télécom sur les données annuaire est non pertinent dans le présent litige et ne justifie pas la facturation par France Télécom d'un droit proportionnel,

- les sommes réclamées à titre de dédommagement du fait des pratiques de France Télécom sont justifiées si l'on analyse la durée et la violence des pratiques anticoncurrentielles, la taille du marché, les contrats passés par France Télécom afin de permettre l'accès à la base de données annuaire, le chiffre d'affaires généré par les services de France Télécom notamment les Pages Jaunes (soit en 2004: 908 millions d'euros), les sommes encaissées par France Télécom suite à la cession opérée au profit de Pages Jaunes,

- il est indispensable pour assurer l'effectivité du droit de la concurrence communautaire de procéder à une indemnisation intégrale du préjudice subi ;

Considérant que la SA France Télécom réplique que :

- ses 'fautes' dénoncées par Lectiel et Groupadress ne consistent en réalité que dans le fait de s'opposer à l'appropriation illicite et gratuite de sa base annuaire ; Lectiel et Groupadress poursuivent depuis le début de leur activité un but unique : l'appropriation de ses données annuaires sans reconnaître ses droits de propriété intellectuelle et sans acquitter aucun prix,

- les autorités de concurrence et la cour de céans ont reconnu que les données annuaires étaient issues d'un ensemble organisé (la base annuaire) produit d'un apport intellectuel créateur et d'investissements importants,

- les autorités de la concurrence ont explicitement écarté que les pratiques dénoncées par Lectiel puissent être fautives au regard des règles de la concurrence ; les autorités de concurrence n'ont jamais admis que sa faute ait consisté dans le fait d'avoir refusé de transmettre les données de l'annuaire et de la liste orange pour un prix correspondant au coût de leur transfert sur un support informatique ; elles ont au contraire à plusieurs reprises expressément repoussé cette demande et reconnu que les prix orientés vers les coûts devaient couvrir les coûts incrémentaux de constitution et de maintenance de la base annuaire elle-même ; la prétention d'obtenir accès à sa base annuaire dans ces condition a été repoussée par la cour d'appel de Paris dans son arrêt avant dire droit du 13 juin 2001, par le conseil de la concurrence dans ses décisions des 28 juin 2002 et 12septembre 2003, par l'ARCEP le 30 novembre 2006, par la cour d'appel de Paris le 30 septembre 2008,

- contrairement aux affirmations péremptoires des appelantes, elle s'est mise en conformité avec les injonctions des autorités de la concurrence ; la mise à disposition de la base annuaire expurgée des inscriptions en liste orange a été réalisée sans délai à partir de l'injonction de la cour d'appel de Paris en 1999 ; l'orientation vers les coûts du prix de cession du droit d'usage de la base annuaire a été mise en oeuvre dès que les autorités de la concurrence ont donné les indications nécessaires pour ce faire,

- il n'y a pas d'autres constatations auxquelles se reporter que celles effectuées par le conseil de la concurrence et la cour d'appel de Paris ; ses décisions et leurs effets doivent être appréciées dans le contexte particulier des pratiques de Lectiel ; elle n'a offert l'usage de sa base annuaire à Lectiel qu'à partir de 1999 puisqu'avant des activités illicites devaient en être la conséquence ; jusqu'en 2003, France Télécom est restée dans l'incapacité de savoir exactement quels étaient les coûts pertinents à prendre en considération pour fixer le prix de commercialisation de ses données annuaires,

- soit la disposition de la base annuaire expurgée des inscriptions en liste orange n'était pas indispensable au développement de Lectiel et les difficultés momentanées d'accès à cette liste n'ont pu perturber le développement de Lectiel, soit elle l'était et c'est alors le refus de l'acheter à partir de 1999 que a été l'élément causal déterminant des difficultés de Lectiel ; Lectiel et Groupadress sont incapables de désigner précisément le fait générateur de la perte de chance et du gain manqué qu'elles invoquent et elles sont impuissantes à démonter quelque lien de causalité que ce soit entre sa faute, à la supposer établie, et le préjudice invoqué ; en effet du fait de l'opération de télédéchargement de la base annuaire à laquelle les appelantes se sont livrées de 1987 à 2005 et parce que la base annuaire leur a été remise par huissier le 4 octobre 1999 Lectiel et Groupadress ont disposé d'une base d'adresses opérationnelle pour tous les usages n'impliquant pas de connaître la liste des abonnés de France Télécom inscrits en liste orange ; par l'utilisation d'autres fichiers Lectiel et Groupadress pouvaient intervenir sur le marché de l'édition de listes pour le marketing direct ; même si elles refusaient d'acquérir la base dans les conditions offertes par France Télécom elles pouvaient acquérir, enrichir puis céder des listes à des opérateurs organisant des campagnes de démarchage téléphonique ou de publicité adressée ; l'accès au marché de la location d'adresses n'est de toute façon pas conditionné par le fait de détenir et de pouvoir commercialiser la base annuaire des abonnés au téléphone ; Lectiel n'a pas établi sa capacité à intervenir sur le marché des mégabases de données, totalement indépendante des relations commerciales entretenues avec elle, alors que le développement sur ce créneau était le facteur déterminant de l'affirmation sur le marché ; Lectiel aurait pu entre 1999 et 2003 accéder à la base annuaire expurgée sans supporter de surcoût et l'absence d'accès de Lectiel à la base annuaire expurgée des inscriptions en liste orange à compter de 1999 ne résulte d'aucun fait imputable à France Télécom ; l'investissement supplémentaire devait permettre un surplus de chiffre d'affaires à Lectiel d'autant que Lectiel aurait fait des économies en mettant un terme au téléchargement illicite de cette même base mais le choix des appelantes a été de ne pas acheter la base annuaire prétendant y accéder gratuitement,

- la demande de réparation formée par les appelantes n'est étayée par aucune donnée fiable ; l'évaluation du préjudice proposée repose sur de pures conjectures contredites par les experts constatant les évolutions réelles du marché pendant la période concernée, les modèles de développement empruntés par les opérateurs existants, les niveaux d'investissements requis et les taux de rentabilité observés ; en demandant la réparation d'un gain manqué puis celle d'un préjudice sur une période de reconquête les appelantes demandent à être indemnisées deux fois pour le même gain prétendument manqué ; enfin les appelantes ne sauraient entendre se faire indemniser pour les surcoûts que leur aurait occasionnés le piratage de sa base auquel elles se sont livrées ; c'est au contraire elle qui a subi un préjudice de ce fait dont elle demande réparation du fait du préjudice résultant de la violation par les sociétés Lectiel et Groupadress de ses droits de propriété intellectuelle ;

Considérant qu'eu égard à la cassation partielle intervenue et la cour de renvoi ne statuant que dans la limite de la cassation, il importe de définir la portée de l'arrêt de cassation ;

Considérant que par la cassation intervenue n'a pas été remis en cause la décision de la cour aux termes de son arrêt du 30 septembre 2008 d'écarter toute faute de la société France Telecom pour n'avoir pas appliqué les injonctions donnée quant aux tarifs à appliquer décidées par l'arrêt du 29 juin 1999 dans la mesure où cette société n'avait pas jusqu'à la décision du Conseil de la Concurrence tous les éléments pour s'y conformer, le caractère licite de la proposition faite par France Télécom à compter de décembre 2003, l'existence de droits de propriété intellectuelle de France Télécom sur l'annuaire électronique dont elle est fondée à se prévaloir en raison de l'absence de primauté du droit de la concurrence sur le droit de la propriété intellectuelle, l'interdiction faite à la société Lectiel de procéder à tout acte d'extraction des bases de données de France Télécom effectué sans rémunération de ses droits d'auteur et de producteur de bases de données sous astreinte, le droit de France Télécom d'inclure dans ses tarifs la rémunération de ses droits comme d'en interdire ou restreindre une utilisation qu'elle n'aurait pas autorisée sous réserve de l'obligation qui lui est faite de fourniture de données respectant les principes de concurrence, la faute commise à partir de 1987 par Lectiel et Groupadress pour avoir procédé à un télé déchargement non autorisé des fichiers concernés en les commercialisant sans en payer le tarif ni en rémunérer les droits, la condamnation de Lectiel de ce chef à payer une somme de 3 870 000 € à titre de dommages et intérêts et la fixation pour ce même montant de la créance de France Télécom à la procédure collective de Groupadress ;

Considérant que la seule question dont est saisie la cour de renvoi consiste dans la recherche de l'éventuel préjudice pouvant découler pour Lectiel et Groupadress des pratiques retenues comme constitutives d'abus de position dominante retenues par la cour d'appel dans son arrêt du 29 juin 1999 ;

Considérant que, selon cet arrêt, les agissements visés sont liés à l'obligation, à partir de l'entrée en vigueur en 1992 de l'article R10-1 du code des Postes et Communications, pour les sociétés en cause, sauf à encourir des sanctions pénales, de radier de ses fichiers constitués à partir de la base annuaire le nom des personnes ayant demandé à ne pas figurer sur les listes extraites des annuaires commercialisées par l'opérateur public, et à l'interdiction faite à ces sociétés à partir de 1993 de continuer à exploiter les ressources de la liste des abonnés au téléphone au prix de la consultation de l'annuaire électronique en l'obligeant à recourir aux services plus onéreux offerts par Marketis et Téladress qui commercialisent des listes d'abonnés préalablement expurgées ;

Considérant que la cour a retenu que :

-le coût des tarifs proposés ne s'expliquait que par la perception de droits de propriété intellectuelle dont France Télécom s'estimait titulaire et que sans qu'il soit besoin de prendre parti sur le bien fondé de la prétention à la titularité des droits de propriété intellectuelle, les conditions tarifaires mises en oeuvre par France Télécom sont de nature à fermer l'accès à la ressource de la liste des abonnés au téléphone pour l'établissement de fichiers de prospection,

- France Télécom en position dominante sur le marché de la liste des abonnés de téléphone a exploité abusivement cette position sur le marché connexe des fichiers de prospection et que ces pratiques ont eu pour objet ou pour effet de restreindre le jeu de la concurrence sur ce dernier marché en sorte qu'elles sont prohibées par les dispositions de l'article 8 de l'ordonnance du 1er décembre 1986, qu'elles sont également prohibées parles dispositions de l'article 86 du traité de Rome puisque, produisant leurs effets sur l'ensemble du territoire national, elles sont susceptibles d'affecter le commerce des Etats membres dès lors qu'elles peuvent voir des répercussions sur les courants commerciaux, notamment en empêchant les entreprises implantées dans les Etats de la Communauté Européenne de pénétrer sur le marché français des fichiers de prospection,

- il y avait lieu d'infliger à France Télécom une sanction pécuniaire de 10 000 000 FF et de lui enjoindre de fournir, dans des conditions identiques, à toute personne qui lui en fait la demande, la liste consolidée comportant, sous réserve des droits des personnes concernées, les informations contenues dans l'annuaire universel, de proposer un service permanent de mise en conformité des fichiers contenant des données nominatives détenus par des tiers avec la liste orange des abonnés au téléphone, que ces fichiers soient ou non extraits de la base annuaire, ces prestations devant être proposées dans des conditions transparentes, objectives et non discriminatoires à un prix orienté vers les coûts liés aux opérations techniques nécessaires pour répondre à cette demande, à l'instar, s'agissant de la prestation de déduplication ou topage, de la prestation prévue au catalogue de France Télécom la rubrique prévoyant la mise en conformité des fichiers tiers externes avec la liste safran et la déduplication ou topage de ces fichiers ;

Considérant qu' il s'ensuit que les agissements retenus comme constitutifs d'abus de position dominante retenus par l'arrêt du 29 juin 1999 tiennent exclusivement non à la vente mais à la fourniture par France Télécom des informations litigieuses à des tarifs excessifs compte tenu de perception de droits de propriété intellectuelle tandis que la cour par son arrêt du 30 septembre 2008 a admis une telle perception et que la faute imputée à France Télécom pour n'avoir pas respecté les injonctions qui lui avaient été faites par ce même arrêt quant à la fixation du prix n'avait pas été caractérisée dans la mesure où cette dernière n'avait pas jusqu au 9 décembre 2003 tous les éléments pour se conformer, à coup sûr, à l'arrêt du 29 juin 1999 ;

Considérant en outre que la cour dans son arrêt du 30 septembre 2008, par une décision irrévocable non remise en cause par la cassation a retenu que le télédéchargement pratiqué par Lectiel depuis 2007 en violation des droits de propriété intellectuelle constituaient une faute justifiant à titre réparatoire la condamnation de cette dernière à payer à la société FranceTélécom une somme de 3 870 000 € ;

Considérant que, pour caractériser son préjudice, la société appelante prétend que les agissements perpétrés depuis 23 ans ont fait obstacle à ce qu'elle puissent exercer leur activité dans des conditions de concurrence normale de sorte qu'elles ne disposent pas de données économiques et financières propres puisque malgré ces pratiques France Télécom n'a jamais exploité complètement le marché sur lequel ses clients auraient pu se développer ;

Considérant cependant par l'argumentation développée les sociétés appelantes n'ont pas caractérisé le préjudice subi, puisque la faute commise consistait non dans la vente d'informations que ces sociétés ont refusé d'acquérir, mais dans la fourniture de ces informations à compter de 1993 à un coût excessif que France Télécom n'a été en mesure de fixer qu'à compter du mois de décembre 2003, que ces sociétés ont pratiqué un télédéchargement illicite, que Groupadress admise à la liquidation judiciaire le 23 janvier 2002 avant cette date ne peut se prévaloir d'aucun préjudice personnel, que Lectiel qui ne peut revendiquer que le préjudice résultant de la perte de chance de se développer à moindre coût sur un marché à raison de la différence entre le prix qu'entendait lui facturer France Telecom et celui qu'elle était fondée à appliquer au regard des dispositions de l'arrêt du 29 juin 1999 si elle n'avait pas procédé à un télédéchargement illicite ne peut qu'être déboutée de toutes ses demandes à raison de ce télédéchargement illicite ;

Considérant que France Telecom ne peut qu'être déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre d'un préjudice découlant de la violation de ses droits de propriété intellectuelle non pris en compte par l'arrêt du 30 septembre 2008, d'une part, car France Télécom n'a justifié d'aucune production de créance ou de relevé de forclusion à ce titre, d'autre part, car à supposer que la demande de ce chef ne soit pas incluse dans celle dont a eu à connaître la cour dans son précédent arrêt, il lui incombeait d'en saisir alors cette juridiction, enfin eu égard à limite de la saisine de la cour compte tenu de la cassation partielle intervenue ;

Considérant que les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont pas réunies ;

Considérant que les sociétés appelantes sont condamnées aux dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

Statuant au vu de l'arrêt du 23 mars 2010 de la cour de Cassation et dans la limite de la cassation,

Confirme le jugement ;

Rejette le surplus des demandes ;

Condamne M° [F] [N], agissant en sa qualité de mandataire liquidateur à la liquidation judiciaire de la SA Lectiel, et la SELARL de Bois-Herbaut, représentée par M° [I], agissant en sa qualité de mandataire judiciaire de la société Groupadress, aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, le jugement étant confirmé en ses dispositions relatives aux dépens.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 10
Numéro d'arrêt : 10/18278
Date de la décision : 27/06/2012

Références :

Cour d'appel de Paris J1, arrêt n°10/18278 : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-27;10.18278 ?
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