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12/06/2012 | FRANCE | N°10/096217

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 2 - chambre 1, 12 juin 2012, 10/096217


Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 12 JUIN 2012

(no 171, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 09621

Décision déférée à la Cour :
jugement du 31 mars 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 07/ 07843

APPELANT

Monsieur Jean-Pierre X...
...
92100 BOULOGNE BILLANCOURT
représenté par la SCP MENARD-SCELLE MILLET (Me Edwige SCELLE MILLET) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0055) >assisté de Me Stéphane BEGIN (avocat au barreau de PARIS), toque : L 195

INTIMES

Monsieur Raymond Y...
...
75015 PARIS...

Grosses délivréesREPUBLIQUE FRANCAISE
aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 2- Chambre 1

ARRET DU 12 JUIN 2012

(no 171, 8 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : 10/ 09621

Décision déférée à la Cour :
jugement du 31 mars 2010- Tribunal de Grande Instance de PARIS-RG no 07/ 07843

APPELANT

Monsieur Jean-Pierre X...
...
92100 BOULOGNE BILLANCOURT
représenté par la SCP MENARD-SCELLE MILLET (Me Edwige SCELLE MILLET) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0055)
assisté de Me Stéphane BEGIN (avocat au barreau de PARIS), toque : L 195

INTIMES

Monsieur Raymond Y...
...
75015 PARIS

S. A. COVEA RISKS, représentée par ses représentants légaux
19/ 21 allée de l'Europe
92110 CLICHY

représentés par la SCP BOMMART FORSTER-FROMANTIN (Me Edmond FROMANTIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : J151)
assistés de la SCP CORDELIER-RICHARD-JOURDAN (Me Jean-Pierre CORDELIER) (avocats au barreau de PARIS, toque : P 399)

S. A. R. L. ERTOU, prise en la personne de son gérant
85 rue du Rocher
75008 PARIS
représentée la SCP Jeanne BAECHLIN (Me Jeanne BAECHLIN) (avocats au barreau de PARIS, toque : L0034)
assistée de Me Marie-Claude MARTIN KANDALA (avocat au barreau de PARIS, toque : B0204)

S. E. L. A. R. L. RAYMOND Y... CONSEIL prise en la personne de ses représentants légaux
...
75015 PARIS
non représentée

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 785, 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 mai 2012, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Dominique GUEGUEN, Conseiller, chargé d'instruire l'affaire, en présence de Madame Brigitte HORBETTE, conseiller faisant fonction de président.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Brigitte HORBETTE, conseiller en l'empêchement du président
Madame GUEGUEN, conseiller,
Madame Marguerite-Marie MARION, conseiller venu d'une autre chambre pour compléter la cour en application de l'ordonnance de roulement portant organisation des services de la cour d'appel de Paris à compter du 3 janvier 2011, de l'article R 312-3 du Code de l'organisation judiciaire et en remplacement d'un membre de cette chambre dûment empêché

Greffier, lors des débats : Mme Noëlle KLEIN

ARRET :

- réputé contradictoire
-prononcé publiquement par Mme Brigitte HORBETTE, Conseiller faisant fonction de président
-par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Brigitte HORBETTE, conseiller faisant fonction de président et par Mme Noëlle KLEIN, greffier à qui la minute de l'arrêt a été remise par le magistrat signataire.

*****************

Le 13 décembre 2000, M. Jean-Pierre X... a acquis une participation à hauteur de 40 % dans le capital de la société SAS DE l'EPI par l'achat de 1200 actions moyennant le paiement de la somme de 238 081, 64 €, actions qu'il a, le 30 avril 2001, cédé à la société SUMENE pour la somme de 390 530, 64 €, en réalisant ainsi une plus-value de 152 449 €, montant que M. X... a reporté dans sa déclaration de revenus au titre de gain de cession de valeurs mobilières.

Par une notification de redressement en date du 9 février 2004, l'administration fiscale a qualifié la plus-value réalisée par M. X... de libéralité consentie par la société SUMENE, devant être taxée, non pas au titre des plus-values de cession de valeurs mobilières, mais au titre des revenus de capitaux mobiliers distribués au sens de l'article 111 c du code général des impôts au motif que le prix des 1200 actions de la société SAS DE l'EPI a " été majoré à l'occasion de la cession survenue le 30 avril 2001 au regard de leur valeur vénale sans que cet écart de prix comporte de contrepartie " et a mis à la charge de M. X... des impositions supplémentaires au titre de l'année 2001 pour un montant total de 50 200 €.

M. X..., assisté au cours de cette procédure par M. F..., son expert-comptable et son conseiller fiscal, a formé un recours devant le tribunal administratif de Versailles pour solliciter le dégrèvement des impositions supplémentaires, dont il a été débouté par un jugement du 6 avril 2006, notifié à M. X... par lettre recommandée expédiée par le greffe de la juridiction en date du 20 avril 2006, lui précisant le délai de 2 mois et les modalités permettant de faire appel.

A réception de ladite notification, dont il est désormais constant qu'il en a accusé réception le 24 avril 2006, M. X... s'est rendu d'abord chez M. F..., puis sur recommandation de ce dernier, s'est présenté sans rendez-vous chez M. Raymond Y..., avocat, lequel, selon les dires de M. X..., partageait avec M. F... des locaux professionnels et auquel il aurait remis son entier dossier : pourtant, alors même que le délai de deux mois pour interjeter appel du jugement du 6 avril 2006 expirait le 20 juin 2006, M. X... fait valoir qu'il est resté sans nouvelles de M. Y..., malgré deux relances téléphoniques mi-mai et début Juin, puis que c'est seulement le 23 juin 2006, que l'avocat a laissé un simple message sommaire sur son répondeur téléphonique selon lequel un appel à l'encontre du jugement du 6 avril 2006 n'était pas opportun.

M. X..., expliquant avoir par la suite confié le dossier à un autre avocat qui lui a indiqué que le délai pour interjeter appel était expiré et que le jugement du 6 avril 2006 était devenu définitif, a par un courrier du 7 juillet 2006, reproché à M. Y... de lui avoir donné sur son répondeur ce conseil uniquement du fait qu'il avait laissé expirer le délai d'appel et sans véritable analyse du dossier, son impression à ce sujet étant confirmée par l'étude effectuée par un confrère lui assurant que son dossier est défendable, de l'avoir donc privé d'une chance réelle de gagner son affaire et lui a en conséquence demandé de lui faire une offre amiable de dédommagement.

M. X... a reçu en réponse, signé par R. G..., un courrier en date du 12 juillet 2006 dans lequel l'avocat a contesté avoir été missionné, ainsi textuellement rédigé sur un papier à lettre professionnel à l'en-tête " Raymond Y... Conseil, avocat à la cour de Paris ",... : " Votre lettre du 7 juillet 2006 m'oblige à faire la mise au point suivante : Vous vous êtes présenté à mon bureau sur introduction de M. F... et je vous ai reçu sans rendez-vous préalable, vous souhaitiez mon avis sur un litige fiscal qui vous est personnel. Au cours de l'entretien, il est rapidement apparu que le redressement en cause était fondé et justifié ; vous m'avez même rapidement indiqué qu'il s'agissait d'une opération faite de connivence avec une de vos parentes qui ne voulait pas, même partiellement, contribuer au paiement du rappel mis à votre charge. De ce fait même il était exclu que je puisse accepter de faire un recours dans ce dossier. Cependant vous m'avez demandé d'étudier les chances de succès et les moyens d'un recours pour vice de forme et vous m'avez demandé de chiffrer le coût de mon intervention éventuelle. Je vous ai répondu que je m'absentais pour une quinzaine de jours et que mon emploi du temps ne me permettait peut-être pas de formuler un avis en temps utile sur les moyens et la chance de succès d'un appel éventuel dont je ne pouvais pas me charger.
En aucune façon, je n'ai accepté d'effectuer un appel que vous ne m'avez d'ailleurs pas demandé de faire.
Par la suite, je ne vous ai pas fait de proposition d'honoraires et je ne vous ai donc pas adressé le moindre projet de lettre de mission qui aurait impliqué l'accord préalable de vos conseils habituels avec lesquels vous êtes d'ailleurs resté en contact comme vous l'indiquez dans votre lettre. (...). " ;

A la suite d'une autre mise en demeure, M. Y... a refusé toute indemnisation et c'est dans ces conditions que M. X..., reprochant à M. Y... un manquement à ses obligations d'information, de conseil et de diligence ayant consisté à laisser expirer le délai d'appel du jugement susvisé, a assigné devant le tribunal de grande instance de Paris M. Y..., la Selarl Raymond Y... Conseil dont M. Y... était alors membre et la société Ertou qui l'a absorbée, laquelle société Ertou a appelé en garantie, la société Covea Risks, en sa qualité d'assureur des faits dommageables commis par un avocat, et a demandé leur condamnation solidaire à réparer le préjudice qu'il estime avoir subi.

Par jugement en date du 31 mars 2010, le tribunal a débouté M. X... de l'ensemble de ses demandes et l'a condamné, outre aux dépens, à payer à M. Raymond Y... et à la Sarl Ertou la somme de 7000 € chacun, à titre de dommages et intérêts, ainsi que, aux mêmes et à chacun, la somme de 3000 € à titre d'indemnité procédurale.

CELA ETANT EXPOSE, la COUR :

Vu l'appel interjeté le 29 avril 2010 par M. X...,

Vu les conclusions déposées le 1er septembre 2000 par l'appelant qui, au visa de l'article 1147 du code civil, demande d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions, statuant à nouveau, au constat que M. Raymond Y... a failli à ses obligations d'information, de conseil et de diligence en ne lui donnant un avis négatif qu'une fois le délai d'appel du jugement du tribunal administratif de Versailles expiré alors que M. X... disposait de toutes les chances de voir le jugement du 6 avril 2006 réformé si l'appel avait été interjeté dans les délais par son avocat et partant, d'obtenir la décharge des impositions supplémentaires mises à sa charge pour un montant total de 50 020 €, en conséquence de débouter M. Y... et la société Ertou de l'ensemble de leurs demandes, de les condamner solidairement à lui payer, en réparation de son préjudice, la somme de 50 020 € augmentée des intérêts de retard, la somme de 15000 € en réparation de son préjudice moral, de condamner in solidum M. Raymond Y... et la société Ertou à lui payer la somme de 15000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à payer les entiers dépens,

Vu les conclusions déposées le 21 avril 2011 par M. Raymond Y... et la société Covea Risks, intimés, qui demandent de confirmer le jugement déféré, et formant appel incident, de porter à 15000 € les dommages et intérêts alloués à M. Y..., de condamner M. X... au paiement de ladite somme, de le condamner à payer à la société Covea Risks la somme de 15000 € à titre de dommages et intérêts, ainsi qu'à payer à chacun des intimés concluants, la somme de 15000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement, si la cour tenait la société Ertou pour responsable, d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la société Covea Risks était tenue à garantie, dans ce cas, statuant à nouveau, de débouter la société Ertou au constat que cette dernière qui exerce l'activité de commissaire aux comptes, ne peut bénéficier du contrat d'assurance souscrit auprès des MMA devenues la société Covea Risks par le Barreau de Paris au profit de ses membres, en leur qualité et dans l'exercice de leur fonction d'avocat, de condamner M. X... sinon la société Ertou à payer tous les dépens de première instance et d'appel,

Vu les conclusions déposées le 20 avril 2011 par la société Ertou qui demande de confirmer le jugement déféré, y ajoutant de condamner M. X... à lui payer la somme de 15000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et de 15000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement, si la responsabilité de l'avocat et de la société Ertou était retenue, de dire que la société Covea Risks devra la garantir de toutes condamnations pouvant intervenir à son encontre, de condamner la société Covea Risks à payer à la société Ertou la somme de 15000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'assignation en date du 27 octobre 2011 délivrée, à la requête de M. X..., à la Selarl Raymond Y... Conseil, remise à Mme H..., personne habilitée, laquelle Selarl n'a pas constitué avoué.

SUR CE :

Considérant que l'un des intimés, la Selarl Raymond Y..., assignée à personne, n'ayant pas constitué avoué, le présent arrêt sera réputé contradictoire en application des dispositions de l'article 474 alinéa 2 du code de procédure civile ;

Considérant que M. X... est recevable à diriger son action en responsabilité aussi à l'encontre de ladite Selarl, dont M. Y..., aujourd'hui à la retraite, était lors des faits l'avocat associé-gérant, exerçant en cette qualité au..., dont il est constant qu'elle a été ensuite dissoute à la mi-2007 avec transmission universelle de son patrimoine à la Société Ertou, Sarl, laquelle n'a jamais eu d'activité d'avocat ;

Sur la mission de M. Y...,

Considérant que M. X..., appelant, reproche au jugement déféré de l'avoir débouté de son action en recherche de la responsabilité contractuelle de son avocat en considérant notamment qu'il ne s'agissait pour M. Y... que de " donner un bref éclairage juridique et non d'accepter une véritable mission de consultation " ; qu'il conteste l'existence d'une telle notion, selon lui vide de sens, dès lors qu'il s'agit en l'espèce uniquement de savoir si l'avocat a accepté, même de manière tacite, sa mission, c'est à dire était tenu à une obligation d'information à son égard, faisant observer que l'avocat, qui est un professionnel, est saisi ou non d'une mission mais ne peut pas se trouver dans une situation intermédiaire ; qu'il relève que les premiers juges, pour l'appréciation des modalités du rendez-vous, ont écarté l'attestation de M. F..., pourtant régulière, au seul motif qu'elle ne restitue qu'une partie des échanges et que son auteur est le conseil de M. X... ; qu'ainsi le jugement a commis une erreur sur les faits, car c'est l'intégralité du dossier qui a été remise à M. Y..., ce que ce dernier, dans sa réponse du 12 juillet 2006, ne conteste pas, tandis qu'il prétend en revanche faussement qu'il n'a pas été consulté comme conseil en droit fiscal, alors que ledit courrier montre qu'il est avocat-droit fiscal-ancien conseil juridique et fiscal et non pas " commissaire aux comptes et expert de justice honoraire " ;

Considérant que M. X..., se référant au courrier sus-visé, considère que M. Y..., reconnaissant avoir été saisi afin d'étudier les chances de succès et les moyens d'un recours, va prétendre, paradoxalement, n'avoir jamais été chargé d'interjeter appel, au motif prétendu que M. X... lui aurait indiqué, lors du rendez-vous, que l'opération, à l'origine du redressement, constituerait une tentative de fraude fiscale faite de connivence avec un de ses parents ; qu'il considère que ce motif de défense, erroné, a été utilisé dans le cadre d'une réponse à client pour " éteindre " un contentieux en responsabilité ; que sur le manquement qui lui est imputé à son devoir de conseil, c'est à l'avocat d'établir qu'il n'a jamais été mandaté pour interjeter appel ; qu'en l'espèce, lors du rendez-vous, dès lors que M. Y... avait accepté d'examiner les chances de succès et les moyens d'un recours, à cet effet, l'entier dossier lui a été remis, que le message téléphonique sommaire montre qu'il n'y a pas eu information et conseil de nature à permettre au client d'arrêter, en toute connaissance de cause et en temps utile, sa décision, puisque quand bien même le délai d'appel expirait le 24 juin, une réponse seulement le 23 juin le mettait dans l'impossibilité pratique de faire le nécessaire ; qu'il soutient encore que l'avocat ne peut lui opposer qu'il était exclu de faire appel et que M. X... ne lui a pas demandé de le faire, aucune proposition d'honoraires n'ayant été formulée, car les dires de M. Y... sur la connivence avec un parent c'est à dire sur une tentative de fraude fiscale sont faux, de plus cela n'a aucun sens d'étudier les chances de succès d'un appel par un avocat qui, par ailleurs, se refuse d'exercer cette voie de recours, qu'il fallait alors refuser d'intervenir dans le dossier et en informer en temps utile le client, obligation rappelée à l'article 6-3 du Règlement Intérieur, pour permettre à ce dernier de sauvegarder ses intérêts ; qu'il est encore faux de prétendre que M. X... n'aurait pas demandé de faire appel, puisque c'est pour pouvoir le faire qu'il a saisi un avocat ; qu'ainsi il a été privé de toute diligence de la part de son avocat M. Y... qui n'a pas préservé les intérêts de son client ;

Considérant que l'appelant, sur la lettre du greffe du tribunal administratif, fait valoir que c'est encore à tort que les premiers juges ont estimé le client parfaitement instruit du délai et des modalités d'appel et donc en mesure d'agir sans avocat ; qu'il s'explique également sur son préjudice, correspondant à la perte de chance de poursuivre une procédure et de la gagner, ainsi que sur le caractère sérieux de la chance perdue, dès lors qu'en appel, il aurait pu invoquer un moyen tiré de l'article 80 B du Livre des Procédures Fiscales, en raison de la contradiction existant entre la décision de redressement du juge administratif, alors que du côté de l'acheteur, la société SUMENE, la normalité du prix payé pour l'acquisition des titres auprès de M. X... a été admise ;

Considérant que M. Y... et la société Covea Risks, intimés, qui contestent que l'avocat ait pu engager sa responsabilité compte tenu des circonstances de son intervention, soulignent en premier lieu l'attitude critiquable de l'appelant qui ne craint pas de donner une indication factuelle erronée ; qu'en effet, la date exacte de notification du jugement du tribunal administratif de Versailles est non pas le 20 avril comme M. X... l'a prétendu en première instance mais le 24 avril 2006, ainsi qu'en atteste désormais l'avis de réception qu'il a signé qui est produit aux débats ; qu'ainsi lorsque l'appelant croit caractériser la faute de l'avocat par le fait de sa réponse tardive donnée par un message téléphonique en date du 23 juin alors que le délai d'appel était prétendument expiré depuis le 20 juin, il s'appuie sur un fait inexact, le délai d'appel n'ayant expiré que le 24 juin 2006 ;

Considérant qu'ils ajoutent que M. X... s'est défendu lui-même devant le juge administratif et n'a pu ignorer la date de notification, soit le 24 avril 2006, du jugement rendu le 6 avril 2006, ni le délai ni les modalités de recours, que de plus, il n'est nullement démontré que le jugement du 6 avril 2006 aurait été réformé par la cour, s'il en avait été interjeté appel ;

Considérant que s'agissant du rendez-vous, ils expliquent que M. X... a rencontré M. Y..., non pas dans son bureau d'avocat en qualité de gérant de la Selarl Raymond Y..., sise au No 3 de la rue Antoine Hajje, mais dans son bureau sis au No 7 de la même rue, où M. Y..., d'abord expert-comptable et commissaire aux comptes, inscrit en 1989 sur la liste des conseils juridiques puis devenu avocat par l'effet de la réforme du 31 décembre 1990, exerçait comme commissaire aux comptes et expert honoraire, bénéficiant des mesures transitoires ; qu'il n'y a jamais eu, contrairement aux affirmations de M. X..., remise du moindre dossier, M. Y... n'ayant fait que consulter le dossier de M. F... qui est et reste le conseil de M. X... depuis le début du contrôle fiscal et que la relation entre eux s'est limitée à cette rencontre ; qu'ils soutiennent que c'est donc démuni de tout document attestant d'une prestation demandée à l'avocat et assurée par lui, afin de se constituer une preuve, que M. X... a imaginé d'écrire la lettre du 7 juillet 2006 à laquelle il a été répondu le 12 juillet suivant et qu'il essaie d'utiliser cette lettre ; que néanmoins cette dernière se suffit à elle-même car elle est très claire, montre que les dires de M. X... ne correspondent pas à la situation, qu'il n'a jamais été question de faire un appel, qu'aucun honoraire n'a jamais été envisagé et que M. X... était informé complètement et en temps utile ; qu'il est encore audacieux et de mauvaise foi de la part de l'appelant de prétendre que le jugement du 6 avril 2006 aurait pu être réformé par la cour administrative s'il en avait été interjeté appel, ce qui était impossible dans l'hypothèse en l'occurrence d'un redressement justifié et expliqué par l'administration ; qu'en effet ce n'est pas le prix des actions qui a été remis en cause, mais l'écart de prix de 64 % qui est abusif pour la rémunération d'un portage de 4 mois, marge réalisée par M. X... qui n'est pas une simple plus-value sur cession de valeurs mobilières mais qui a été fixée dès l'origine en connaissance de cause entre les parties, dont la connivence est d'autant plus certaine qu'elle est d'ailleurs actée dans un protocole du 13 décembre 2000 évoqué par M. Le Directeur des Impôts à la page 4 de son mémoire produit en pièce 5 ; qu'ainsi la libéralité consentie par la société SUMENE représentait un avantage occulte constitutif de revenus distribués ;

Considérant que la société Covea Risks, qui assure M. Y..., en sa qualité d'avocat au Barreau de Paris au moment des faits, entend, si la cour devait tenir la société Ertou pour responsable, dénier sa garantie à la société Ertou qui exerce une activité de commissaire priseur et non d'avocat ;

Considérant que la société Ertou, intimée, rappelle que M. Y... ayant fait valoir ses droits à la retraite, la société Raymond G... Conseil a fait l'objet d'une fusion absorption par la concluante, laquelle a reçu la totalité du patrimoine de la société absorbée sans pour autant reprendre ni l'activité, ni la clientèle de cette société d'avocats puisqu'elle n'exerce pas l'activité d'avocat et que sa responsabilité est donc recherchée pour des faits qui sont antérieurs à la transmission du patrimoine de la société Raymond G... Conseil ;
qu'elle a été assignée par M. X... aux motifs qu'elle serait tenue en lieu et place de la société Raymond Y... Conseil en application des dispositions des articles L 236-14 et L 236-23 du code de commerce ; qu'ainsi elle a elle-même assigné la société Covea Risks, assureur des avocats inscrits au Barreau de Paris, du fait de sa qualité d'assuré en tant que " anciennes structures ayant cessé leurs activités et pour les faits dommageables précédant cette cessation ", ce qui est prévu par l'article 2- J de la police d'assurance souscrite par le Barreau de Paris auprès de la société Covea Risks, les premiers juges l'ayant d'ailleurs approuvée en cet argumentaire en indiquant qu'elle aurait été en droit de se voir garantir par la société Covea Risks si une quelconque responsabilité de M. Y... avait été retenue ; qu'elle soutient qu'en l'espèce sa responsabilité est recherchée à tort, alors que la preuve n'est pas rapportée d'un mandat ou d'une mission confiés par M. X... à M. Y... ès-qualités de relever appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 6 avril 2006, au constat notamment que M. X... a assuré seul sa défense devant le juge administratif, sans l'assistance d'un avocat et était informé des délais et modalités de l'appel ;

Considérant que la responsabilité civile professionnelle de M. Y... ne peut être valablement recherchée par M. X... qu'à condition que soit démontré l'existence d'une faute commise dans le cadre d'un mandat à la fois confié à cet avocat et accepté par lui ;

Considérant que les premiers juges ont donc pertinemment rappelé en des motifs qui ne peuvent qu'être approuvés que si c'est à l'avocat qu'il incombe de faire la preuve qu'il a rempli son obligation d'information et de conseil, pour autant c'est aussi, dès lors que l'existence même d'une mission spécifique est formellement contestée par le professionnel, à celui qui allègue avoir chargé l ‘ avocat d'une mission très précise, en l'espèce de relever appel, ne serait-ce qu'à titre conservatoire, d'un jugement du tribunal administratif de Versailles, d'établir que tel était bien le mandat donné et qu'il avait été accepté ;

Considérant que pour étayer ses dires, M. X... s'appuie non pas seulement sur les échanges de correspondances bien que notamment il entende, s'agissant du courrier de réponse du 12 juillet 2006 de M. Y..., en souligner le contenu contradictoire et paradoxal, mais encore sur l'attestation, régulière en la forme, rédigée par M. F... ; que ce dernier, le 26 septembre 2008, écrit :
" A la suite de la signification du jugement rendu le 6 avril 2006 par le tribunal administratif de Versailles ayant rejeté la requête de M. X... tendant au dégrèvement des impositions supplémentaires mises à sa charge et n'ayant plus compétence pour poursuivre cette procédure, M. X... s'est présenté à mon cabinet fin avril 2006 pour les suites à donner audit jugement et m'a demandé si je connaissais un avocat compétent pour la suite de la procédure.
Je lui ai répondu que le seul que je connaissais était M. Raymond Y... : M. X... ayant fait le choix de M. Y..., ce dernier nous a reçus au... à son bureau et a accepté de se charger du dossier de M. X....
A la suite de cet entretien, j'ai remis à M. Y..., et en présence de M. X... lors de cette réunion, le dossier de la procédure. (...). " ;

Considérant que cette relation des faits, si elle vient confirmer les dires concordants des deux parties quant à l'existence d'un rendez-vous et d'une mission confiée à l'avocat pour avoir son avis sur le dossier, ne contient aucune autre précision, notamment par l'expression " a accepté de se charger du dossier ", sur la nature et la portée de l'accord donné par M. Y... ; qu'elle n'est donc nullement contradictoire avec les explications très précises fournies par M. Y... dans son courrier de réponse du 12 juillet 2006, lequel commence, ce qui n'a rien d'anodin, par la phrase " votre lettre du 7 juillet 2006 m'oblige à faire la mise au point suivante : (...) " ; que cet élément est essentiel puisqu'il vient rectifier et compléter les dires de M. X... dans sa lettre du 7 juillet 2006, dont d'ailleurs il ressort, s'agissant des contours de la mission, que ce dernier se limite à présenter comme un fait établi " une remise du dossier pour l'étudier en vue d'un éventuel appel ", ce qui concorde parfaitement avec les explications de M. Y... ;

Considérant que si le jugement déféré ne saurait être totalement approuvé lorsqu'il estime devoir écarter le contenu de l'attestation établie par M. F..., pour ce dernier avoir été le conseil même de M. X..., alors que rien ne le permet pour ce motif, même si elle a été, puisque datée du 26 septembre 2008, à l'évidence sollicitée par M. X... après l'introduction de l'instance, ni davantage de mettre en doute les déclarations qu'elle contient ou la bonne foi de son auteur, en revanche c'est pertinemment et fort judicieusement que les premiers juges ont noté que ladite attestation ne restituait manifestement qu'une partie des échanges ; qu'il est frappant de constater que le témoin, pourtant conseil fiscal de M. X..., ne précise pas si un dossier a été présenté ou remis, ni s'il s'agissait du dossier de M. F..., ni surtout n'aborde, alors qu'il était présent, les propos qui ont nécessairement été échangés sur le redressement fiscal lui-même et les circonstances de l'opération ; que pourtant l'entretien a eu lieu dans les locaux du..., dans laquelle M. Y... exerçait comme commissaire aux comptes ;

Considérant en conséquence qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la réalité du mandat tel qu'invoqué par M. X... n'est nullement établie ; que M. Y... a certes été consulté sur l'opportunité d'un appel, dont il a refusé, s'il devait être néanmoins exercé par M. X..., de se charger, qu'il a été, selon les dires de M. X... lui-même, relancé deux fois téléphoniquement par ce dernier, ce qui explique le message laissé par l'avocat sur le répondeur mais qu'il n'a jamais été régulièrement mandaté pour diligenter concrètement la procédure d'appel ; qu'à cet égard, contrairement aux dires de l'appelant, l'absence de lettres, de factures et l'absence également de tout élément relatif à des honoraires, ainsi qu'une quelconque correspondance par exemple de retour du dossier confié, confirment les explications fournies par M. Y... lorsqu'il expose qu'il n'a fait que consulter le dossier de M. F... sans être lui-même en possession d'un dossier ; que par ailleurs, au regard de l'ensemble des circonstances particulières de l'espèce, cette intervention très limitée de M. Y..., se bornant à donner un avis, ne saurait davantage pour cette raison constituer un manquement de l'avocat à son devoir d'information et de conseil vis à vis du client qui le consulte dès lors que, comme noté justement par le jugement déféré, M. X..., qui avait assuré seul sa défense en première instance et qui disposait de toutes les informations utiles sur les délais et modalités d'appel, ne saurait sérieusement soutenir ni qu'il a vainement attendu le message laissé par M. Y... sans consulter un autre avocat, ni se présenter comme n'ayant pas été mis en mesure de défendre utilement ses intérêts dans une procédure fiscale devant le juge administratif dans laquelle l'assistance d'un avocat n'est pas obligatoire ;

Considérant en conséquence que le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté M. X... de son action en responsabilité civile professionnelle ; qu'il n'y a donc pas lieu de statuer plus avant sur les demandes seulement subsidiaires présentées par la société Ertou et la société Covea Risks, en ce que cette dernière conteste le principe même de sa garantie à l'égard de la société Ertou, que néanmoins il doit être observé que le jugement déféré ne pouvait affirmer dans ses motifs que la société Ertou aurait été en droit de se voir garantir par la société Covea Risks, alors que ce point n'a pas été tranché ;

Sur les demandes de dommages et intérêts,

Considérant que les intimés soulignent le comportement déloyal de l'appelant, sa présentation inexacte des faits et le caractère dès lors abusif de la procédure engagée par M. X... pour solliciter que soient portés à 15000 € le montant des dommages et intérêts qui leur ont été accordés par les premiers juges, lesquels ont considéré que l'appelant, parfaitement et personnellement instruit sur la voie de recours dont il disposait, avait commis un abus de procédure ; que toutefois, M. X... ne saurait être comptable de circonstances qui lui étaient étrangères, notamment du fait que M. Y..., à l'approche de la retraite, n'entendait plus se charger de nouvelles affaires mais avait néanmoins accepté de le recevoir sur introduction de M. F..., qu'il a donc pu légitimement se méprendre sur l'étendue de la mission acceptée par M. Y... et que le jugement sera infirmé en ce qu'il l'a condamné à paiement à M. Y... et à la Sarl Ertou de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

Considérant que l'appelant qui succombe en ses prétentions sera débouté de la demande qu'il a présentée au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; que M. Y... n'ayant pas engagé sa responsabilité, il n'y a pas lieu de statuer sur les autres demandes subsidiaires sur ce même fondement formées respectivement entre la société Ertou et la société Covea Risks, qu'en revanche l'équité commande de faire application de ces mêmes dispositions en appel au profit de M. Y... et de Covea Risks ainsi que de la Sarl Ertou dans les termes du dispositif ci-après.

PAR CES MOTIFS :

Statuant par arrêt réputé contradictoire,

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a condamné M. X... à payer à M. Raymond Y... et à la Sarl Ertou la somme à chacun de 7000 € à titre de dommages et intérêts,

Le confirme pour le surplus de ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne M. Jean-Pierre X... à payer à M. Raymond Y... et à la société Covea Risks d'une part et à la Sarl Ertou d'autre part chacun la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne M. Jean-Pierre X... aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 2 - chambre 1
Numéro d'arrêt : 10/096217
Date de la décision : 12/06/2012
Sens de l'arrêt : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée

Références :

Décision attaquée : DECISION (type)


Origine de la décision
Date de l'import : 28/11/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel.paris;arret;2012-06-12;10.096217 ?
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