La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/06/2012 | FRANCE | N°10/08817

France | France, Cour d'appel de Paris, Pôle 6 - chambre 4, 12 juin 2012, 10/08817


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4



ARRÊT DU 12 Juin 2012

(n° , 9 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/08817



Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS Section encadrement RG n° 09/05261





APPELANTE



SOCIETE H ET ASSOCIES

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Lorenzo SANTANA, avocat au barreau de P

ARIS, toque : P0043







INTIME



Monsieur [U] [G]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Christophe ROSSI, avocat au barreau de PARIS, toque : R257





COM...

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 4

ARRÊT DU 12 Juin 2012

(n° , 9 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/08817

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 30 Juillet 2010 par le conseil de prud'hommes de PARIS Section encadrement RG n° 09/05261

APPELANTE

SOCIETE H ET ASSOCIES

[Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par Me Lorenzo SANTANA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0043

INTIME

Monsieur [U] [G]

[Adresse 2]

[Localité 3]

comparant en personne, assisté de Me Christophe ROSSI, avocat au barreau de PARIS, toque : R257

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Mai 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Dominique LEFEBVRE-LIGNEUL, Conseillère, chargé d'instruire l'affaire.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente

Madame Anne-Marie DEKINDER, Conseillère

Madame Dominique LEFEBVRE LIGNEUL, Conseillère

Greffier : Mademoiselle Sandrine CAYRE, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.

- signé par Madame Charlotte DINTILHAC, Présidente et par Mlle Sandrine CAYRE, Greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

M. [U] [G] a été engagé par la société H ET ASSOCIES, suivant un contrat de travail à durée indéterminée du 2 mai 2006, prenant effet à cette date, en qualité de consultant en ingénierie financière, statut cadre- catégorie F, moyennant une rémunération brute annuelle fixe s'élevant à 45 000 € portée à 52 800 € par avenant du 17 janvier 2007, à laquelle s'ajoutait une rémunération variable, les relations contractuelles étant soumises à la convention collective nationale de la bourse et l'entreprise occupant à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture du contrat de travail.

Après convocation par lettre du 19 décembre 2008 à un entretien préalable fixé au 29, M. [G] s'est vu notifier son licenciement pour motif économique par lettre recommandée du 12 janvier 2009.

Contestant ce licenciement, M. [G] a saisi le 23 avril 2009 le conseil de prud'hommes de Paris, section encadrement, qui, par jugement rendu le 30 juillet 2010, a condamné la société H ET ASSOCIES à lui payer la somme 31 400 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que celle de 600 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en le déboutant du surplus de ses demandes.

La cour est saisie de l'appel de cette décision, interjeté le 8 octobre 2010 par la société H ET ASSOCIES.

Par conclusions développées à l'audience du 9 mai 2012, auxquelles il est référé expressément pour l'exposé des moyens, la société H ET ASSOCIES demande à la cour :

* d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée au paiement de la somme de 31 400 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que '800 €' au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

* de le confirmer en ce qu'il a débouté M. [G] de toutes ses autres demandes,

* de condamner celui-ci à lui verser la somme de 5 000 € à titre d'indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions visées par le greffier, reprises et soutenues oralement à l'audience du 9 mai 2012, auxquelles il est également fait référence pour l'exposé des moyens, M. [G] demande à la cour :

* de confirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Paris le 30 juillet 2010 en ce qu'il a jugé que son licenciement était dénoué de cause réelle et sérieuse, tant en raison de l'absence de motif économique avéré que de l'exécution déloyale des obligations de reclassement et, en conséquence condamner la société H ET ASSOCIES à lui payer la somme de 94 200 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou en tout état de cause, pour violation de ses obligations en matière d'ordre des licenciements,

* d'infirmer ce même jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes de rappels de salaire et, en conséquence, de condamner la société H ET ASSOCIES à lui payer la somme de 186 546, 41 € au titre de sa rémunération variable de l'année 2007,

* d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour violation de l'obligation de réembauchage et, en conséquence, de condamner la société H ET ASSOCIES à lui payer la somme de 31 400 € à titre de dommages-intérêts,

* de condamner la société H ET ASSOCIES à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

SUR CE

Sur la demande de rappel de rémunération variable

Selon l'article 5.2 du contrat de travail, en sa rédaction issue de l'avenant du 17 janvier 2007, M. [G] devait percevoir, sur la base d'une production nette annuelle, pour son activité (période allant du 1er janvier au 31 décembre de chaque année) une rémunération variable brute de 5% sur la tranche de 105 600 à 499 999 € et de 10% au delà de 500 000 €, étant précisé que la production nette était ainsi définie «PNB Brut de l'activité ingénierie financière originée et/ou gérée directement par Monsieur [U] [G] (Commissions totales- Divers frais (avocats, roadschows, apporteurs d'affaires, analyses externes ')) après déduction de la quote part éventuelle du PNB qui serait affecté au département vente  ».

Conformément à cette clause de son contrat, M. [G] sollicite le paiement de la somme de 186 546 €, après déduction d'un premier versement de 85 000 € effectué au mois d'août 2007, sur la somme de 271 546, 64 € qu'il estime lui être due au titre de sa commission dans l'opération dite 'Belvédère'.

Il convient de rappeler et de préciser :

* qu'aux termes du contrat conclu le 14 juin 2007, les sociétés BELVEDERE et FINANCIERE DU VIGNOBLE représentées par M. [H] [E] ainsi que MM. [K] [X] et [H] [E] ont donné mandat à la société H ET ASSOCIES pour intervenir en qualité de conseil financier exclusif, dans le cadre de l'exercice de l'option d'achat qui leur avait été donnée par CL FINANCIAL (CLF) sur tous les instruments financiers (actions, warrants, obligations) détenus par cette dernière dans la SA BELVEDERE conformément au protocole signé le 8 juin 2007, et du placement privé de ces titres sur le marché,

* que la rémunération de la société H ET ASSOCIES était calculée comme suit :

- une rémunération fixe de 100 000 € HT au titre de l'analyse financière devant être payée par la société BELVEDERE,

- une rémunération fixe de 50 000 € HT au titre du conseil d'ordre général payable chacun pour moitié par M. [H] [E]/ société FINANCIERE DU VIGNOBLE et M. [K] [X],

- une commission de placement de 2% des sommes payées à CL FINANCIAL,

* que cette opération d'un montant brut total de 310 534 366 €, qui a été finalisée le 31 juillet 2007, a généré une commission brute de 6 210 687, 32 € et une commission nette versée à H ET ASSOCIES s'élevant à 5 977 786, 546 € dont ont été déduites les sommes suivantes :

- 925 394, 60 € pour les « apporteurs »,

- 648 808, 30 € versés à M. [H] [E](après déduction des 25 000 € mis à sa charge et prévus au titre de la rémunération fixe),

- 599 631, 60 € versés à M. [K] [X] (après déduction des 25 000 € prévus au titre de la rémunération fixe),

- 938 488, 021 € au titre de la 'com Bucéphale',

- 50 000 € correspondant à la rémunération fixe de la société H ET ASSOCIES,

soit un solde de 2 815 464, 064 €, sur lequel M. [G] retranche la somme de 100 000 € 'au profit du département vente de H ET ASSOCIES' pour fixer à 2 715 464, 064 € la base de calcul de sa rémunération variable.

Sans contester le montant de la rémunération qu'elle a perçue au titre de cette opération 'Belvédère', la société H ET ASSOCIES s'oppose à cette demande en faisant notamment valoir :

* que M. [G], qui a 'validé le montant total de sa rémunération variable au titre de l'exercice 2007 ' ne rapporte pas la preuve de ce qu'il aurait réclamé le solde de cette commission avant sa lettre du 13 mars 2009,

* que cette opération 'n'a jamais été une opération d'ingénierie financière', qu'elle 'n'a donné lieu à l'exécution d'aucune prestation relevant à titre spécifique du département Corporate finance' et qu'il s'agissait d'une 'opération de placement (reclassement d'un bloc d'actions au travers de leurs ventes) impliquant le département 'Brokerage' (...) et, en amont (le) département Recherche et stratégie',

* que ses comptes sociaux confirment que la commission de placement Belvédère n'entre pas dans les commissions du département Corporate,

* que le rôle de M. [G] a été 'celui d'un opérateur de Middle Office, chargé non pas du coeur de l'opération, mais, de manière générale, de sa coordination'

S'il est exact que M. [G] ne rapporte pas la preuve de ce que la somme de 85 000 € versée au mois d'août 2007 n'était qu'un acompte sur le montant total de sa commission au titre de l'opération Belvédère, ceci ne saurait lui interdire d'en réclamer le solde dans la présente instance.

Par ailleurs, la mention 'bon pour accord' porté le 23 janvier 2008 par M. [G] sur le document mentionnant que sa rémunération variable au titre de l'exercice 2007 s'élève à 27 000 €, ne permet pas d'établir que ce montant correspondait à l'intégralité des sommes qui lui étaient dues à ce titre dès lors que ce montant n'intégrait pas le versement de la somme de 85 000 € effectué au mois d'août suivant sous la rubrique 'commissions/ventes'.

S'agissant du rôle de M. [G] que la société H ET ASSOCIES affirme être seulement celui d'un coordinateur, outre le fait qu'il semble surprenant qu'une intervention aussi limitée ait donné lieu au versement d'une somme de 85 000 € en plus du salaire fixe, il sera relevé qu' avant même la signature du contrat initial du 14 juin 2007 sus visé, M. [G], avait, en l'absence de M. [I] [J], son responsable hiérarchique, établi une note le 13 juin 2007 à l'intention du comité de direction (MM. [W] (président directeur général) et [C] (directeur général délégué et administrateur) dans laquelle il analyse l'opération envisagée, étant précisé :

* que CL FINANCIAL 'conglomérat regroupant de nombreuses sociétés dont les activités se situent essentiellement aux Antilles et en Amérique du Nord', dont le siège social est situé à Trinité et Tobago, qui, en 2003, était devenu actionnaire (à concurrence de 21% du capital) de la société Belvédère (société intervenant dans le domaine des spiritueux), a porté sa participation

dans cette société à 68, 05 % à l'issue d'une offre publique d'achat intervenue en 2006,

* qu'au cours de l'année 2007, des différends sont apparus entre CL FINANCIAL et les actionnaires fondateurs de la société Belvédère, MM. [E] et [X], qui ont souhaité en reprendre le contrôle,

* que l'accord transactionnel, signé entre eux le 8 juin 2007 et publié à l'AMF, comportant une promesse de vente au bénéfice des fondateurs actionnaires minoritaires, devait leur permettre d'organiser la sortie de CL FINANCIAL du capital de Belvédère sous forme d'un placement privé dite PIPE (Private Investissement in Public Equity) alors même qu'ils ne détenaient aucun des titres devant être vendus.

Dans l'article publié dans le magazine Fusions et Acquisitions des mois de novembre-décembre 2007, Maître [Z] [T], avocat ayant participé à l'opération et interlocutrice de M. [G] dans les nombreux courriels versés aux débats, indique 'Cette opération s'est avérée très complexe sur le plan juridique dans la mesure où elle portait sur diverses natures de titres (actions, bons de souscription d'actions, obligations) qui étaient en outre nantis au profit d'établissements financiers créanciers de CL Financial', en expliquant que 'le problème fondamental était celui de la non détention des titres par les vendeurs apparents [H] [E] et [B] [X] qui ne bénéficiaient aux termes de cet accord transactionnel que d'une promesse de vente' avec la possibilité que les titres ne soient pas transférés en cas d'offres d'achat insuffisantes. Elle précise, ainsi que cela était déjà mentionné dans la note du 13 juin 2007 rédigée par M. [G] qu'en cas d'échec, les fondateurs qui avaient remis leur lettre de démission, devraient alors sortir du capital, 'l'opération, en cas d'appétit insuffisant du marché, se reversaient automatiquement au profit de CL Financial, l'opération ne pouvant qu'être un 'tout ou rien' .

L'extrême complexité de l'opération, qui ne se résumait pas à un simple 'placement de titres sur le marché' ne comportant 'aucune prestation relevant de l'ingénierie financière' comme le soutient la société H ET ASSOCIES, est également souligné par son dirigeant, M.[V] [C], qui a directement contrôlé tout le travail accompli par M. [G] durant l'opération et qui écrit dans un article intitulé 'Fier d'avoir fait revenir le groupe en France' également publié dans le magazine Fusions et Acquisitions : ' Pour la première fois, cette opération a associé le reclassement d'une participation majoritaire (détenue par le groupe CL Financial) à une opération de marché primaire, ce qui constitue un cas d'école à ce jour.', rappelant 'le contexte unique ainsi que les enjeux tant financiers que personnels qui sous-tendaient cette opération' et expliquant que 'la non réalisation de tout ou partie du reclassement à la date butoir du 31 juillet 2007 entraînait de droit les démissions simultanées avec effet immédiat de toutes les fonctions de mandataires sociaux et de direction occupée par MM [H] [E] et [B] [X] au sein du groupe Belvédère'.

Faisant exclusivement référence à la mission énoncée dans le contrat sus visé conclu le 14 juin 2007 selon lequel la société H ET ASSOCIES était notamment chargée d'accomplir les prestations suivantes :

'1. Préparer une liste des investisseurs potentiels pour les titres Belvédère,

2. Conseiller dans le cadre de la mise en oeuvre de l'Opération,

3. Assister les Mandants dans le cadre de l'élaboration de l'analyse financière devant être remise aux investisseurs potentiels,

4. Identifier les courtiers/banquiers qui seront chargés de la mise en oeuvre du placement privé des titres Belvédère,

5. Assister les mandants dans le cadre des négociations avec les investisseurs potentils et CLF relatives à l'Opération et les garanties de paiement devant être délivrées au plus tard le 31 juillet 2007,

6. Superviser de l'élaboration et la négociation par conseils juridiques des Mandants, des documents juridiques nécessaires par parachever l'Opération',

sans produire le second mandat qui aurait été donné le 24 juillet 2007 et qui est évoqué dans les courriels versés aux débats par M. [G], la société H ET ASSOCIES affirme que l'opération Belvédère 'n'a donné lieu à l'exécution d'aucune prestation relevant à titre spécifique du département Corporate finance', dont dépendait M. [G] et que la commission de placement Belvédère vient rémunérer le placement effectif des titres à savoir leur achat et leur vente par le département 'Brokerage' et qu'elle n'entre pas dans les commissions du département 'Corporate'.

Cependant le rôle déterminant de ce département résulte non seulement de la description de l'ensemble des interventions effectuées par M. [G] et de sa mission de conseil mais également des propos tenus par M. [V] [C] qui vante les mérites de ses 'équipes de Corporate Finance' qui 'travaillaient sans relâche avec Me [Z] [T]' et qui précise dans l'article précédemment cité :'Ces contraintes tant de structuration financière que de temps ont mis en exergue la réactivité exceptionnelle de nos équipes de Corporate Finance. En l'espace d'une semaine, nous avions finalisé nos accords avec les agents co placeurs, délimité les champs d'intervention de chacun des intervenants et planifié toutes les réunions jusqu'au 25 juillet 2007, date limite de décision pour les investisseurs potentiels' en ajoutant 'L'opération de placement proprement dite se déroula comme une opération de reclassement classique'.

Ainsi que l'observe M. [G], s'il est exact que l'intervention du département de courtage a été nécessaire en fin d'opération, elle n'a pu intervenir qu'après la structuration réalisée par le département 'Corporate Finance' auquel il appartenait, étant rappelé et précisé qu'il a eu un rôle central dans le déroulement de l'opération, en sa qualité de consultant en ingénierie financière et que l'affectation comptable de la commission Belvédère décidée par la société H ET ASSOCIES ne saurait permettre de modifier la nature réelle de l'opération et ainsi de remettre en cause la rémunération variable à laquelle il avait droit sur 'l'activité 'ingénierie financière' originée et/ou gérée directement' par lui.

Compte tenu de l'ensemble de ces documents et en l'absence d'indication du montant des commissions qui auraient été versées aux autres salariés ayant participé à l'opération 'Belvédère', il convient d'infirmer le jugement déféré et d'allouer à M. [U] [G] la somme de 186 546 € correspondant au solde restant dû sur sa rémunération variable de l'année 2007.

Sur le licenciement

sur les difficultés économiques

Dans la lettre de licenciement pour motif économique datée du 12 janvier 2009, qui fixe les limites du débat judiciaire, la société H ET ASSOCIES indique à M. [G] qu'elle a rencontré des difficultés économiques «dues à une conjoncture marquée par une crise financière d'une ampleur exceptionnelle», que son «activité d'intermédiation a connu un ralentissement considérable lié à l'effondrement des marchés et des volumes depuis le mois de décembre 2007», que le département Corporate Finance ECM, au sein duquel il exerce ses fonctions « a, lui aussi, été touché par cette crise, puisque les produits d'exploitation qu'il a générés, hors commissions de placement, étaient à la fin du mois de novembre 2008 inférieurs de plus de 40% par rapport au mois de novembre 2007 et de plus de 50% par rapport au mois de novembre 2006 », puis reprend les différents résultats comptables en citant les chiffres comparatifs des produits d'exploitation, des charges et des pertes de l'année 2008 par rapport à 2007 avant de conclure : «Dans ce contexte, nous sommes malheureusement contraints de procéder à la suppression d'un emploi au niveau du département Corporate Finance ECM pour ajuster le niveau des frais fixes par rapport à celui des produits d'exploitation et enrayer l'accroissement des pertes ; cette suppression débouche sur votre licenciement pour motif économique. En effet, l'effectif de ce département s'avère supérieur à celui que justifie le niveau d'activité qui est le sien depuis plusieurs mois. Ce niveau d'activité est marqué par le très faible nombre de dossiers en cours, par leur décalage dans le temps en raison du niveau des marchés et de l'incertitude des prévisions économiques, ainsi que par la quasi absence de dossiers nouveaux. En outre, il n'est pas possible, dans le contexte actuel, de prévoir un redémarrage de l'activité à court voire à moyen terme »

Ainsi que l'ont retenu les premiers juges, la réalité des difficultés économiques de la société H ET ASSOCIES est établie par les documents comptables de sa situation au 30 septembre, 31 octobre, 30 novembre et 31 décembre 2008 ainsi que le rapport du commissaire aux comptes établi le 12 mai 2009 pour l'exercice clos le 31 décembre 2008, aux termes desquels le compte de résultat du premier semestre 2008 est caractérisé par une diminution de 42, 53 % des produits d'exploitation contre une diminution de 28, 80 % des charges d'exploitation, les résultats des périodes arrêtées au 30 septembre, 30 novembre et 31 décembre 2008 se traduisant par des différences négatives par rapport à l'exercice précédent pour atteindre une perte de 1 605 410, 40 € sur l'ensemble de l'exercice 2008, ce qui a nécessité une augmentation de capital de 750 006, 90 € et ce malgré les mesures de contrôle des charges engagées dès le début de l'année 2008, telles qu'elles résultent notamment du rapport de gestion établi par le conseil d'administration et présenté à l'assemblée générale ordinaire du 29 mai 2009, étant observé que M. [G] ne justifie aucunement des profits nets qui auraient été dégagés au cours du même exercice par le département 'Corporate'.

Par ailleurs, l'embauche de M. [M] [P] en mars 2008, ayant pour objectif de développer une activité de courtage électronique, celle de M. [S] le 1er septembre 2008 en qualité de vendeur, celle de M. [D] également faite en septembre 2008 dans des perspectives de lancement d'un département de conseils, qui avaient tous trois quitté la société avant la fin de l'année 2008, de même que celle de M. [A] effectuée dans le cadre d'un contrat à durée déterminée du 20 octobre 2008 au 20 avril 2009 pour gérer le projet de mise en place d'outils de trading électronique, sont insuffisantes pour nier l'existence des difficultés économiques alléguées par la société H ET ASSOCIES lors du licenciement de M. [G] intervenu au mois de janvier 2009.

Enfin, les règlements faits par la société H ET ASSOCIES au profit de la société holding FINANCIERE ET H ASSOCIES, conformément aux conventions versées aux débats n'établissent pas l'absence des difficultés économiques sus visées.

sur l'obligation de recherche de reclassement

Il convient de rappeler qu'aux termes des dispositions de l'article L.1233-4 du code du travail, le licenciement pour motif économique d'un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l'intéressé sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu'il occupe ou sur un emploi équivalent ou, à défaut et sous réserve de l'accord exprès du salarié, sur un emploi d'une catégorie inférieure, ne peut être réalisé dans le cadre de l'entreprise.

Pour établir qu'elle a rempli cette obligation, la société H ET ASSOCIES, qui indiquait dans sa lettre du 19 décembre 2008 de convocation à l'entretien préalable du 29, qu'elle avait procédé à 'une recherche active et individualisée de reclassement dans l'entreprise ainsi que dans le groupe' mais qu'aucune solution n'avait pu être trouvée, ce qu'elle confirmait dans la lettre de licenciement sus visée, verse aux débats :

* un courriel adressé à la bourse de l'emploi de l'AMAFI le 9 décembre 2008 relatif aux démarches pour s'inscrire à cet organisme et faire bénéficier les salariés concernés des 'possibilités de reclassement que pourrait représenter la bourse de l'emploi'

* le procès verbal de la réunion du 9 décembre 2008 concernant les possibilités de reclassement interne, mentionnant l'intervention de chaque chef de service sur les effectifs et postes pouvant être offert dans leur département,

* les courriers des 9 décembre 2008 relatifs à la recherche de reclassement interne au sein des sociétés du groupe et les réponses négatives données par elles les 11 et 12 décembre 2008,

* les courriels du 8 janvier 2009 réitérant les recherches de reclassement interne de trois salariés dont M. [U] [G].

Ces documents, qui confirment la réalité de la recherche de reclassement effectuée par la société H ET ASSOCIES, ne sauraient permettre sa remise en cause par l'embauche le 2 mars 2009, soit deux mois après la notification du courrier de licenciement de M. [G], de M. [R] [O] en qualité de 'vendeur actions senior' sur une 'candidature spontanée et une création de poste tenant à ses qualités propres', en considération de sa 'très forte technicité (...) et de la clientèle dont il disposait', ce qui résulte notamment de son curriculum vitae et de sa 'carrière passée' et n'est pas infirmée par des documents produits par M.[G].

Le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a retenu que le licenciement de M.[G] était sans cause réelle et sérieuse au motif que les recherches de reclassement n'avaient pas été sincères en raison de l'existence de deux embauches réalisées les 2 février et 2 mars 2009, étant précisé qu'une erreur concernait la date de la première, à savoir celle de M. [A] intervenue le 20 octobre 2008 ainsi que cela est précédemment mentionné et non le 2 février 2009.

sur l'ordre des licenciements

Faisant valoir que les critères communiqués par la société H ET ASSOCIES n'ont été établis qu'en opportunité aux seules fins d'étayer sa décision de le licencier, M. [G] sollicite le paiement de la somme de 94 200 € à titre de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.

Conformément aux dispositions de l'article L. 1233-5 du code du travail prévoyant qu'en l'absence de convention ou accord collectif de travail applicable, l'employeur qui procède à un licenciement collectif pour motif économique définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, lesquels prennent notamment en compte :

* les charges de famille, en particulier celles des parents isolés,

* l'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise,

* la situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés,

* les qualités professionnelles appréciées par catégorie,

la société H ET ASSOCIES a, lors de sa réunion du 15 décembre 2008, repris les quatre critères ci-dessus rappelés pour déterminer l'ordre des licenciements, étant observé que les critères retenus s'apprécient toujours à l'intérieur de chaque catégorie professionnelle ou catégorie d'emploi et qu'en l'espèce quatre salariés avaient la fonction de consultant en ingénierie.

A l'exception de M. [J], directeur du département, marié avec un enfant, âgé de 36 ans et bénéficiant de la plus grande ancienneté (29 août 2005) qui totalisait 16 points compte tenu notamment de sa situation familiale et de ses qualités professionnelles, il est certain que si les situations familiales des trois autres salariés ( MM [U] [G], [V] [L] et [V] [Y]), tous célibataires et sans enfant, étaient identiques, M. [U] [G] bénéficiait de la plus grande ancienneté pour avoir été engagé le 2 mai 2006 alors que M. [L] l'avait été le 21 juin 2007, soit un an plus tard, et M. [Y] le 1er septembre 2007.

Toutefois, aucun élément ne permettant de retenir que la décision de procéder à la rupture du contrat de travail de M. [G] aurait été prise six mois avant l'entretien préalable comme il le prétend, ni que l'employeur a commis un détournement de pouvoir en fixant les critères de l'ordre des licenciements pour permettre son licenciement au regard de l'ancienneté de moins de trois ans pour les trois salariés comparés et de l'appréciation de la réinsertion professionnelle de M. [F], il convient de rejeter sa demande formée à ce titre.

Sur la violation de l'obligation de réembauche

Aux termes des dispositions de l'article L. 1233-45 du code du travail, le salarié licencié pour motif économique bénéficie d'une priorité de réembauche durant un délai d'un an à compter de la date de rupture de son contrat s'il en fait la demande au cours de ce même délai, l'employeur devant alors informer le salarié de tout emploi devenu disponible et compatible avec sa qualification.

Le point de départ du délai sus-visé ayant pour objet de fixer la date limite au- delà de laquelle le salarié ne peut plus effectuer cette demande ni bénéficier de la priorité de réembauche, il n'y a pas lieu de retenir que la demande formée par M. [G] le 16 janvier 2009 immédiatement après la réception de la lettre de licenciement et mentionnant 'Je vous prie donc de bien vouloir m'informer de tout emploi devenu disponible au sein de votre entreprise et compatible avec ma qualification, au cours des douze (mois) suivant la rupture effective de mon contrat de travail' serait irrecevable pour être intervenue avant l'expiration du délai de préavis.

En l'espèce, la société H ET ASSOCIES n'établit pas avoir satisfait à son obligation pendant le délai d'un an, soit en prouvant qu'elle a proposé les postes disponibles, soit en justifiant de l'absence de tels postes, la copie du registre d'entrée et de sortie du personnel versée aux débats ne comportant aucune date et ne faisant état d'aucun mouvement de salarié postérieur au 2 mars 2009, date de l'embauche de M. [O].

Il lui sera alloué en conséquence et conformément aux dispositions de l'article L. 1235-13 du code du travail la somme de 11 000 € à titre d'indemnité.

Sur les frais et dépens

Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile étant réunies au bénéfice M. [U] [G], il convient de condamner la société H ET ASSOCIES, à lui payer la somme de 2 500 € à ce titre, en sus de celle attribuée par les premiers juges.

La société H ET ASSOCIES sera déboutée de sa demande formée à ce titre et condamnée aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a alloué la somme de 600 € à M. [G] au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

Condamne la société H ET ASSOCIES à payer à M. [U] [G] les sommes suivantes :

- 186 546 € correspondant au solde restant dû sur sa rémunération variable de l'année 2007, avec intérêts au taux légal à compter du 29 avril 2009,

- 11 000 € à titre d'indemnité pour non respect de la priorité de réembauche avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

Condamne la société H ET ASSOCIES aux dépens d'appel et à verser à M. [U] [G] la somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

LE GREFFIER LE PRESIDENT


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Paris
Formation : Pôle 6 - chambre 4
Numéro d'arrêt : 10/08817
Date de la décision : 12/06/2012

Références :

Cour d'appel de Paris K4, arrêt n°10/08817 : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée


Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2012-06-12;10.08817 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award