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21/06/2012 | FRANCE | N°10/04400

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 5, 21 juin 2012, 10/04400


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5



ARRÊT DU 21 Juin 2012

(n° 1 , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04400



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 08/12926





APPELANT

Monsieur [L] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Gisèle HALBERTHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1249









INTIMÉE

SAS ALTRAN CIS

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Pierre-randolph DUFAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1355





COMPOSITION DE LA COUR :
...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 5

ARRÊT DU 21 Juin 2012

(n° 1 , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04400

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Janvier 2010 par le conseil de prud'hommes de Paris RG n° 08/12926

APPELANT

Monsieur [L] [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

comparant en personne, assisté de Me Gisèle HALBERTHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : E 1249

INTIMÉE

SAS ALTRAN CIS

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Pierre-randolph DUFAU, avocat au barreau de PARIS, toque : C1355

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Mai 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère , chargée d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Renaud BLANQUART, Président

Madame Marthe-Elisabeth OPPELT-REVENEAU, Conseillère

Madame Anne DESMURE, Conseillère

Greffier : M. Franck TASSET, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- mis à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,

- signé par Monsieur Renaud BLANQUART, Président et par M. Franck TASSET, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits et procédure

Le 3 juillet 2000, M.[L] [M] a été embauché, en qualité d'ingénieur d'études par la Sté Altrans , société de conseil en matière d'innovation. En 2005, il a été nommé directeur opérationnel. Le montant de son dernier salaire brut mensuel fait l'objet de divergences entre les parties, M.[M] l'estimant à 24 661,56 € et la Sté Altrans à 13 079,73 €

Estimant que son employeur manquait à ses obligations, M.[M] a, le 31 octobre 2008, saisi le conseil des Prud'Hommes de Paris d'une demande tendant, en dernier lieu, à voir résilier son contrat de travail et condamner la Sté Altrans à lui payer sa part variable pour l'année 2008/2009, un rappel de salaire sur mise à pied, les indemnités de rupture, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile. A titre reconventionnel, la Sté Altrans a réclamé le remboursement d'avances sur commissions, et une indemnité en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

En cours d'instance, convoqué par courrier du 6 mars 2009 à un entretien préalable fixé au 16 mars, mis à pied à titre conservatoire, M.[M] a été licencié pour faute grave par courrier du 20 mars 2009.

L'entreprise compte plus de 10 salariés.

La relation de travail est régie par les dispositions de la convention collective Syntec.

Par décision en date du 11 janvier 2010, le Conseil des Prud'Hommes a rejeté la demande de résiliation, estimé le licenciement de M.[M] fondé sur une cause réelle et sérieuse. Il a donc condamné la Sté Altrans à lui payer les indemnités de rupture, un rappel de salaire sur mise à pied, ordonné la restitution, par M.[M], des avances sur commissions, outre intérêts au taux légal. Il a débouté les parties pour le surplus.

M.[M] a fait appel de cette décision dont il sollicite l'infirmation. Il demande à la Cour de prononcer la résiliation de son contrat de travail, à titre subsidiaire, de juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse, et condamner la Sté Altrans à lui payer les sommes suivantes :

- 111 017,01 € à titre de rappel de salaires sur part variable brute 2008/2009,

- 11 101,70 € au titre des congés payés afférents,

- 73 984,68 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

- 7 398,46 € au titre des congés payés afférents,

- 3 030,45 € à titre de rappel de salaire sur mise à pied,

- 303,04 € au titre des congés payés afférents,

- 17 230,74 € à titre de rappel d'indemnité de congés payés,

- 71 655,82 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

- 591 877,44 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

M.[M] demande, en outre, la remise des documents sociaux conformes, sous astreinte, la somme de 6 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir, augmentés encore de la capitalisation, en application de l'article 1154 du code civil.

Formant un appel incident, la Sté Altrans conclut au débouté de M.[M] en toutes ses demandes. A titre reconventionnel, elle sollicite sa condamnation à lui payer la somme de 54 812,54 € à titre de rémunération variable trop perçue, ainsi que la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.

Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la Cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier le 11 mai 2012, reprises et complétées lors de l'audience.

Motivation

En présence d'une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail et d'un licenciement prononcé postérieurement, il convient, en premier lieu, d'examiner le bien fondé des griefs invoqués au soutien de cette demande. Si ces griefs sont fondés, la rupture comporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et rend sans objet l'examen des griefs invoqués par l'employeur au soutien du licenciement qu'il a lui-même prononcé. Si les griefs ne sont pas fondés, il convient de rejeter la demande de résiliation du contrat de travail et d'examiner le bien fondé du licenciement.

- Sur les motifs de la demande de résiliation du contrat de travail

M.[M] expose qu'à la suite de la fusion intervenue au premier semestre 2008, entre la société Ness Consulting, dont il était devenu le directeur opérationnel le 22 septembre 2005, et la société TMIS, sa fonction a été supprimée et il a réintégré la société Altran Cis.

Il estime qu'en contravention avec les termes de son contrat de travail, de l'article 1134 du Code civil, et de la convention collective (article 8), la Sté Altrans a, alors, procédé à une modification unilatérale de son contrat de travail conduisant à un amoindrissement de ses responsabilités et à une diminution de sa rémunération. Il ajoute que cette situation a directement abouti à sa mise à l'écart, alors même qu'il sollicitait des missions et des projets à réaliser.

S'appuyant sur les termes du contrat de travail qui comportent une clause de mobilité fonctionnelle et arguant de ce que M.[M] a participé activement au processus de fusion et à la définition du poste destiné à l'accueillir à l'issue de cette opération, la Sté Altrans , qui conteste les allégations de M.[M] , soutient que les attributions de celui-ci, dont elle souligne qu'il les a exercées, ont été définies avec son plein accord. Elle ajoute que le refus abusif de M.[M] d'entériner la proposition de rémunération variable, associée à ce nouveau poste, a conduit les parties dans une impasse, dont M.[M] ne saurait valablement se prévaloir pour soutenir la demande de résiliation de son contrat de travail.

Il ressort des débats qu'à la suite de l'opération de fusion réalisée entre les deux sociétés Ness Consulting et TMIS, M.[M] a quitté ses fonctions de directeur opérationnel auprès de Ness pour celles de directeur du développement au sein de la nouvelle entité. Il s'agit, donc, de fonctions nouvelles qui s'inscrivent dans un environnement professionnel nouveau.

Il apparaît, en outre, que des discussions entre les parties sur la rémunération de M.[M] ont accompagné ce changement, qui les ont conduit au blocage.

En tout état de cause, indépendamment du fait que M.[M] , en sa qualité de cadre supérieur de la société Ness Consulting, a participé à la réalisation de l'opération de fusion ainsi qu'à la définition du poste de directeur du développement qui lui était destiné, et indépendamment même de ce que M.[M] a pu commencer à exercer ladite fonction, il n'en reste pas moins, qu'au terme du processus, et en dépit des dissensions des parties sur la rémunération du salarié, et du fait que M.[M] était soumis à une clause de mobilité fonctionnelle, il appartenait à l'employeur de formaliser un avenant au contrat de travail de M.[M] précisant la teneur des modifications intervenues dans la relation contractuelle, aussi bien en ce qui concerne la fonction de M.[M] que sa rémunération. En cas de refus du salarié, il aurait appartenu à l'employeur d'en tirer toutes les conséquences possibles.

Or, en l'espèce, il résulte des débats que l'employeur, qui s'est contenté d'échanges de courriels avec son salarié sur la question de sa rémunération, n'a pas formalisé, par un avenant proposé à la signature de M.[M], les modifications substantielles à son contrat de travail issues de la fusion intervenue.

Il s'en déduit qu'en n'y procédant pas, la Sté Altrans a contrevenu non seulement aux dispositions de l'article 1134 du code civil, mais encore à celle de l'article 8 de la convention collective applicable aux termes de laquelle 'toute modification apportée à une clause substantielle du contrat en cours d'un salarié doit faire l'objet d'une notification écrite de la part de l'employeur', des droits étant attachés au refus opposé par le salarié à une telle modification.

Outre la destabilisation du salarié occasionnée par l'absence de proposition de contrat sur des éléments aussi essentiels que ceux en cause, le comportement de la Sté Altrans caractérise un manquement grave à ses obligations découlant du contrat de travail, de nature à fonder la résiliation judiciaire du contrat de travail en cause.

Il s'ensuit que le licenciement de M.[M] intervenu ultérieurement s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Cette situation donne droit à M.[M] à percevoir des indemnités de rupture, pour le calcul desquelles il convient de se référer au salaire moyen mensuel brut perçu pendant l'année 2007, qui s'élève au montant de 24 661,56 € primes comprises, au vu des bulletins de salaire produits aux débats.

Il s'ensuit que l'indemnité compensatrice de préavis s'élève à 73 984,68 € outre 7 398,46 € au titre des congés payés afférents, que les rappels de salaire relatifs à la mise à pied conservatoire s'élèvent à la somme de 3 030, 45 €, outre 303,04 € au titre des congés payés afférents

En outre, compte-tenu des éléments produits aux débats, concernant notamment son ancienneté, M.[M] a droit à une indemnité conventionnelle de licenciement d'un montant de 71 655,82 € qui n'est pas sérieusement contestée par la partie adverse, ainsi qu'une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en réparation du préjudice subi par M.[M] pour la perte de son emploi, que la cour est en mesure de fixer 200 000 € en application de l'article L1235-3 du Code du travail.

Faute pour l'employeur de n'avoir pas respecté la procédure s'imposant à lui pour procéder aux modifications substantielles du contrat de travail de M.[M] , c'est à juste titre que celui-ci, se référant à la définition contractuelle de sa rémunération en vigueur intervenue la dernière fois pour l'année 2007, réclame la somme de 111 017,01 € au titre de la prime variable pour l'année 2008 et jusqu'au 21 mars 2009, date de la rupture, outre 11 101,70 € au titre des congés payés afférents.

En revanche, M.[M] ne peut qu'être débouté de sa demande complémentaire d'indemnité de congés payés, au sujet de laquelle, la fiche de paye de mars 2009, à laquelle précisément il se réfère, montre qu'au contraire, cette indemnité lui a été intégralement payée et qu'il a épuisé ses droits à congés.

Compte-tenu de ce qui précède, il convient de condamner la Sté Altrans à remettre à M.[M] les documents sociaux et bulletins de salaires conformes, sous astreinte de 50 € par jours de retard, à l'expiration d'un délai de un mois à compter de la notification de la présente décision

Compte-tenu de ce qui précède, la Sté Altrans , qui ne saurait se prévaloir de la proposition de rémunération présentée le 26 juin 2008 à M.[M] qui l'a refusée, ne peut qu'être déboutée de sa demande reconventionnelle fondée sur l'existence prétendue d'un trop perçu de rémunération variable par M.[M] .

Enfin, il convient d'ordonner d'office, en application de l'article L 1235-4 du code du travail , et dans la limite posée par cette disposition, le remboursement par la Sté Altrans , de toutes les indemnités de chômage payées à M.[M] .

Le jugement déféré est, en conséquence, infirmé en toutes ses dispositions.

PAR CES MOTIFS, LA COUR,

- Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant :

- Dit que la rupture de la relation de travail est imputable à la STÉ ALTRANS et qu'elle comporte les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- Dit que le salaire brut mensuel de référence s'établit à la somme de 24 661,56 €,

En conséquence, condamne la STÉ ALTRANS à payer à M.[L] [M] les sommes suivantes :

* 73 984,68 € outre 7 398,46 € au titre des congés payés afférents à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

* 3 030, 45 €, outre 303,04 € au titre des congés payés afférents, à titre de rappels de salaire relatifs à la mise à pied conservatoire,

* 71 655,82 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 111 017,01 € au titre de la prime variable pour l'année 2008 et jusqu'au 21 mars 2009, date de la rupture, outre 11 101,70 € au titre des au titre des congés payés afférents,

ces sommes portant intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la partie défenderesse de la convocation devant le bureau de conciliation.

* 200 000 € en application de l'article L1235-3 du Code du travail outre intérêts au taux légal à compter de la présente décision

- Dit que les intérêts dus pour une année au moins seront capitalisés conformément à l'article 1154 du Code civil,

- Condamne la STÉ ALTRANS à remettre à M.[M] les documents sociaux et bulletins de salaires conformes, sous astreinte de 50 € par jours de retard, à l'expiration d'un délai de un mois à compter de la notification de la présente décision,

- Déboute M.[M] pour le surplus,

- Déboute la STÉ ALTRANS en sa demande reconventionnelle,

- Ordonne d'office, en application de l'article L 1235-4 du Code du travail , et dans la limite posée par cette disposition, le remboursement par la STÉ ALTRANS , de toutes les indemnités de chômage payées à M.[M],

- Condamne la STÉ ALTRANS aux dépens de première instance et d'appel,

Vu l'article 700 du Code de procédure civile,

- Condamne la STÉ ALTRANS à payer à M.[M] la somme de 4 000 €,

- La déboute de sa demande de ce chef.

LE GREFFIER, LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 5
Numéro d'arrêt : 10/04400
Date de la décision : 21/06/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K5, arrêt n°10/04400 : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-21;10.04400 ?
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