RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 6
ARRÊT DU 13 Juin 2012
(n° 13 , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/10508
Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 08 Novembre 2010 par le conseil de prud'hommes de AUXERRE section Commerce RG n° 09/00270
APPELANT
Monsieur [Y] [Y]
[Adresse 1]
[Localité 3]
comparant en personne, assisté de Me Patricia NOGARET, avocat au barreau d'AUXERRE
INTIMÉE
ASSOCIATION LES AMIS DU BUREAU D'AIDE SOCIALE
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 2]
représentée par Me François MEISART, avocat au barreau de PARIS, toque : G.0762 substitué par Me BRION, avocat au barreau de PARIS,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Avril 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère faisant fonction de Présidente
Madame Claudine ROYER, Conseillère
Madame Marie-Antoinette COLAS, Conseillère
Greffier : Mme Evelyne MUDRY, lors des débats
ARRET :
- CONTRADICTOIRE
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Madame Bernadette VAN RUYMBEKE, Conseillère faisant fonction de Présidente, et par Evelyne MUDRY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Par jugement en date du 8 novembre 2010, auquel la cour se réfère pour l'exposé des faits, de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud'hommes d'Auxerre a:
- dit que le licenciement pour faute grave reproché à monsieur [Y] était fondé,
- condamné l'employeur à verser au salarié une somme de 538,53 euros au titre de l'avantage en nature
-condamné monsieur [Y] à rembourser à l'Association les Amis du Bureau d'Aide Sociale:
- 3.387,63 euros : remboursement d'heures supplémentaires en décembre 2008
- 16.551,42 euros : remboursement de congés semestriels non pris.
Monsieur [Y] a régulièrement interjeté appel du jugement.
Vu les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile et les conclusions des parties régulièrement communiquées, oralement soutenues et visées par le greffe à l'audience du 10 avril 2012 conclusions auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé de leurs demandes, moyens et arguments.
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Il résulte des pièces et des écritures des parties les faits constants suivants.
Monsieur [Y] a été embauché, à compter du 1er mai 1997 en qualité d'animateur 2ème catégorie, par l'Association les Amis du Bureau d'Aide Sociale (ABAS), association de droit privé qui relaie l'action sociale du Centre Communal d'Action Sociale de la ville d'[Localité 2] et qui gère un budget alimenté essentiellement par des subventions publiques.
L'association comptant une quarantaine de salariés, applique la convention collective nationale des établissements et services pour personnes inadaptées et handicapées.
Monsieur [Y] a été régulièrement promu avant d'être nommé en dernier lieu par courrier du 7 décembre 2001, cadre hors classe en qualité de directeur de l'association, à effet rétroactif au 1er septembre 2000, avec un coefficient 1120 au 1er janvier 2007.
Il était placé sous l'autorité de Mme [N], directrice du CCAS.
La moyenne de ses salaires s'est élevée à 5.650 euros
Le 19 mai 2009, il a été convoqué à un entretien préalable qui s'est tenu le 19 mai 2009.
Le 22 mai 2009, il a fait l'objet d'un licenciement pour faute grave pour des 'dérives' dans l'exécution de son contrat de travail
Le 17 novembre 2009, il a saisi le conseil de prud'hommes d'une contestation de son licenciement .
MOTIFS
sur le licenciement
Considérant qu'il appartient à l'employeur de démontrer la réalité de la faute grave qu'il invoque;
Que la lettre de licenciement reproche au salarié les griefs suivants :
- utilisation abusive du véhicule mis à disposition
Considérant qu'il est reproché tout d'abord à monsieur [Y] d'avoir utilisé son véhicule de service à titre personnel, pour ses trajets privés, bien que l'employeur lui ait demandé fin 2007 de revenir à un 'comportement plus raisonnable';
Que par lettre remise en mains propres le 6 mai 2009, la présidente de l'association lui a supprimé l'avantage en nature véhicule dont il disposait jusqu'alors;
Mais considérant que l'avenant à son contrat de travail en date du 7 décembre 2001, stipulait en faveur de monsieur [Y] 'vous bénéficierez également d'un véhicule mis à votre dispositions et représentant un avantage en nature, évalué conformément au barème établi par l'administration fiscale';
Que cet avenant ne formulait aucune restriction quant à l'usage privatif du véhicule de sorte que monsieur [Y], qui a utilisé ce véhicule tant à des fins professionnelles que personnelles depuis cette date, sans la moindre critique ou observation de ses supérieurs et qui s'est vu régulièrement verser un avantage en nature afférent, ne peut se voir reprocher un quelconque abus dans l'utilisation de ce véhicule; que le fait que la réglementation ait changé quant au calcul de l'avantage en nature est sans effet sur les conditions d'utilisation du véhicule;
Considérant que l'employeur ne pouvait donc unilatéralement, sans l'accord du salarié, supprimer la somme allouée au titre de l'avantage en nature, et ainsi modifier sa rémunération;
Considérant que ce grief n'est donc pas établi;
Que l'employeur devra en outre restituer le salarié dans ses droits et lui verser la somme qu'il lui a ainsi indûment retirée au titre de l'avantage en nature pour les mois de mars, avril et mai 2009, soit la somme de 483,52 euros;
- paiement sans autorisation de congés trimestriels
Considérant qu'il est encore reproché à monsieur [Y] de s'être aménagé un complément de rémunération sous couvert du paiement de congés trimestriels qu'il ne pouvait pas prendre;
Considérant qu'il résulte de l'article 6 de la convention collective qu'en sus des congés payés annuels accordés selon les dispositions de l'article 22 de la convention collective nationale, les personnels de direction, d'administration et de gestion ont droit au bénéfice de congés payés supplémentaires, au cours de chacun des 3 trimestres qui ne comprennent pas le congé annuel, pris au mieux des intérêts du service, soit pour un directeur 6 jours consécutifs, non compris les jours fériés et le repos hebdomadaire, par trimestre;
Considérant que monsieur [Y] ayant le statut de directeur, il avait droit à 18 jours de congés supplémentaires par an;
Considérant que les congés payés doivent être obligatoirement pris, sous peine d'être perdus, sauf si le salarié a été mis dans l'impossibilité de les prendre;
Qu'en principe, monsieur [Y] devait donc prendre ses congés et ne pouvait être rémunéré de congés non pris;
Considérant toutefois qu'il est établi par les bulletins de salaire produits que depuis 2000, l'employeur lui a régulièrement payé les congés trimestriels qu'il n'avait pu prendre; que ce paiement a été fait en transparence et d'ailleurs validé par le responsable du service administratif et financier; que l'employeur y a donc consenti sans que la moindre fraude ne soit imputée au salarié ou une erreur de la société démontrée;
Que l'association, qui était au courant de ces paiements ne peut aujourd'hui reprocher au salarié de s'être indûment depuis 8 ans, octroyé des avantages indues qu'elle a approuvés; qu'il lui appartenait d'intervenir en amont et ne pas laisser, le cas échéant, perdurer une situation qu'elle feint de découvrir aujourd'hui;
Qu'elle sera donc déboutée de sa demande de remboursement;
- paiement d' heures supplémentaires indues
Considérant que l'employeur fait encore grief au salarié d'avoir transmis au service comptable une demande d'heures supplémentaires effectuées au cours de l'année 2008 d'un montant de 3.387,63 euros sans aucun justificatif alors même qu'en sa qualité de cadre hors classe et sur le plan légal, de cadre dirigeant, il était exclu du bénéfice des heures supplémentaires;
Considérant tout d'abord qu'aux termes de l'annexe 2 article 2-3 de la convention collective que dans une association, un organisme, un établissement, un service ou un centre de formation en travail social, le directeur d'association est un cadre de direction;
Que l'article 2-4 stipule que le cadre de direction, non soumis à horaire préalablement établi, est responsable de l'organisation générale de leur travail et de l'aménagement de leur temps pour remplir la mission qui lui est confiée par délégation;
Que toutefois si la notion de responsabilité permanente, l'indépendance et la souplesse nécessaires à l'exercice de la fonction excluent donc toute fixation d'horaires, ces dispositions ne sauraient faire obstacle à l'application des dispositions conventionnelles en matière de repos hebdomadaire, de congés et de durée hebdomadaire de travail en vigueur dans l'entreprise;
Qu'il en résulte que monsieur [Y] , en sa qualité de cadre dirigeant, n'était certes soumis à aucun horaire de travail, compte tenu de l'autonomie et l'indépendance attachées à ses responsabilités mais que pour autant, ainsi que le précise l'avenant de 1999, qui lui a reconnu le statut de cadre ' l'horaire de travail ne pourra excéder la durée légale de travail';
Et considérant que monsieur [Y] s'est vu régulièrement rémunéré depuis 1999 des heures supplémentaires sans aucune remarque de son supérieur hiérarchique, de 5 à 13 heures par mois;
Que l'employeur en peut donc sérieusement affirmer que le salarié devait être exclu des heures supplémentaires;
Considérant ensuite, sur le montant des heures supplémentaires à hauteur de 100 heures pour le mois de décembre 2008, qu'il résulte de l'article L.3171-4 du code du travail qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail effectuées, l'employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; qu'au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié, qui doit fournir préalablement au juge des éléments de nature à étayer sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en tant que de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles;
Que pour sous tendre sa demande, le salarié produit un tableau d'heures inexploitable et des copies d'agendas qui notamment mentionnent sa participation aux travaux de la fédération nationale des associations; que l'examen de ces pièces n'établit pas la réalité des heures supplémentaires prétendument accomplies puisque ces réunions avaient lieu pendant les heures de travail; qu'aucune heure supplémentaire n'y apparaît;
Considérant dès lors que la preuve des heures supplémentaires n'est pas établie; que le conseil de prud'hommes a, à bon droit, dit que le salarié devait rembourser ses heures supplémentaires indûment versés sur la base d'un décompte qui n'est pas exacte;
Que pour autant, la discussion sur les heures supplémentaires relevant d'un désaccord entre les parties et aucune fraude ni abus ne pouvant être relevés à l'encontre de monsieur [Y] , le fait que ce dernier ait comptabilisé un nombre d'heures dont la réalité n'est aujourd'hui pas reconnue, ne constitue pas un manquement grave caractérisant la faute grave reprochée;
Considérant, en définitive, que les griefs reprochés à monsieur [Y] ne constituent ni une faute grave ni même une cause réelle et sérieuse de licenciement;
Que le salarié est donc fondé à se voir verser outre une indemnité compensatrice de préavis de 33.900 euros et les congés payés afférents , une indemnité de licenciement de 67.800 euros non contestée en son montant;
Que s'agissant des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse , son ancienneté et les éléments de préjudice qu'il produit qui établissent notamment qu'il a fait valoir ses droits à la retraite, justifient que lui soit allouée une somme de 34.000 euros ;
- sur le rappel de la valeur point
Considérant que le salarié réclame que soit lui accordé un rappel de 264,97 correspondant à la modification de la valeur du point à compter de janvier 2009 portée à 3,72 euros ; que l'employeur ne conteste ni cette revalorisation ni avoir mois de l'appliquer; que cette question ne fait donc pas débat;
Considérant qu'il n'est pas inéquitable de laisser à chaque partie la charge de ses propres frais non répétibles, l'association étant condamnée aux dépens;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement mais seulement en ce qu'il a dit que monsieur [Y] devait rembourser à l'Association les Amis du Bureau d'Aide Sociale une somme de 3.387,63 euros au titre des heures supplémentaires indues et qu'il avait droit à un rappel d'avantage nature véhicule,
L'infirme en toutes ses autres dispositions
Statuant à nouveau des chefs infirmés,
Dit le licenciement de monsieur [Y] est dépourvu de cause réelle et sérieuse
Condamne l'Association les Amis du Bureau d'Aide Sociale à verser au salarié les sommes suivantes:
- 33.900 euros : indemnité compensatrice de préavis outre 3.390 pour les congés payés afférents
- 67.800 euros : indemnité de licenciement
- 34.000 euros dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse
- 483,52 euros : avantage en nature véhicule
- 264,97 euros: rappels de salaire
Déboute les parties de toutes autres demandes ,
Laisse à chacune d'elles la charge de ses frais non répétibles,
Condamne l'Association les Amis du Bureau d'Aide Sociale aux dépens.
LE GREFFIER LE PRESIDENT