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21/06/2012 | FRANCE | N°10/08389

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 11, 21 juin 2012, 10/08389


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11



ARRÊT DU 21 Juin 2012



(n°5 , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/08389



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Septembre 2010 par le conseil de prud'hommes d'Evry RG n° 09/00359





APPELANTE

Madame [G] [F]

[Adresse 2]

comparant en personne, assistée de Me Jacques VASLIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN





INTIMÉES

SARL BONNEAU IMMOBILIER

[Adresse 6]



SAS ABITHEA AGENCES IMMOBILIÈRES

[Adresse 1]

représentées par Me Bruno JANOT, avocat au barreau de MELUN





COMPOSITION DE LA COUR :



En...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 11

ARRÊT DU 21 Juin 2012

(n°5 , 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/08389

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 07 Septembre 2010 par le conseil de prud'hommes d'Evry RG n° 09/00359

APPELANTE

Madame [G] [F]

[Adresse 2]

comparant en personne, assistée de Me Jacques VASLIN, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMÉES

SARL BONNEAU IMMOBILIER

[Adresse 6]

SAS ABITHEA AGENCES IMMOBILIÈRES

[Adresse 1]

représentées par Me Bruno JANOT, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Avril 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président

Madame Evelyne GIL, Conseillère

Madame Isabelle DOUILLET, Conseillère

GREFFIÈRE : Mademoiselle Céline MASBOU, lors des débats

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Jean-Michel DEPOMMIER, Président et par Mademoiselle Flora CAIA, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Vu l'appel régulièrement interjeté par Mme [G] [F] à l'encontre d'un jugement prononcé le 7 septembre 2010 par le conseil de prud'hommes d'Evry ayant statué sur le litige qui l'oppose aux sociétés BONNEAU IMMOBILIER et ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES sur ses demandes relatives à l'exécution et à la rupture de son contrat de travail.

Vu le jugement déféré qui

- a ordonné la jonction des affaires enrôlées sous les numéros 09/359 et 09/360,

- a débouté les parties de l'intégralité de leurs demandes,

- a laissé les dépens à la charge de chaque partie.

Vu les conclusions visées par le greffier et développées oralement à l'audience aux termes desquelles :

Mme [G] [F], appelante, demande à la cour, après avoir confirmé la jonction entre les deux procédures,

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

- à titre principal, à l'égard de la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES,

- de constater que la rupture du contrat de travail qui la liait à cette société est intervenue le 17 janvier 2007, qu'elle s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que la procédure de licenciement n'a pas été respectée,

- en conséquence, de condamner la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts au taux légal à compter de la date de demande de convocation, avec anatocisme à compter de la décision à intervenir :

- 46 529,24 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 15 509,75 € à titre de dommages-intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

- 5 816,15 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- les congés payés de 1/10ème afférents à cette somme,

- 1 938,72 € (un mois de salaire brut) à titre de congés payés,

- 93 058,48 € à titre d'indemnité de clientèle,

- de condamner la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES à lui payer en outre la somme de 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- d'ordonner à la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES la remise d'un certificat de travail et d'une attestation POLE EMPLOI conformes, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document,

- d'ordonner à la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES de rembourser les indemnités ASSEDIC versées dans la limite de 6 mois,

- à titre subsidiaire, à l'égard de la société BONNEAU IMMOBILIER

- de constater que le licenciement prononcé par la société BONNEAU IMMOBILIER est sans cause réelle et sérieuse,

- de constater qu'en l'absence de contrat écrit et de référence formelle à une quelconque clause de non concurrence, aucune clause de cette nature ne pouvait lui être opposée consécutivement à son licenciement,

- de constater, de plus, qu'en l'absence d'acceptation expresse de la novation alléguée à l'époque par son employeur du moment, la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES, la clause que comportait le contrat de travail prétendument transféré par la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES à la société BONNEAU IMMOBILIER était inapplicable pour cause de défaut de contrepartie,

- en conséquence, de condamner la société BONNEAU IMMOBILIER à lui payer les sommes suivantes :

- 38 257,86 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 9 564,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- les congés payés de 1/10ème afférents à cette somme,

- 1 938,72 € à titre de congés payés,

- 19 128,80 € à titre d'indemnité de clientèle,

- 69,23 € à titre de réintégration de retenue pour absence injustifiée du 21 juin 2007,

- d'ordonner à la société BONNEAU IMMOBILIER la remise d'un certificat de travail et d'une attestation POLE EMPLOI conformes, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document,

- d'ordonner à la société BONNEAU IMMOBILIER de rembourser les indemnités ASSEDIC versées dans la limite de 6 mois,

- à titre infiniment plus subsidiaire, dans le cas où la cour dirait que le contrat de travail qui la liait à la SAS ABITHEA depuis le 19 novembre 1990 a été transmis à la société BONNEAU IMMOBILIER à compter du 17 janvier 2007,

- de constater que le licenciement intervenu le 11 septembre 2007 est sans cause réelle et sérieuse,

- de constater l'inapplicabilité de la clause de non concurrence pour absence de contrepartie financière,

- en conséquence, de condamner la société BONNEAU IMMOBILIER à lui payer les sommes suivantes,

- 69 793,86 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 9 564,40 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- les congés payés de 1/10ème afférents à cette somme,

- 1 938,72 € à titre de congés payés,

- 104 690,79 € à titre d'indemnité de clientèle,

- 69,23 € à titre de réintégration de retenue pour absence injustifiée du 21 juin 2007,

- d'ordonner à la société BONNEAU IMMOBILIER la remise d'un certificat de travail et d'une attestation POLE EMPLOI conformes, sous astreinte de 50 € par jour de retard et par document,

- d'ordonner à la société BONNEAU IMMOBILIER de rembourser les indemnités ASSEDIC versées dans la limite de 6 mois.

La société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES, intimée, conclut au débouté de Mme [F] de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société BONNEAU IMMOBILIER, intimée, conclut au débouté de Mme [F] de l'ensemble de ses demandes et à sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :

- 60 000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la violation par Mme [F] de sa clause de non concurrence,

- 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

CELA ÉTANT EXPOSÉ

Par contrat à durée indéterminée en date du 19 novembre 1990, Mme [F] a été engagée par la société GILL IMMOBILIER en qualité de secrétaire commerciale pour exercer ces fonctions dans une agence sise à [Localité 5] (77).

Le 1er janvier 1994, un nouveau contrat a été signé entre les parties, Mme [F] devenant négociatrice, statut VRP exclusif, coefficient 240 de la convention collective nationale de l'immobilier, moyennant une rémunération à la commission. Le contrat contenait une clause de non concurrence d'une durée de six mois, Mme [F] s'interdisant "toute activité liée à l'immobilier dans un rayon de 10 km de l'agence ou des agences" où elle exerçait son activité.

La société GILL IMMOBILIER est devenue GILL AGENCES IMMOBILIERES.

Un avenant en date du 26 novembre 2002 est venu modifier et préciser les conditions d'application et de rémunération de la clause de non concurrence, la durée de l'obligation de non concurrence étant portée à 18 mois en cas de démission ou de licenciement pour faute grave ou lourde, et à 3 mois dans les autres cas de licenciement, et la clause étant rémunérée à hauteur de 1 % des commissions perçues sur l'ensemble des ventes réalisées par la salariée.

Courant 2004, la société GILL AGENCES IMMOBILIERES a changé de dénomination sociale pour s'appeler ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES.

Le 18 janvier 2007, la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES a cédé à la société BONNEAU IMMOBILIER le fonds de commerce de transaction immobilière sis à [Localité 5].

Par suite, la société BONNEAU IMMOBILIER a proposé à Mme [F] de signer un avenant en date du 19 janvier 2007 mentionnant le transfert du contrat de travail. Mme [F] a refusé de signer cet avenant.

Par lettre du 25 août 2007, la société BONNEAU IMMOBILIER a informé Mme [F] de la modification des conditions de rémunération de la clause de non concurrence destinée à mettre le contrat de travail en conformité avec la convention collective nationale de l'immobilier (article 9 de l'avenant n° 31 du 15 juin 2006).

Le 31 juillet 2007, Mme [F] a crée une entreprise IMMO AVENUE, dont le siège social se situe à [Localité 5] et l'objet social est 'transactions immobilières'.

Le 28 août 2007, la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES convoquait Mme [F] pour le 6 septembre 2007 à un entretien préalable à un éventuel licenciement et lui notifiait sa mise à pied à titre conservatoire.

Le licenciement était prononcé par lettre du 11 septembre 2007 pour fautes graves, motifs pris i) du refus injustifié de signer l'avenant ayant pour objet de constater le transfert du contrat de travail à la société BONNEAU IMMOBILIER et ii) de la création d'une entreprise concurrente sur la même commune que l'agence qui l'emploie.

SUR CE

Sur la jonction

Il y a lieu d'approuver le jugement de première instance en ce qu'il a, dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice, décidé de joindre les affaires enrôlées sous les numéros 09/359 (demande de Mme [F] de réinscription de l'affaire au rôle après radiation visant la société BONNEAU IMMOBILIER) et 09/360 (demande de Mme [F] de réinscription après radiation visant la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES).

Sur le transfert du contrat de travail de Mme [F]

Mme [F] soutient en substance qu'elle s'est aperçue, en janvier 2005, qu'elle était l'employée, depuis 1998, de la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES, sans qu'un avenant soit venu régulariser cette modification ; que le 17 janvier 2007, l'employeur lui a fait signer un reçu pour solde de tout compte et lui a remis un certificat de travail et une attestation ASSEDIC, 'le tout pour valoir règlement des conséquences de la rupture du contrat de travail à cette même date, tout en lui indiquant qu'à la suite d'une modification de pure circonstance la société devenait la SARL BONNEAU IMMOBILIER et que le contrat de travail se poursuivait normalement sans modification aucune' ; qu'ainsi, l'employeur a choisi de rompre le contrat de travail, cette rupture étant intervenue en méconnaissance des règles de forme et devant s'analyser en un licenciement sans cause réelle ni sérieuse ; que les dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail ne peuvent trouver s'appliquer en l'espèce, le fonds de commerce de [Localité 5] ne constituant pas une entité économique autonome.

Mais en application de l'article L. 1224-1 du code du travail, lorsque survient une modification dans la situation juridique de l'employeur, notamment par vente du fonds, tous les contrats de travail en cours au jour de la modification subsistent entre le nouvel employeur et le personnel de l'entreprise.

Ces dispositions s'appliquent dès lors qu'il y a transfert d'une entité économique ayant conservé son identité et dont l'activité a été poursuivie ou reprise. Elles sont d'ordre public et s'imposent aux chefs d'entreprise comme aux salariés.

En l'espèce, ces dispositions ont trouvé à s'appliquer à la suite de la cession, par la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES à la société BONNEAU IMMOBILIER, du fonds de commerce situé à [Localité 5], ce fonds, qui, aux termes de l'acte cession en date du 18 janvier 2007, comprenait à la fois des éléments incorporels (enseigne, clientèle, achalandage et droit au bail) et des éléments corporels (mobilier commercial, agencements et matériel) et qui était mentionné sur l'extrait Kbis de la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES comme un établissement secondaire autonome, constituant incontestablement une entité économique autonome, la circonstance que l'agence de Lesigny était l'une des multiples agences possédées par la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES étant, à cet égard, indifférente. Au surplus, l'acte de cession fait apparaître que les parties avaient expressément reconnu que les dispositions de l'ancien article L. 122-12.1 du code du travail leur étaient applicables, le cédant ayant déclaré employer quatre salariés, dont Mme [F].

Dans ces conditions, le contrat de travail de Mme [F] n'a pas été rompu mais s'est poursuivi de plein droit avec la société cessionnaire BONNEAU IMMOBILIER après la cession de l'agence de [Localité 5], sans que Mme [F] puisse arguer utilement des formalités (établissement d'un solde de tout compte, d'un certificat de travail...) que le premier employeur a cru alors utile d'effectuer, la salariée ne soutenant pas, au demeurant, avoir été privée de travail et de salaire à la suite de la cession précitée.

Il y a donc lieu de débouter Mme [F] de l'ensemble de ses demandes dirigées contre la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES et de mettre celle-ci hors de cause.

Sur la qualification du licenciement

Mme [F] soutient en substance, sur le premier grief, qu'une confusion a été délibérément créée et entretenue entre les sociétés ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES et BONNEAU IMMOBILIER, cette dernière émettant des bulletins de salaire comportant

un double libellé, de sorte qu'on ne saurait lui reprocher de n'avoir pas signé l'avenant daté du 19 janvier 2007, son consentement n'ayant pu être libre et éclairé lors de la signature ; que le second grief n'est pas plus fondé dans la mesure où, après la rupture de son premier contrat de travail en janvier 2007, la relation de travail s'est poursuivie selon un nouveau contrat de travail 'informel et tacite' qui ne comportait aucune clause de non concurrence ; qu'en tout état de cause, i) la clause de non concurrence qui figurait au contrat de travail initial qui la liait à la société ABITHEA était nulle en raison de l'absence de contrepartie financière, ii) la clause de non concurrence prévue à l'avenant du 26 novembre 2002 était tout aussi nulle dès lors a) que la signature de cet avenant, qui entraînait une modification substantielle du contrat de travail (allongement de la durée de l'obligation résultant de la clause de non concurrence), était intervenue dans des circonstances telles qu'elle n'avait pas été en mesure d'en percevoir la portée, b) que les durée et rémunération stipulées dans cet avenant n'étaient pas conformes à la convention collective applicable ; qu'en lui adressant la lettre du 25 août 2007, l'employeur aurait du recueillir son accord formel s'agissant d'une modification du contrat qui avait 'pour objet d'ajuster la contrepartie financière de la clause à la prescription impérative de la convention collective, rendant du même coup valable la dite clause jusqu'alors non valable' ; qu'en toute hypothèse, elle a seulement créé une société susceptible d'exercer une activité concurrente mais n'a pas effectivement exercé d'activité concurrente.

La société BONNEAU IMMOBILIER répond, en substance, que le comportement de Mme [F] est lié au fait qu'elle n'a pas accepté que la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES ne lui cède pas le fonds de [Localité 5] ; que c'est ainsi qu'elle a abusivement refusé de signer l'avenant, qui était demandé par la préfecture, qui se bornait à constater le transfert de son contrat de travail à la société BONNEAU IMMOBILIER et son changement d'employeur ; qu'elle a en outre violé l'obligation de fidélité et de loyauté à laquelle elle était tenue.

Pour les raisons qui ont été exposées supra, Mme [F] ne peut être suivie dans son argumentation selon laquelle son premier contrat de travail aurait été rompu en janvier 2007 et aurait laissé place à un nouveau contrat 'informel et tacite' dépourvu de clause de non concurrence. Le contrat de travail, transféré à la société BONNEAU IMMOBILIER s'est, en effet, poursuivi avec la clause de non concurrence qu'il contenait dont il convient d'examiner la validité.

Le contrat en date du 1er janvier 1994 comportait une clause de non concurrence de 6 mois par laquelle Mme [F] s'interdisait "toute activité liée à l'immobilier dans un rayon de 10 km de l'agence ou des agences" où elle exerçait son activité, sans prévoir de contrepartie financière.

Cette contrepartie financière a toutefois été prévue dans l'avenant en date du 26 novembre 2002 qui a été signé par Mme [F]. Cet avenant prévoyait que la clause de non concurrence, "en application de la convention collective", courait à compter de la cessation d'activité, pendant 18 mois en cas de démission ou de licenciement pour faute grave ou lourde et pendant 3 mois dans les autres cas de licenciement, dans un rayon de 10 k autour du lieu d'implantation de l'agence où l'intéressée exerçait et qu'elle était rémunérée à la hauteur de 1 % des commissions perçues sur l'ensemble des ventes réalisées par la salariée. Les conditions de rémunération de la clause de non concurrence ont ensuite été modifiées pour mettre le contrat de travail en conformité avec l'article 9 de l'avenant n° 31 du 15 juin 2006 de la convention collective nationale de l'immobilier, ce dont Mme [F] a été informée par lettre recommandée avec accusé de réception de l'employeur en date du 25 août 2007 : ainsi, il était désormais prévu que Mme [F] percevrait en contrepartie de la clause, "chaque mois, à compter de la cessation effective de son activité, et pendant toute la durée de l'interdiction, dans la mesure où celle-ci est respectée, une indemnité spéciale forfaitaire égale à 15 % de la moyenne mensuelle du salaire brut perçu au cours des trois derniers mois d'activité passée dans l'entreprise, étant entendu que les primes exceptionnelles de toute nature, de même que les frais professionnels en sont exclus". Ce courrier, qui se bornait à mettre le contrat de travail en conformité avec la convention collective applicable en étendant l'obligations à la charge de l'employeur relativement à la contrepartie financière de la clause de non concurrence, reprenait exactement les termes de l'article 9 de l'avenant n° 31 du 15 juin 2006.

Dans ces conditions, Mme [F] ne peut être suivie quand elle affirme que les nouvelles conditions qui étaient fixées ont modifié unilatéralement son contrat de travail et étaient contraires à la convention collective nationale de l'immobilier applicable en l'espèce.

La nullité alléguée n'étant pas établie, l'obligation de non concurrence s'imposait à Mme [F].

Or, il ressort des pièces et des explications fournies :

- que Mme [F] a créé une SARL IMMO AVENUE, immatriculée au registre du commerce et des sociétés le 31 juillet 2007, dont elle est la gérante, dont le siège social se situe à son domicile, [Adresse 2] - soit sur la même commune que la société BONNEAU IMMOBILIER -, et dont l'objet social est, notamment, 'l'exploitation d'agences immobilières impliquant a. L'activité de transaction sur immeuble et fonds de commerce, b. L'activité de location immobilière, de gérance immobilière, de

marchand de biens et de domiciliation d'entreprises (...)',

- que Mme [F] a diffusé des publicités annonçant l'ouverture de son agence et faisant apparaître que l'adresse de celle-ci était située dans la [Adresse 6], soit dans la rue même où était installée la société BONNEAU IMMOBILIER,

- que la société IMMO AVENUE a ouvert ses locaux précisément en face de l'agence de la société BONNEAU IMMOBILIER,

- que la société IMMO AVENUE était en mesure de diffuser, début décembre 2007, des annonces électroniques concernant des maisons à vendre à [Localité 5] et dans les environs.

Ainsi, il est établi que Mme [F] a violé la clause de non concurrence en créant fin juillet 2007, dans un rayon de 10 km de l'agence où elle exerçait précédemment ses fonctions, une agence immobilière qui a été rapidement opérationnelle, étant en mesure de proposer début décembre 2007 des immeubles à la vente, ce qui supposait une activité préalable, au moins de publicité et de prospection.

Cette violation, sans qu'il soit besoin d'examiner le premier motif lié au refus de signature de l'avenant, constitue une faute grave justifiant le licenciement.

Mme [F] sera en conséquence déboutée de ses demandes visant la société BONNEAU IMMOBILIER, relatives au caractère abusif de son licenciement, et le jugement de première instance sera confirmé de ce chef.

Sur les autres demandes de Mme [F]

Sur les congés payés

Aucune argumentation n'est développée ni aucun élément produit à l'appui de cette demande qui sera, en conséquence, rejetée.

Sur la retenue pour absence injustifiée du 21 juin 2007

Aucune argumentation n'est développée ni aucun élément produit à l'appui de cette demande qui sera, en conséquence, rejetée. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur l'indemnité de clientèle

Mme [F] fonde sa demande sur l'article L. 7313-13 du code du travail qui prévoit qu'en cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée, en l'absence de faute grave, le VRP a droit à une indemnité de clientèle. Le licenciement reposant, en l'espèce, sur une faute grave, l'indemnité n'est pas due. La demande sera donc rejetée et le jugement confirmé de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle de la société BONNEAU IMMOBILIER

A l'appui de sa demande, la société BONNEAU IMMOBILIER produit une attestation de son expert comptable qui fait état d'une diminution du chiffre d'affaires de l'agence, de 60 000 € environ, entre l'année 2007 (270 411 €) et l'année 2008 (210 230 €).

Ce document ne suffit pas à établir l'étendue alléguée du préjudice subi par la société BONNEAU IMMOBILIER, en lien avec le comportement de Mme [F], compte tenu, notamment, des vicissitudes du marché de l'immobilier sur la période considérée.

Cependant, la violation par Mme [F], dans les conditions décrites ci-dessus, de la clause de non concurrence a nécessairement entraîné pour la société BONNEAU IMMOBILIER un préjudice qu'il convient d'indemniser par l'allocation d'une somme de 10 000 €.

Cette somme produira des intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

Sur le remboursement des indemnités de chômage à P LE EMPLOI et la remise des documents sociaux

Mme [F] étant déboutée de ses demandes relatives au licenciement, il n'y a pas lieu de faire droit à ces demandes.

Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Succombant en son recours, Mme [F] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel et gardera à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés.

La somme qui doit être mise à la charge de Mme [F] au titre des frais non compris dans les dépens exposés par les sociétés ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES et BONNEAU IMMOBILIER peut être équitablement fixée, pour chacune, à 1 000 €.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Confirme le jugement de première instance en toutes ses dispositions, si ce n'est celles relatives aux dommages et intérêts pour violation de la clause de non concurrence et aux dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute Mme [F] de ses demandes dirigées contre la société ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES et met celle-ci hors de cause,

Condamne Mme [F] à payer à la société BONNEAU IMMOBILIER la somme de 10.000 € de dommages et intérêts, outre intérêts au taux légal à compter du présent arrêt, en réparation du préjudice subi suite à la violation de la clause de non concurrence,

Déboute Mme [F] de sa demande relative aux congés payés,

Dit que Mme [F] supportera les dépens de première instance et d'appel,

Condamne Mme [F] à payer aux sociétés BONNEAU IMMOBILIER et ABITHEA AGENCES IMMOBILIERES la somme de 1 000 € chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Le Greffier,Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 11
Numéro d'arrêt : 10/08389
Date de la décision : 21/06/2012

Références :

Cour d'appel de Paris L2, arrêt n°10/08389 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-21;10.08389 ?
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