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13/06/2012 | FRANCE | N°10/25262

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 5 - chambre 3, 13 juin 2012, 10/25262


Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 3



ARRÊT DU 13 JUIN 2012



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : 10/25262



Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Octobre 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2010056397





APPELANTE



La SARL [Z] DISTRI, prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège socia

l [Adresse 2]

[Localité 3]



représentée par Me Patricia HARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, avocat postulant

assistée de Me Carlos DE CAMPOS de la société GUYOT - DE CAMPOS...

Grosses délivréesRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 3

ARRÊT DU 13 JUIN 2012

(n° , 6 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/25262

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 Octobre 2010 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2010056397

APPELANTE

La SARL [Z] DISTRI, prise en la personne de ses représentants légaux,

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Patricia HARDOUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056, avocat postulant

assistée de Me Carlos DE CAMPOS de la société GUYOT - DE CAMPOS, avocat au barreau de REIMS, avocat plaidant

INTIMÉE

La SAS CARREFOUR PROXIMITE FRANCE, nouvelle dénomination de la société PRODIM

ayant son siège social [Adresse 8]

[Localité 1]

représentée par Me Jacques PELLERIN de la SCP DUBOSCQ-PELLERIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, avocat postulant,

assistée de Me Jacques LEBLOND de la SCP LCB & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0088, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 Avril 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Isabelle REGHI, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a été préalablement entendue en son rapport.

Madame Isabelle REGHI a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente,

Madame Odile BLUM, Conseillère,

Madame Isabelle REGHI, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Mme Jacqueline BERLAND

ARRÊT :

- contradictoire.

- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Chantal BARTHOLIN, Présidente, et par Madame Alexia LUBRANO, Greffière stagiaire en pré-affectation, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * *

EXPOSE DU LITIGE

Faits, procédure et prétentions des parties :

Suivant acte sous seing privé du 18 mai 1998, renouvelé le 22 octobre 2004, la société [Z] distri a conclu avec la société Comptoirs modernes union commerciale, aux droits de laquelle est venue la société Prodim, un contrat de franchise pour l'exploitation d'un magasin d'alimentation situé [Adresse 2]. Ce contrat stipulait un droit de première offre et de préférence au profit du franchiseur à égalité de prix et de conditions en cas, notamment, de cession ou transfert des droits de propriété ou de jouissance sur le local ou de cession ou transfert des droits de propriété ou de jouissance ou mise en location-gérance sur le fonds de commerce.

Par lettre recommandée avec avis de réception du 14 novembre 2009, la société [Z] distri a informé la société Prodim de sa volonté de résilier le contrat de franchise pour le 18 mai 2010. Par courrier du 14 mai 2010, elle l'a informée du prix et des conditions de la cession de son fonds de commerce qu'elle envisageait avec la société Distribution Casino France, particulièrement du prix fixé à 800 000 € et de la conclusion d'un contrat de gérance-mandataire au profit de M. [Z].

Par lettre recommandée avec avis de réception du 28 juillet 2010, la société Prodim a notifié à la société [Z] distri l'exercice de son droit de préférence.

Par acte du 17 avril 2010, la société Carrefour proximité France, venant aux droits de la société Prodim, a fait assigner la société [Z] distri aux fins de voir prononcer l'interdiction de la vente du fonds de commerce à la société Distribution Casino France, la régularisation de la vente à son profit, le cas échéant, sa substitution de plein droit devant le tribunal de commerce de Paris qui, par jugement du 26 octobre 2010, assorti de l'exécution provisoire, a :

- dit recevable l'action de la société Carrefour proximité France,

- débouté la société [Z] distri de ses demandes,

- fait interdiction à la société [Z] distri de régulariser la vente de son fonds de commerce à la société Distribution Casino France,

- débouté les parties du surplus de leurs demandes,

- condamné la société [Z] distri à payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.

L'acte de cession au profit de la société Distribution Casino France a été régularisé le 3 septembre 2010 et adressé, par lettre recommandée du 5 octobre 2010, au tribunal de commerce durant son délibéré.

Par déclaration du 30 décembre 2010, la société [Z] distri a fait appel du jugement.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 21 mars 2012, la société [Z] distri demande :

- l'infirmation du jugement,

- le prononcé de la nullité de l'article 28 du contrat du 18 mai 1998,

- le débouté des demandes de la société Carrefour proximité France,

subsidiairement :

- le débouté de la société Carrefour proximité France de ses prétentions au motif qu'elle n'a pas exercé son droit de préférence à égalité de conditions,

surabondamment :

- de dire que la vente au profit de la société Carrefour proximité France ne peut intervenir en l'absence de réalisation de la condition suspensive,

reconventionnellement :

- la condamnation de la société Carrefour proximité France à payer la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- sa condamnation au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.

Dans ses dernières conclusions, signifiées le 25 juillet 2011, la société Carrefour proximité France demande :

- le prononcé de l'irrecevabilité de la demande de nullité du pacte de préférence comme nouvelle,

- la confirmation du jugement,

- de dire la cession inopposable à elle et d'ordonner sa substitution dans les droits de la société Distribution Casino France au regard de la cession du fonds de commerce de la société [Z] distri,

- de dire que l'arrêt vaudra acte de cession et que la régularisation de la cession à son profit interviendra dans les 15 jours de la signification de l'arrêt, sous astreinte de 15 000 € par jour de retard,

- la condamnation de la société [Z] distri à payer la somme de 34 158 € hors taxe à titre de dommages et intérêts pour les pertes de redevances de franchise et de la somme de 20 000 € pour comportement abusif,

- sa condamnation au paiement de la somme de 10 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, dont distraction.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 4 avril 2012.

CELA EXPOSE,

Sur la recevabilité de la demande en nullité du pacte de préférence

Considérant que la société Carrefour proximité France soutient que la demande de nullité du pacte de préférence est nouvelle, n'ayant pas été formée devant le premier juge et doit donc être déclarée irrecevable ; que la société [Z] distri réplique que sa demande de nullité n'est pas une demande nouvelle mais une prétention tendant à faire écarter les prétentions adverses, au sens de l'article 564 du code de procédure civile ;

Considérant que, devant les premiers juges, la société [Z] distri a conclu au débouté des demandes de la société Carrefour proximité France tendant à faire interdire la vente par la société [Z] distri de son fonds de commerce ; que, devant la cour, elle demande de dire nul le pacte de préférence figurant au contrat de franchise et, en conséquence, de débouter la société Carrefour proximité France de ses demandes ; qu'au sens de l'article 564 du code de procédure civile, sa demande de nullité n'a donc d'autre objet que de faire écarter les prétentions de la société Carrefour proximité France ; qu'elle est donc recevable ;

Au fond

Considérant, en premier lieu, que la société [Z] distri fait valoir que l'autorité de la concurrence a rendu, le 7 décembre 2010, un avis proscrivant les clauses empêchant les affiliés de quitter le réseau, analysant ce type de clause comme organisant une asymétrie dans la négociation de la vente du magasin, susceptible de dissuader les groupes de distribution concurrents de démarcher les magasins indépendants des autres enseignes et de figer ainsi les marchés de détail et le jeu concurrentiel et demandant aux opérateurs de ne plus insérer dans les contrats de droits de priorité et de priver de toute exécution ceux existant dans les contrats en cours ; qu'elle est ainsi fondée à demander la nullité de la clause litigieuse ; qu'outre son iniquité et son caractère anti-concurrentiel, le pacte de préférence est d'autant plus injustifié qu'il perdure une année après la fin des relations contractuelles, ce qui dépasse la seule protection du réseau puisqu'une fois le contrat résilié, le fonds de commerce est déjà perdu pour le réseau ;

Considérant que la société Carrefour proximité France rappelle que l'avis de l'autorité de la concurrence est un avis de portée particulièrement générale, qu'il n'a aucune force obligatoire et ne peut être émis que pour l'avenir, dès lors que la loi et la jurisprudence continuent de réaffirmer la parfaite validité de tels droits de préférence ;

Considérant, qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne définit le pacte de préférence ; que si, conformément à l'avis n° 10-A-26 du 7 décembre 2010 de l'Autorité de la concurrence, l'expression d'une préférence dans le droit des contrats commerciaux doit au moins être strictement limitée au regard des dispositions relatives à la libre concurrence et à la sanction des pratiques anti-concurrentielles, dans la mesure où seule la liberté de choisir son cocontractant est affectée par le pacte et dans la mesure où ce pacte n'oblige pas les parties à conclure le contrat pour lequel la préférence est donnée, le cédant n'étant pas obligé de céder son bien, le bénéficiaire n'étant pas obligé de l'acquérir, le pacte de préférence ne peut être considéré comme une pratique anti-concurrentielle, susceptible d'être annulé ;

Considérant, en second lieu, que la société [Z] distri soutient qu'elle a rempli ses obligations en notifiant à la société Carrefour proximité France la nature et les conditions complètes de la cession envisagé, l'identité de l'acquéreur ainsi que tous les actes et conventions passées avec des tiers ; que la société Carrefour proximité France, en indiquant, dans son courrier du 22 juillet 2010, qu'elle ne pouvait réserver une suite favorable à la clause de la cession prévoyant un contrat de gérance-mandataire pour la raison qu'elle n'exploite pas les magasins de ses réseaux par le biais de gérants-mandataires, a démontré son impossibilité de conclure aux mêmes conditions que celles envisagées, sa seule acceptation du prix ne pouvant être considérée comme équivalente ; que si le périmètre de la cession est l'ensemble des éléments du fonds cédé tel que détaillé par le code de commerce, la détermination des charges et conditions de la cession bénéficie de la liberté contractuelle ; que si la personnalité juridique de la société propriétaire du fonds est distincte de celle de son gérant, pour autant l'assemblée générale des associés est souveraine dans la détermination de ses orientations stratégiques, dont fait partie la décision de prendre en compte l'investissement du gérant dans l'exploitation et de lui assurer un sort après la cession ;

Considérant que la société Carrefour proximité France affirme que c'est avec une évidente mauvaise foi que la société [Z] distri prétend qu'elle n'aurait pas exercé son droit de préférence aux mêmes conditions que celles qui lui avaient été proposées par la société Distribution Casino France ; que la présence de la clause relative au statut de gérant mandataire non salarié manifeste une manoeuvre usuelle de la société Distribution Casino France qui n'ignore pas que ce statut n'existe pas au sein du groupe Carrefour, ainsi que plusieurs attestations l'établissent ; que cette offre d'emploi de gérant-mandataire ne contient aucune précision quant à ses conditions d'exécution mettant le bénéficiaire du pacte de préférence dans l'impossibilité de se positionner au regard de cette clause ; que, surtout, il s'agit d'une offre concernant un tiers totalement étranger à la mutation du fonds ; que cette clause n'entre évidemment pas dans le périmètre de la cession et ne constitue en aucune manière un des éléments constitutifs du fonds ; que le pacte de préférence devant être exercé à des conditions identiques, ces conditions ne peuvent concerner que la cession du fonds et non des clauses périphériques ; qu'au surplus l'acte de cession définitif du fonds ne fait aucune mention de ce problème particulier de statut de gérant mandataire ;

Considérant tout d'abord que la société [Z] distri, se décidant à céder son fonds et tenue d'un pacte de préférence, devait notifier le prix et les conditions de son projet à la société Carrefour proximité France, ce qu'elle a fait et ce qui n'est pas contesté ;

Considérant ensuite que c'est par des motifs pertinents que les premiers juges ont relevé, en premier lieu, que la cession d'un fonds de commerce ne porte que sur les éléments du fonds ; que la condition suspensive qui vise la conclusion d'un contrat, au bénéfice, au surplus, non de la société cédante mais de son gérant, n'entre pas dans le périmètre visé par le pacte de préférence, restreint aux prix et conditions de la cession du fonds de commerce ; en second lieu, que le pacte de préférence doit s'exercer de bonne foi, notamment en n'inscrivant pas dans le projet de cession des conditions manifestement inacceptables ; que faire figurer dans l'acte de cession une condition suspensive que l'une et l'autre des parties à l'acte savait ne pas pouvoir être exécutée par la société Carrefour proximité France, compte tenu de ses modes de gestion, équivalait à l'empêcher d'exercer son droit de préférence ; qu'hormis cette condition, la société Carrefour proximité France a accepté le prix et les conditions de la cession ;

Considérant que la cession intervenue le 3 septembre 2010 est inopposable à la société Carrefour proximité France ; que la société Carrefour proximité France ayant fait connaître, avant la conclusion du contrat de cession, à la société Distribution Casino France son intention de se prévaloir du pacte de préférence, il y a lieu d'ordonner sa substitution à la société Distribution Casino France et de dire que le présent arrêt vaudra acte de cession au profit de la société Carrefour proximité France et que sa régularisation interviendra dans le mois de la signification de l'arrêt, l'astreinte n'apparaissant pas nécessaire pour l'exécution de cette décision ;

Considérant que la société Carrefour proximité France demande, par ailleurs, l'allocation de dommages et intérêts au titre des pertes des redevances de franchise depuis le 3 septembre 2010, ainsi que pour comportement abusif ;

Considérant toutefois que la société Carrefour proximité France n'invoque qu'un préjudice hypothétique dans la mesure où elle n'établit pas les conditions précises dans lesquelles le fonds cédé aurait été exploité ; que, par ailleurs, elle n'allègue aucune faute à l'encontre de la société [Z] distri de nature à lui valoir l'allocation de dommages et intérêts ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société [Z] distri n'est pas fondée ;

Considérant qu'il n'y a pas lieu à paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Considérant que la société [Z] distri doit être condamnée aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement, sauf en ce qu'il a fait interdiction à la société [Z] distri de régulariser la vente de son fonds de commerce à la société Distribution Casino France,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé et y ajoutant :

Dit que la cession du fonds de commerce intervenue entre la société [Z] distri et la société Distribution Casino France est inopposable à la société Carrefour proximité France,

Ordonne la substitution de la société Carrefour proximité France dans les droits de la société Distribution Casino France dans la cession du fonds de commerce et dit que le présent arrêt vaut acte de cession au profit de la société Carrefour proximité France,

Dit que la régularisation de l'acte de cession devra intervenir dans le mois de la signification du présent arrêt,

Déboute la société Carrefour proximité France et la société [Z] distri du surplus de leurs demandes,

Dit n'y avoir lieu à paiement au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société [Z] distri aux dépens d'appel, avec droit de recouvrement direct conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRELA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 5 - chambre 3
Numéro d'arrêt : 10/25262
Date de la décision : 13/06/2012

Références :

Cour d'appel de Paris I3, arrêt n°10/25262 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-13;10.25262 ?
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