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14/06/2012 | FRANCE | N°10/04885

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 7, 14 juin 2012, 10/04885


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7



ARRÊT DU 14 Juin 2012

(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04885

S 10/04982

S 10/05013



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Mai 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Industrie RG n° 08/02974



APPELANT ET INTIME

Monsieur [B] [S] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Anne-Marie MENDIBOURE, a

vocat au barreau de BAYONNE



INTIMES ET APPELANTS

SA DASSAULT AVIATION

[Adresse 6]

[Adresse 9]

[Localité 5]

en présence de M. [P], Responsable des Ressources humaines

repré...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 7

ARRÊT DU 14 Juin 2012

(n° , 5 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/04885

S 10/04982

S 10/05013

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 05 Mai 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS section Industrie RG n° 08/02974

APPELANT ET INTIME

Monsieur [B] [S] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Anne-Marie MENDIBOURE, avocat au barreau de BAYONNE

INTIMES ET APPELANTS

SA DASSAULT AVIATION

[Adresse 6]

[Adresse 9]

[Localité 5]

en présence de M. [P], Responsable des Ressources humaines

représentée par Me Sandrine LOSI, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

Syndicat CGT USINE DASSAULT

[Adresse 9]

[Localité 3]

non comparant

INTIMEE

FEDERATION DES TRAVAILLEURS DE LA METALLURGIE (FMT-C.G.T.)

[Adresse 2]

[Localité 7]

représentée par M. [X] [K], Mandataire syndical, en vertu d'un pouvoir spécial

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 09 Février 2012, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Jean-Marc DAUGE, président

Monsieur Bruno BLANC, conseiller

Madame Laurence GUIBERT, Vice-Présidente placée sur ordonnance du Premier Président en date du 20 janvier 2012

qui en ont délibéré

Greffier : Madame Laëtitia CAPARROS, lors des débats

MINISTERE PUBLIC :

représenté lors des débats par Monsieur HENRIOT, qui a fait connaître son avis.

ARRET :

- REPUTE CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Monsieur Jean-Marc DAUGE, Président et par Mlle Laëtitia CAPARROS, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le 13 mars 2008 Monsieur [Y] saisissait le conseil de prud'hommes de Paris aux fins de faire juger qu'il a été victime de discrimination syndicale, faire condamner la SA DASSAULT AVIATION à lui payer la somme de 184 588,97 € à titre de dommages intérêts et 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

Par jugement en date du 5 mai 2010 rendue en formation de départage le conseil de prud'hommes de Paris a condamné la SA DASSAULT à lui payer la somme de 75 000 € à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice résultant de la discrimination syndicale dont il a été victime et 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a reçu les interventions du syndicat CGT de l'usine DASSAULT de Biarritz et la Fédération de la métallurgie CGT et condamné la SA DASSAULT à payer à chacun la somme de 500 € à titre de dommages intérêts et 100 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, a rejeté les autres demandes des parties;

La cour est régulièrement saisie d'un appel formé contre cette décision par la SA DASSAULT AVIATION,

[B] [Y] a été engagé par la SA DASSAULT AVIATION en 1969 au coefficient professionnel 170 en qualité de professionnel de fabrication. Il a adhéré au syndicat CGT de l'entreprise dès 1970. A compter de 1977, il sera collecteur des cotisations. En 1983 il est candidat aux élections de la Sécurité sociale pour le syndicat CGT puis sera désigné comme scrutateur en 1984 pour les élections au Comité d'établissement du 20 septembre 1984. Il est parti à la retraite en avril 2008.

La convention collective applicable est celle de la métallurgie.

Le salaire dernier mensuel était de 2633,11 €.

La SA DASSAULT AVIATION, par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, conclut à l'infirmation du jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de dommages intérêts pour discrimination syndicale, et l'a condamnée à lui payer la somme de 75 000 € à ce titre ainsi que la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

La société demande à la cour de condamner monsieur [Y] à rembourser les sommes perçues au titre de l'exécution provisoire et lui payer la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Monsieur [Y], par écritures visées par le greffier et soutenues oralement, conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il juge qu'il avait subi et subissait une situation de discrimination syndicale au sein de l'entreprise,

Il demande à la cour de condamner la SA DASSAULT à lui payer la somme de 184 598,97 € à titre de dommages intérêts et à la somme de 3500 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile,

La Fédération des travailleurs de la métallurgie demande la condamnation de la SA DASSAULT à lui payer la somme de 10 000 € en réparation de son préjudice et la somme de 2000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

La SA DASSAULT AVIATION conclut au rejet de la demande de la Fédération des travailleurs de la métallurgie au motif qu'elle ne démontre aucune atteinte aux intérêts collectifs de la profession et à la condamnation de la dite Fédération à lui payer la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

La SA DASSAULT AVIATION conclut à l'infirmation du jugement qui l'a condamnée à payer au SYNDICAT CGT USINE DASSAULT AVIATION BIARRITZ les sommes de 500 € à titre de dommages intérêts et 100 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile; elle demande la condamnation du syndicat à lui payer la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties la cour, conformément à l'article 455 du code de procédure civile , renvoie aux conclusions déposées et soutenues l'audience;

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la discrimination

Attendu que pour établir qu'il a été victime de discrimination syndicale, monsieur [Y] soutient

-que compte tenu de ses qualités professionnelles reconnues, son salaire doit évoluer au moins à la moyenne des salariés comparables;

-que pour justifier un évolution inférieure à la moyenne, l'employeur doit démontrer qu'il disposait de qualités professionnelles moindres, soit que la disparité résulte d'autres éléments objectifs étrangers à toute discrimination;

-que l'inspecteur du travail a utilisé pour son étude les salariés communs aux panels fournis par la SA DASSAULT AVIATION et le syndicat, extrayant 12 noms de la liste de 28 salariés établie par monsieur [Y], pour calculer un salaire moyen et représentatif de salariés entrés à la même époque que lui avec le même diplôme;

-que l'inspecteur du travail n' a relevé aucun grief de l'employeur à l'égard du salarié depuis que son engagement syndical est connu,

Attendu que l'employeur fait valoir en réplique:

qu'il est en droit de contester l'impartialité de l'inspecteur du travail

que pour des salariés de même profil, il a été choisi des panels différents

que 61 % des salariés entrés entre 1969 et 1972 ont eu une évolution plus lente que celle de monsieur [Y] ,

qu'il produit dans son courrier du 21 décembre 2007 des courbes d'évolution salariales de 13 salariés ayant exercé des mandats syndicaux comparés à un panel de salariés différents de celui retenu par l'inspecteur du travail ;

Sur ce,

Attendu que si la SA DASSAULT critique le panel de salariés constitué pour chaque cas par l'inspecteur du travail , elle n'a pas proposé de son côté d'échantillon de comparaison incluant la période antérieure à 1999, avant la conclusion de l'enquête développée dans les courriers du l'inspecteur en date des 25 septembre et 27 novembre 2007;

Attendu que l'employeur ne fournit à la cour aucun élément sur le suivi de l'accord passé avec l'ensemble des syndicats le 19 janvier 1999;

Attendu que ce n'est que le 21 décembre 2007 que l'employeur a communiqué des graphiques pour 12, la lettre en annonçant 13, sur 23 des salariés en cause, sans fournir d'explications sur le choix des éléments de comparaison, ce qui n'apporte aucun élément nouveau au débat, étant constaté au surplus, qu'à l'exception de trois, les graphiques représentent des évolutions salariales et professionnelles inférieures à celles des éléments de comparaisons;

Attendu que la société ne peut écarter l'existence d'une discrimination syndicale en relevant que 61% des salariés recrutés entre 1969 et 1972 ont eu une évolution professionnelle plus lente que monsieur [Y], alors que le pourcentage ainsi mis en avant comporte les travailleurs syndiqués concernés par la présente affaire et des salariés de profil, compétence et âges différents des caractéristiques de monsieur [Y], toute comparaison de la situation de monsieur [Y] ne pouvant se faire qu'avec des travailleurs non syndiqués et de profils comparables;

Attendu ainsi qu'alors que le salarié apporte un ensemble d'éléments faisant apparaître que sa carrière professionnelle a subi un retard par rapport à une carrière type, l'employeur ne justifie pas d'une compétence moindre de celui-ci ou de toute autre cause objective;

Que l'existence d'une discrimination syndicale est suffisamment établie;

Sur l'indemnisation du préjudice

Attendu que monsieur [Y] a pris sa retraite en avril 2008;

Attendu qu'il est prévu à l'article L1134-5 du code du travail que l'action en réparation du préjudice résultant de la discrimination se prescrit par cinq ans à compter de la révélation de la situation et que les dommages intérêts réparent l'entier préjudice pendant toute sa durée.

Attendu que le salarié demande la réparation intégrale de son préjudice et pour le chiffrer invoque la perte de chance de connaître une carrière comparables à celle de l'ensemble des salariés et se fonde sur le manque à gagner qu'il a subi depuis 1977 en comparant les salaires qu'il a perçu avec ceux qu'il aurait dû percevoir avec une évolution moyenne de carrière;

Que le salarié pour établir son préjudice calcule la différence de salaire entre le sien et la moyenne des salaires de 12 salariés retenus par l'inspecteur du travail et est ainsi parvenu au chiffre de 602,89 € par mois , et multiplie ce chiffre par son ancienneté sur la base de 13 mois par an puis divise le résultat par 2. Il estime à 40 % de cette somme les préjudices résultant pertes subies sur la retraite, la participation aux bénéfices et la retraite complémentaire. Il réclame une somme de 20 000 € au titre du préjudice moral ;

Attendu que la méthode employée reflète la perte de salaire de monsieur [Y], que celui-ci ne peut ni n'entend la réclamer directement,

Attendu qu'en outre le salarié fixe à 40% de cette première somme la perte qu'il subit au titre de l'intéressement, de la retraite et de la retraite complémentaire, limitant la justification de ce calcul à un tableau récapitulant le préjudice participation et intéressement par rapport aux salaires perçus, extrait d'un rapport au Conseil d'administration;

Que l'employeur rappelle que la «'méthode Clerc'» retient un pourcentage de 30 % des salaires pour évaluer ces chefs de préjudice ,

Attendu enfin que le salarié a subi du fait de la discrimination dont il a été l'objet un préjudice moral certain;

Que la cour est en mesure, compte tenu de la probabilité pour l'intéressé d'effectuer une carrière moyenne, de fixer son préjudice à la somme de 119 000 € ;

Attendu qu'il paraît équitable d'allouer à monsieur [Y] en cause d'appel la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur les interventions des syndicats

Attendu que la Fédération des travailleurs de la métallurgie pour justifier sa demande d'une somme de 10 000 € par salarié discriminé fait valoir qu'elle subit un préjudice moral et financier du fait du comportement de l'employeur;

Attendu que le comportement de la SA DASSAULT AVIATION à l'égard de ses salariés syndiqués porte atteinte à une liberté fondamentale et cause un préjudice moral et matériel au syndicat en dissuadant ceux-ci d'adhérer;

Que la cour est en mesure de fixer à la somme de 2000 € le montant des dommages intérêts qui sera alloué à la Fédération;

Qu'il paraît équitable de lui allouer en outre, à la charge de la SA DASSAULT AVIATION, qui sera déboutée de sa demande de ce même chef, la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel;

Le Syndicat CGT USINE DASSAULT AVIATION BIARRITZ, régulièrement convoqué, ne comparaît pas devant la cour.

Il est recevable à intervenir dans le litige aux mêmes motifs, ci dessus exposés, que la Fédération des travailleurs de la métallurgie;

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la société à lui payer les sommes rappelées.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par arrêt mis à la dispositions des parties au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,

ORDONNE la jonction des affaires instruites sous les n°10/04885, 10/04982et 10/05013 et poursuivies sous le n°10/04885,

CONFIRME le jugement en ce qu'il a condamné la SA DASSAULT au titre de la discrimination syndicale , et payer la somme de 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

LE RÉFORMANT sur le montant, condamne la SA DASSAULT à payer à monsieur [Y] la somme de 119 000 € à titre de dommages intérêts, avec intérêts au taux légal à compter et dans la proportion de la décision qui les a fixés,

CONDAMNE la SA DASSAULT AVIATION à payer à monsieur [Y] la somme de 1500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

CONDAMNE la SA DASSAULT AVIATION à payer à Fédération des travailleurs de la métallurgie les sommes de 2000 € à titre de dommages intérêts et 1000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile

REJETTE les demandes de la SA DASSAULT AVIATION,

CONDAMNE la SA DASSAULT AVIATION aux dépens.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 7
Numéro d'arrêt : 10/04885
Date de la décision : 14/06/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K7, arrêt n°10/04885 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-14;10.04885 ?
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