RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 6 - Chambre 10
ARRÊT DU 12 Juin 2012
(n° 8 , 9 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : S 10/07846
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 17 Août 2009 par le conseil de prud'hommes de PARIS section activités diverses RG n° 08/08211
APPELANTE
Madame [K] [O]
[Adresse 1]
[Localité 4]
comparant en personne, assistée de Me Joseph KENGNE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1681
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2011/058414 du 25/01/2012 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de PARIS)
INTIMÉE
AREPA (ASSOCIATION DES RÉSIDENCES POUR PERSONNES ÂGÉES)
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Isabelle SANTESTEBAN, avocat au barreau de PARIS, toque : G 874
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Mars 2012, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Mme Marie-Aleth TRAPET, Conseiller, chargée d'instruire l'affaire.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Brigitte BOITAUD, président
Madame Marie-Aleth TRAPET, conseiller
Madame Catherine COSSON, conseiller
Greffier : Monsieur Polycarpe GARCIA, lors des débats
ARRÊT :
- contradictoire
- prononcé publiquement par Madame Brigitte BOITAUD, président
- signé par Madame Brigitte BOITAUD, président et par Monsieur Polycarpe GARCIA, greffier présent lors du prononcé.
FAITS ET PROCÉDURE
Madame [K] [O] a été engagée par l'association AREPA le 1er septembre 1994 en qualité d'agent de service, par contrat à durée indéterminée à temps partiel.
Elle a été mise à pied à titre conservatoire le 15 avril 2008 puis licenciée pour faute grave par lettre recommandée avec avis de réception en date du 22 avril 2008, aux motifs énoncés suivants :
'Madame,
Nous faisons suite à votre entretien préalable en date du 8 avril 200$, Vous étiez accompagnée de Madame [F], représentant du personnel.
Après accomplissement de la procédure légale nous vous notifions votre licenciement pour faute grave sans préavis ni indemnité.
Les motifs de votre licenciement, qui vous ont déjà été exposés lors de l'entretien préalable sont les suivants :
Vous avez notamment violé votre obligation professionnelle qui vous interdit d'avoir avec les personnes âgées que nous accueillons au sein de nos résidences, de quelconque rapport d'argent et d'engager toute transaction, de quelque nature que ce soit avec les personnes accueillies.
Vous travaillez en qualité d'Agent de service depuis le 1er septembre 1994, à la résidence [7] de [Localité 8].
A titre d'exemple, de façon non exhaustive nous avons été informés lors du départ d'une résidente, Madame [U], fin avril 2008, que vous aviez engagé une transaction avec cette dernière. En effet, il nous a été confirmé par plusieurs personnes et notamment par Madame [U] elle-même, que vous aviez conclu un « arrangement » avec elle afin de lui acheter des meubles. Vous lui avez ainsi versé une somme d'argent en échange.
Vos agissements sont d'une particulière gravité et constitutifs d'une faute grave car ils témoignent du non respect de vos obligations.
Il a été rappelé par la Direction générale d'AREPA à l'ensemble du personnel à plusieurs reprises (Notes des 16 octobre 1997,28 décembre 2004 et 13 septembre 2006)
la stricte interdiction pour les salariés d'engager des transactions avec les personnes accueillies.
Nous ne pouvons accepter de tels agissements, d'autant plus, de la part d'un personnel intervenant auprès de personnes âgées vulnérables.
Par ailleurs, les faits suivants, également exposés lors de votre entretien, vous sont reprochés :
- Manque de propreté de la résidence, caractérisant un laisser-aller et de la négligence dans votre travail. Nous avons reçu des plaintes de résidents à ce sujet, qui mettent en avant, l'état de saleté de l'établissement des parties communes et des studios (traces noires sur le soi, odeurs nauséabondes dans l'entrée et l'ascenseur du fait des serpillières mal rincées, etc..).
Or, en votre qualité d'Agent de service de rétablissement, vous avez en charge le nettoyage des parties communes et des studios de la résidence.
Nous vous rappelons que vous avez déjà fait l'objet d'une sanction (avertissement) le 27 avril 2005, notamment pour des négligences similaires. Nous vous avions déjà demandé à l'époque de vous ressaisir,
- Refus d'exécution de tâches relevant de votre compétence; à plusieurs reprises au cours des deux derniers mois, vous avez refusé d'exécuter des tâches demandées par votre hiérarchie au motif que cela ne figurait pas sur votre planning de travail.
A titre d'exemple, Madame [V], Directrice, vous a demandé très récemment, de bien vouloir balayer le sous-sol de la résidence.
Vous avez, dans un premier temps refusé de le faire, prétextant que cela ne figurait pas sur votre planning de travail du jour, et l'avez fait plusieurs jours plus tard, après relance de votre hiérarchie. Vous avez ainsi reporté la tâche demandée à votre guise.
Or, nous vous rappelons qu'il appartient à l'employeur de décider des tâches devant être exécutées par le personnel, en vertu de son pouvoir de direction.
Par ailleurs, nous vous précisons que, toujours dans le cadre de son pouvoir de direction, l'employeur peut changer les conditions de travail d'un salarié et hiérarchiser les priorités. La circonstance que la tâche donnée à l'intéressé soit différente de celle qui était prévue ne caractérise pas une modification du contrat de travail, dés l'instant où elle correspond à son poste et à sa qualification.
Enfin, le refus d'exécuter les tâches inhérentes à votre poste de travail, demandées par votre supérieur hiérarchique, est constitutif d'insubordination.
Problème de comportement : il a été porté à notre connaissance que, le 29 février 2008, durant les congés de Madame [V], Directrice, vous avez profité de l'absence de votre hiérarchie pour prendre une pause durant vos heures de travail, dans le salon destiné aux résidents, devant la télévision, les chaussures retirées et installée de manière négligée. Plusieurs résidents ont été profondément choqués de votre comportement, ainsi que des familles de résidents qui se sont plaintes à la Direction,
Un tel comportement, qui dénote un manque total de retenue de votre part ainsi qu'un manque de respect à l'égard des résidents, est totalement inacceptable et porte atteinte à l'image de l'AREPA,
Les explications recueillies auprès de vous au cours de notre entretien ne nous ont pas permis de modifier notre appréciation à ce sujet.
Compte tenu de la gravité de vos fautes, votre maintien dans l'établissement s'avère impossible, même pendant le temps du préavis.
Nous vous confirmons pour les mêmes raisons la mise à pied à titre conservatoire dont vous faites l'objet et que nous vous avons notifié le 17 avril 2008.
Votre licenciement prendra donc effet immédiatement, dès la première présentation de cette lettre, et votre solde de tout compte sera arrêté à cette date, sans indemnité de préavis, ni de licenciement.
Nous vous informons également qu'en raison de la nature des fautes qui vous sont reprochées, vous perdez vos droits acquis au titre de votre droit individuel à la formation.'
Par jugement du 17 août 2009, le conseil de prud'hommes de Paris, en sa section Activités diverses, a débouté Madame [O] de toutes ses demandes.
Cette décision a été frappée d'appel par la salariée.
Pour plus ample exposé de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffier, reprises et complétées lors de l'audience des débats.
SUR QUOI, LA COUR
Sur la convention collective nationale applicable
Madame [O] soutient que la convention collective applicable est la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951. A l'audience, elle invite la cour à vérifier si cette convention a été étendue avant de la lui appliquer.
L'association AREPA conteste l'application de cette convention et invoque l'application de l'accord collectif SCIC - Société Centrale Immobilière de la Caisse des Dépôts - mentionnée sur les bulletins de paie de Madame [O] depuis 1998, Madame [O] ayant signé, le 22 juin 1998, un avenant à son contrat de travail précisant qu'elle était désormais rattachée à l'accord SCIC dont l'employeur indique qu'elle s'applique à l'ensemble du personnel des foyers logements.
Considérant que l'indication d'une convention collective sur le bulletin de paie n'interdit pas au salarié d'exiger l'application de la convention collective à laquelle l'employeur est assujetti compte tenu de son activité principale dès lors que celle-ci lui est plus favorable; que la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 a été étendue par arrêté du 27 février 1961 ; que le code APE : 8710A de l'association AREPA porte sur l'hébergement médicalisé pour personnes âgées ; que l'AREPA, association à but non lucratif régie par la loi du 1er juillet 1901, gère des résidences pour personnes âgées constituées de foyers logements composées d'appartements individuels au sein desquels les résidents mènent une vie autonome, ou encore de MAPAD (maisons de retraite médicalisées) ;
Considérant que Madame [O] est bien fondée à revendiquer à son profit l'application de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 ;
Sur l'absence d'information relative à la convention collective applicable
L'association AREPA ne conteste pas avoir méconnu son obligation d'information sur la période du 12 septembre 1994 au 22 juin 1998. Elle soutient cependant que l'article R. 2262-1 du code du travail, prévoyant qu'au moment de l'embauche l'employeur informe le salarié sur les textes conventionnels applicables, a été introduit dans le code du travail par une loi du 4 mai 2004, promulguée dix ans après l'embauche de Madame [O], de sorte que cette disposition ne lui serait pas applicable.
Madame [O] fait cependant valoir que l'obligation d'information sur la convention collective applicable en cause qu'elle invoque résulte du texte même de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif du 31 octobre 1951 à laquelle était soumise la relation de travail. Fondant sa demande sur le texte conventionnel, Madame [O] demande à la cour d'écarter le moyen de son employeur et d'indemniser son préjudice illégitimement contesté par l'association AREPA.
Considérant que l'article 04.03 de la convention collective applicable dispose que le contrat de travail doit comporter notamment la convention collective appliquée dans l'établissement ; que l'article 04.05.1 de cette convention rappelle que « l'employeur ou son représentant est tenu à l'information du salarié sur la convention collective, les accords d'entreprise qui existent, le cas échéant, le règlement intérieur affiché dans les conditions légales et réglementaires » ;
Considérant que l'association AREPA n'a pas respecté cette obligation avant juin 1998 ;
Considérant que l'absence d'information sur la convention collective applicable par l'employeur cause nécessairement un préjudice au salarié qu'il y a lieu de réparer en lui allouant la somme de 500 € qu'elle réclame ; que le jugement - qui a omis de statuer sur ce chef de demande - est infirmé ;
Sur la demande de dommages-intérêts pour violation de l'interdiction de conserver trace d'une sanction
Madame [O] sollicite l'application à son profit de l'article 05.03.2 de la convention collective nationale des établissements privés d'hospitalisation, de soins, de cure et de garde à but non lucratif aux termes duquel « Toute sanction encourue par un salarié et non suivie d'une autre dans un délai maximal de deux ans sera annulée : il n'en sera conservé aucune trace ».
Elle reproche à son employeur d'avoir fait état de l'avertissement daté du 27 avril 2005, qui lui qui lui a été notifié le 5 mai et qu'elle a contesté point par point dès le 27 mai 2005, alors qu'il n'a été suivi d'aucun autre avertissement. Elle estime avoir subi un préjudice du fait de cette violation, alors surtout que cet avertissement a été versé aux débats. Madame [O] sollicite en conséquence 2 000 € à titre de dommages-intérêts.
L'association AREPA s'oppose à cette demande, contestant l'application de la convention collective nationale alléguée et soutient que Madame [O] ne justifie d'aucun préjudice.
Considérant que l'utilisation par l'employeur d'une sanction en violation des dispositions conventionnelles applicables cause nécessairement un préjudice au salarié que la cour évalue en l'espèce à la somme de 800 € ;
Sur le licenciement de Madame [O]
Les motifs énoncés pour licencier Madame [O] sont mixtes. D'une part, le licenciement est de nature disciplinaire en ce qu'il prétend sanctionner des fautes, à savoir un abus de faiblesse de la salariée et un comportement inadapté. D'autre part, il est motivé par une insuffisance professionnelle caractérisée par une insubordination, ce qui ressortit de la mauvaise exécution contractuelle.
Considérant que l'employeur, à condition de respecter les règles applicables à chaque cause de licenciement, peut invoquer dans la lettre de licenciement des motifs différents de rupture inhérents à la personne du salarié, dès lors qu'ils procèdent de faits distincts ;
- L'insuffisance professionnelle
Il est reproché à Madame [O] un manque de propreté de la résidence, caractérisant un laisser-aller et de la négligence dans son travail. L'employeur verse aux débats des attestations établies par des résidents, faisant état de la saleté des parties communes et des studios (traces noires sur le sol, odeurs nauséabondes dans l'entrée et l'ascenseur du fait de serpillières mal rincées, etc.).
Madame [O] fait valoir qu'elle exerçait sa prestation de travail à la résidence LAMARINE, dans le [Localité 8], laquelle accueille 27 logements sur six étages, la résidence comprenant un ascenseur, un studio de 26 m², vingt F1 bis de 30 m², cinq F1 G.M de 32 m², un F1 de 42 m², une chambre d'accueil, un jardin d'agrément et un sous-sol.
Elle insiste sur le fait qu'elle ne travaillait qu'à temps partiel (97,5 heures de travail par mois), en contrepartie d'un salaire mensuel moyen brut de 921 € et qu'elle était l'unique agent de service employé sur le site. Madame [O] ajoute qu'elle s'est vu refuser par son employeur l'octroi d'un temps plein qu'elle avait sollicité pour faire face au surcroît de tâches qui lui était demandé, alors que l'association AREPA lui avait confié le passage de la monobrosse auparavant réalisé par une entreprise extérieure.
Considérant qu'aux termes de l'article L. 1232-6 du code du travail, l'employeur est tenu d'énoncer les motifs du licenciement dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige ; que les motifs invoqués doivent consister en des griefs matériellement vérifiables; que l'insuffisance professionnelle ne constitue une cause de licenciement qu'à condition d'être fondée sur des éléments objectifs la caractérisant ;
Considérant que Madame [O] soutient, sans être contredite, qu'après son licenciement, elle a été remplacée par une employée à temps plein, chargée d'exécuter les mêmes tâches que celles qui lui étaient dévolues ; que l'examen de sa fiche de poste et de ses plannings de travail permet de vérifier que, sur un temps de travail journalier de quatre heures et demie, Madame [O] était chargée de l'entretien des parties communes (nettoyage des buanderies, laveries, salons de coiffure, circulations, caves, local poubelles, ménage des studios, préparation et de l'animation des résidents, etc. ; qu'elle devait en outre participer au service de restauration ; qu'au surplus, la liste des tâches n'était pas exhaustive, mais 'évolutive' ; que la salariée devait consacrer deux heures chez les résidents, de sorte qu'il ne lui restait plus que deux heures et demie pour procéder à l'entretien des parties communes, ce temps ne lui permettant pas d'accomplir un travail de qualité ;
Considérant que les contraintes budgétaires auxquelles a cédé l'association AREPA suffisent à expliquer le caractère insatisfaisant de l'état de propreté de la résidence, Madame [O] ayant été investie d'une charge de travail excessive sans octroi du temps suffisant ni des moyens adéquats pour l'accomplir ;
Considérant que la preuve n'est pas rapportée de ce qu'un laisser-aller ou une négligence de Madame [O] dans son travail soit à l'origine de la situation dénoncée par l'association AREPA ; qu'il apparaît dans ces conditions, que le motif d'insuffisance professionnelle n'est pas établi ;
- L'insubordination
Il est encore reproché à Madame [O] d'avoir refusé, 'au cours des deux derniers mois', d'exécuter des tâches relevant de sa compétence au motif que ces tâches ne figuraient pas sur son planning de travail. Seul est explicitement invoqué dans la lettre de licenciement le fait que la salariée ait reporté à sa guise le moment d'exécution d'une prestation de travail, en l'occurrence le balayage du sous-sol de la résidence, à raison de ce que cette tâche ne figurait pas sur son planning du jour.
Considérant que Madame [O] invoque la prescription de ce grief dont l'employeur indique, dans la lettre de licenciement, qu'il est intervenu 'très récemment' ; qu'il n'est pas établi que plus de deux mois se soient écoulés entre ce report et la convocation à l'entretien préalable au licenciement ; qu'en toute hypothèse, Madame [O] conteste avec pertinence l'attitude d'insubordination qui lui est reprochée, faisant valoir que l'employeur ne justifie pas de l'urgence qu'il y avait de faire ce travail à première demande et que, s'agissant de l'entretien du sous-sol programmé une fois par semaine, le fait de reporter un travail dont il est constant qu'il a été effectivement exécuté, compte tenu de sa charge de travail, ne peut légitimer la sanction prononcée à l'encontre de l'unique agent de service de l'association AREPA ;
- Le comportement de Madame [O]
Madame [O] s'est encore vu reprocher un manque de retenue vis-à-vis des résidents en prenant des pauses durant ses heures de travail dans le salon destiné aux résidents, devant la télévision, les chaussures retirées et installée de manière négligée. Elle considère que le fait d'interdire au personnel d'entretien l'accès du salon destiné aux résidents constituerait un traitement inhumain et dégradant contraire à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et du citoyen. Elle estime n'avoir pas violé l'obligation faite au personnel d'adopter à l'égard des résidents un comportement empreint de discrétion et de respect.
Considérant que plusieurs attestations permettent de retenir la présence de Madame [O] à deux reprises dans le salon destiné aux résidentes, pour un moment de repos; que Madame [O] fait valoir la légitimité de son attitude au regard des conditions particulièrement difficiles de travail qui lui étaient faites sur le site de la résidence [7], alors que le personnel ne disposait d'aucun endroit, la résidence [7] ne comportant aucun aménagement destiné au repos des salariés, au mépris des dispositions de l'article 19.01 de la convention collective applicable, prévoyant que les salariés peuvent prendre leur repas dans l'établissement, dans les salles à manger prévues à cet effet et aménagées selon la réglementation en vigueur ;
Considérant que l'attitude inappropriée adoptée par Madame [O] à deux reprises ne pouvait justifier une sanction disproportionnée, alors surtout que l'employeur n'avait pas respecté ses obligations en offrant à ses salariés des espaces de repos et de restauration adaptés ;
- L'abus de faiblesse
Madame [O] conteste avoir commis un abus de faiblesse, n'ayant jamais cherché à tirer intentionnellement parti de la vulnérabilité d'une victime pour lui porter préjudice. Elle soutient par ailleurs que l'AREPA n'a pas suffisamment communiqué sur cette interdiction et souligne que son employeur aurait dû déjà attirer son attention lorsqu'une résidente lui avait offert quelques meubles en 2007, puis lui interdire de recevoir les meubles que Madame [U] envisageait de lui vendre, dès lors que la résidente avait informé la direction de son intention à cet égard, ce qui le rendait à tout le moins complice de l'indélicatesse commise.
Considérant que l'existence d'une transaction entre Madame [M] [U] et Madame [O] n'est pas contestée ;
Considérant que l'association AREPA ne justifie pas de l'affichage ni même de l'existence des notes internes par lesquelles elle aurait informé le personnel des résidences de l'interdiction d'engager des transactions de quelque nature de que ce soit avec les usagers, ni en tout cas permis à Madame [O] d'en prendre connaissance ; que l'employeur observe cependant avec justesse que nulle personne travaillant au service de personnes vulnérables ne peut ignorer cette exigence naturelle ;
Considérant que l'association AREPA reproche essentiellement à Madame [O] d'avoir 'pris les meubles' de Madame [U], de n'avoir pas refusé la proposition de la résidente et de n'avoir pas songé à 'l'orienter vers la direction de l'établissement qui lui aurait probablement proposé d'en parler à sa famille, et de se tourner vers des associations comme Emmaüs, la Croix Rouge, etc.' ;
Mais considérant qu'il est établi par les éléments du dossier et des débats que Madame [U] a donné congé de son studio à l'association pour le libérer à compter du 31 mars 2008 ; que le 29 mars 2008, elle a délivré une attestation à Madame [O], pour qu'elle puisse la présenter à la directrice ainsi qu'à la gardienne afin qu'elles la laissent sortir avec ce que Madame [U] avait laissé dans son studio à la suite de son déménagement;
Considérant que Madame [E] [Z], gardienne à la résidence AREPA, déclare : 'Madame [K] [O] m'a dit qu 'elle avait acheté des meubles à Mme [U] et qu'elle devait les récupérer dans le studio de la résidente. Je déclare également avoir eu Madame [U] au téléphone à ce sujet, parce que je laisse F. [O] prendre les clés pour entrer prendre les meubles' ; que ces éléments établissent que Madame [O] n'a pas cherché à cacher la transaction litigieuse ;
Considérant que, de son côté, Madame [U] indique, dans une attestation : 'J'ai également signalé à Mme la Directrice que je m'étais arrangée avec [K] pour qu'elle vienne prendre ce qu'elle voulait et nettoyer. Ces détails de nos arrangements me regardent, il me semble' ;
Considérant que l'employeur ne conteste pas que Madame [O] n'ait pu prendre les meubles qu'elle avait négociés ;
Considérant que si Madame [O] a commis une faute, fût-ce de manière non intentionnelle, en acceptant de négocier avec une résidente de l'établissement au sein duquel elle travaillait, peu important que celle-ci fût en pleine possession de ses facultés intellectuelles, cette faute ne justifiait pas la perte de l'emploi pour une salariée de cette ancienneté, alors que l'employeur a manqué à son obligation de loyauté à l'égard de son agent de service en n'éclairant pas sa décision et en ne mettant pas en garde Madame [O] sur le fait que toute transaction de cet ordre était interdite et en l'invitant à renoncer à l'offre qui lui avait été faîte par Madame [U], alors pourtant qu'il avait été informé de l'arrangement et mis au courant de l'autorisation donnée à Madame [O] d'emporter les meubles après son déménagement ;
Considérant que l'association AREPA ne saurait invoquer le précédent de 2007 ; qu'en raison del'organisation des résidences, la cour ne peut admettre qu'elle n'ait découvert qu'un an après, lors de la mise à pied conservatoire de Madame [O], qu'une autre résidente, en la personne de Madame [C] [D], avait écrit le 29 août 2007 : 'tout ce qui meuble et se trouve dans le studio 33 au 3e étage de la résidence AREPA [7] appartient à Mme [T] [K] demeurant [Adresse 1]' ;
Considérant qu'il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a admis l'existence d'une cause réelle et sérieuse de licenciement ;
Considérant que, privé de cause réelle et sérieuse, le licenciement de Madame [O] lui ouvre droit au paiement des indemnités de rupture dont le montant n'est pas subsidiairement contesté, du salaire de la période de mise à pied injustifiée, ainsi qu'à une indemnité sur le fondement de l'article L. 1235-3 du code du travail en réparation du préjudice subi par la salariée ;
Considérant qu'à la date du licenciement, Madame [O] percevait une rémunération mensuelle brute moyenne de 921 €, qu'elle bénéficiait d'une ancienneté de treize ans au sein de l'association AREPA et était âgée de quarante-sept ans au moment du licenciement, ce qui rendait plus difficile son retour à l'emploi, dans un secteur entraînant des contraintes physiques particulières ; qu'il convient d'évaluer à 6 000 € le montant de l'indemnité qu'il y a lieu de lui allouer au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse, par application de l'article L.1235-3 du code du travail ;
Sur le préjudice pour privation du droit individuel à la formation
La lettre de licenciement notifiée à Madame [O] ne porte aucune mention relative au nombre d'heures de formation acquises par le demandeur au titre du droit individuel à la formation.
L'association AREPA conteste néanmoins la demande d'indemnisation présentée par Madame [O] en rappelant qu'elle a licencié sa salariée pour faute grave le 22 avril 2008, soit antérieurement à l'entrée en vigueur de la loi du 24 novembre 2009 qui a notamment permis aux salariés licenciés pour faute grave de conserver leur droit au DIF.
Considérant qu'aux termes des articles L. 6323-17 et L. 6323-18 du code du travail dans leurs dispositions antérieures à l'entrée en vigueur de la loi du 24 novembre 2009 et applicables à la date du licenciement, la société n'était pas redevable, en cas de faute grave, de la somme correspondant au solde du montant des heures acquises au titre du droit individuel à la formation ; que le licenciement pour faute grave n'étant cependant pas justifié, Madame [O], licenciée avant l'entrée en vigueur de la loi 2009-1437 du 24 novembre 2009, a perdu une chance de bénéficier de son droit à la formation pendant le temps du préavis ; qu'elle a subi
en conséquence un préjudice qui sera indemnisé par l'allocation d'une indemnité de 400 euros, le jugement du conseil de prud'hommes étant infirmé de ce chef ;
Sur l'application de la loi sur l'aide juridique
Considérant que Madame [O], qui bénéficie de l'aide juridictionnelle, réclame une allocation de procédure sur le fondement de l'article'37 de la loi'n°'91-647 du 10'juillet'1991 relative à l'aide juridique ;
Considérant que la référence à l'article'37 de la loi'n°'91-647 du 10'juillet'1991 est inexacte; qu'en effet, ce texte vise la demande formulée par l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle et non par le bénéficiaire lui-même ; qu'en application de l'article'12 du code de procédure civile, il convient de rétablir l'exact fondement juridique de cette demande qui est l'article'75 de la loi'n°'91-647 du 10'juillet'1991 ;
Considérant que les conditions d'application de cet article sont réunies en cause d'appel ; qu'il est fait droit à la demande dans les termes du dispositif ci-après;
PAR CES MOTIFS
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions':
STATUANT À NOUVEAU,
CONDAMNE l'association AREPA à payer à Madame [K] [O] :
- 500 € à titre de dommages-intérêts pour absence d'information relative à la convention collective applicable,
- 6 000 € à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- 1 916 € à titre d'indemnité compensatrice de préavis,
- 191 € au titre des congés payés afférents,
- 6 227 € à titre d'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 255 € à titre de rappel de salaire pendant la période la mise à pied conservatoire,
- 25 € au titre des congés payés afférents,
- 800 € à titre de dommages-intérêts pour violation de l'interdiction de conserver trace d'une sanction,
- 400 € au titre de la perte de chance de bénéficier de son droit individuel à la formation ;
DÉBOUTE Madame [O] du surplus de ses demandes ;
CONDAMNE l'association AREPA à payer à Madame [O] la somme de 500 € sur le fondement de l'article'75 de la loi n°'91-647 du 10'juillet'1991 relative à l'aide juridique';
CONDAMNE l'association AREPA aux dépens de première instance et d'appel.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE